No one's here to sleep + ft. profs & membres du personnel

Bien des choses s'étaient passées depuis son arrivé et, malgré tous leurs efforts, cette ambiance lourde et monotone se sentait à travers les murs du château. Salem n'était pas vraiment enjoué à l'idée de ce rassemblement entre personnels. Il faut dire que de bases, il ne vient pas aux repas de la Grande Salle pour quelques incommodités à l'idée d'être avec d'autres personnes. Alors, même si le comité était un peu moins nombreux qu'une salle remplie d'élèves gourmands et bruyants, il n'en restait pas moins que le corps enseignants ainsi que les employés demeuraient suffisamment nombreux pour donner de l'urticaire à Salem. Mais, cela serait aussi cracher sur le travail et le mal que c'était donner Zirwya pour rassembler tout le monde. Et c'est cette idée qui avait motivé Salem à se rendre à ce petit repas entre adulte responsable. Bien qu'en voyant la mentalité de certains, ''responsable'' était un qualificatif à remettre en doute. Il s'était habillé d'une de ses robes de sorciers. Si certains étaient accrocs à l'alcool et la drogue, Salem devait ressembler pour eux à une bonne femme pour être aussi pointilleux sur la tenue et le choix vestimentaire. Rassurez-vous, il n'a pas un million de paire de chaussures dans ses placards. Ni un drogué de la mode. Bien au contraire, il avait horreur de ça. Seulement, disons qu'il aime avoir le choix.
Il n'avait plus rien à régler avant de se rendre à la soirée. Les copies avaient été corrigé -non sans mal et avec difficulté à se concentrer dessus-, tout était rangé dans ses appartements et il n'avait pas eu besoin de descendre à Pré-au-lard pour ramener quelques soûlards à l'école. En toute honnêteté ? Ça allait être la première fois qu'il verra les membres du personnel au grand complet. Non sans grimacer un peu à l'idée de voir Zephÿr et Ludwig dans la même pièce d'ailleurs. Tout comme le fait que l'autre géant fanatique des chats allait être ici et peut-être Hippolyte s'il n'est pas resté coincé dans un entraînement de l'Enfer. Soupir, il avait subitement quelques réticences à y aller d'un coup. Ne serait-ce que pour ne pas avoir à faire le gendarme. Quand il songeait à revoir le sens du mot Responsable tout à l'heure, ce n'était pas des craques.

Pourtant, l'ironie de la situations a voulu qu'il soit arrivé dix minutes en avance. Chose qu'il ne comprendrait jamais d'ailleurs. Salem était pointilleux sur l'heure. Tellement que ça n'en était même plus étonnant qu'il arrive en avance par crainte d'être en retard. C'était tout un calcul mathématique qui s'opérait dans son esprit quand il devait aller quelques parts. Et là, en l'occurence, il s'était pointé à 19h20 au lieu de 19h30. Quelle excuse bidon allait-il trouver cette fois-ci pour expliquer cette avance ? Quelque chose du genre sa montre avance par exemple. Et une autre question s'opère : est-ce qu'il allait réussir à décrocher un sourire ce soir ? Hum, c'était très mal partit. Même si la politesse de Zirwya lui avait arraché une bref esquisse, il n'en restait pas moins sérieux. « Bonsoir Zirwya » fit-il d'un air distrait, regardant la décoration autour de lui. Et là, ses pulsions de chat veulent qu'il sorte ses griffes pour tout bousiller. Non-non, pas maintenant, pas tout de suite. Il pourra toujours négocier avec l'organisatrice quand elle n'en aurait plus l'utilité, n'est-ce pas ? Suivant l'invitation de celle-ci d'ailleurs, il ne s'était pas assis pour autant. Après tout, ça ne faisait pas très polie de s'asseoir alors que l'autre était debout, non ? « Merci » fit-il à propos de la coupe de champagne. Bon, seulement celle-là ..., il y avait de l'eau prévu à la soirée ? Parce que connaissant Salem, il ne va pas tenir longtemps si cela débute ainsi. « Oui, mon horloge avance un peu, ça me permet de ne pas être en retard. Vous avez passé la journée à tout préparer ? Je félicite votre courage. ». Ne ménageant pas sa surprise, il tentait de débuter la conversation pour que le silence ne règne pas jusqu'à l'arriver des autres.

