“la douceur des mots fait passer la complexité de la conversation” − Oktavia & Emérence
On lui avait donné l’opportunité de rester en Angleterre encore un peu, de profiter de ce nouvel air qui lui devenait si habituel. Cette chance était trop belle pour ne pas s’en saisir et Emérence avait une gaieté bien plus forte que d’habitude, persuadée que sa bonne étoile veillait sur elle. Elle ne pouvait pas tirer que des avantages, il y avait tout de même ses frangins sur le campement, mais rien qui n’aurait su lui retirer de la tête que si sa fortune ne l’abandonnait pas, elle serait encore à Poudlard à la rentrée. Alors Emérence voguait chaque jour de tente en tente, rendant visite à des amis, cherchant des yeux un visage familier. Elle s’amusait. Elle était loin de tous ses ennuis, loin aussi de cette ambiance trop scolaire qu’elle n’affectionnait pas vraiment.
Emérence traversa la plaine improvisée en terrain de camping. Pour une fois, ce n’était pas là qu’elle allait passer son après-midi mais au sein même de Pré-au-lard. Le village était bien plus bondé qu’à son ordinaire à cause de la coupe, mais ce n’était pas pour déranger Emérence qui aimait faire de nouvelles rencontres. Il n’était pas rare de renverser un verre ou de bousculer quelqu’un dans toute cette foule, ça entrainait alors forcément un mot, un échange, voire à quelques occasions de belles conversations. Elle qui avait eu l’occasion de rencontrer des russes et des anglais tout au long de l’année pouvait maintenant élargir encore son champ de possibilités. Des africains, des péruviens, des australiens… Tous venaient de pays différents, de continents différents, et elle était émerveillée par tant d’ethnies et de cultures. Si seulement elle n’était pas née en France se disait-elle sans cesse. Si seulement elle avait pu venir d’ailleurs. Tout sauf la Corse. C’était justement une russe qu’elle s’apprêtait à aller voir. Celle-ci, elle ne l’avait pas rencontrée au détour d’une maladresse, mais au détour d’un couloir. Oktavia Silaïeva portait une aura sur elle, celle de la fille forte, déterminée et presque irrésistible. Emérence aimait être bien entourée, et comme elle l’avait fait avec beaucoup d’autre, elle avait montré ses beaux côtés à Oktavia, avait précipité leur rencontre. Etre vue en compagnie de la jeune fille lui procurait une certaine satisfaction. Elle avait l’impression de monter sa côte de popularité. Du moment qu’elle y croyait.
Emérence arriva près du salon de thé. Oktavia l’attendait là, devant la porte. Encore heureux, car le salon semblait déjà bondé, et elle aurait été bien en peine de la retrouver dans la cohue. Elle se plaça dans son champ de vision presque en sautillant. C’était une belle et agréable journée, Emérence était à Pré-au-lard, avec une amie. Le tableau dépeint était, pour elle, parfait. « J’ai soif. » lança-t-elle à la serdaigle en guise de salutation. Et elle entraina son amie, poussa la porte et pénétra dans le salon. En effet, la pièce était remplie et Emérence mit du temps avant de trouver des yeux une table libre. Elle finit par se diriger vers le centre de la pièce où une place venait de se libérer. Elle s’y précipita presque pour ne pas qu’on la leur chaparde. « C’est de la folie. » Le brouhaha alentour était un peu désagréable, mais Emérence ne s’en plaignit pas. Au contraire, elle trouvait ça rassurant, tout ce monde. « Comment vas-tu ? Et ces vacances ? » Elle avait eu vent que la jeune fille avait été rejointe par sa famille. C’était une bonne chose, elle en avait de la chance. Quoique, à choisir, Emérence était bien contente que la sienne soit restée chez eux, elle n’aurait sans doute pas supporté leur présence. Mais elle enviait les belles familles unies et les enfants qui avaient de bons parents. Elle voulait tout entendre de ce qu'Oktavia avait à lui raconter, les matchs qu'elle était peut-être allée voir, les moments passés avec ses frangins. Emérence vivait aussi un peu des histoires que les autres avaient à lui raconter.
