Dans l'ombre de la nuit ~ Maddox

Mai 2000 - 2h34
Dortoir des filles de GISIS - Tour des Gryffondors - Poudlard


Thea se réveilla en sursaut, les images du cauchemar encore bien ancrées dans son esprit. Elle tremblait de tout son corps et transpirait à grosses gouttes. Elle extirpa une main de ses couvertures toutes emmêlées  sur elles-mêmes et essuya son visage couvert de larmes. Elle étouffait. Et elle avait la nausée. Elle se redressa, rejetant les couvertures et tenta de se lever le plus discrètement possible. Elle n’avait aucune idée de l’heure qu’il était, mais par la fenêtre, elle ne voyait que la nuit obscure. Le matin devait être loin. Agrippant sa baguette magique qu’elle alluma d’un faible lumos, elle se dirigea aussi vite que possible vers la salle de bain. Et, à genoux devant les toilettes, elle vomit. Elle vomit son dégout au souvenir de ce qu’ils lui avaient fait subir, elle vomit sa haine de ceux qui l’avaient détruite, elle vomit sa tristesse d’avoir perdu tout ce en quoi elle croyait. Elle se redressa, épuisée, se rinça le visage et estima qu’elle était incapable de retourner se coucher. Dans le noir, les images étaient bien trop réelles. Dans le noir, elle revivait chaque instant avec une intensité horrifiante. Elle quitta donc la salle de bain, vêtue uniquement du short et du t-shirt qu’elle portait pour dormir, et, pieds nus, se rendit dans la salle commune. Elle avait besoin d’air. Elle avait de nouveau envie de vomir. Elle savait où elle devait aller. Elle savait aussi qu’elle n’aurait jamais la force de retourner à son dortoir. Pas seule. Elle avait besoin d’aide. Elle aurait pu réveiller tout son dortoir, faire volontairement du bruit, pour se faire remarquer, pour que tout le monde observe bien en face la douleur et la tristesse de Theana Allister. Pour que tout le monde sache que les horreurs vécues la poursuivaient jusque dans son sommeil. Mais elle n’en avait même pas envie. Elle ne jouait plus, ce soir-là. Elle se contentait de redevenir la gamine traumatisée qu’elle avait été, qu’elle était encore, au fond d’elle, planquée derrière la vengeresse sanguinaire et le loup-garou sauvage. Elle avisa un morceau de parchemin oublié sur une table. Elle ne s’inquiéta pas de ce qui était écrit dessus et en déchira la partie vierge. Dans des gestes fébriles, elle se saisit de la plume qui trainait et inscrivit des mots tremblants.


Sans réfléchir d’avantage, elle quitta la salle commune et traversa les couloirs, son parchemin à la main. L’air était frais et lui donnait la chair de poule, mais elle ne le ressentait même pas. Ses pas la menèrent à la volière. Elle alla trouver un hibou au hasard et lui attacha le morceau de parchemin désormais froissé à la patte.

- Envoie ça à Maddox. Enfin … sauf si il dort. Ne le réveille pas, surtout.

Elle ne savait pas si l’oiseau était capable de comprendre ses indications. Elle espérait que oui. Les images du cauchemar ne cessaient de réapparaitre, se confondant avec la réalité et se mélangeant à ses souvenirs. Il fallait qu’elle sorte. Qu’elle respire. Elle redescendit en hâte, oubliant presque qu’elle n’avait pas le droit d’être ici, qu’elle risquait de tomber sur un professeur. Elle revoyait Greyback et ses crocs qui se refermaient sur elle, elle sentait presque encore la douleur, l’odeur du sang, la terreur, la mort qui approche. Elle traversa le hall, trouvant la porte ouverte, priant pour que personne ne vienne maintenant. Elle revoyait les trois hommes, leurs regards vicieux posés sur elle, leurs commentaires immondes sur son corps meurtris. L’air frais lui fit du bien, chassant la sensation d’étouffement qu’elle ressentait. Elle courrait presque, maintenant, s’écorchant les pieds sur le sol. Elle atteignit enfin la forêt, les arbres. Sans plus de réflexion, elle se jeta à terre, le corps secoué de sanglots, les mains fermement ancrées dans la terre, grattant le sol dans un geste frénétique, recherchant les sensations qu’elle pouvait avoir lorsqu’elle se transformait, lorsqu’elle devenait le loup et que ses griffes s’enfonçaient dans le sol.

Elle revoyait Kieron, tombant sous le sortilège de mort.

