L'histoire éternelle, touche de son aile, la Belle et la Bête (Merssen ♥)

L'histoire éternelle, touche de son aile, la Belle et la Bête

Les rayons du soleil transpercent les fenêtres et baignent la pièce d'une lumière cristalline, presque irréelle. Les murs sont immaculés de blanc, le plafond très haut au dessus de sa tête lui donne l'impression de pouvoir toucher les anges. La doucereuse chaleur de l'astre royal caresse d'un souffle la porcelaine de son dos dont la robe encadre simplement la colonne sans jamais la couvrir. La dentelle neigeuse épouse son corps avec la perfection d'une seconde peau : de la courbe de ses épaules, jusqu'aux paumes de ses mains, de la cambrure de ses seins jusqu'à l'arrondis de ses hanches pour finalement former un évasé des genoux au sol, à la manière d'une queue de sirène. Ses boucles lumineuses forment une tresse légèrement désinvolte qui trône sur l'une de ses épaules tandis qu'elle ne cesse de replacer derrière son oreille une de ses mèches indomptables.

Indomptable, elle l'avait été. Toutes ces dernières années, elle s'était battue, la poupée aux yeux clairs, elle avait lutté, elle s'était écorché, elle était même plusieurs fois tombé. Mais jamais elle n'avait renoncé, toujours elle s'était relevé et même quand sa tête lui criait d'abandonner son cœur lui l'avait toujours emmené vers le meilleur et malgré les embûches, les épreuves, aujourd'hui le jour se levait au firmament de son imminente victoire. Une victoire sur le destin, la réussite d'une inavouable envie, la consécration d'une histoire résolument inespérée.

Elle ouvre délicatement ses deux prunelles claires à la lueur de cette journée. Le silence autour d'elle, léger comme une brise n'est perturbé que par le cliquetis de l'horloge dont la marche inexorable la rapproche toujours un peu plus du dénouement qui fera basculer à jamais son existence. Elle inspire alors que son regard se pose sur l'image que lui renvoi le miroir devant elle,   sa beauté est à couper le souffle et alors qu'elle réajuste une nouvelle fois cette boucle dorée qui tombe sur son visage, elle est un moment frappée par cette sensation de déjà vu, celle qui redonne vie aux instants précieux de l'existence. Ses doigts frôlent la surface lisse comme pour  se bercer encore un peu plus dans la douceur nostalgique de ce souvenir qui avait un jour vu, éclore devant ce même reflet, le début de leur propre histoire. La pulpe de ses doigts contre la froideur du verre lui donnent l'impression de sentir la paume de sa main contre la sienne, de l'autre côté du miroir, ses deux yeux givre posés sur elle alors qu'au loin elle entend, comme un murmure les prémices d'un songe passé. «Je serai comme une ombre. Peu importe ce qui arrive, je veillerai toujours sur toi.» Elle baisse légèrement le regard sur sa main gauche dont l’annulaire, fier porteur d'un anneau argenté, flamboie sous l'émeraude qu'il renferme. « Ta place est ici, dans la lumière. Près de moi. »  répète t-elle à voix basse et à l'unisson de son propre souvenir.

Un sourire fend ses traits angéliques alors que d'un geste elle apporte la touche finale à la tenue qui renfermera pour les siècles le signe de leur histoire éternelle, d'une tiare, assortie à l'anneau de son engagement, elle scelle la fin d'une existence au profit d'une autre aux côtés de ce prince dont elle était sur le point de faire un roi.



Sur le parvis du manoir elle s'avance, elle porte avec elle la lumière céleste des anges qui l'accompagnent dans son geste. Il se tient droit dos à elle, presque solennel dans son costume sombre, ses cheveux tirés vers l'arrière, seulement trahit par les encrages qui jaillissent de ses vêtements. Il se retourne et lorsque leur regards se croisent le silence se fait, comme pour marquer l'éclat de l'évidence d'un instant précieux. Sans rien dire ils savent, en se regardant ils se comprennent.

lls s'opposent comme ils s'attirent, ils s'assemblent autant qu'ils puissent se ressembler. Ils étaient des inconnus, des étrangers qu'un geste, une parole, un hasard ont rapproché doucement, sans que l'on puisse s'en apercevoir. Souvent ils se sont cherché, quelque fois il se sont perdus mais sans cesse ont été voués à se retrouver et à reformer cet absolu qui fait de leur entierté l'équilibre parfait.