Oktavia Silaïeva
Consumed by the shadows
Maison/Métier : serdaigle ϟ deuxième année de gisis en médecine magique Célébrité : Barbara Palvin Pseudo : MONAZ•HOPE Âge : 31 Parchemins : 2216 Gallions : 564 Date d'inscription : 28/02/2017
“la douceur des mots fait passer la complexité de la conversation” − Oktavia & Emérence
Emérence elle écoute et elle fait semblant de tout comprendre, même s’il y a des choses qui lui échappent. Elle sourit. Les deux filles étaient amies et Emérence n’avait jamais vraiment compris quelle était leur proximité. Elle connaissait certaines de ses histoires de famille, Mila notamment, et puis les rumeurs qui circulaient çà et là. Sinon, elle ne pouvait se vanter de connaître sa vie sur le bout des doigts. Emérence, elle réfléchit, il devait bien y avoir une raison pour qu’Oktavia ne précise pas. Elle devait être au courant de ce dont elle parlait. Et puis, ça lui revint. Les fiançailles. Elle était promise à Thomas, un serpentard. Emérence se méfiait des verts et argents, elle espérait simplement qu’il était un choix de qualité pour son amie, que tout irait bien. Mais elle savait que Moïra, sa sœur, était une amie d’Oktavia, il n’y avait certainement pas à craindre cette union. Ca faisait du sens, les parents débarquaient pour la coupe, mais au final, c’était surtout pour retrouver la petite famille, rencontrer le fiancé, discuter des arrangements. C’était triste, de revenir avec un but, pas simplement pour voir leurs enfants.
Pour elle, les vacances avaient été à la fois fatigantes, ennuyantes et palpitantes. Emérence s’amusait à passer de tente en tente, à rencontrer des amis. Elle remplissait ses journées de vide et de rien, et ça lui faisait du bien. Elle faisait comme si elle n’existait pas, dans la tente familiale. Elle partait tôt le matin, rentrait tard le soir, parlait peu à Basile, à Athénaïs et ça lui permettait d’éviter les conversations mouvementées. Elle les avait suivis uniquement parce qu’elle n’avait nul part autre où aller. « Comme si comme ça, j’en profite. Mais j’ai hâte que les cours reprennent. » Elle avait un air malicieux. Emérence, ce n’était pas les cours qui lui plaisaient, c’était l’éloignement. C’était l’école sa maison, ses amis ressemblaient davantage à une famille, bien qu’elle ne sut pas vraiment à qui elle pouvait réellement faire confiance. Dans tous les cas, ses vacances n’étaient pas non plus des plus passionnantes et elle préférait ne pas s’étaler, heureuse qu’Oktavia enchaine la conversation sur la carte du salon de thé. Emérence, elle était déjà venue plusieurs fois, elle avait déjà goûté quelques recettes, mais maintenant qu’elle avait trouvé chaussure à son pied, elle commandait toujours la même chose. C’était une valeur sûre. « Au risque de te décevoir, je ne connais pas grand chose. Je suis pas encore très bien habituée aux goûts anglais, je prends toujours un bon chocolat chaud. Ou parfois je le prends froid, l’été, c’est encore meilleur je crois. » La serveuse passa à côté d’elles. La française ne savait pas ce qui pourrait lui plaire davantage. Elle savait que le thé aux myrtilles était excellent, du moins elle qui n’était pas très habituée au thé ne se régalait pas avec, mais elle connaissait plusieurs personnes qui ne juraient que par cette saveur. Elle indiqua alors deux thés à la myrtille à la jeune fille qui repartit presque aussitôt, il était temps qu’elle varie un peu. Elle était grande maintenant.