Il avait reçu un hibou ce matin et l'avait réceptionné avec un sentiment mitigé. Il était à la fois ravi de se retrouver loin de la pression de la Grande Salle, dans un petit comité avec les collègues qu'il appréciait, mais il n'aurait pas le plaisir de regarder du coin de l'oeil sa belle Serdaigle pendant le banquet et devrait sans doute supporter la confrontation avec certains professeurs qu'il aurait préféré éviter. Il mit quelques temps avant de prendre une décision et finalement opta pour s'y rendre. Profitant d'un moment de calme dans la matinée, il envoya un hibou au concierge, nouvel ami de l'alchimiste depuis une certaine soirée qu'Heathcliff gardait douloureusement en mémoire comme l'un des épisodes les plus humiliants de son existence, pour l'inviter à y aller ensemble. Une fois la réponse reçue, il laissa dérouler sa journée dans sa morosité routinière en attendant le soir avec une certaine excitation. Le fait d'avoir un compagnon pour venir avec lui apaisait quelque peu son angoisse. Ils s'étaient donnés rendez-vous à côté de son appartement pour dix neuf heure quinze, le temps d'échanger quelques banalités avant de descendre ensemble à la salle des professeurs.

Heathcliff avait pris un bain délassant pour se détendre et soigner son image du soir. Il avait repoussé ses cheveux en arrière avec une sorte de gel magique qui les faisaient tenir ainsi. Il avait travaillé la pâleur de son teint comme d'ordinaire, souligné ses pupilles asymétriques avec un trait de khôl noir épais et dessiné sa bouche d'un rouge à lèvre pourpre. Celui que Valentine préférait. Il eut un sourire un peu niais devant son miroir en contemplant son reflet. Il avait glissé à ses doigts plusieurs bagues à la taille aussi disproportionnée que son propriétaire et avait soigné particulièrement sa tenue. Contrairement à son traditionnel pantalon de cuir, il avait opté pour un pantalon de costume noir à fines rayures blanches qu'il portait avec une paire de chaussures en python mordorées, moins imposantes que ses habituelles cuissardes. Enfin, une chemise blanche, un foulard en soie noué autour du coup et une veste de costume cintrée assortie. Ainsi, il avait l'air particulièrement élégant et moins effrayant que d'ordinaire, ce qui ne lui déplut pas tant que cela. Satisfait, il finit par sortir de son appartement sans oublier sa précieuse baguette qu'il porte à l'étui de sa ceinture à la boucle d'argent incrusté des émeraudes de Serpentard.

Sans surprise, Johannes l'attendait déjà, sa magnifique chevelure en folie flottant autour de lui avec une volonté propre. Heathcliff le salue d'une bise à la française qui le crispe mais fait beaucoup rire le géant qui voit plusieurs détails de la fameuse soirée lui revenir en mémoire. Le concierge avait été d'une patience surréaliste, quand il y repensait, et l'alchimiste lui en était profondément reconnaissant. Ils prirent ensemble le chemin vers la salle des professeurs en bavardant. Heathcliff n'avait pas revu de près Salem Engelmann, l'autre témoin de sa décrépitude qui datait d'un mois pile. Il redoutait un peu de lui reparler, n'ayant croisé que quelques regards fulminants qu'il déposait parfois sur lui dans un couloir. Il y avait évidemment Ophélia qu'il craignait toujours de retrouver, surtout si elle pouvait être amenée à se rapprocher physiquement de lui. Et si le public présent l'empêcherait sans doute de pousser son petit manège trop loin, elle avait un don pour réussir à le mettre mal à l'aise et à lui faire perdre ses moyens, le plus discrètement possible. Il y aurait sans doute Sarah qu'il était ravi de voir dans un contexte moins pesant que la préparation de leur club de potion et alchimie, James qu'il espérait parvenir à reprendre le cours normal de son existence après son deuil effroyable. Il pensa amusé à de Vandekeybus et à leur dernière rencontre particulièrement épique autour d'un épouvantard récalcitrant.

