17 juillet 1991
Appartement de la famille Allister – Westminster - Londres
Les jours se succèdent et se ressemblent. Mon errance dans cette vie semble sans fin. Enfermée dans ma solitude, je souris pourtant. Parce que, si je ne puis être, au moins puis-je paraître. Je cache ma douleur aux yeux de ceux qui ne la comprendraient pas. Ils sont heureux de mon sourire et pourtant ils ignorent qu’au fond de moi, je hurle et me débats sans cesse, tentant de fuir cette prison dorée qu’ils m’ont imposée.
Thea ne s’attendait tellement pas à ce qu’on frappe à la porte qu’elle sursauta lorsque les trois coups retentirent dans le grand appartement. Elle inséra avec précaution le marque page et posa le roman qu’elle lisait, légèrement contrariée de devoir s’arrêter au beau milieu d’une phrase. On frappa de nouveau alors qu’elle descendait l’escalier, atteignant le salon immaculé. L’appartement aux murs blancs ressemblait à un appartement témoin. Tout était si arrangé, si parfait, du magazine politique volontairement déposé sur la table basse aux coussins ordonnés savamment dans un dégradé de couleurs pastelles. Rien d’étonnant à cela, il n’y avait personne, ici, pour déranger quoi que ce soit. Keith et Anita n’étaient jamais présents, trop occupés à arranger chaque détail de leur carrière politique, quant à Thea, elle n’était pas du genre désordonnée. A vrai dire, elle passait tellement de temps le nez dans ses livres qu’elle en oubliait parfois même de manger. Mais comment l’en blâmer ? Depuis que son père avait été élu député quatre ans plus tôt, sa vie sociale avait été réduite à néant. Elle ne pouvait sortir sans être accompagnée d’un membre de l’équipe de sécurité de son père et ses parents n’autorisaient personne à entrer dans leur demeure, craignant les éventuels espions de l’opposition ou les journalistes peu scrupuleux.
Ainsi, Thea ne voyait vraiment pas pourquoi quelqu’un frappait une troisième fois contre la porte d’entrée. Si ses parents avaient prévus une visite, ils n’auraient jamais manqué de la prévenir. Curieuse, elle se haussa sur la pointe des pieds pour atteindre le judas. Devant la porte, un homme à l’allure étrange attendait patiemment. Thea fronça les sourcils. Elle ne voulait pas croire que le portier de l’immeuble ait laissé entrer un énergumène ainsi affublé. Mais alors … comment était-il arrivé jusqu’à leur appartement ? Curieuse quoique légèrement inquiète, la jeune fille déverrouilla la porte pour se retrouver face à face avec l’homme. Il la regarda à travers ses lunettes en demie-lune posées en équilibre sur son nez crochu et eu un léger sourire qui lui donna un air plutôt sympathique.
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Bonjour. Tu es Theana Allister, n’est-ce pas ? Demanda-t-il d’une voix aimable.
Est-ce que tes parents sont ici ?Thea lui lança un regard circonspect, détaillant ses longs cheveux argentés, sa barbe qui lui tombait jusqu’à à la taille et, surtout, l’espèce de longue robe bleue nuit qu’il portait. C’était un bien étrange accoutrement pour un homme de cet âge.
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Euh … oui … enfin non, mais … vous êtes quoi ? Un journaliste ? Parce que si c’est le cas, vous devez prendre rendez-vous, mes parents ne laissent pas rentrer de journalistes chez eux. Mais de toute façon, ils sont absents. -
Je ne suis pas un journaliste, Theana. J’ai besoin de te parler, mais je ne pourrais le faire que lorsque tes parents seront présents. Tu sais s’ils comptent rentrer tard ? Thea haussa les sourcils. Lui parler ? Pourquoi cet homme voudrait lui parler ? Et pourquoi ne pouvait-il pas le faire sans ses parents ? Son imagination fertile se mit en marche et des tonnes d’hypothèses défilèrent dans son esprit. Peut-être était-ce son grand père ? Après tout, elle n’avait jamais connu le père de sa mère, à ce qu’on lui avait dit, il était mort avant sa naissance. C’était peut-être faux. Ou alors était-il, malgré ses dires, un journaliste venu l’interroger. Ou un membre de la police qui enquêterait sur une de ses connaissances. Mais avec sa robe, il ressemblait plus à un artiste … un excentrique, comme dirait son père. Etait-il un recruteur artistique venu la chercher pour ses talents de danseuse classique ? Les possibilités se succédaient dans sa tête, se bousculant, lui donnant le vertige. Elle bafouilla :
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Je ne sais pas … enfin je veux dire … ils ne m’ont pas dit quand ils rentreraient. Mais ils seront là ce soir, sans doute … je pense. L’homme renouvela son sourire chaleureux.