La chaise était assez inconfortable, et Emérence n’arrêtait pas de gesticuler dans tous les sens. Elle finit par poser ses coudes sur la petite table en bois, logea sa tête dans ses mains. « Tu as vu du monde depuis le début du mois de juillet ? Moi je passe mon temps avec des amis, mais ça doit être moins facile avec ta famille qui est là… » Elle trouvait ça dommage, qu’elle ne s’entende pas vraiment avec Mila. Emérence aurait tout donné pour avoir une sœur avec qui elle pouvait tout partager. Elle ne comprenait pas comment on pouvait être celle qui haïssait. Comment on pouvait rejeter les liens du sang. Après toutes les désillusions qu’Emérence avait vécues, on aurait pu croire qu’elle aurait compris que la famille, ça pouvait voler en éclats, que les liens du sang justement ne garantissaient pas une entente parfaite. Elle restait si crédule. « Au moins tu peux passer du temps avec Mila, non ? Mettre un peu de l’eau dans votre vin. » Elle se mêlait de ce qui ne la regardait pas, elle s’aventurait sur un terrain glissant.
Oktavia Silaïeva
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Maison/Métier : serdaigle ϟ deuxième année de gisis en médecine magique Célébrité : Barbara Palvin Pseudo : MONAZ•HOPE Âge : 31 Parchemins : 2216 Gallions : 564 Date d'inscription : 28/02/2017
“la douceur des mots fait passer la complexité de la conversation” − Oktavia & Emérence
La question n’a pas plu à la belle brune, elle le sait. Elle voit le visage de son amie se fermer. Elle notait néanmoins l’effort que faisait Oktavia pour prendre sur elle, pour répondre aux propos d’Emérence. La gryffondor avait la sale manie de vouloir régler les problèmes des autres, à défaut de régler les siens. Une nouvelle année s’était achevée et Emérence avait toujours été si éloignée de ses demi-frangins. D’Athénaïs, elle ne voulait rien. Pas un sourire, pas un propos flatteur. La jeune fille était fourbe et fausse. Le moindre de ses gestes pouvait être contesté : était-ce une gentille intention, ou était-ce une farce, encore et toujours ? Basile, pourtant, elle avait l’impression de l'avoir redécouvert un tant soit peu. Il était si différent de sa sœur, si agréable, si timide. Emérence sentait une accroche entre elle et son demi-frère. Ils s’appréciaient silencieusement, se confortaient tout en continuant leur mutisme. C’était étrange, mais ça donnait un semblant de famille à la jeune fille, même si tout cela n’était peut-être qu’un quiproquo grotesque.
La serveuse revint avec leurs deux thés, et Emérence prit une longue gorgée avant de parler. Elle savait qu’elle ne devrait pas se mêler de tout ça. La vérité était qu’elle ne pouvait laisser passer une querelle de famille tout en sachant qu’elle pouvait potentiellement avoir de l’influence sur l’un des partis concerné. Il suffisait qu’elle montre les bons côtés de Mila à Oktavia et peut-être créerait-elle une grande amitié incongrue. Non, elle ne devrait pas prononcer ces mots, mais l’envie la brûlait de l’intérieur. « C’est dommage… Tu sais, vous êtes deux personnes vraiment sympathiques, et je suis persuadée que vous vous entendriez à merveille. Personnellement, j’ai une situation un peu similaire à la tienne, tu le sais, mais je reste convaincue que ce qui nous sépare, Athénaïs, Basile et moi, c’est tout simplement la manière dont les choses se sont déroulées. Si nos parents respectifs ne nous avaient pas monté les uns contre les autres, ou plutôt eux contre moi, on serait peut-être aujourd’hui une belle bande de bras-cassés vraiment proches. Je le sais parce qu’avec Basile, on s’entend pas si mal finalement, tu vois, j’apprends doucement à le connaître, enfin