The first day of the rest of our lives Oktavia Silaïeva & Thomas de La Rivière
Citation :
« Thomas,
Ta mère et moi t’envoyons cette missive dans le but de te faire part d’une décision quant à ton avenir. Nous avons récemment eu la chance de voir la famille Silaïev lors d’une réception et nous avons appris que tu t’entendais bien avec la charmante Oktavia. Après de longues discussions, nous avons conclu qu’il était dans votre intérêt commun de vous fiancer. Nous savons que tu aurais préféré choisir toi-même ta prétendante mais tu ne nous as jusqu’ici présenté personne et il est temps de penser à ton futur. Oktavia Silaïeva possède toutes les qualités qu’on demande à une jeune femme de bonne famille. Je suis sûre que tu ne verras aucun inconvénient à cet arrangement. Nous espérons que tu te comportes bien et que tu rends tes professeurs fiers de toi. N’oublie pas que tu nous représentes et qu’aucune erreur ne te sera tolérée. Veille à obtenir d’aussi beaux points que ta sœur pour les ASPICS.
Tendrement,
Père. »
La lettre avait été soigneusement pliée et dépliée de nombreuses fois. Thomas l’avait reçu un matin comme les autres, au petit déjeuner. Il avait voulu la serrer dans son poing jusqu’à ce qu’elle ne soit plus qu’une boule grossière, l’émietter, la jeter au feu. Il s’était contenu. Il avait déposé la lettre sur la table, l’avait lissée du bout du doigt. Il avait donné du miamhibou à la magnifique chouette de son père puis l’avait chassée d’un geste brusque de la main. Il avait perdu la notion du temps, avait avalé son petit déjeuner avec lenteur comme si chaque seconde passée à faire quelque chose l’empêcherait de penser à la lettre. Il avait ensuite soigneusement plié le parchemin sans en regarder à nouveau le contenu, l’avait glissé dans son sac et s’était rendu aux cours. Il avait cru pouvoir penser à autre chose mais les mots de son père volaient devant ses yeux alors qu’il tentait de son concentrer sur les paroles du professeur de métamorphose. Intérêt commun de vous fiancer. La plume de Thomas qui transcrivait soigneusement son cours avait dérapé sous sa rage. Quel intérêt ? L’intérêt de la famille mais pas le sien. Aurait-il encore le droit d’avoir des relations avec d’autres personnes ? Il ne pourrait certainement pas tomber amoureux, il ne pourrait pas sortir avec une fille qui lui plaisait. Thomas avait inspiré. Le cours de métamorphose. Se concentrer. Il est temps de penser à ton futur. Il se mordit la lèvre pour s’empêcher de grommeler une injure. Le goût du sang empli sa bouche. Son futur. Il avait tant de mal à penser à ce mot depuis la mort d'Alexandre. Il n’envisageait pas de vivre encore des années alors que son frère n’en avait aucun, de futur. Et pourtant, malgré ça, il ne cessait de s’y consacrer. Il travaillait avec acharnement, passait un nombre d’heures incalculables à étudier pour obtenir les meilleurs résultats possibles. Il avait été suivre des stages à la Banque française de Sorcellerie, il était resté en contact avec son maître de stage, lui avait demandé son avis sur les GISIS, se tenait au courant de l’évolution du monde de l’économie. Il y pensait déjà à son futur, constamment. Thomas avait sursauté. Le professeur de métamorphose lui avait posé une question. Il avait hésité. Y avait répondu. Avait baissé la tête maudissant son manque d’attention. Il réussit à écouter dans les minutes qui suivirent. Tu ne verras aucun inconvénient à cet arrangement. Comme si il avait le choix. Offenser la famille Silaïev en rejetant leur héritière ? S’opposer à ses parents qui n’acceptaient pas la moindre contrariété ? Il n’avait aucun argument à leur opposer. Oktavia avait tout pour elle. Il n’avait aucune raison de ne pas vouloir l’épouser. Pourtant cette idée lui donnait la nausée.