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Ce n’est rien, j’ai tout mon temps. Je peux les attendre. Il esquissa un geste vers l’intérieur de l’appartement. Thea suivi son regard un instant, hésitante. Elle aurait bien été tentée d’inviter l’homme à entrer. Elle lui aurait offert un café le temps que ses parents rentrent. C’était tellement rare que quelqu’un vienne jusqu’à leur porte. Et puis, sans qu’elle ne sache pourquoi, le vieil homme lui inspirait confiance. Cependant, elle avait suffisamment entendu les conseils de ses parents pour ne pas agir stupidement.
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Je suis désolée, marmonna-t-elle.
Vous ne pouvez pas entrer. Mes parents … ils ne veulent personne dans l’appartement quand ils sont absents. Et puis, je ne vous connais pas. -
Bien sûr, bien sûr. Je comprends parfaitement. Ça ne fait rien, je vais les attendre ici. Et, sourire aux lèvres, il alla s’adosser contre le mur qui faisait face à la porte. Il affichait un visage radieux, comme si rien au monde n’aurait pu lui faire plus plaisir que de s’installer ici, dans le couloir de l’immeuble luxueux, pour attendre peut-être des heures durant Monsieur le député et son épouse. Thea le regarda avec la plus belle incompréhension du monde.
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Ne t’en fais pas pour moi, jeune fille, je suis parfaitement bien ici. Retourne donc à ta lecture, je suis sûr que tu meurs d’envie de savoir ce qui arrive à Elizabeth Bennet. Thea sursauta. Comment cet homme pouvait-il savoir que, avant son arrivée, elle était en train de dévorer un livre dans sa grande chambre au premier étage et comment pouvait-il savoir de quel livre il s’agissait ? Soudainement effrayée mais terriblement intriguée, Thea referma la porte. Cet après-midi-là, elle fut incapable de lire la moindre ligne et se contenta de errer dans l’appartement en jetant régulièrement des coups d’œil par le judas. L’homme n’avait pas bougé et conservait ce sourire bienheureux. Il était désormais installé sur une vieille chaise en bois. Thea se demanda vaguement où il avait bien pu trouver un objet qui dénotait à ce point avec l’ambiance ultra moderne de l’immeuble.
Vers vingt-deux heures, alors qu’elle commençait à somnoler sur le grand canapé d’angle, elle entendit enfin de l’animation de l’autre côté de la porte. Se redressant dans un bond, elle se précipita pour coller son œil au judas. Ses parents étaient rentrés et semblaient plutôt surpris - et pas franchement ravis - de découvrir un étranger devant leur porte.
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Je ne serai pas long, c’est promis. Je sais qu’il est tard et que vous êtes épuisés mais je dois vous parler de votre fille.-
Ma fille ne répond pas aux journalistes, répliqua Anita d’un ton cinglant.
Je suis désolée que vous ayez patienté en vain, mais vous allez devoir partir maintenant.-
Je ne suis pas journaliste, chère madame, je suis professeur, directeur d’une école en vérité. Mais si vous vouliez bien me laisser entrer, nous pourrions en discuter calmement autour d’une tasse de thé.-
Il est hors de question que vous mettiez les pieds dans notre appartement. Keith se plaça devant la porte d’entrée, en bloquant l’accès et bouchant la vue à Thea.
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Thea est déjà scolarisée dans une très bonne école. Elle a une place réservée à la Westminster School. Je ne vois pas ce que vous pourriez nous proposer de mieux. -
Mon école … n’est pas une école comme les autres. Il s’agit d’une école de magie. 20 aout 1997
Appartement de la famille Allister – Westminster – Londres
La fuite est-elle uniquement le fait des lâches ? J’ai pourtant l’impression de faire preuve d’un grand courage. Pas le courage des guerriers, des combattants ou des soldats, mais le courage des sacrifiés, des condamnés. Mais cela n’a pas d’importance. Je n’ai pas le choix. La seule question désormais est celle-ci : Veux-je vivre, ou mourir ?
L’habituel ordre parfait de la chambre n’était plus qu’un lointain souvenir. Un tas de vêtement était éparpillé sur le lit et de nombreux livres jonchaient le sol. Au milieu de ce bazar gisaient des exemplaires de la gazette du sorcier dont les photos animées rendaient les lieux plus chaotiques encore. On pouvait lire certains titres, sur les pages qui n’étaient pas trop froissées : Rogue prend la direction de Poudlard – Pius Thicknesse remplace Rufus Scrimgeour à la tête du pays – Tous les sorciers nés-moldus doivent se rendre à la commission du sang – Poudlard fermé aux enfants de moldus – Les nés moldus sont-ils des escroc ?. Une lettre portant l’en-tête du ministère de la magie trainait également.
Mademoiselle Theana Esperance Allister.
Nous vous prions par la présente de bien vouloir vous présenter au ministère de la magie dans les plus brefs délais, afin de passer devant la commission d’enregistrement des nés-moldus.