doucement… C’est compliqué. Mais je le sais. Je le sais. » Emérence se tut enfin, laissa un grand vide suite à ses paroles. Elle avait sûrement trop déblatéré, elle avait raconté sa vie, qui en soit n’avait rien d’intéressant et n’était même pas digne d’un vieux conte de Beedle, et par ses mots, elle n’avait réussi probablement qu’à ennuyer, voire énerver, son interlocutrice. Elle leva ses yeux, peinée, vers Oktavia. Elle voulait tellement que son histoire à elle se superposât à celle de son amie, que dans son malheur elle pût aider quelqu’un d’autre. « Enfin bref, excuse-moi. Je… J’ai juste du mal à concevoir qu’on puisse délibérément rejeter sa famille. J’arrête pas de penser : et si Mila ressentait finalement ce que je ressens moi ? Tu vois, peut-être que tout ce dont elle a besoin, c’est juste d’un peu d’affection, de se sentir acceptée, comprise. » Ca lui allait bien de dire ça, elle qui ne connaissait même pas vraiment Mila. Elle ne la connaissait que par Oktavia, par ce qu’elle lui en racontait. Mais pourtant, malgré la version de la serdaigle, malgré qu’elle ne trouvât généralement aucun mot agréable pour décrire sa demi-sœur, Emérence s’était mise à avoir de la compassion pour elle. Et elle espérait qu’en trouvant les bonnes phrases, Oktavia ressentirait ça, elle aussi.
Oktavia Silaïeva
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Maison/Métier : serdaigle ϟ deuxième année de gisis en médecine magique Célébrité : Barbara Palvin Pseudo : MONAZ•HOPE Âge : 31 Parchemins : 2216 Gallions : 564 Date d'inscription : 28/02/2017
“la douceur des mots fait passer la complexité de la conversation” − Oktavia & Emérence
La peste ne tenait pas à changer de sujet maintenant qu'elle avait réussi à amener avec délicatesse celui-ci. Elle adorait Oktavia, et il lui semblait que la demoiselle appréciait aussi Emérence. Etait-il fou de vouloir utiliser cette proximité pour faire une bonne action ? Pour une fois qu'elle en faisait une. Elle risquait de s'attirer des foudres, à fourrez son nez là où on n'en voulait pas. Pourtant, elle ne voyait pas d'autre solution. Il fallait qu'elle parlât à Oktavia de ce qui la gênait, de ce qu'elle pensait. Emérence n'était pas hypocrite. Elle avait beau être mythomane à propos de sa vie à elle, de ses expériences, elle pouvait être d'une honnêteté affolante lorsqu'il s'agissait d'exprimer sa pensée. Et encore, niveau mensonge, elle s'améliorait, elle faisait des efforts... Ah ! Faire des efforts, se remettre en question, c'était quelque chose qu'elle se forçait à apprendre. Le naturel revenait souvent au galop, il était dur de faire face à la réalité lorsque on avait passé sa vie à raconter qu'on avait les meilleurs parents du monde, les plus aimants, les plus attentionnés. Mais au moins, elle avait le mérite d'essayer, et elle savait que Cassandre et Basile n'étaient pas étrangers à sa prise de conscience. En revanche, elle aurait bien voulu savoir comment eux s'y étaient pris pour qu'elle décidât de changer un peu, ç'avait été subtile, ils ne lui avaient rien demandé de vive voix, c'était simplement pour eux et suite à leurs échanges que les choses avaient commencé à se mettre en place. En attendant, elle aurait bien voulu avoir ce même pouvoir sur Oktavia, la réveiller, la secouer, lui crier que Mila était humaine, et sûrement aussi gentille que n'importe qui. Si elle avait pu se mettre debout sur sa chaise, là, à l'instant, sans qu'on la traitât de folle furieuse, elle aurait chanté les louanges de la demi-soeur de son amie, à qui elle n'avait d'ailleurs jamais parlé, qu'elle connaissait à peine. Le rejet. C'était le rejet qu'elle ne supportait pas.