Entre la conversation avec Johannes et ses propres pensées, ils arrivèrent à la petite réception pile à l'heure mais plus vite qu'Heathcliff eut l'impression de dévaler les étages. Cette fois, c'était bien sur lui qui guidait son collègue qui avait eu bien des déboires avec son sens de l'orientation le mois dernier. La porte de la salle des professeurs s'ouvrit magiquement et il n'y avait pour l'heure que Zirwaya et Salem qui dégustaient déjà une coupe de Champagne. La médicomage portait une magnifique robe en satin qui mettait sa peau chocolat en valeur, et le professeur de défense une robe de sorcier très seyante. La différence de taille entre les deux hommes étaient risibles quand il arriva à leur hauteur pour les saluer. Comme à son habitude, il déposa ses lèvres épaisses chargées de pigments sur la joue de Zirwaya puis de Salem sans lui laisser le temps d'esquiver. Il agita le poignet pour faire venir à eux deux coupes de champagne, offrant l'une à Johannes et lève sa flûte dans un geste conviviale avant de tremper ses lèvres, laissant une marque de bouche sur le cristal.

"Et bien et bien, la salle est sublime Zirwaya. Vous avez fait un travail remarquable. Je suis enchanté de votre initiative. Ne vous en faites pas, Engelmann, Joh, ce n'est que du champagne. J'ai déjà promis à notre bien aimé concierge que je ne m'approcherais pas du gin."

Il rigole en jurant une main sur le coeur alors qu'il vide d'une traite la première coupe et se rue vers le buffet où plusieurs amuse-bouche délectables viennent d'apparaître.

Zephÿr ne pensait plus normalement.

Pourtant, oui, il pensait. Il pensait beaucoup trop, de façon abstraite, de façon étrange. Il pensait à quelqu’un, comme tous les jours, comme toutes les semaines. Elle l’obnubilait. Il pensait à elle, ces derniers temps. Beaucoup. Il se sentait comme un véritable psychopathe, comme un fou. La jeune femme avait pris possession de ses sens, de ses pensées depuis la veille de la rentrée scolaire, en Septembre. Dès lors, il avait ressenti tellement de choses pour elle. Elle était devenue son obsession, et il savait que c’était un problème. Le métamorphomage se rendait compte des choses mais ne luttait plus. Cela l'amusait, et il prenait un malin plaisir à enrichir ses pulsions obsessionnelles. Peut-être ne se rendait-il compte que du quart des choses.

Ce matin de mars, il s'était levé un peu plus tard que d'habitude. Zephÿr n'avait jamais été du matin alors, quand il en avait l'occasion, il se levait vers neuf heures trente, dix heures. A peine réveillé, son hibou était venu taper contre sa vitre avec force, ce qui agaça très vite le garde-chasse, mal réveillé. Il avait ouvert la fenêtre, lançant quelques friandises tout en attrapant la lettre dans les pattes de l'oiseau, puis l'avait aussitôt refermée, frissonnant. Le froid, dès le matin, c'était loin d'être agréable. Avec des gestes lents, le métamorphomage ouvrit la lettre. Ses cheveux tournèrent vers un mélange violacé lorsqu'il vit que c'était une lettre de Zirwya. Cela n'arrangeait pas ses pensées envers elle, elles s'intensifiaient encore, comme une maladie qui se développe, lentement mais sûrement. Il avait envie de sourire, mais chaque partie de son visage est douloureuse. La veille, on l'avait salement amoché alors qu'il travaillait, et il en gardait un très mauvais souvenir. D'ailleurs, les divers bleus sur son visage étaient les preuves de cet incident, ou agression. Il ne savait pas vraiment par quel adjectif il devait qualifier ce qu'il s'était passé. Il tentait de ne pas gémir en marchant, boitant. Il se sentait pathétique. Un peu groggy aussi.

Zirwya l'invitait à un dîner, avec d'autres professeurs et membres du personnel. Le garde-chasse fit la grimace. Il était dans un piteux état. Était-ce convenable de se présenter ainsi, aux yeux de tous ? Peut-être pas. Pourtant, Zephÿr voulait revoir la jeune femme, encore. Il l'avait guettée dans le château, récemment, mais n'avait pas été la voir personnellement. Il savait qu'en allant à cette soirée, il serait compliqué de lui parler, seuls. Soupirant, il se dirigea vers la salle de bain et contempla l'état aggravé de son visage déformé par les coups. Ce n'était pas beau à voir. Il avait tenté de se soigner seul, ne voulant pas aller à l'infirmerie, ne voulant pas qu'il la voit dans cet état. Néanmoins, il allait aller à ce dîner, dans cet état là. Ce n'était pas une bonne idée, et il le savait.