Veuillez recevoir nos plus sincères salutations.
Dolores Ombrage
Theana posa son regard sur la lettre, s’en saisit, et la déchira avec rage. Elle entendait d’ici le petit rire sarcastique de son ancienne professeur. Elle en avait la nausée. Cela faisait des semaines qu’elle hésitait à partir. Elle aurait voulu convaincre ses parents de se mettre en sécurité mais ils avaient refusé. Son père devait annoncer sa candidature au poste de premier ministre le mois suivant et il refusait de laisser passer cette opportunité. Y compris pour sa propre sécurité. Ils ne la prenaient pas au sérieux. Ils ne l’avaient jamais fait. Ils estimaient que le monde magique était une espèce de grande foire ridicule, un jeu d’enfant, une attraction. Pourtant, c’était un monde comme un autre. Avec ses lois, ses difficultés, ses joies … et ses guerres.
Elle fourra un pantalon dans le sac à dos agrandi magiquement. Elle ne savait pas réellement où aller. Elle ne savait pas quand elle reviendrait. Ni même si elle reviendrait. Elle espérait juste que, en quittant le domicile familial, les mangemorts laissent ses parents tranquilles pour se concentrer plutôt sur sa traque. Futile espoir, elle le savait bien. Mais elle n’avait pas d’autre solution sous le coude. Elle posa un œil désolé sur les dizaines de livres qu’elle ne pourrait pas emmener et en attrapa un, légèrement corné qui rejoignit le jean. Elle ferma alors le sac et posa un dernier regard sur sa chambre. Elle partait. Elle ne réalisait pas encore réellement ce qu’elle faisait et elle était véritablement morte de peur. Elle s’efforçait de ne pas réfléchir, de se souvenir des dernières actualités qui l’avaient mise dans une colère noire. Elle n’avait que ça à quoi se raccrocher pour ne pas sombrer dans la terreur, sa colère et sa haine. Elle se détourna alors et la porte se referma définitivement sur sa chambre d’adolescente, sur sa vie confortable. Dans le salon, elle griffonna un mot rapide à l’attention de ses parents. Elle aurait voulu en écrire tant mais était incapable de mettre de l’ordre dans ses pensées.
N’essayez pas de me retrouver, faites attention à vous. Je vous aime. J’espère vous revoir un jour.
Elle le posa sur la table, fit mine de partir, et se ravisa. Elle déchira le mot et reprit le stylo :
Ne vous inquiétez pas, je suis en sécurité. Faites bien attention à vous. Je vous aime. Je rentrerais bientôt.
Plus convaincue, elle le posa à nouveau sur la table. Elle était prête. C’était peut-être la dernière fois qu’elle voyait cet appartement. Elle fut tentée de se laisser absorber par sa mélancolie mais s’obligea à rester forte encore un peu. Le temps de sortir. De fermer la porte. De transplaner.
14 novembre 1997
Porthcurno
Il n’y a pas de pire ennemi que la peur. Elle me broie de l’intérieur, comme un acide brulant qui dévorerait mes entrailles, comme une lame acéré qui frapperait encore et encore, sans jamais s’arrêter. Elle consume mes nuits, me refusant le sommeil salvateur et assombri mes jours. Elle ignore toutes mes suppliques et toutes mes pirouettes. Elle est bien trop maline, la peur, pour se laisser berner par les faibles tentatives de l’esprit.
Thea regagna la plage, jetant des coups d’œil furtifs derrière elle. Elle marcha un instant au bord de l’eau, s’éloignant de la plage principale trop fréquentée pour rejoindre une grotte, un peu plus loin, à seulement quelques centimètres de l’eau. Fébrile, elle laissa tomber son sac à dos. Elle n’aimait pas quitter son repaire, surtout pour rejoindre les villes. Porthcurn n’était pas bien grande et le risque d’y rencontrer des mangemorts était extrêmement faible, pourtant, elle se sentait terriblement exposée. Sans s’occuper pour l’instant des denrées récupérées dans la petite épicerie, elle sortit sa baguette, vérifia que personne n’était dans les parages, et commença à marmonner les sortilèges de protection.
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Je vous l’avais bien dit que ce vieux Bill était une source sûre. Thea sursauta violemment. Avant qu’elle n’ait le temps de réagir, trois hommes apparurent devant elle. Elle leva sa baguette mais il était trop tard. Les trois sortilèges de désarmement la frappèrent en même temps et elle se retrouva projetée au fond de la caverne pendant que sa baguette s’envolait droit dans les mains de ses agresseurs. Le front douloureux d’avoir frappé le sol, elle se redressa, essuyant du revers de la main le sang qui commençait à couler de son arcade sourcilière.