Malgré tout ce qu'Oktavia put sortir à Emérence pour la rassurer, pour lui démontrer qu'elle n'avait aucun intérêt à se rapprocher de sa soeur aujourd'hui, la rouge et or comprit bien qu'elle lui avançait des arguments en lesquels elle ne croyait pas. Le souci ne venait pas d'une barrière qu'on aurait volontairement placé entre les deux jeunes filles, barrière qu'elles ne pouvaient franchir sans provoquer une tempête. Non. Le problème venait du fait qu'Okta n'avait aucune envie de franchir cette barrière. Elle rejetait la faute sur sa mère comme pour qu'Emérence la crût. Son désir le plus cher était sûrement que la française changeât de sujet. Il était bien triste qu'elle n'écoutât même pas ses amies. Il était bien triste qu'elle lui mentît, plutôt que de lui expliquer les raisons qui la poussaient à renier le lien familial qui les unissait. « Ta mère ne peut pas pénétrer les murs de Poudlard. Il n'y a aucun endroit plus sûr pour parler loin des oreilles parentales. » Loin de Beauxbâtons, loin de la Corse, Emérence se sentait pousser des ailes dans le château anglais. Comme si rien ne pouvait l'arrêter. Comme si on pouvait repartir à zéro ici, sur tous les plans. Repartir à zéro sur ses habitudes, sur ses relations. C'était le lieu de la seconde chance, lieu où elle avait entendu dire que son père était bel et bien vivant ; lieu où elle avait enfin pu être respectée ; lieu où Athénaïs n'était plus reine, simplement une princesse parmi d'autres ; lieu où Emérence pouvait briller loin de la cour de sa demi-soeur. « Dis-moi plutôt la vérité, dis-moi plutôt que tu ne veux pas être proche d'elle, que ça ne t'intéresse pas. » Et si la serdaigle osait lui dire le contraire, alors soit elle avait changé d'avis et Emérence pourrait s'en réjouir, soit elle était une excellente menteuse, alors la gryffondor aurait l'impression d'avoir passé le flambeau à merveille, car le jeu d'acteur était merveilleux. « Si c'est le courage qui te manque, je peux toujours me proposer pour t'aider, m'enfin si c'est la volonté aussi qui te fait aussi défaut, je dois t'avouer que je trouve ça dommage. En soit, je ne peux pas te forcer. » Quelque part, c'était un peu une défaite personnelle qu'elle essuyait, Emérence. Elle était incapable de lui faire entendre raison. Quel gâchis. Elle, elle aurait aimé qu'une personne externe se battît pour lui redonner le foyer donc elle avait tant rêvé.
Oktavia Silaïeva
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“la douceur des mots fait passer la complexité de la conversation” − Oktavia & Emérence
Insistante. Emérence ne voulait pas démordre de son opinion, ne voulait pas changer de sujet avant d'avoir obtenu gain de cause. Elle voulait faire entendre la voix de sa raison propre, démêler les ficelles d'un noeud qui semblait coincé à jamais. Comment pouvait-elle croire qu'elle, Emérence Valdon, du haut de sa voix criarde, du haut de ses mots qui sans doute ennuyaient la serdaigle, arriverait à créer une entente entre ces deux têtes de mule ? S'il existait une solution, elle aurait été adoptée depuis bien longtemps. Parfois les situations n'étaient que ce qu'elles étaient, sans possibilité d'évolution, c'était une chose dure à accepter, mais c'était un fait. Plus la française insistait, donnait d'autres arguments, des possibilités, plus Oktavia trouvait de raisons pour appuyer son point de vue à elle. Elle avait tort, la lionne, et elle détestait ça. Elle aurait voulu enfoncer le bouchon encore un peu, si elle n'avait pas l'impression flagrante qu'Oktavia allait finir par perdre patience. Son thé avait refroidi, un peu, et Emérence trempa ses lèvres dans le breuvage goût myrtille, saveur étrange qui avait du mal à se laisser déguster par ses papilles. Elle reposa la tasse, de peur de finir par avoir la nausée.