Habillé simplement d'une chemise noire, assortie à son pantalon et ses chaussures, il enfila son trench-coat habituel et fila dehors à dix neuf heures trente pétantes. Il était en retard. Discrètement, il alluma une cigarette. C'était rare que Zephÿr fume, mais cela lui arrivait de temps en temps. Il tentait de marcher vite, voulant échapper au froid qui commençait à le faire frissonner. Il entra dans le château, cigarette dans la bouche. Le métamorphomage, dont les cheveux avaient viré au rouge/rose pâle dû au stress, se dirigeait vers la salle des professeurs. Il ignorait qui il allait voir à ce dîner, et appréhendait, pour des raisons qui semblaient être évidentes. Arrivé devant la salle, il entra.

Il y avait déjà quelques professeurs. Il reconnu Salem, et lui jeta un simple regard. Le garde-chasse scrutait la salle, et fronça les sourcils lorsqu'il aperçu Ludwig. Il regrettait sa présence, mais son regard se détourna rapidement. Il détestait se montrer avec son visage déformé, qu'il considérait comme un signe de faiblesse. Mais, après tout, personne ne savait ce qu'il s'était passé. Zirwya était rayonnante, superbe. Il tentait de lui faire un sourire, mais c'était un peu compliqué pour lui. Alors, il s'approcha, cigarette à la main, regardant ceux présents autour d'elle, tout en les ignorant. « Zir ! Tu es superbe. Merci pour l'invitation. J'apprécie beaucoup. Et promis, pas de verre de trop ! » Les traits tirés, il tentait de paraître normal, blagueur, sourire forcé. Impassible. En vérité, son corps tout entier était douloureux et cela l'énervait. Soudainement, Zephÿr s'assit sur un banc, se laissant tomber de tout son poids. Il aurait peut-être fallu qu'il passe à l'infirmerie, hier. Peut-être. Il jeta un regard aux autres invités et soupira. Il était loin de faire bonne figure. Le métamorphomage écrasa sa cigarette au sol puis la jeta dans une corbeille, pas loin. La soirée allait être longue.

Passant une dernière fois une main dans ses boucles qu'il ne parvient pas -et tente à peine- à dompter, Johannes se sent nerveux. Il ne sait pas pourquoi. Rien, absolument rien, dans la soirée à venir n'a de raisons de le mettre dans cet état-là. Il commence à connaître certains de ses collègues, certains mieux que d'autres et, de manière globale, les choses se passent assez bien. En tout cas, après le peu de temps qu'il a passé ici en tant que concierge. Peut-être est-ce le côté intimiste de la chose, ou le fait qu'il se retrouve non plus concierge au milieu de cette foule composée de toute la population de l'école mais bien concierge au milieu de professeurs et quelques, juste quelques, membres du personnel qui ne le sont pas plus que lui. Il secoue la tête, tentant de sortir toute idée idiote de sa tête, redressant pour la énième fois sa cravate. Est-ce de trop ? Est-ce qu'il devrait décompresser un peu, jouer la carte de la détente et laisser tomber ce qui va surement bientôt lui donner la sensation d'étouffer ? Alors qu'il jette un œil vers sa montre, il n'a plus le temps d'y penser, glissant sa baguette dans sa poche avant de quitter ses appartements pour se diriger vers ceux d'Heathcliff devant lesquels les deux hommes se sont donné rendez-vous. Tout va bien se passer. N'est-ce pas ?

Leur discussion sur le chemin n'aide que peu le nœud dans son ventre mais lorsqu'ils passent la porte, le regard de l'Allemand n'y croise que celui de Salem et de leur infirmière, Miss Izlechen. Alors qu'il les salue, Johan se dit qu'il a encore un peu de temps pour se calmer, acceptant sans un mot, avec à peine un sourire, la coupe que lui tend le professeur d'Alchimie. Il y porte ses lèvres quasiment automatiquement, acquiesçant rapidement pour signifier son accord aux propos d'Heathcliff quant au travail fourni par l'infirmière pour la soirée. Et doucement, alors qu'il écoute les débuts de conversation, ses muscles se dénouent. Tout va bien se passer.