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Dis-moi, ma jolie, c’est quoi ton petit nom ? Qu’est-ce qu’une charmante demoiselle comme toi fait planquée dans une grotte ? Thea ne répondit pas. Hors de question qu’elle leur donne son identité, cela risquerait de les conduire tout droit vers ses parents. Elle observa frénétiquement ses adversaires, les écoutant à peine, cherchant une solution. Elle n’aurait aucune chance contre trois hommes adultes armés de leurs baguettes. Qu’allaient-ils faire d’elle ? La livrer aux mangemorts ?
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Peu importe. Nous n’avons pas besoin de ton nom. Je pense que la situation est assez claire comme ça. Thea reporta son attention sur l’homme du milieu. C’était de loin le plus effrayant des trois. Il était grand et imposant et tout en lui respirait la sauvagerie, de sa voix semblable à un aboiement à ses cheveux en bataille en passant par ses ongles jaunis. Il jouait nonchalamment avec la baguette de la jeune femme. L’homme à sa droite aussi petit et mince que son collègue était massif lui lança un regard amusé.
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Qu’est-ce qu’on fait, Fenrir ? On s’en occupe maintenant ou on attend la lune ? Le dénommé Fenrir ricana, un rire gras dénué de joie mais empli de cruauté.
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On va attendre la lune. Et, d’un geste sec, il cassa la baguette de la jeune femme en deux avant de lui envoyer les morceaux au visage. Thea avait beau réfléchir, elle ne voyait pas comment se sortir de cette situation. L’évocation de la lune l’avait emplie d’une terreur sourde. Elle savait qui était l’homme du milieu. Fenrir Greyback. Thea le reconnaissait désormais, pour l’avoir croisé la nuit de l’assassinat d’Albus Dumbledore. Dans le chaos qui régnait ce soir-là, elle n’avait pas eu le loisir de d’attarder sur ses traits mais, désormais, elle n’avait pas d’autre choix que d’observer son visage terrifiant.
Thea n’avait aucune idée du temps qui s’était écoulé depuis l’arrivée des trois hommes. Ils avaient vidé son sac à dos et s’étaient allègrement servis dans la nourriture volée par la jeune femme. Ils s’étaient ensuite amusés à détruire le reste du contenu, déchirant l’unique livre page après page, brûlant les quelques vêtements, faisant voler contre la paroi de pierre les fioles de potions. Thea n’avait pas bronché, recroquevillée dans le fond de la grotte, contente dans son malheur qu’ils ne s’intéressent pas trop à elle. Malheureusement, une fois leur ventre aussi plein que le sac était vide, ils s’étaient reconcentrés sur elle. Après tout, ils pouvaient bien s’amuser un peu, en attendant la lune. Les sortilèges avaient alors fusé, provoquant une douleur atroce, insupportable. Ils ne s’arrêtèrent qu’une fois qu’elle fut trop faible pour crier, la laissant à demie morte, et profitèrent de sa faiblesse extrême pour abuser d’elle sans qu’elle ne puisse même se débattre. Lorsque Thea, à peine consciente, remarqua que le ciel s’assombrissait, elle accueillit l’apparition de la nuit comme une délivrance. Qu’il la tue donc, elle n’était plus qu’un corps empli de douleur. A travers le voile de larmes et de souffrance qui l’aveuglait, elle vit la lune se lever. Deux des hommes transplanèrent, la laissant seule avec Fenrir Greyback. Ce dernier avait déjà entamé sa transformation. Thea n’avait même plus la force d’être terrifiée face au monstre qui se dressait face à elle mais, lorsqu’il se jeta sur son corps disloqué, elle eut un dernier élan vital. Instinctivement, elle leva son bras devant son visage alors qu’un ultime hurlement franchissait ses lèvres. Les crocs déchiquetaient sa peau, les griffes lacéraient son corps. Elle allait mourir, elle en était certaine. Avant de perdre conscience, elle aperçut une silhouette à l’entrée de la grotte. Une silhouette qui tendit un bras, provoquant un éclair rouge.
14 Décembre 1997
Hôpital clandestin – Abergaveeny
Le dégoût est si insidieux et pourtant, si perceptible. Elles ont beau tout faire pour le cacher, je le vois bien dans leurs yeux. Je le reconnais. Je les comprends aussi, je ressens la même chose. Ce dégoût qui me ronge les entrailles, comme un abcès purulent, et qui enfle, qui enfle. J’en viens à haïr mon sauveur. Il m’a pourtant permis de survivre mais à quel prix. S’il se présentait devant moi, je crois que je serais prête à l’assassiner sans remord.