Elle ne pouvait pas admettre que Mila avait baissé les bras, elle ne pouvait pas admettre qu'elle détestait sa famille et ne voulait désormais plus rien à voir avec eux. Sur sa propre expérience, Emérence ne parvenait pas à retrouver le schéma qu'elle semblait si bien connaître, car si la situation était similaire, les caractères en revanche étaient bien différents. Elle refusait de lâcher l'affaire, de s'avouer vaincu. Mais que faire quand tous les vents lui étaient contraire et fouettaient son visage en pleine face. Que devait-elle faire, elle, à la lumière de toute cette histoire ? Abandonner ? Avouer qu'elle n'avait pas de famille, qu'elle n'en aurait jamais ? Qu'elle devrait se contenter d'un faux-père, de James, à qui elle s'attachait péniblement parce qu'il était tout ce qu'il lui restait à elle de son père ? Se contenter de Mathilde, sa douce amie, fille de James, qu'elle avait adoptée comme une soeur car elle était celle qui s'en rapprochait le plus ? Mais de cette famille là elle ne ferait jamais partie intégrante. Ils étaient ensemble, proches, s'appréhendaient seulement. Elle serait toujours à l'écart, comme elle l'avait été jusqu'alors. Elle voulait retrouver la douceur d'une mère, le contact d'un père, l'amour de frangins qui voulaient tout partager. Elle avait tant de peine à vouloir y renoncer. Emérence était utopiste. Emérence était optimiste. Tout finirait par s'arranger, elle le voyait dans ses boules de cristal artificielles. Si elle n'était même pas capable de rabibocher deux demi-soeurs, comment espérait-elle se rapprocher, elle, de sa famille au complet ?
Alors ce qui vint le plus naturellement aux lèvres de la jeune fille furent des mensonges, de ceux qu'elle avait une facilité enfantine à inventer, de ceux qui sortaient tout seuls et qu'elle ne comprenait pas. « Ce n'est pas ce que m'a dit Mila. » Mila, elle ne lui avait jamais parlé de sa vie, la croisait de loin, mais ignorait tout d'elle, jusqu'à ses fréquentations. Préfète serdaigle qu'elle évitait le soir quand elle revenait trop tard dans la salle commune des gryffondors, voilà comment elle pouvait la résumer, et au grand jamais elle n'aurait pu aller lui parler d'une telle histoire, car elle serait alors passée pour une démente, à lui parler ainsi d'une affaire qui ne la regardait pas, qui concernait certaines personnes qu'elle ne connaissait pas. « Elle voudrait te parler, mais elle ne sait pas comment le faire. » Elle s'enfonce un peu encore, la voyante de pacotille. Les faux souvenirs viendront bientôt remplacer les nouveaux, la persuadant qu'une discussion avait bel et bien eu lieu entre elle et la deuxième Silaïeva. Falsifier le réel pour mieux appréhender l'avenir. Ça ne lui faisait même plus mal quand on la traitait de menteuse, de mythomane. Comme une douleur si récurrente qu'on ne la sent plus, qu'elle ne nous atteint plus. Emérence, ça lui permettait de se sauver de sa triste réalité, de se sortir des situations comme celle-ci où son destin lui faisait faux bond, où elle était dans une mauvaise position. « Tu ne sais pas ce qu'elle ressent au fond, tu ne fais que des suppositions. Mais tu te trompes. » Et elle aussi, elle se trompait, elle aussi, elle parlait sans savoir. Mais quelle importance cela avait-il, si finalement, elle parvenait à détruire l'obstacle qui persistait entre les deux Silaïeva ? Dans son coeur, elle n'avait que l'impression d'avoir fait ce qu'elle devait, d'avoir accompli un acte de charité. Dans son coeur, Emérence ne voyait pas à quel point elle pouvait être perfide, nuisible, et dangereuse par ses paroles en l'air, sorties seulement pour l'arranger elle, sans penser aux conséquences qu'elles pouvaient avoir sur les autres.
Oktavia Silaïeva
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