Puis le professeur Charlebois dont il a entendu parler par Salem entre à son tour, d'une amabilité à toute épreuve. Et son frère. Bon sang, son frère. A l'instant même où il rentre dans la pièce, Johannes ne peut s'empêcher de le dévisager, l'un de ses mains se portant à hauteur de côtes, la cicatrice toujours rouge sous sa chemise. Il ne peut pas non plus s'empêcher d'observer sa manière de marcher, ou plutôt de se traîner péniblement. De détailler les hématomes qui couvrent son visage, d'une manière qui doit certainement rendre douloureuse chacune de ses expressions faciales. Et au fond, tout au fond, enfoui sous un tas d'émotions conflictuelles, l'Allemand sent en lui une certaine inquiétude. Mais il se contente de le fixer, ne lâchant Zephÿr du regard que lorsque Sarah et James arrivent à leur tour, les saluant. Et alors qu'il suit encore son frère des yeux, il se fait violence pour garder une remarque qui n'a aucun autre but que d'être blessante. Parce qu'il n'arrive pas à se remettre de leur dernière rencontre. Parce qu'à chaque fois qu'il se retrouve face à lui, ses émotions se perdent et se mélangent et que son instinct face à son cadet est de blesser avant de l'être lui même.

Heathcliff abandonne sans trop de scrupule Johanes et Engelmann au profit du buffet. Il ne faut quelques minutes pour que les autres collègues se mettent à arriver. D'abord Charlebois qui lui lance un regard moribond auquel l'alchimiste répond d'un haussement aristocratique du sourcil avant d'enfourner un petit four dans son énorme bouche en savourant la douceur au saumon d'écosse et à l'aneth. Il croise aussi le garde-chasse qui a l'air salement amoché, un oeil d'une couleur entre le violet et l'anthracite avec quelques nuances de jaunes, ainsi qu'une mâchoire tuméfiée. Il lui fait un petit sourire contrit avant de capter le parfum familier d'Ophélia qui passe toute proche de lui sans lui décrocher un mot, allant à la rencontre du professeur de vol. Bien soulagé de ne pas subir les attaques de la mante religieuse dans son corset, il ne peut néanmoins retenir la pointe de jalousie qu'il ressent en la voyant ainsi minauder vers l'ex-mannequin. Qu'à cela ne tienne, il se venge sur un canapé foie-gras fruit de la passion qu'il dévore avec bon appétit. Il n'a guère décollé du buffet quand la salle des professeurs se remplit davantage et qu'il voit fondre chacun de ses collègues vers la médicomage organisatrice de la soirée.

Il capte ainsi le regard de la douce Sarah qui s'est mis très en beauté ce soir, troquant ses éternelles robes de potioniste et son chignon regroupé au dessus de sa tête pour une tenue élégante, féminine et ses cheveux lâchés. Elle le salue de la main et il lui fait de même un signe avec un grand sourire en voyant qu'elle viendrait surement le voir par après. Elle était venue avec James dont la morosité était palpable derrière un sourire de façade et une expression neutre. Il n'avait pris ni la peine ni le soin de s'apprêter et sa seule présence tenait surement du miracle, quand on connaissait le contexte. Avec joie, Heathcliff le vit venir à sa rencontre et lui offrir une coupe de champagne en s'accoudant à son tour au buffet. L'alchimiste trinque de bon coeur avec son collègue et ami d'un soir, échangeant un regard de connivences autant que de confiance en lui proposant une vérine chèvre tomate basilic.

"Tu tiens le coup ? Je veux dire, tu as une sale tête. J'imagine que c'est loin d'aller mieux pour toi. Tu sais que mes appartements te sont ouverts si tu en as besoin. Goûte-moi donc ça, et ceux au foie gras aussi, et au saumon. Ils sont délicieux !"

Zephÿr était un peu perdu. Le regard las, dans ses pensées.