Recroquevillée dans un coin de la pièce, nue sur le sol froid, Thea pleurait depuis une bonne heure maintenant sans pouvoir s’arrêter. Elle venait de vivre sa première pleine-lune. Sous l’effet de la potion tue-loup, elle était restée parfaitement lucide pendant tout le temps de sa transformation. Elle avait donc, avec toute la lucidité du monde, ressenti la douleur de ses membres qui s’étiraient et se modifiaient pour devenir ceux d’une bête. Personne n’avait pensé à enlever le miroir écaillé installé au-dessus de la vasque de fortune, elle avait alors pu s’observer à loisir. Elle se sentait si laide. Monstrueuse. Une femme avait à priori été désignée pour s’assurer, toute la nuit durant, que tout se passerait bien pour la jeune femme. Thea avait ainsi pu observer à loisir son regard terrifié et dégoûté à chaque fois qu’elle passait la tête par la porte, sa baguette tendue en avant prête à se défendre au besoin. D’ailleurs, vers la fin de la nuit, c’est une autre femme qui avait pris la relève. Sa collègue était-elle si terrorisée qu’elle n’osait plus entrer ? Thea se sentait épuisée, malade, écœurée. Et personne ne venait. Pourtant, le soleil était levé, mais surement préféraient-ils attendre d’être bien sûrs que le loup avait disparu. Tout son corps tremblait, mais elle ne savait pas si c’était dû au froid ou aux émotions qui se télescopaient. Elle revoyait ce soir-là. Son agression. Ces hommes. Un spasme la saisit et elle vomit, pliée en deux au sol. Et ils avaient le culot de lui dire qu’elle avait eu de la chance. Certes, elle aurait dut mourir, cette nuit-là. Et c’est ce qui se serait produit si un homme - un résistant justement sur les traces de Greyback – ne l’avait sorti de là. Elle aurait surement préféré. Elle s’en sortait avec une malédiction qu’elle devrait traîner avec elle le reste de sa vie et des cicatrices sur tout le corps. Heureusement, son visage avait été épargné. Elle n’avait subi que quelques griffures qui avaient pu être soignées. Mais les morsures sur ses bras, ses jambes et son flanc étaient empruntes de magie. Elles ne disparaîtraient jamais plus. Les blessures psychologiques non plus. Ici, il y avait un médicomage. Thea avait hurlé lorsqu’il avait tenté d’examiner ses blessures et s’était tellement débattue qu’elle lui avait cassé le nez. Depuis, seules les femmes étaient autorisées à l’approcher.
Enfin, la porte s’ouvrit et trois femmes se précipitèrent dans la chambre. On la couvrit d’un drap rugueux. On l’aida à se relever, à se nettoyer, à se recoucher. On tenta de la rassurer. Mais les paroles réconfortantes sonnaient creux dans la bouche de celles qui étaient toujours effrayées par le monstre qui sommeillait en elle. Thea pleura encore longtemps avant que l’épuisement n’ait raison d’elle. Pourtant, ses idées noires la poursuivirent jusque dans ses cauchemars, ne lui laissant aucun répit.
23 décembre 1997
Mont Scafell Pike
Le sentiment d’abandon et de solitude peut être si poignant. Ce sentiment d’être seul au monde et cette idée persistante que, s’il nous arrivait quelque chose, personne ne s’en inquiéterait. Pourtant, aussi seul puissions-nous être, l’espoir n’est jamais totalement éteint. Parce que, pour chaque âme perdue, pour chaque abandonné, il existe une famille. Ce n’est pas toujours la famille qui nous a vu naître, ou la famille qui nous a aidé à grandir. Parfois, nous ignorons l’existence de cette famille, jusqu’à ce qu’on finisse par la rencontrer.
Thea se réveilla difficilement. Pour la première fois depuis des semaines, elle avait dormi d’un sommeil sans rêve. Pour la première fois, elle se sentait reposée. Mais, pour la première fois, elle ne reconnaissait pas l’endroit où elle se réveillait. Les murs grisâtres de sa chambre avaient été remplacés par des murs en toile. Une flamme bleue protégée par un bocal en verre illuminait les lieux d’une lueur surnaturelle. Le mobilier était aussi spartiate qu’à l’hôpital clandestin. Hormis son matelas à même le sol, il n’y avait qu’une chaise sur laquelle était posé des vêtements que Thea ne reconnaissait pas. Fronçant les sourcils, elle repoussa la couverture en peau d’animal qui la recouvrait. Elle était encore vêtue de la chemise de nuit trop grande offerte par les infirmières. Où était-elle ? Elle sentait une angoisse diffuse se répandre dans son corps. Les mangemorts l’avaient-ils retrouvés ?
Elle envisagea de se lever pour explorer les lieux mais, alors qu’elle se redressait, quelqu’un écarta le pan de toile qui servait de porte. Thea sursauta en voyant une silhouette masculine entrer et se pressa de relever la couverture sur elle.