Il avait suivi les cours sans vraiment les écouter. Il avait évité chaque uniforme Serdaigle. S’était précipité sur sa sœur quand l’un de ces uniformes s’était approché de lui d’un air soucieux. Il lui avait tout raconté. Il s’était isolé dans son dortoir. Il lui fallait réfléchir rationnellement, mettre ses émotions de côté. Oktavia Silaïeva. Elle avait tout pour elle. Son niveau scolaire était excellent, elle savait travailler pour atteindre ses objectifs. Elle savait faire honneur à sa famille ce qui lui serait obligatoire si elle voulait porter le nom des de La Rivière. Elle était intelligente et posée. Elle avait du caractère mais n’était pas quelqu’un de révolté, elle saurait choisir sa voie sans pour autant être contrariante. Elle ne faisait pas de vagues mais savait faire tourner les têtes. Elle était magnifique. C’était indéniable. Sa famille était noble et pure, son nom convenait aux de La Rivière. La seule tache sur le tableau était sans doute cette bâtarde reconnue par son père. Mais si les parents de La Rivière avaient réussi à passer au-dessus, Thomas le pouvait aussi. Ça n’impliquait en aucun cas Oktavia. Thomas avait fait son choix. Il ne pouvait pas s’opposer à ses parents. Pas alors qu’ils lui offraient un parti qui n’avait rien à se reprocher. Il fallait se rendre à l’évidence, Oktavia ferait une épouse parfaite. Il lui fallait juste du temps pour assimiler la chose.
Il avait fallu trois jours. Trois jours à éviter Oktavia pour pouvoir mettre ses idées en place. Trois jours pour que, quand il se formule l’idée dans la tête, elle ne lui semble pas si incongrue. Peu à peu, il s’était habitué. Il n’était pas enthousiasmé, pas heureux. Mais il avait accepté. Il avait de toute façon toujours su que ce jour risquait d’arriver. Moïra avait bien été promise elle aussi, des années plus tôt. Son fiancé avait été une déception pour tout le monde, elle avait fait annuler les fiançailles. Au moins Thomas avait la chance d’avoir été promis à quelqu’un qui ne saurait les décevoir. Il était temps d’aller parler à Oktavia. Ils ne pouvaient continuer à s’éviter éternellement. Thomas ne pouvait s’empêcher de craindre la réaction de la Serdaigle. Elle n’avait pas dû être beaucoup plus heureuse que lui en apprenant la nouvelle. Au moins n'avait-il jamais essayé de la draguer, cela aurait été bien embarrassant sinon.
On lui avait dit qu’Oktavia étudiait à la bibliothèque. Thomas s’y rendit, réussissant à ne pas penser à la conversation qu’ils allaient avoir. Il n’avait aucune idée de ce qu’il allait dire. S’il y réfléchissait, il risquait de ne tout simplement pas aller la retrouver. Mais ce n’était pas le moment de faire des enfantillages. Il fallait assumer. Oktavia était seule à une table dans une longue allée recouverte de livres. Elle avait les yeux fixés sur ses parchemins. Thomas franchit les quelques mètres qui les séparaient, tira une chaise en face de son amie - non de sa fiancée - et s’y assit. Lorsqu’elle releva ses yeux sur lui, il lui sourit avec douceur.
« On ne va pas pouvoir s’éviter à tout jamais. »
Alors qu'il avait cru que la voir lui ferait un choc, il était calme et posé. Il avait toujours su que ce jour arrivait, il y était préparé. Et il fallait l'admettre, Oktavia était loin d'être la pire des options.
« Je suppose que tes parents t’ont aussi écrit. »
Il n'en dit pas plus, attendant la réaction de l'aiglonne. Il était désormais temps de savoir ce qu'elle avait à dire sur le sujet.