Finalement, il regrettait d'être venu, même pour tous les sentiments qu'il éprouvait pour Zirwya. Ce coup de foudre obsessionnel. Se montrer dans cet état était définitivement une mauvaise idée, mais c'était désormais un peu tard pour retourner en arrière. Il avait fait ce choix, il se devait donc de l'assumer, pleinement. Assis à l'écart de tous, le garde-chasse sentait des regards vers lui, mais les ignora avec une facilité déconcertante. La tête baissée, les cheveux aussi noirs que l'ébène, il était loin de se sentir en forme, que ce soit mentalement ou physiquement. Vide. Déprimé. Abattu. La raclée qu'il s'était littéralement pris la veille l'a complètement mis à plat, plus bas que terre. De ce fait, il ressassait ses choix passés, ces choix qui dataient de quelques années. Des choix qu'il ne pensait pas regretter un jour. Encore une fois, c'était bien trop tard maintenant. Il a sûrement mérité de goûter ainsi à la douleur, à la douleur dont il avait été témoin quelques années plus tôt. Lui, si fier, si robuste, se retrouvait au plus bas. La présence de Ludwig n'arrangeait rien. Leur dernière rencontre avait été mouvementée, très mouvementée. Méconnaissable, Zephÿr se demandait déjà si il n'allait pas partir bientôt, très bientôt. Peut-être ne resterait-il même pas pour dîner, s'excusant de son état et prétextant aller se reposer. Il n'était pas apte à la conversation. Ou alors, peut-être irait-il faillir à la promesse qu'il avait tout juste fait à Zirwya et boire plus qu'il ne le fallait, afin de voir si la douleur passerait ainsi. Obnubilé par ses pensées, massant ses mains, Zephÿr ne vit pas tout de suite que la jeune femme avait invité tout le monde à s'installer à table. Il était avachi, sur un banc un peu plus loin. Lorsqu'elle vint le voir, le métamorphomage lui lança un regard étonné, ne s'y attendant pas, mais sa présence près de lui était agréable. Son parfum frais lui chatouillait les narines. Elle le fixa un bon moment, détaillant visiblement les différentes blessures qui ornaient son visage. « Qu’est-ce que c’est que ça ? Tu aurais dû venir me voir tout de suite, j’aurai arrangé ça en clin d’œil… » Zephÿr esquisse un sourire gêné. Il ne pouvait pas lui répondre, pas lui raconter. C'était trop long, trop dur à comprendre. Puis, il ne pouvait pas être sincère avec elle, alors qu'il aurait aimé. Alors, il ne dit rien et contemple ses yeux. Elle semblait être inquiète, Zirwya. Il aurait presque fait la moue quand elle changea de sujet et l'invita à rejoindre tout le monde à table. Elle s'en alla et le garde-chasse resta un bon moment assis, à hésiter.

Il décida de se lever, péniblement, grimaçant. Le métamorphomage se dirigea vers la table, scrutant chaque personne autour de lui. Puis, il fixa Ludwig pendant un long moment, d'un regard froid. Zephÿr changea de direction en apercevant quelques coupes de champagne. Il fila en prendre une, et la termina d'une traite, lançant des regards vers Zirwya, espérant qu'elle ne le regardait pas. Tandis que l'alcool brûlait sa gorge, il se dirigea de nouveau vers la table et pris place au bout de celle-ci, loin de tous. Zephÿr avait pris soin de prendre une seconde coupe de champagne avec lui. Il savait que c'était un très mauvais choix, mais tant pis. Il avala plus de la moitié du verre, soudainement. Il faisait un très mauvais choix.

Johan est bien vite abandonné par Heathcliff, celui-ci allant discuter avec James, laissant l'Allemand non loin du buffet à observer ses collègues. Il sait qu'il ne devrait pas, que fixer les gens ne se fait pas, mais il ne peut pas s'en empêcher. C'est soit ça, soit fixer son frère, ce dont il n'a que très peu envie. Son état fait peur à voir et il n'a aucune idée de comment il va réagir s'il ouvre la bouche, autant dire qu'afin d'éviter le moindre désastre en public, il vaut mieux éviter toute discussion. Alors ses yeux passent sur la professeur de Musique, Miss Deslunes, qui se tient bien droite aux côtés de leur professeur de Vol. Il écoute vaguement la conversation de James et Heathcliff, accompagnés de Sarah. Il croise le regard de Salem, lui fait un bref signe de tête. Cette peur qu'il avait de se sentir de trop, « hors du groupe » le gagne de nouveau, lui serrant un peu la gorge. Il tente de chasser cette impression en finissant son champagne, sans aucun succès.