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Enfin réveillée mademoiselle ? Thea ne répondit pas. Elle observa avec suspicion l’homme qui venait d’entrer. Grand et bien bâti, elle ne ferait pas le poids si elle avait besoin de se défendre ou de fuir. Ses cheveux mi longs étaient retenus par une lanière de cuir et une barbe épaisse lui mangeait le visage. Il avait une certaine prestance dans sa façon de se tenir, de se déplacer. Thea fut surprise par son regard, d’un bleu très doux et qui jurait avec son apparence générale. Après l’avoir débarrassée des vêtements, il déplaça la chaise pour s’installer près d’elle.
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Tu as dormi longtemps, le soleil est haut déjà. Thea le regarda, l’air interdite. Il n’avait pas l’air, au premier abord, d’avoir un comportement menaçant.
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Vous êtes qui ? marmonna-t-elle d’un air perdu.
Et … on est où là ?-
Je m’appelle Kieron. Nous sommes dans les montagnes, dans un village sauvage. Thea fronça les sourcils, tentant de mettre de l’ordre dans ses idées. Hier encore, elle s’endormait a Abergaveeny et, ce matin-là, elle se réveillait au beau milieu d’une montagne.
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Vous êtes des résistants ? -
Pas des résistants. Pas vraiment. Nous sommes une meute. Nous sommes tous des loups garous qui ont choisi de quitter la société, de vivre à l’écart du reste des sorciers. Je suis désolé que nous ayons été obligés de t’arracher à ta chambre d’hôpital. Autrefois, nous avions d’autres méthodes. Mais désormais, la situation est différente. Je ne voulais pas prendre le risque que les mangemorts te trouvent avant nous. Sache en tout cas, que tu n’es pas notre prisonnière. Tu es libre de partir quand tu le souhaite. La seule chose que je te demande, c’est de m’écouter. Je peux t’aider à vivre pleinement, sans cacher ta réelle nature, à trouver l’apaisement et l’équilibre entre la sorcière que tu es et le loup garou que tu es devenu. Thea était désormais pendue aux lèvres de l’homme, son regard accroché au bleu de ses yeux. Elle l’écouta lui raconter la formation de la meute, des années plus tôt, par des loups fatigués de devoir se cacher, de devoir vivre dans la honte, d’être considérés comme des monstres. Il lui expliqua la vie de liberté qu’ils menaient ici, sans autre règle que les leur, sans autre chef que le leur. Il lui expliqua qu’elle pouvait faire partie de cette vie, si elle le souhaitait. Thea ne savait pas si elle pouvait lui faire confiance mais, en réalité, elle n’avait pas d’autres endroits où aller. Quitter ces montagnes pour reprendre sa fuite contre les mangemorts ? Elle avait tenu deux mois la dernière fois … et le résultat avait été particulièrement catastrophique. Elle décida alors de rester, encore un peu du moins, pour voir.
17 Octobre 1998
Mont Scafell Pike
Je crois qu’il n’est pas nécessaire de chercher le bonheur pour le trouver. Peut-être faut-il simplement attendre et se dire qu’il finira par venir. Tel le soleil après l’orage, il illumine la vie de ceux qui souffrent. Parce qu’aucune terre ne peut vivre sans lumière, aucun esprit ne peut vivre sans joie.
Thea fut réveillée par les rayons du soleil qui perçait la toile de tente. Elle cligna des paupières et se retourna pour aller se blottir contre le corps allongé près d’elle. Kieron passa un bras autour de sa taille, marmonnant dans son sommeil, sans pourtant ouvrir les yeux. Thea en profita pour l’observer. Lorsqu’elle était arrivée ici, quelques mois auparavant, elle n’aurait jamais imaginé en arriver là. Elle avait enfin trouvé une paix intérieure qu’elle ne pensait plus jamais pouvoir atteindre, après son agression par Greyback et sa bande. Pourtant, Kieron l’avait aidé. Il l’avait pris sous son aile dès le début et, à force de patience et de douceur, l’avait aidée à se libérer de ses démons. Il lui avait appris que la lycanthropie n’était pas nécessairement une malédiction. Il lui avait montré ce que ça faisait, de se transformer réellement, sans se brider avec la potion tue-loup. Alors évidemment, ils perdaient toute lucidité durant la transformation mais la sensation de liberté était grisante. Thea ne se réveillait plus de ses nuits de pleine lune avec la nausée et emplie de dégoût pour elle-même. Elle avait appris à s’accepter. Elle avait appris à tuer aussi. La meute se nourrissait essentiellement d’animaux mais ils n’hésitaient pas à se venger des sorciers qui le méritaient en les livrant aux loups lors des nuits de pleine lune. Il avait fallu du temps à la jeune femme pour accepter l’idée d’avoir dévoré un être humain. Mais Kieron avait raison. Les sorciers appliquaient leur justice à l’aide des détraqueurs, aspirant l’âme des criminels hors de leur corps et les laissant là, telle une coquille vide. La justice de la meute n’était pas plus violente ou moins humaine, en réalité. Et puis, il lui avait appris l’amour. Là aussi, il avait été extrêmement patient, composant avec le traumatisme de Thea et sa terreur des hommes. Et elle s’était peu à peu laissée aller à ses sentiments, avait accepté de se laisser approcher. Et puis, petit à petit, il lui avait appris que l’agression qu’elle avait subie n’avait rien à voir avec les gestes d’amour qu’il pouvait lui offrir. Désormais, elle parvenait à faire la différence et, si les cauchemars la hantaient encore certaines nuits, elle n’y pensait plus que rarement.