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Au sourire de Thomas, Oktavia n’offrit qu’un rictus. Elle n’avait pas fait beaucoup d’efforts pour cacher son ennui. Il ne pouvait pas vraiment le lui reprocher. Il aurait cependant préféré qu’elle lui réserve le même sourire doux qu’il lui avait destiné. Cette situation n'était pas plus facile pour lui. Ce n’était pas à lui de faire tous les efforts de politesse. Ce n’était pas à lui d’assumer seul le fardeau qu’on avait mis sur leurs deux épaules. Il suffit d’une phrase pour que lèvres d’Oktavia s’étirent dans un sourire plus sincère. Le soulagement se répandit dans les membres du serpent. Il n’était pas prêt à se disputer avec elle. Y aurait-il eu manière plus catastrophique de commencer des fiançailles ? La Serdaigle semblait nerveuse. Ce n'était pas difficile de comprendre pourquoi. Thomas lui-même était surpris par son propre calme. D'autant plus, qu'elle était prise au dépourvu. Le vert et argent avait choisi l'instant de la confrontation. Pas elle. Il fallait bien que l'un deux fasse un premier pas, cependant, et tant pis si la discussion se faisait gênée, nerveuse. C'était bien normal. Leurs parents avaient tissés entre eux un lien sans demander leur avis. Ils étaient pris au piège, ensemble, alors qu’ils ne rêvaient que de liberté. Ils voulaient pouvoir tomber amoureux, aimer et être aimés. On avait choisit de le leur interdire. Si il aimait, il tromperait une amie. Si elle aimait, elle le tromperait. Thomas ne voulait en aucun cas brider la liberté d'Oktavia de fréquenter qui bon lui semblait tant que ça ne soit pas dégradant pour son nom. Et il comptait bien qu'elle en fasse de même. Mais tomber amoureux ? Comment l'imaginer à présent. La tension était donc normale. Elle était même saine. Et surtout, elle pesait de tout son poids sur un lien à peine plus vieux, leur amitié. Il faudrait en prendre soin, de ce lien. Car si il leur fallait passer une vie ensemble, autant que cela se fasse entre amis. « J'avais beau savoir que cela arriverait un jour, j'ignorais à quel point cela pourrait être étrange, surtout avec toi. » Thomas acquiesça lentement. Il ressentait la même chose, bien sûr. Le mariage impliquait une relation beaucoup plus intime que ce qui n’existait pour l’instant entre eux. Thomas avait tout de suite constaté que la belle et douce Oktavia ne prêtait pas tellement attention aux garçons qui la regardaient. Il n’avait pas fait l’affront non plus de se rapprocher de la meilleure amie d’Alcyone. Il n’y avait jamais eu entre eux de jeu de séduction. Ces petits mensonges qui consistent à cacher à l’autre vos petits défauts. Il y avait eu entre eux une sincérité naïve et douce. Ils n'étaient pas prêts à une autre forme d'intimité. Que leurs parents aient cru que leur amitié serait un atout pour leurs fiançailles lui semblait bien risible maintenant. Il était certain que les fiançailles ne serait pas un atout pour leur amitié en tout cas.
« Effectivement, j’en viens à me demander si ce ne serait pas moins embarrassant et moins étrange si l’on avait été fiancés à de parfaits inconnus… »
En prononçant le mot «fiancé », la nervosité avait refait surface chez le serpent. Il ne savait pas quoi dire, pas quoi faire. Il était venu ici pour arrêter ce petit manège où ils s’évitaient mutuellement. Ça ne servait à rien. Rallonger le silence entre eux ne pourrait que rendre pire la confrontation. Ceci-dit, il n’avait aucune idée de ce dont ils pouvaient bien parler. Aucun des deux n’avait besoin d’être experts en legilimancie pour comprendre qu’ils n’étaient pas ravis de cette alliance. Thomas aurait bien aimé savoir si Oktavia acceptait le mariage ou non, cependant. Mais il n’était pas prêt à amener le sujet sur cette pente dangereuse. Un silence nerveux s’était installé. Thomas soupira.
