I'ma say all the words inside my head | NICOLAS

Gabriel tenait très bien l’alcool. C’était probablement en partie dû à une bonne génétique, en partie à l’habitude de buveur qu’il avait bien fini par développer et en partie parce qu’il était grand et lourd ! Mais ce soir, à se retrouver aux Trois-Balais avec Solal, Gabriel avait sûrement forcé un grand coup sur la bouteille. Il avait la tête dans les nuages, disons ! Ça le ramenait en arrière, tout ça. Il y pensait sûrement plus maintenant que n’importe quand ces vingt-cinq dernières années pour la simple et bonne raison que Nicolas s’était rappelé à lui ces derniers temps. Mais après ce match de Quidditch catastrophique qui s’était soldé par un baiser dont lui-même ne comprenait pas tous les tenants et aboutissants, Gabriel s’était éclipsé ni vu, ni connu à Pré-au-Lard. Il avait bu. Moins, à l’époque. Mais il était revenu à peu près dans le même état que ce soir : éméché. Il avait bêtement erré dans les cachots à la recherche de Nicolas Wargrave lui-même, avait faillit se perdre, puis s’était presque couvert de ridicule en trouvant l’accès à la salle commune de Serpentard.

Et comme un ange, le préfet-en-chef de Gryffondor à cette époque était arrivé dans le coin et l’avait ramené dans leur salle commune. Cette nuit, pas de préfet-en-chef allié pour lui sauver la peau, néanmoins. Il aurait pu avoir des ennuis vu sa position d’enseignant. Bien pires que ceux qu’il avait risqué à l’époque et pourtant, ça n’aurait pas été une partie de plaisir ! Mais Gabriel se contrôlait assez pour ne pas avoir l’air trop entamé devant un élève… peut-être ? Et puis, ils ne devaient pas être en dehors de leur salle commune à cette heure de la nuit ! Sauf que ce n’est pas sur un élève que Gabriel tombe alors qu’il erre à nouveau en direction des cachots. C’est sur une longue silhouette fine qui avait parfois tendance à l’être moins, quoique toujours aussi charmante, sûrement. Les traits sévères de Nicolas parlent pour lui : il avait probablement déjà remarqué que Gabriel était bien entamé ! Mais peu importe. C’est lui qu’il cherchait encore ce soir et cette fois, il l’avait trouvé.

L’homme a un petit sourire, observant un long moment le beau visage grave sans rien dire. Ils s’étaient ignorés ces derniers jours. C’était nécessaire, lui avait-il semblé. Parce qu’il ne savait pas quoi dire, comment réagir. Quelque chose s’était un peu brisé entre eux après ce petit passage dans la pensine parce que Gabriel ne savait comment gérer des sentiments qui le troublaient. Parce qu’ils avaient toujours été là pour cet homme, mais comment diable mettre des mots dessus alors même qu’il ne se sentait toujours attiré que par les femmes ? Les femmes et Nicolas, quoi… Qui n’avait rien de féminin pour l’aider un peu !

« Oui, dans mes souvenirs, elle était là-bas. Je n’étais plus très loin. », déclare soudainement Gabriel, songeur, sans préciser qu’il parlait de la salle commune des Serpentards. Mais il pointe la direction dont il parlait et c’était la bonne. « Mais j’avais oublié… Tu ne dors plus là… Je viens de m’en rappeler. »

Il a un rire bref, un peu canin. Prédateur, même. Une attitude que Gabriel pouvait facilement revêtir dans l’intimité. Attitude qui ne plaisait pas à beaucoup de ses conquêtes féminines et qu’il essayait donc d’étouffer au maximum, en règle générale. Mais pas ce soir. Le lion était de sortie. D’ailleurs, il avance soudainement vers le professeur d’alchimie. Des pas lents et calculés, un regard amusé mais fauve. Il savait pourquoi il avait ignoré l’homme. Pourquoi il l’avait évité. S’était assis loin de lui aux repas dans la Grande Salle. Parce qu’il était indéniablement attiré par lui et ne savait jusque-là pas comment trahir cette attirance. L’alcool aidait. Et si son courage liquide ne plaisait pas à Nicolas, au diable ! Gabriel faisait tous les efforts dont il était capable, présentement !

« Après le match, je suis allé boire. Pendant la nuit. Puis, j’ai erré ici et j’ai retrouvé l’entrée de la salle commune des Serpentards… », déclare soudainement Gabriel. Il n’était plus qu’à quelques centimètres de Nicolas. Ses grandes mains baguées avaient rejoint ses hanches, leur prise ferme sur celles-ci. Il le pousse vers une statue, sans quitter du regard ces jolis yeux verts qu’il soupçonnait pleins de reproches. C’est que ça avait de la fierté, cette petite bête-là… Mais peu importe. Gabriel était parti sur sa lancée. « J’ai faillit me couvrir de ridicule en tapant sur le mur et en t’appelant. Mais… Je pensais que c’était le préfet-en-chef de Gryffondor qui m’avait trouvé mais non… Attends… Pourquoi est-ce que j’ai cru ça ? La mémoire est une faculté qui oublie, qu’on dit. Elle invente aussi, pas vrai ? C’est Rogue qui m’a trouvé. Les Serpentards ont toujours été bons pour moi, même à cette époque. Il m’a ramené à ma salle commune avant que je fasse un fou de moi et n’en a apparemment jamais parlé à personne… »

Nicolas était peut-être grand et tout sauf délicat, mais ce n’est pas difficile pour un homme au gabarit de Gabriel de l’entraîner derrière la statue austère qu’ils frôlaient depuis une petite minute. Et c’est donc ce qu’il fait. Dans la pénombre, il ne discerne les traits de l’alchimiste que parce qu’il les connaît bien. Presque par cœur, oserait-il dire. Nicolas contre le mur, l’ex-auror se presse contre lui, se surprenant à apprécier la chaleur qu’il dégage, son parfum épicé, ses angles masculins qui se devinaient si mal sous la robe de sorcier mais que son corps lisait si bien soudainement.

« Tu peux penser ce que tu veux, Nicolas. Que je me voile la face. Que je suis un imbécile même pas capable de se comprendre lui-même. Mais je suis hétéro. Et j’aimerais mille fois mieux être bisexuel pour au moins comprendre réellement ce qui m’arrive. », murmure-t-il, sa voix indécemment grave se teintant de quelques grognements, parce que ça ne lui plaisait pas qu’on remette en doute les étiquettes qu’il se collait lui-même. Il était encore la personne qui se connaissait le mieux… « C’est difficile de jongler avec ses sentiments quand on est un hétéro dont le cœur a été volé vingt-cinq ans plus tôt par un homme… »

Et qui en avait de toute évidence encore plus le monopole maintenant que jamais…