Thea était bien, enfin en paix avec elle-même.
Elle ignorait que tout allait voler en éclats.
Elle entendit les cris. Kieron se réveilla brusquement. Il y avait de l’agitation à l’extérieur de la tente. Des hurlements de terreurs. Des bruits de sortilèges se fracassant on ne savait où.
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Restes là. Il dégagea son bras et s’habilla rapidement. Sa chemise en toile encore ouverte sur son torse sculpté, il attrapa sa baguette magique et se rua hors de la tente. Thea le regarda partir, prise d’un mauvais pressentiment. Elle repoussa à son tour la couverture et s’habilla, hésitant à suivre Kieron à l’extérieur. Les cris ne cessaient pas, elle voyait des ombres courir à travers la toile de tente, ainsi que des jets lumineux. Quelqu’un s’effondra en hurlant juste devant l’entrée de la tente. N’y tenant plus, Thea se précipita à l’extérieur. Elle reconnut Nina, la jeune sœur de Kieron. Mais il était trop tard. Ses yeux encore ouvert dans une expression de terreur, elle était morte, surement assassinée par un sortilège. Thea s’agenouilla cependant dans la boue, auprès d’elle, la secouant de toutes ses forces, hurlant son nom. Mais le sort de la jeune femme était scellé. Autour d’elle, le camp autrefois calme et apaisé n’était plus qu’une zone de guerre. Les tentes en flammes crachaient leur fumée vers le ciel nuageux. Thea se baissa, évitant un nouveau sortilège de mort. Partout, les gens s’effondraient, tentaient de fuir, hurlaient de peur. Et, autour d’eux, encerclant le camp, ne leur laissant aucune chance de repli, des sorciers attaquaient. Thea tressailli. Qui étaient-ils ? Des mangemorts ? Pourtant, la guerre était terminée et les mangemorts étaient tous en fuite ou déjà derrière les barreaux. Il semblait improbable qu’ils se soient regroupés ainsi pour attaquer la meute au fond de la montagne. Des aurors ? Thea ne comprenait pas comment ni pourquoi ils seraient venus les traquer jusqu’ici. N’étaient-ils pas suffisamment occupés à remettre le monde magique en ordre.
Thea s’élança à nouveau. Elle devait trouver Kieron. Elle l’aperçut alors, aux prises avec un sorcier. Sans hésiter, elle voulut se ruer à ses côtés mais un homme lui barra la route, la menaçant de sa baguette. Thea s’arrêta aussitôt, plantant ses pieds dans le sol encore humide de la pluie matinale, prête à se battre à main nue.
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Arrête ! C’est elle !Une voix de femme retentit derrière l’homme. Ce dernier ne baissa pas sa baguette mais son regard s’était fait suspicieux.
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Comment tu t’appelles ?Thea ne répondit pas. Elle observait tour à tour la femme qui venait de les rejoindre et l’homme qui s’impatientait devant son mutisme. Il répéta sa question, plus fermement cette fois-ci.
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Theana. Theana Allister. L’homme se tourna vers sa collègue qui s’était précipité vers Thea avant même qu’elle n’ait refermé la bouche.
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Merlin soit loué, tu es vivante. Nous sommes des aurors, nous sommes venus te sortir de là. Thea ne comprit pas réellement ce qu’il se passait. La femme commença à piailler dans ses oreilles. Ils allaient l’emmener à Sainte-Mangouste où elle serait soignée, puis elle pourrait reprendre sa vie, puisque la guerre était terminée. Ils allaient l’arracher aux griffes de ces loups-garous barbares qui l’avaient enlevée. Ils allaient la sauver. Elle comprit alors que tout était en train de s’effondrer. Et, derrière l’homme, elle aperçut un éclair vert frapper Kieron de plein fouet. Elle aurait voulu hurler, se précipiter près de lui, le venger. Seulement, elle ne pouvait rien faire de tout ça. Les aurors la tueraient aussi s’ils savaient qu’elle n’était pas prisonnière de la meute, mais qu’elle en faisait pleinement partie. Alors, refoulant ses émotions, elle chancela, comme prise d’un vertige. Elle avait l’impression qu’un ogre venait de lui coller un poing dans l’estomac. Sans plus de cérémonie, elle vomit au pied de la femme. Ils mirent sa soudaine émotion sur le compte du soulagement.