Quand Miss Izlechen les invite à passer à table, il vient à peine de récupérer une seconde coupe de champagne, la portant à ses lèvres tandis que les professeurs se dirigent vers les différents sièges. Aucune place ne semble être attribuée et le concierge prend un instant pour observer les placements avant de s'avancer à son tour, hésitant. Quand il lâche un instant la table des yeux, c'est pour croiser le regard glacial de Zephÿr qui le pousse à serrer les mâchoires. Johan s'arrête complètement de marcher quand il observe le comportement de son frère, chaque action immédiatement enregistrée dans sa mémoire. S'il ne doit pas en être à plus de deux flutes, Johannes n'a tout de même pas franchement envie de découvrir l'état dans lequel il sera s'il boit davantage. Il espère qu'il aura suffisamment de contrôle pour faire attention à ce qu'il fait quand il est entouré d'autant de personnes, parce qu'il doute avoir l'envie de jouer à la baby-sitter ce soir, surtout avec lui. Le garde-chasse prend finalement place à table, poussant son aîné à s'asseoir à l'opposé total, non pas en bout de table car il ferait face à son cadet, mais sur l'un des côtés, entre quelques professeurs. Il reste silencieux, jouant quelques instants avec ses couverts. Il a presque l'impression d'être un enfant entouré d'adultes.

Une invitation à un repas entre professeurs et membres du personnel. Tout le staff de Poudlard était convié à ce fameux souper et j'avais passé la journée entière à chercher comment y échapper. Je voudrais trouver une excuse qui ne fasse pas croire que je suis une parfaite associable qui ne veut pas partager son temps avec les autres. J'ai beau me creuser les méninges j'en suis tout bonnement incapable et je suis bien contrainte de me rendre à l’évidence que je ne vais pouvoir fuir. Pendant un instant, j'ai signé à prétendre que j'avais des obligations qui m'entraînaient loin de Poudlard mais force m'a été de me résigner que ce ne serait pas très correct. Puis l'intention est louable et contre cela, je ne peux me résoudre à lutter. Nous travaillons tous ensemble pour instruire toute une génération mais nos rapports entre nous sont assez faibles et je crois en effet qu'il est temps de rétablir tout cela. Nous pourrons sûrement nous rapprocher et tisser des liens plus personnels. Nous partagions l'essentiel de notre quotidien et il était primordial de pouvoir être proches les uns les autres pour pouvoir se soutenir. Nous n'avions que nous pour l'essentiel du temps donc autant en profiter. Puis surtout en une soirée, il y a peu de chance que les choses puissent mal aller. Tout irait bien, il suffisait de jouer un rôle pendant quelques heures et de ne pas se trahir. Je crois que par moment, je regrette d'être animée par une conscience et de ne pas savoir déroger à certains principes pour m'épargner moi-même. Avoir été sans scrupules, j'aurais décliné et c'est tout mais là je crois que ma conscience m'aurait torturée pour mon ''impolitesse''. Maintenant que la décision était prise, il ne reste donc qu'à l'assumer.

Je m'en veux de prendre autour de temps pour me préparer. J'aurais pu passer la première tenue qui me tombe sous la main et tant pis si ce n'était pas la plus seyante du monde. J'aurais pu moins m'appliquer mais j'avais fouillé pour trouver la tenue qui me donnerait suffisamment confiance en moi pour affronter les regards. Pas trop voyante, j'avais opté pour une jupe noire un peu évasée et un haut bleu poudre qui ferait ressortir mes yeux. Des talons hauts noirs, assez sobres. Je m'étais aussi maquillée pour dessiner mon regard et une touche de rouge à lèvres qui rendait mon visage plus lumineux alors que mes cheveux lissés venaient encadrer. Je me sentais plus sûre de moi, de ma féminité. Passer une soirée complète avec les deux frères Rosenberg dans la même pièce promettait d'avoir quelque chose d'épique, surtout pour l'état de mes nerfs après. J'ai craqué et pris un peu de courage liquide avant de finalement rejoindre tout ce beau monde. Avant toute chose, je m'avance vers notre hôtesse de ce soir pour la remercier.

« Bonsoir Zirwya. Je te remercie pour l'invitation. C'est une très belle initiative. Tu es radieuse et la pièce resplendit, je te félicite pour tout ce que tu as fait. »

Je m'éclipse rapidement légèrement mal à l'aise d'être entourée de tant de personnes. Je cherche un visage connu pour me rassurer et m'éviter de céder à une tentation bien trop forte. Je me dirige pour saluer Sarah et James mais sans m'attarder, ils sont venus ici ensemble et je ne veux pas bouleverser cela. Mon regard détaille chaque convive avec attention alors que les deux premiers étaient sans doute mes plus proches amis ici. Finalement, contempler ma coupe semble le plus passionnant et m'évite de le détailler lui alors que je pressentais que ce repas serait très long. Je relève la tête vidant ma deuxième coupe aux mots de Sarah sur le fait de mourir de faim. J'avoue qu'un peu de nourriture ne sera pas de refus. J'hésite sur la place à privilégier. Zephyr d'un côté et Johannes de l'autre, je me sens prise au piège moi petite souris encerclée. Silencieusement, je prends place à table savourant le goût du champagne dans mon palais essayant de ne regarder ni à gauche, ni à droite. Je retiens un peu mon souffle en permanence priant pour qu'une bonne âme me rejoigne mais je finis par interpeller une autre convive l'invitant à s'asseoir à mes côtés.