« Ecoute, je ne sais pas trop quoi dire. Je ne voulais simplement pas qu’on continue de s’éviter comme ça. Si l’on perd notre amitié, on aura tout perdu. »
Ce n’était pas juste une manière de parler. Fermer les yeux ne changerait pas la réalité qu’avait tracée leurs parents. S’ils cessaient de s’apprécier, le futur mariage serait un enfer. Il lui sourit à nouveau avec douceur.
« C’est un peu… terrifiant, tout ça. Mais si on est deux pour trouver des solutions et rendre ça vivable, c’est déjà ça. Je ne veux pas que tu aies peur de venir me voir. »
Peur. Oktavia semblait nerveuse mais Thomas ne savait pas si elle avait vraiment peur. Si c'était le cas, il pouvait tout à fait le comprendre. Les femmes étaient rarement traitées à l’égal des hommes dans ce genre de situations. Oktavia devrait venir vivre dans un manoir qu’elle n’avait jamais vu, dans un pays qu’elle connaissait à peine. Thomas soupira. Les femmes n'étaient pas traitées avec justesse. Elles prenaient le nom de famille de leur époux. Elles étaient souvent reléguées à la tenue de la maison, l’organisation de soirées mondaines, l’éducation des enfants. Confinées au manoir sans autre capacité d’émancipation que l’organisation d’événements caritatifs. Jamais Thomas n’aurait toléré que sa femme soit restreinte à cette situation sans son propre consentement. Oktavia n’était pas censée connaître son opinion sur le sujet, cependant. Thomas restait un homme de sang-pur, petit pantin poli et serviable. Il avait tout du cliché. Il n’avait jamais discuté de ces questions avec Oktavia. Pourquoi l’auraient-ils fait ? Oktavia était si belle, si nerveuse. Thomas espérait être capable de la calmer, un peu.
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Thomas tentait de se montrer le plus sincère possible. Ses parents venaient de le jeter dans une situation déplaisante et il ne pouvait compter que sur lui-même pour améliorer les choses. Personne d’autre ne pouvait tenter d’apprivoiser à sa place la jeune fille si silencieuse qui l’avait évité ces derniers jours. Il fallait qu’il soit sincère, pour une fois, c’était la seule solution pour qu’Oktavia s’ouvre à lui et lui fasse confiance. Et il fallait qu’elle ait confiance. Parce que si elle devait être sa femme, c'était toute une vie qu'ils allaient passer côte à côte. De plus, elle devrait venir vivre dans un pays qui lui était inconnu. Thomas n'osait pas envisager cette sensation de se sentir comme une marchandise balancée dans un manoir inconnu pour l’honneur de la famille. Il n’était pas très doué pour imaginer les sentiments des autres mais il savait qu’il aurait explosé de rage pour moins que ça. Or, il ne voulait pas qu’Okta s’énerve. Pas alors que leur famille venait d’unir leur vies. L’aiglonne semblait le comprendre. Elle acquiesçait en silence à ses propos et Thomas se prit à espérer que tout se passerait bien. Pourtant, le poing qui écrasait son ventre depuis ces derniers jours était toujours présent. Il aurait dû être préparé depuis longtemps à des fiançailles. Il savait très bien que ça allait lui tomber dessus, surtout maintenant qu’il était le dernier héritier mâle de sa famille. Sauf que rien n’aurait pu le préparer à ce sentiment d’emprisonnement. On avait choisi son avenir pour lui. L'injustice de ce fait le rendait malade. Et si la raison lui disait qu’Oktavia était un parti idéal, son cœur n’arrivait pas à accepter cette décision.
