Vous pourriez vous dire : ce n’est pas nouveau pour moi ! Tout ça c’est familier, c’est de l’histoire ancienne. Vous vous demandez pourquoi elle était ici. Je vous le promets, vous êtes sur le point de découvrir que tout a changé. Ou pas. Je veux que vous regardiez attentivement le corps qui se tient devant vous. Il n’a rien de particulier, c’est seulement un corps. Alors pourquoi était-elle ici ? Qu’avait-t-elle de tellement différent ? Qu’est-ce qui avait changé ? La réponse c’est ELLE. Ce qui avait changé c’était Elle. Le grand malheur ne sert à rien. Rien. Freya n’avait pas eu besoin de lui pour savoir qu’elle l’aimait et qu’il lui était indispensable. Le malheur ne lui avait rien appris. Sa souffrance était toujours là. Ses plaies avaient son visage. Seule la conscience de la fraction de seconde, à l’échelle du monde, qui séparait la mort de celle de son âme-sœur, l’apaisait. Elle la savait se précédée de peu. Et très vite, elle serait comme elle, plonger dans le temps, inerte sous la lourde pluie et de silence, immobile, flottant dans sa robe blanche, seule, abandonnée, à repenser au passé. Rien ne le ramènerait, et pourtant en elle son âme vivait. Inatteignable. En sécurité. Et immortelle.
Le vent. Le froid. La pluie. A tout cela, Freya y était insensible. Le monde entier aurait pu partir en fumée, qu’elle n’aurait pas relevée. Son esprit planait à des années lumières, à l’abri des turbulences extérieures. Pourtant, ce n’était pas ça qui la ferait se sentir en paix. Ici, au bord du lac, elle se rappelait de leurs moments. Des siestes insouciantes, des baignades nocturnes, des balades intrépides, des fou-rires en délires… Puis, elle se rappelait de son insouciance, sa douceur et sa fraîcheur. Les sorciers avaient-ils un destin ? Elle dirait plutôt qu’ils ont un chemin et qu’ils peuvent nous porter où nous ne croyions pas aller. Il était parti au début de ce livre qui la menait à lui. Elle devait continuer sa vie, son ascension seule, avec pour support quelques photos et sa mémoire. Elle n’avait pas de film de lui, ni d’enregistrement. Bien trop moldu. Elle n’aurait pourtant pas supporté de le regarder ni de l’entendre. Entendre cette voix de vivant enfermé dans un poste, cette voix prisonnière sur la terre, alors qu’il les avait quittés.
Il ne parlait plus que dans la tête de ceux qui l’aimaient, qui partaient à sa recherche au crépuscule et implorent un signe. Un signe que tu donnerais à ceux qui te guettent, un signe inventé par l’imagination des malheureux qui ne peuvent vivre sans lui. Elle se rappelait qu’il se moquait sans cesse de son côté féministe, de sa peur absurde pour la Baba Yaga – où il l’a protégé pourtant de ses cauchemars, de ses manières atypiques, de ses intonations bizarres et de sa manie à toujours marcher pieds nus. Et après tout, elle était peut-être une originale, pour s’habituer à cela. Sa vie aurait pu lui paraître bien vide, si seulement elle n’avait pas été la personne qu’elle était. Et son quotidien aurait pu être plus difficile, s’il n’y avait pas eu cette main posée sur son épaule. Celle d’une amie. Celle d’une sœur…
Le froid, c’est tout ce qui reste en ce mois de décembre, plus cruel et plus glacial que jamais. La neige est partout, le château a revêtu ses habits de fêtes pour l’occasion. Les arbres sont blancs à l’extérieur, tandis que Poudlard est parsemé de guirlandes et de sapin de Noël. Tout semble si festif et les chants de la chorale résonnent dans tuos les coins. Et pourtant, quand on pense à tous ces pauvres élèves en quarantaine, à ces familles qui ne pourront se réunir pour Noël… Rien n’était réjouissant cette année.
Et cela l’était encore moins pour la Yordanova. Cette période la rendait malade et la plongeait dans une nostalgie sans limite. Plus le jour fatidique approchait et plus ses proches s’inquiétaient. Dimka la scrutait d’un œil bienveillant, cherchant à s’assurer que son amie ne recommencerait pas à faire n’importe quoi comme en début d’année… Les jumeaux étaient encore plus sur les nerfs qu’à l’ordinaire, enfermés toujours dans leurs cages à tourner en rond. Et puis, c’était sans compter sur Oxana qui cherchait à la faire sortir de ses gonds par tous les moyens, en insultant principalement la mémoire de leur frère. Mais la jeune femme se devait de conserver son masque devant les élèves afin de se faire respecter.
Mais ce soir, alors qu’elle avançait pas à pas dans la poudreuse, l’humidité se déposant sur son visage, la brunette n’avait pas besoin de faire semblant. Aujourd’hui était un jour qu’elle détestait particulièrement, où la colère et le chagrin se mélangeait pour ne rien donner de bon. On lui avait arraché l’homme de sa vie. IL lui avait pris Zahari sans remords, attendant cela depuis le jour de sa naissance. Ilia n’avait pas pu le protéger et la culpabilité se mêlait à tout ça pour donner un goût plus amer au réveillon.
Arrivant près du lac, sa baguette dans sa botte droite, Ilia aperçoit une silhouette familière. Elle est venue… Le silence de la nuit est pesant, leurs cœurs sont lourds et les deux amies ont fait le mur pour honorer celui qui faisait partie intégrante de leurs vies. Les yeux de l’auror s’embuaient déjà de découvrir Freya au bord de l’eau, se sentant moins seule. Et dire que durant des mois, la brune avait évité au maximum tout contact avec les amis de Zahari, craignant de ne trop souffrir de leur présence. Mais Freya était là pour elle, toutes les deux avaient perdu leur meilleur ami.
Ce qui les avait fait se retrouver, c’était ce moment de printemps dernier, où Ilia avait failli commettre l’irréparable… en apprenant la présence de son amie à l’infirmerie, elle avait tout fait pour aller la voir et comprendre. « маленькая сестра » dit-elle dans un Russe parfait, l’appelant toujours « petite sœur » ainsi. Ses bras entourèrent sa silhouette frêle. « Je suis contente de ne pas être seule ce soir. » souffla Ilia à l’oreille de son amie, de sa sœur.
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