Toc, toc, toc. Maddox dormait profondément. Quelques jours plus tôt, il avait passé une soirée avec Zackery, son camarade de dortoir qui lui avait promis de l’aider à combattre ses démons. Grâce à une technique apprise en Inde, nommée Reiki, l’apprenti médicomage avait chassé les mauvaises énergies qui l’habitaient. Bien sûr, le né moldu n’était pas guéri, loin de là, mais il était un peu plus apaisé pour dormir. Ce soir-là, il avait mis moins de temps à trouver le sommeil que d’habitude. Il était même certain de ne pas avoir été le dernier à s’endormir car il se souvenait avoir entendu Zackery et Jude discuter. Toc, toc, toc. Son sommeil était sans rêves. Dormir sans faire de cauchemars était rare et il se sentait bien. Mais quelque chose ne cessait de troubler sa paisibilité. Un bruit lointain. Maddox s’agita un peu dans son lit. Quand soudain, il se réveilla en sursaut. Toc, toc, toc. Ses yeux se dirigèrent vers la source du bruit qu’il semblait être le seul à entendre. Un hibou cognait à la fenêtre. Maddox le regarda longuement en se demandant s’il n’allait pas s’en aller pour les laisser dormir. Ce n’était pas une heure décente pour livrer du courrier. Dans la pénombre, il ne reconnut pas le hibou. Ce n’était pas sa chouette en tout cas. Toc, toc, toc. Maddox se leva et se dirigea vers la fenêtre, frissonnant quand ses pieds nus touchèrent le sol froid. Il fallait que le hibou cesse ou il allait réveiller tout le monde. Il entendit justement un de ses camarades se retourner dans son sommeil. Le Serdaigle fit glisser la fenêtre vers le haut avec hésitation. Il avait peur des bêtes. Quelle heure était-il ? Deux heures ? Trois heures ? Il l’ignorait. Il fut surpris par la douceur de l’air extérieur alors qu’il avait froid aux pieds en sortant du lit. En fait, il faisait frais, mais tout de même assez doux pour une nuit de mai. Il regarda vers la patte du hibou, un bout de parchemin était accroché. « Tu tiens vraiment à bien faire ton travail, hein ? » Chuchota-t-il au hibou qui aurait sans doute passé des heures à cogner contre le carreau si on ne lui avait pas ouvert. Et puis, s’il lui parlait, il avait l’impression que l’oiseau aurait plus de remords à l’attaquer. Une fois le papier récupéré, le hibou s’envola sans s’attarder et Maddox profita de la lumière de la lune pour en lire son contenu. La première chose qu’il regarda, ce fut la signature. Thea. « J’ignore si tu dors et, si c’est le cas, rendors-toi, je ne veux pas te voler les quelques instants de repos que tu peux gagner. » Il se mit à sourire. Trop tard, il était à présent bien réveillé. Il avait réussi à dormir quelques heures et ce sommeil fut très réparateur. Il avait bien dormi, mieux que d’habitude, même s’il était encore très tôt et qu’il aurait pu prolonger son sommeil de quelques heures. « En revanche, si toi aussi le sommeil t’a oublié ce soir, rejoins-moi. Je serai dans le parc, à l’orée de la forêt. » Maddox observa la forêt au loin. Thea n’avait-elle pas plus joyeux comme lieu de rendez-vous ? La forêt était loin et il lui était impossible de voir si elle était déjà en train de l’attendre ou pas, mais il ne pouvait pas la laisser seule.

Avant de trop réfléchir aux conséquences que pourraient avoir cette sortie nocturne, Maddox enfila sa robe de sorcier par-dessus le jogging et le t-shirt de sa maison qu’il portait pour dormir. Il mit ses chaussures, prit avec lui sa baguette. Pourquoi prenait-il encore la peine de la prendre, celle-là ? Elle ne lui obéissait plus qu’à de rares occasions, il en était désespéré. Si Thea lui demandait s’ils pouvaient se voir en plein milieu de la nuit, et malgré qu’elle prétendait ne pas avoir trouvé le sommeil, il savait qu’elle n’allait vraiment pas bien. Il se devait d’être là pour elle. Il mit assez longtemps à réussir à éviter les professeurs et aurors qui faisaient des rondes et faillit être découvert en passant par le deuxième étage. Heureusement, il arrivait à descendre tous les escaliers sans se faire prendre, et ce malgré les escaliers qui n’en faisaient qu’à leurs têtes et les tableaux. Maddox avait l’impression que les tableaux aimaient bien voir les élèves défier l’autorité, ou bien ils s’en fichaient royalement. Traversant le parc en priant pour ne pas se faire repérer, il fut plus tranquille quand il arriva à l’orée de la forêt interdite. Il chercha Thea un peu partout. Il ne tarda pas à la trouver. Effondrée au sol, elle était dans tous ses états. Maddox courra vers elle et s’agenouilla à ses côtés, se fichant d’être sali par la terre. Elle était secouée par des sanglots qu’il avait déjà vu par le passé. Le né moldu n’était pas le plus doué pour réconforter les autres, mais il posa sa main sur le dos de Thea et dessina avec la paume de sa main quelques cercles pour tenter de la calmer. « Je suis là… » Dit-il d’une voix calme et rassurante. Thea et Maddox se connaissaient depuis la première année. Ils avaient été proches par le passé. Il voulait croire qu’ils l’étaient encore aujourd’hui. Il avait mal au cœur pour elle. Il n’aimait pas beaucoup voir ses proches pleurer. Il ignorait ce qu’il pouvait faire pour la rassurer à part être là. Il se sentait inutile. Thea acceptait sa présence. Il était donc de son devoir d’être là pour elle. Thea, quand il la regardait, il savait tout de suite qu’il pouvait avoir confiance en elle. Il aimerait pouvoir se dire qu’elle avait autant confiance en lui qu’il en avait en elle. Elle qui avait tant cherché à le faire sourire par le passé, c’était à son tour maintenant de faire de son mieux. Il l’observa, elle était en short, t-shirt et pieds nus. Il retira sa cape de sorcier et la passa autour de ses épaules. Même s’il était lui aussi en t-shirt, Maddox avait au moins un pantalon et des chaussures. Qu’est-ce qu’il lui était arrivé, ce soir, pour qu’elle soit dans cet état ? Il avait bien compris que pour ne pas qu’elle se referme, il devait la laisser lui raconter ce qu’elle souhaitait dire à voir haute et être patient. Il ne la forcerait jamais à parler. Si elle avait juste besoin qu’il reste silencieux, c’est ce qu’il ferait. Si elle se décidait à parler, il l’écouterait. Il voyait ses propres souffrances se refléter dans les yeux mouillés de la Gryffondor.