Sa tentative d’engager le dialogue fonctionna plutôt bien. Thomas n’aurait pas dû être surpris, pousser les gens à l’apprécier était finalement une activité dans laquelle il n’était pas mauvais. Mais le mutisme d’Oktavia lui avait fait craindre de ne pas réussir à regagner son amitié. Elle se mit à parler, cependant. « Ils ont fiancés Dimitri il n'y a pas longtemps, je pensais encore avoir le temps d'arriver à trouver moi même la personne avec qui je voulais finir ma vie. Mais je ne devrais pas m'étonner qu'ils ne me laissent pas le choix, comme s'ils l'avaient fait un jour. » Thomas acquiesça en silence. Il avait eu la même illusion de croire qu’il avait encore le temps de tomber amoureux, de prendre lui-même la décision de la personne avec qui il voudrait passer sa vie. C’était naif de leur part. « Ne m'en veux pas pour les choses que je pourrais dire, ce n'est pas contre toi, je sais que tu es certainement l'un des meilleurs partis que je puisse avoir. » Une nouvelle fois, il acquiesça. Il ajouta cette fois-ci un petit sourire compréhensif mais ne répondit rien, songeur. Il avait ce sentiment de jalousie absurde à l’idée de ne pas être le choix d’Oktavia. Avec une certaine prétention, il se demandait quel autre Sang-Pur de leur âge pouvait prétendre avoir une famille aussi influente sans être un énorme psychopathe. Son sentiment d’amertume était faible et insensé, il le savait bien. Oktavia n’aurait pas non plus été son choix à lui, malgré l'excellent parti qu’elle était. Simplement parce que l’amour ne prend pas la notion de prestige en compte. Elle était cependant bien prudente de ne pas vouloir blesser sa fierté car Thomas savait qu’il prendrait mal des remarques laissant sous-entendre qu’il n’était pas assez bien pour elle. « Tu as raison, il faut qu'on arrive à s'entendre, cela serait bien ennuyant qu'on se dispute à cause de ce choix stupide que nos parents on fait pour nous... » Thomas soupira en détournant le regard vers les rangées de livres qui les entouraient. Oui, ce serait plutôt gênant qu’ils se disputent. Pour leurs amis en communs, pour leur futur.
« Il n’y a pas de raison de se disputer, si ? Ce n’est pas comme si nous étions l’un ou l’autre responsable de ce qui nous arrive. »
Il savait bien pourtant que les disputes risquaient d’arriver. Ils étaient tous les deux tendus et sur la défensive. Elle, prête à fuir leur conversation ou à attaquer s’il se faisait trop étouffant. Lui, prêt à se vexer si elle faisait mine de le refuser en tant que fiancé. Mais ce n’était pas le moment d’évoquer la tension palpable entre eux. Sinon ça allait exploser. Il valait mieux attendre qu’ils se calment chacun de leur côté. Thomas était simplement venu offrir un message de paix à Oktavia et maintenant qu’elle l’avait reçu, il n’était pas sûr que ce soit une bonne idée de continuer la conversation. « Si seulement mes parents m'avaient dit qu'ils s'étaient déjà rapprochés des tiens pour un possible mariage, il y a plusieurs années, on aurait pu anticiper ça... » Thomas leva un sourcil étonné. Ses parents ne lui avaient jamais mentionné ça. Est-ce que cela faisait déjà plusieurs années qu’ils complotaient son mariage avec Oktavia sans lui en avoir parlé ? C’était complètement insensé ! Ils auraient au moins pu lui parler avant qu’il ne parte pour Poudlard, pour lui dire qu’il avait intérêt à bien s’entendre avec elle, voir à tenter de la charmer.
