N'aies pas peur parce que je corresponds à ce que tu aimes ~ Ft. Crystal

N'aies pas peur parce que je corresponds à ce que tu aimes

Crystal & Eliael

Chaque nuit, depuis quelques jours, c'était la même rengaine. Je rêvais de ce type qui avait osé mettre les pieds dans ma boutique, comme si de rien n'était. Sauf que dans mon cauchemar, il ne s'en allait pas quand je lui demandais de foutre le camp. Non. Dans mon cauchemar, il était venu pour en finir avec le parasite que j'étais, il était venu terminer le travail qu'il avait déjà commencé deux ans auparavant. Eliael Xanielov. Auror au service du ministère. Pourriture qui m'avait humilié, accusé de crime que je n'avais pas commis parce que j'avais eu le malheur de naître sans pouvoir, moi, héritière Avery, bien trop drôle pour être vrai. Cet homme qui m'avait torturé, mais qui s'était pris d'excellente manière à ce que cela ne se voie pas. Presque aucune marque sur mon corps, si ce ne fut celles des liens qui m'avaient cloué à une chaise. Mais mon esprit, il l'avait mis en pièce, il l'avait broyé dans un étau de persécution psychologique. Son but ? Certainement me rendre folle. Incontestablement me détruire. Et pour quelle raison, puisqu'on ne se connaissait pas ? Parce qu'il faisait son travail ? La bonne blague. Je ne faisais pas subir un calvaire aux fringues que je créais. Je ne violentais pas les parchemins sur lesquelles je composais de nouvelles créations, juste sous prétexte que c'était mon travail. Bien sûr que ce n'était pas comparable. Aucun boulot n'était comparable. Mais ça ne l'excusais pas. Je ne le pardonnais pas.

Forcément, ce soir, j'avais du mal à cacher ma mauvaise nuit, qui avait conduit à une journée pitoyable. J'avais des cernes difficilement dissimulables malgré une couche de fond de teint qui me grattait horriblement la peau, et je commençais à en avoir marre de ces foutues retouches que j'avais proposé à Lukasz de terminer en lui offrant son début de soirée. Je laissai alors tomber cette putain d'aiguille qui venait de me piquer le doigt, et me levai nerveusement de mon fauteuil pour me dégourdir les jambes. J'avais beau le nier, mais l'envie de boire était là, toute proche. Elle était prête à m'envahir à la première crise de nerf que je laisserais débarquer, et qui me tirerait vers le bas avant même que je ne puisse la repousser. Je faisais bonne figure, mais en fait, une part de moi était déchiquetée. Il avait réussi. Ces blessures qu'il m'avait infligées peinaient à se refermer. Peut-être n'aurais-je jamais dû revenir d'Italie. Peut-être que ma vie serait plus supportable, sans aucune goutte d'alcool pour me faire tenir. Après tout, qu'avais-je gagner à rentrer en Angleterre ? Certes, j'avais rencontré la seule femme qui me ferait autant vibrer, mais à quoi bon, puisqu'elle n'était pas mienne, aujourd'hui ? Ma vie serait différente, en Italie. Et surtout, elle n'aurait jamais croisé la route du seul homme qui me terrifiait autant.

Je ne tenais plus. Je savais que c'était destructeur, mais je ne pouvais m'en empêcher. Ah ! J'étais belle avec mes leçons de moral, à dissuader Tristan, mon frère de cœur, de prendre ces foutues drogues qui le tuaient à petit feu, alors que moi-même, je me dirigeai comme un automate vers la porte de l'arrière-boutique. L'appel de la boisson était plus forte que tout, plus forte que mon envie de m'en sortir pour de bon, plus forte que la vision que j'avais d'une vie future idéale, celle dans laquelle je me voyais six ans plus tôt. Elle était incontrôlable, et dans quelques minutes,  elle jubilerait comme une chienne de mon manque de résistance. J'ouvrai la porte, et la fraîcheur du soir me fouetta le visage, mas ne m'arrêta pas pour autant. Un pied après l'autre, je me retrouvai dans la petite ruelle plutôt calme pour un samedi soir, et quelle fut ma frayeur lorsque je découvris cette ombre immobile derrière la porte. Mon sang se glaça, ma respiration se figea, mais j'étais incapable de détourner le regard de l'homme face à moi. Lui. L'Auror. J'aurais pu être surprise de son manque d'assurance lorsqu'il avouait son envie de discuter, si seulement j'étais au moins capable de le remarquer. Comme une lionne en captivité, mon système d'auto-défense se mit instantanément en route. « Et moi je vous ai dit de ne plus vous approcher de ma boutique ! » Rétorquai-je en camouflant au mieux les tremblements dans ma voix.