HELGE + the heart thief

Une pensine repose sur trois grosses malles empilées. En soulevant le couvercle de la première, plusieurs fioles de liquides blancs légèrement lumineux vous éclairent faiblement le visage. Des souvenirs. Vous vous saisissez d'un au hasard, remarquant que chaque fiole de cristal est étiquetée d'un chiffre et parfois d'une petite icône. Votre main au dessus de la pensine, le souvenir se déversa sous vos yeux avant que vous n'y plongiez la tête.

Cher père,
Vous pouvez être fier de moi, Poudlard n'est peut-être pas Durmstrang, mais j'ai bien l'intention de m'y installer aussi bien que je l'étais. Ici, les gens sont naïfs, innocents. Je peux les voler sans problème, ils ne remarquent rien. Je peux entendre des secrets, ils ne me voient pas. Je suis invisible, comme j'ai toujours su l'être. Et pourtant, beaucoup m'admirent. Beaucoup me craignent, ils sentent que je suis quelqu'un de grand. Quelques filles me tournent autour, et je suis fidèle à mes principes, elles ne m'intéressent pas. Père, je vous dois tout. Je ne vous décevrai pas. Personne ne saura mon secret.

Le jeune homme s'essuie le front du revers d'une main tandis que de l'autre, il serre celle de son maître d'arme. La séance de duel bi-quotidienne vient de se conclure et il a encore du mal à se remettre des chocs des différents sortilèges. Son père, spectateur assidu depuis le fauteuil Louis XVI, qu'il a volé dans une exposition la semaine passée, tape des mains, non pas poliment comme le font les gens bien élevés, mais plutôt chaleureusement, avec autant de soutien malgré le temps qui passe. Bien loin de l'image que l'on pourrait se faire des Sang-purs, Dragomir n'avait jamais été un homme froid et intransigeant. S'il était fier de sa position, il n'oubliait pas qu'en dépit de sa grande famille, qu'il avait un jour commencé en bas de l'échelle. Une forme de modestie rare qui révélait une part plus tendre de sa personnalité. Bon père, il voulait être présent pour son unique fils comme son propre paternel l'avait été avec lui. Car Helge était désormais son seul héritier.

Helge remercia l'homme, qui s'inclina humblement avant de quitter la pièce. Il fit désormais face à son géniteur, attendant son avis partial sur le duel. Il y avait certaines choses à améliorer et il le savait : son jeu de jambes devait être plus assuré, ses coups de baguettes plus précis, ses charmes du bouclier plus tenaces encore. Pourtant, contrairement à la routine, son père ne fit rien de tout ça, préférant afficher un modeste sourire, chaleureux mais néanmoins pudique. Il rompit le silence « Allez viens Helge. Suis-moi. » Ne sachant pas trop à quoi s'attendre, celui-ci rangea sa baguette dans la poche accoutumée dans sa tenue de combat et suivit les pas réguliers mais néanmoins discrets de Dragomir. Parcourant les dédales de couloirs qu'il connaissait comme sa poche, il arriva jusqu'à la Salle du Coffre. Celle-ci était d'une blancheur éclatante, entre le sol en marbre lisse et les murs aux détails argentées. Cette pièce contrastait avec la façade délabrée de leur maison. De forme parfaitement circulaire, elle abritait en son cœur un lustre en cristal qui mettait en valeur la foule d'objets qui trônaient fièrement. Par là, des coupes, des médailles par ici, des reliques centenaires, livres aux reliures soignées, des objets très chers à leur illustre propriétaires. Une véritable caverne aux trésors. « Père, pourquoi m'amener ici ? Ce n'est que la Salle du Coffre. Je la connais par coeur. » Il sourit alors, le regardant comme l'enfant qu'il était encore. Ses paroles résonnèrent dans la pièce comme dans un monument religieux, troublant le silence éternel de ce lieu. « Ce n'est pas qu'un tas de breloques. C'est l'histoire des Petterson qui est contenue ici. Ton histoire. Eux aussi ont toujours vécu avec un poids sur les épaules. Aucun Petterson n'est jamais né avec un chemin glorieux tout tracé. Tous ces ancêtres ont dû créer le leur, à la sueur de leur front, parfois contre vents et marées. » Helge acquiesçait sagement, même s'il ne put dire qu'il comprenait là où son père voulait en venir. De fait, il l'écouta avec attention, les yeux perdus dans la contemplation de ces témoignages du passé. « Tu seras comme eux un jour. Tu n'auras plus besoin de moi et tu voleras de tes propres ailes. »

Sur ses mots, il quittait déjà la pièce, laissant derrière lui un jeune sorcier perdu mais néanmoins marqué au fer par ce discours. À force de voir Helge se battre, il en oubliait parfois que c'était une fille. Il était son fils, le seul et l'unique, l'autre était un vilain souvenir.
Helge apprécia le double sens des paroles de son père. Sa phrase résonnait encore dans la pièce alors qu'il l'avait quitté depuis un moment déjà.  