« J’étais pas au courant… Plusieurs années ? J’arrive pas à croire qu’ils ne m’aient rien dit ! »
Il secoua la tête, agacé. Ses parents étaient vraiment insupportables quand ils s’y mettaient. Comment leur faire confiance si ils prenaient de telles décisions en secret et, ce, depuis des années ? Thomas restait sur son idée qu'il aurait préféré être fiancé à une inconnue. Il aurait pu l'apprivoiser à sa manière, lui montrer une personnalité adaptée et la mettre de son côté. Il aurait pu essayer de la faire tomber amoureuse. C'était bien plus difficile avec une amie qui avait déjà eu l'occasion de vous apercevoir sous différents jours. Il insulta mentalement ses parents avant de reporter ses yeux émeraude sur l'aiglonne.
« Qu’est-ce que tes parents t’ont dit à ce sujet ? »
Étrangement, il n’était pas sûr que la réponse lui plaise.
The first day of the rest of our lives Oktavia Silaïeva & Thomas de La Rivière
Thomas avait l’impression de marcher sur des oeufs et Oktavia semblait faire de même. C’était un jeu absurde et, surtout, c’est un jeu auquel on ne peut pas gagner. Les œufs finissent par se briser si l’on marche dessus, aussi prudent que l’on soit. Ou alors, on finit par glisser et tomber. Dans tous les cas, on est perdant. Et c’était exactement ce qui se passait. Ils avançaient avec prudence dans leur discussion, soignant chaque mot pour faire comprendre à l’autre qu’ils comptaient préserver leur amitié et ne pas blesser leur égo. Mais ils finiraient par dire le mot de trop, ce n’était qu’une question de temps, Thomas pouvait le sentir. Ils étaient bien trop peu naturels pour que cela se passe bien. Pourtant, il continuait à se faire gentil, prêt à tout pour limiter les dégâts. Il ne comptait pas perdre une amie et certainement pas s’il devait passer le restant de ses jours à ses côtés. Il tenta de le lui faire comprendre et Oktavia lui sourit enfin. « Non aucune raison, à moins que l'on ait des visions de mariage bien éloignées... » Thomas se crispa légèrement mais essaya de ne rien en laisser paraître. Elle mettait déjà une barrière entre eux. Bien mince, seulement l’évocation d’une possible divergence d’avis. Mais cette divergence pouvait vouloir dire beaucoup. Si elle signifiait par exemple qu’Oktavia refusait tout simplement qu’on choisisse son fiancé pour elle, ça risquait de poser des problèmes. Elle n’avait pourtant pas été dans ce sens pour l’instant, aussi Thomas prit-il le partit de croire que l’aiglonne évoquait plutôt des problèmes d’ordre domestique.
« Si tu parles du fait que certains abrutis pensent qu’une femme est faite pour être jolie et rester à la maison avec les enfants, sache que je ne pense pas cela du tout. Jamais je ne choisirais pour toi ce que tu veux faire, nos parents nous ont fiancés mais je ne suis pas de ceux qui croient que ça fait de toi ma propriété. »
Il inspira un grand coup, tentant de calmer son cœur qui battait trop vite. Il comprenait les peurs qui pouvaient habiter une jeune femme fiancée de force. Bien que l’homme ne soit pas forcément heureux de ce genre d’arrangement, les femmes n’étaient pas celles en position de pouvoir dans l’histoire. Thomas ne voulait pas un instant qu'Oktavia puisse croire qu’il brimerait ses ambitions. Bien sûr, elle serait obligée de respecter certaines règles au même titre que lui. Elle représenterait la famille de La Rivière et il faudrait donc qu’elle en soit digne. Thomas se rappela soudain qu’Oktavia était en GISIS de médecine magique. Ils n’avaient jamais parlé de ce choix, n’étant pas proche au point de discuter de leurs futurs choix de carrière. Par Merlin, il espérait qu’elle suivait ce cursus dans le but de devenir directrice d’hôpital ou un autre poste à visées politiques. Être médicomage ou infirmière était si peu valorisant... ces personnes étant là pour servir les autres. Et les de La Rivière ne sont pas là pour servir qui ce que ce soit mais pour être servit. Thomas inspira doucement, tentant de garder son calme mais maudissant pour la première fois le choix de ses parents. Il n’empêcherait jamais Oktavia de faire ce qu’elle voulait mais si ce qu’elle voulait n’était pas un minimum ambitieux c’était toute la famille qu’elle risquait d’avoir sur le dos. Ce n’était pas le moment de discuter de ça, pourtant. Ils avaient tout le temps devant eux, grâce à leurs parents.