25 Octobre 1998
Hôpital Sainte-Mangouste – Londres.
Le mensonge est un art. Ce n’est pourtant pas compliqué, mon père s’y est adonné pendant de longues années. La politique justifie le mensonge, à ce qu’il parait. La vengeance aussi, surement. Il suffit de donner le change, de dire ce que tout le monde attend, ce que tout le monde veut entendre, de se laisser submerger par des émotions puisées au fond de nous-même. Et le mensonge parait si vrai, si crédible.
Thea suivit le psychomage du regard. Comme chaque jour depuis une semaine, il déplaça la chaise auprès de son lit. Comme chaque jour, il lui demanda la permission avant de s’asseoir. Jusque là, Thea avait refusé de lui parler. On mettait ça sur le coup du traumatisme, de l’horreur qu’elle avait vécu dans la meute. Elle se contentait de pleurer Kieron, se demandant s’il y avait encore réellement quelque chose qui vaille la peine de vivre. Elle se préparait aussi. Parce qu’elle savait exactement ce qu’elle allait devoir dire, pour s’en sortir sans dommage. Seulement, il fallait qu’elle trouve la force de le dire.
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Bonjour Theana. Est-ce que tu as quelque chose à me dire, aujourd’hui ? Thea ne le regardait pas. Elle n’en avait pas envie. Elle avait juste envie de sortir d’ici, de retrouver l’air libre. Elle avait besoin d’espace, d’air. L’enfermement était devenu insupportable. Seulement, elle ne pourrait sortir que lorsqu’elle aurait parlé à cet idiot de psychomage, qu’elle lui aurait dit exactement ce qu’il voudrait entendre.
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A quoi ça sert ?L’homme releva la tête. Thea ne le regardait toujours pas, mais elle l’imaginait très bien, surpris et heureux d’entendre enfin de son de la voix de sa patiente, tentant de rester neutre et professionnel cependant.
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Qu’est-ce que tu veux dire ? -
A quoi ça sert, de vous parler ? Je veux dire … si je suis dans un rêve et que je me réveille là-bas, demain … ça ne servira à rien. Et même si c’est la réalité … vous n’allez pas effacer mes souvenirs. Alors pourquoi vous voulez que je remue tout ça. Le psychomage s’avança légèrement sur sa chaise, content de pouvoir enfin exercer son métier.
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Rien de ce qui se passe en ce moment n’est un rêve, Theana. Tout ça est terminé, désormais. Tu es en sécurité ici et tu ne retourneras jamais là-bas. Parler peut être utile. Extérioriser les sentiments, les émotions douloureuses, c’est une étape importante dans la reconstruction. C’est ce que tu dois faire, te reconstruire, petit à petit. Mais tu n’y arriveras pas si tu gardes tes démons au fond de toi. -
Et qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? -
Tu peux commencer par ce que tu veux.-
Vous voulez que je vous raconte, c’est ça ? Que je vous explique comment je me suis fait attaquer par Fenrir Greyback une nuit, alors que je tentais de fuir les mangemorts. Vous voulez que je vous dise que c’était horrible, ses crocs qui se refermaient sur moi, la douleur atroce. Il n’a même pas eu la délicatesse de m’achever. Non, il m’a laissé comme ça, avec cette malédiction. Vous voulez que je vous explique ce que ça fait, de se transformer en loup, voir son corps se modifier, de sentir l’instinct animal qui essaie de prendre le dessus malgré la potion ? Vous ne comprendriez pas. Vous voulez que je vous raconte mon enlèvement par une meute de loups garous sauvages et sanguinaires, que je vous explique les tortures, la douleur. Et puis la faim qu’ils entretenaient pour que je sois affamée les nuits de pleine lune. La transformation sans potion, la perte de conscience, le réveil en se souvenant parfois avoir tué, avoir agi en bête. Vous voulez que je vous raconte les viols aussi ?Elle avait tout sorti d’un coup. Depuis le temps qu’elle préparait sa première prise de parole, elle estimait avoir été parfaitement convaincante dans son rôle de victime traumatisée. Elle pleurait, même. Le professionnel pensa que c’était les souvenirs des sévices. En vérité, elle était mortifiée de devoir trahir ainsi la mémoire du seul homme qui ait tenté de l’aider véritablement, le seul homme qui l’ait aimée. Désormais, elle devrait se tenir à ce rôle. Si elle flanchait, elle passerait du statut de victime à celui de coupable de crimes de guerres pour les meurtres qu’elle avait commis avec la meute. Elle ne pouvait pas se le permettre. Du moins, pas avant d’avoir pris sa vengeance sur ceux qui avaient mené l’assaut, ceux qui avaient assassiné les siens et surtout, qui lui avaient volé son amour.