EMBRASEMENT

pendant longtemps, pendant des années,
c'était beau, y'avait que des personnes aimées.
mais ça s'est étiolé, comme une peinture trop longtemps laissée
sous la lumière criade du soleil.
y'a plus du tout de merveille,
à l'intérieur de helge, c'est noir.
c'est le soir, qui s'est fait avalé par le néant.
parce que l'idiot est parti sans un mot,
parce qu'il a été absent,
alors qu'elle avait besoin de lui,
pour continuer sa vie.
mais non, il lui a tourné le dos,
la laissant seule avec tous ses maux.
alors non, c'est pas beau,
parce que helge elle aimerait tout déchirer,
tout déchiqueter,
avec la force de ses ongles, avec la force de sa hargne, de sa haine,
pouvoir lui faire comprendre à quel point elle le déteste, et pourquoi elle ne sera plus jamais seraine.
helge, c'est plus qu'un mégot,
qu'on a laissé se consummer,
qu'on a laissé se brûler.
c'est plus qu'une fleur fanée,
qu'on ne peut que regretter.
et puis il est arrivé,
comme un coup de vent,
inattendu, imprévisible, violent.
il est devenu son acide, a remplacé son air, a bouleversé son être.
pour qu'elle puisse enfin renaître.

unbowed, unbent, unbroken

Au réveil, ce matin-là, j'avais envie de me battre. Tous mes muscles me faisaient mal et je faillis hurler de douleur quand j'enfilai mes chaussures. Le sommeil avait transformé ma tristesse en pure fureur. Il fallait bien brûler le trop plein d'énergie. J'ouvris la porte et la fermai silencieusement derrière moi pour ne pas réveiller les autres. Je jetai un œil sur un lit, mais je savais déjà qu'il était vide. La pendule au plafond indiquait qu'il n'était même pas cinq heure du matin. Les autres ne se lèveraient que dans un peu moins de deux heures. J'avais le temps de tenter de me calmer. La lumière était allumée dans l'un des cachots, deux bougies qui réchauffaient déjà mon cœur abîmé. Mon corps frémit d'impatience quand je vis Yassen s'entraîner contre le sac de frappe au milieu de la pièce. Il m'aperçut sans doute du coin de l'oeil mais ne tint compte de ma présence qu'à l'instant où je m'arrêtai près du sac. « Je ne suis pas d'humeur Helge ! » lança-t-il sur un ton vaguement hostile. « Dommage, moi si. » Je l'attendis après avoir enroulé des bandes autour de mes poignets. En tentant de m'échauffer. Enfin, après cinq bonnes minutes, il grognan et arrêta ses coups contre le sac. Il ramassa les bandages que j'avais laissé par terre, le visage rouge et les yeux brillants. Exactement comme je l'aimais. J'eus une demi-seconde pour me mettre en garde, puis son genou fila vers mon estomac ; je reculai, mais il réussit à me frapper au sternum. Toutes mes pensées s'envolèrent, ainsi que l'air contenu dans mes poumons. C'était une diversion ; en un clin d'oeil, il m'immobilisa contre sa poitrine. Je glissai sous son bras dans l'espoir que l'élan me permettrait de le projeter sur le dos. Je ne réussis qu'à frapper son pied. Mais il ne recula pas alors, alors qu'il aurait normalement dû le faire. Au lieu de ça, il se figea et me regarda, les yeux toujours aussi brillants. Ça avait le don de me troubler, bien plus que ça ne le devrait. Puis, il s'éloigna en poussant un grognement. Non ! Je tombai. Je voulais seulement évacuer la chaleur qui me consumait de l'intérieur, mais mon esprit s'était pris au jeu. Je voulais continuer. Il fallait que je me débarrasse de mes idées noires. Et ça nécessitait de la sueur et du sang. Je baissai la tête et le chargeai. Je vis l'expression de son visage s'assombrir. Cette fois, l'élan joua son rôle et on tomba lourdement au sol. Yassen me traîna par le col jusqu'au milieu du cachot, et me montra à quel point il était furieux.

Rouler sur moi-même et lui donner des coups de pied restèrent sans effet. Il m'avait immobilisé sous lui, pesant de tout son poids sur ma poitrine que je cachai avec de nombreux bandages, il ne pouvait pas la sentir. D'une main, il maintint les miennes au dessus de ma tête, puis posa l'avant-bras sur mon cou et appuya, me coupant la respiration. J'étais à sa merci, envoûté par ses yeux.  Il relâcha la pression, mais juste un peu. Je me débattis, tentai de lui donner des coups de genoux dans les reins. Je hoquetai, mais il ne desserra pas sa prise. Mon esprit parut sortir de mon corps et un voile noir obscurcit mon champ visuel. « Yassen, arrête. » Il n'entendit pas. Il s'était replié sur lui-même et je ne pourrai plus l'atteindre. C'était comme ça entre nous. Explosif.