Oktavia finit par évoquer le fait que ces fiançailles avait déjà été discutées depuis longtemps par leurs parents. Thomas s’en agaça et ne tenta pas de le cacher. Ses parents étaient vraiment des cons et il le voyait de plus en plus. Ils étaient déjà en froid relatif depuis la mort d’Alexandre que Thomas rejetait partiellement sur leur dos, voilà qu’ils le fiançaient à une de ses amies et, pour couronner le tout, ils le planifiaient depuis des années sans lui en toucher un mot. C’était aussi frustrant que stupide. D’une voix qui se voulait calme, il demanda des précisions à l’aiglonne. Elle semblait mal à l’aise et tenta d’esquiver. Il sera un poing sous la table, irrité. Il appréciait qu’Oktavia ne soit pas du genre à chercher les disputes, qu’elle soit calme et pacifiste. Mais il ne supportait pas cette manie de chercher à fuir chaque situation désagréable. Elle écarta des mèches de son visage pour se donner du temps, grappilla quelques secondes en expliquant que leurs parents s’étaient rencontrés il y a quelques années. Il leva les yeux au ciel, cherchant à trouver de la patience mais elle lui tapait sur les nerfs. Pourquoi donc évitait-elle le sujet ainsi ? Elle prolongea encore le silence, murmura quelques mots. Elle était incapable de lui dire la vérité sans passer par mille détours. C'était insupportable. Thomas l’en aurait giflée. Il resta immobile, tendu. Quoiqu’elle ait à lui dire, il n’allait pas l’apprécier, c’était désormais une certitude. « ...je devais être fiancée à ton frère et non à toi... » C’était le mot de trop, celui qui fait que même lorsqu’on marche prudemment sur des œufs, ils se brisent. Et ça fait des dégâts. Thomas resta un instant immobile à la contempler en silence. Les mots se frayaient un passage jusqu’à son cerveau avec lenteur. Elle aurait dû être fiancée à Alex. Il était le deuxième choix, le bouche trou. Pire, son frère était mort parce que ses parents avaient décidé de l’offrir en pâture à Voldemort pour preuve de leur loyauté et voilà qu’ils offraient à Thomas les restes de son frère, sans même lui en parler. Ils remplaçaient donc Alexandre avec tant de facilité. Il était mort mais ça ne faisait rien, Thomas était là, Thomas pouvait maintenant avoir le beau rôle d’héritier. C’était lui, désormais, qu’on forçait à épouser une autruche. C’était lui qui irait servir le prochain mage noir au nom de sa famille. Ses parents le dégoûtaient. Il tapa du poing sur la table, furieux. Il n’était pas interchangeable avec Alexandre. Il n’était pas un pion pour le jeu de ses parents. Mais le pire dans l’histoire, c’est qu’il se savait incapable de leur opposer la moindre résistance. Il ferait ce qu’ils lui demanderaient, il épouserait Oktavia, l’ex-promise de son fère. Il se leva brusquement et jeta un regard sombre à l’aiglonne.
« La prochaine fois que t’as quelque chose de désagréable à me dire, fais-le plus rapidement, ça m’évitera de devoir supporter tes balbutiement timides. »
Après un dernier regard rageur, il s’éloigna à grand pas. Il savait qu’il s’était montré trop agressif, lui qui avait dit vouloir préserver leur amitié. Mais il n’était pas capable de contrôler sa colère. Il serait toujours temps de s’excuser plus tard. Il aurait tout une vie à ses côtés pour le faire, après tout.