« Ophélia, me ferez-vous l'honneur de discuter un peu avec moi? On se croise sans vraiment jamais prendre la peine, je pense que c'est le bon moment pour... se reprendre. »

Comment dire, comment faire, que dire, que faire, que devenir. J'ai un mal de tête intense après cette journée de fou. J'ai du mal ces derniers temps à bien vivre la tension. Beaucoup de mal même. Et je ne sais pas ce qui se passe dans les couloirs de l'école mais il y a une énergie, une animosité et une fébrilité palpable qui rends les adolescents trop frivole, trop agités. Je me fiche qu'on n'écoute ou non en cours si ils arrivent à avoir les notes qui vont avec, mais le manque de respect m'agresser avec les discussions incessantes pendant que je parle. C'est également souvent les mêmes élèves, mais aujourd'hui je dois admettre que j'ai du faire des efforts considérables pour ne pas perdre patience. J'aurais eu envie de la mettre mon point dans la figure mais il ne faut pas que je suis en effet l'exemple du bien faire. Montrer l'exemple parfois c'est plus difficile qu'il ne le pareil. De toute évidence j'ai du faire preuve d'énormément de patience aujourd'hui. Résultat migraine infernale et tensions dans la nuque. Ça promet.

Une fois dans mes appartements soupire un peu bruyamment, je vais ouvrir la fenêtre pour aérer un peu puis reviens vers mon bureau pour prendre l'enveloppe qui il prend place. Regardant l'écriture un moment, j'hesite un long moment avant de reposer l'enveloppe puis me masse les tempes. Je dois faire acte de présence après tout ça demande énormément d'efforts d'organiser quelque chose dans ce genre. Et moi qui a cœur le respect je me dois d'y être. Je regarde l'heure sur ma montre et je constate que j'ai encore un peu de temps devant moi. Je pourrais prendre une douche chaude, qui sait peut-être que cela me détendre assez pour pouvoir profiter de la soirée.

Quand je repense à ma vie Davant comparativement à la vie que j'ai ici c'est toute une différence. Cependant, j'admet que je n'ai pas fait énormément d'efforts pour m'intégrer au sein de l'équipe du personnel. J'ai mis énormément d'efforts sur le côté pédagogique et j'étais très présent pour mes élèves mais il est vrai que j'ai un peu négligé le côté social que je pourrais avoir avec les adultes de l'école. Et puis qui sait, cela pourrait être une belle occasion pour faire des rencontres intéressantes. Je ne serais pas contre pouvoir parler à autre personne que mon reflet dans le miroir. Sortant de la douche j'enfile finalement un habit digne de ma personnalité pis prends le temps de me préparer convenablement avant de reprendre l'enveloppe sur le bureau. Et c'est parti.

Je marche dans les couloirs de l'école magique regardant autour de moi. Je trouve les couloirs légèrement tranquille pour l'heure mais je ne me pose pas de question. Les mains dans les poches je me dirige vers le lieu de rendez-vous ouvre la porte. Et misère... Je peux voir tous les regards se tourner vers moi alors qu'ils sont tous déjà à table. Je regarde ma montre pourtant je devrais avoir au moins 15 bonnes minutes d'avance. Mon regard se lève alors sur l'horloge et réalise : c'est aujourd'hui que ma montre a décidé de me foutre la honte en ralentissant les aiguilles… Parce que visiblement il n'est pas 19h15 mais bien 20h15... Évidemment, toutes les discussions se sont arrêtés quand la porte d'entrée s'est mis à grincer alors que je les ouverte. Ça commence bien…

- pardonnez mon retard ... J'espère que je peux tout de même me joindre à vous ?

Si non, tant pis, j'irai m'étendre ... Mais c'est un peu galère que le jour où je décide qu'il est temps que j'agisse je sois dans cette situation. Je reste droit, fier, mais respectueux. Je veux simplement passer une bonne soirée.