Être les rois du monde, avec lui. Glisser sa main dans la sienne pour que jamais il ne parte, profiter de ses paroles singulières pour voir au delà, pour découvrir des mondes qui n’appartenaient qu’à lui. Avoir l’honneur d’y entrer, d’en devenir un sujet à part entière. Jude était quelqu’un de si particulier ; Pas seulement au sein de son cœur, même au sein de la vie. Il remontait les courants, cassait les barrières et emmenait Bella partout avec lui. À ses côtés, c’était comme voir le monde en négatif, comme découvrir une nouvelle dimension aux couleurs chatoyantes et inconnues, aux sons stridents et dissonants, aux textures râpeuses et duveteuses. Elle voulait parcourir les mondes avec lui, voguer sur le dos des baleines qui les transporteraient de l’un à l’autre en l’espace qu’un claquement de doigts, caresser des pierres de lune et manger les nuages glacés. Il rendait l’impossible tangible.
Mais Bella était inquiète, elle avait peur que le roi de ce monde étrange se sente parfois bien solitaire, isolé dans ces paysages que seul lui connaissait. D’abord, il y avait eu sa réaction dans la grande salle, pendant les tests. Il avait comme paniqué et s’était retiré dans le dongeon de la plus haute tour de son château intérieure. La gryffondor n’y avait rien compris, et visiblement le serdaigle non plus. Il était redescendu sur le plancher des vaches comme une princesse se serait réveiller d’un sommeil profond : désorienté, à côté de la plaque.
Elle l’avait ensuite vu s’isoler, juste un peu, juste assez. Parfois, quand ses doigts jouaient avec les siens, elle avait l’impression que seule son enveloppe charnelle était présente, que son essence même était quelque part avec les étoiles. Et elle avait affreusement peur qu’il y reste, qu’il décide que redescendre n’avait plus aucun intérêt. Alors, elle faisait du bruit, elle l’envahissait un peu plus, comme pour le retenir, pour lui passer une ancre à la cheville qui le maintiendrait sur terre. Avec eux, avec elle.
Elle l’aperçoit sur son trône bancal, ce roi lunaire. Perché en haut d’un rocher, elle voit seulement ses jambes suspendues dans le vide. Elle, elle a les pieds bien ancrés dans la terre, le visage levé vers lui. Le soleil les surplombe et les darde de ses rayons brûlants si caractéristiques de ce mois d’août. Il chauffe sa peau qui a abandonné sa couleur de lait, travaillée par ce premier mois d’été passé au grand air. Les pieds de Jude se balancent légèrement, comme guidés par la mélodie soufflée par le vent. Le reste de son corps, elle ne peut que le deviner, allongé sur l’herbe sèche dominant cette falaise rocailleuse. Si elle n’était pas si petite, elle pourrait surement lui toucher la cheville du bout des doigts.
Elle le sait, si elle veut le rejoindre, elle va devoir grimper. Ce n’est pas la première fois qu’ils se retrouvent ici, profitant de ce banc rocheux un peu en retrait. Elle savait qu’il serait pas. Alors, elle crochète une première prise, maudissant sa taille de lilliputienne. Jude, lui, il ne lui faut que quelques secondes pour arriver au sommet alors qu’elle doit se contorsionner pour atteindre des prises, pour poser son pied dans un renfoncement qui lui paraît si loin. Mais, Bella grimpe. Elle tend le bras, déplace son pied. C’est facile, même pas digne d’être qualifié d’escalade.
Et pourtant, elle rate. Ses doigts se referment sur une pierre esseulée, prête à enfin dévaler la pente dans un suicide jouissif. Et, ils partent avec. Dans un cris de surprise, la jeune fille sent sa prise lâcher sous la pression alors que la pulpe de ses doigts se râpe sur la pierre. Son corps part en arrière sous le choc et son pied ne tarde pas à déraper. Son genoux cogne la paroi et elle tombe. Pas de haut, pas dangereusement, juste assez pour s’égratigner et rejoindre Jude sur son monde à part, juste quelques secondes.
Allongée sur le sol, une pierre lui rentrant dans le flanc, Bella à mal. Elle lâche un « Aïe » peu convaincu alors qu’elle sent sa jambe la brûler, sa peau à vif d’avoir trop frottée. Sa tête tourne légèrement, et des lumières brillent sur ses rétines.
Depuis un moment déjà Jude remettait en cause son choix d'être venu à Poudlard, regrettait certains aspects. S'il avait su qu'il n'aurait plus aucune liberté, qu'il ne pourrait jamais quitter l'Ecosse et retourner dans son tout nouvel appartement londonien loué spécialement pour cette occasion, il ne se serait probablement pas inscrit en GISIS. Rien de tout cela n'était spéculé dans le dossier d'inscription. A moins que ce soit écrit dans les termes et conditions que Jude aurait accepté sans même les lire... Il n'avait pas remit les pieds dans son appartement depuis bientôt un an! Et lui et Lionel devait tout de même continuer à payer le loyer. Plusieurs fois dans l'année, Jude avait rappelé à son ami la douille à laquelle ils avaient affaire. Il ne s'attendait pas à ce qu'ils ne puissent pas rentrer chez eux pendant les vacances d'été et qu'ils soient obligés de participer à la coupe du monde de Quidditch. S'il avait pu avoir le choix, il ne serait même pas venu voir cette coupe du monde, il ne l'aurait limite même pas suivis de loin ou de près. Jude n'aimait pas le Quidditch autant que les autres sorciers, ceux qui ont grandit avec. Le Serdaigle était plutôt fan des sports moldus, des Jeux Olympiques. La seule équipe qui pouvait le faire rester sur le campus était celle du Luxembourg. Mais suite à sa récente défaite, Jude n'y voyait plus aucun interêt. Et c'est dire ! Lui qui trouvait un intérêt à tout. Si les fêtes qu'ils organisaient s'arrêtaient aussi, Jude trouverait un moyen de s'en allait. La fête foraine aurait pu être un peu plus fun s'il n'y avait pas eu ce sentiment d'emprisonnement et d'obligation à rester. Tout aurait été beaucoup plus fun si on lui avait laissé le choix de partir ou de rester. A plusieurs reprises, il avait essayé de soulever les foules contre cette atteinte à la liberté, mais va savoir pourquoi tout le monde gobait comme des poussins dans un abattoir l'excuse de "c'est pour votre sécurité". Pour l'amour de Dieu, il n'était plus un enfant, et encore moins sous la responsabilité du personnel de Poudlard à présent !
Pour ne pas exploser trop facilement et à n'importe quel moment, Jude s'isolait, assez loin de toute forme de vie humaine, et s'évadait. Là, c'était physiquement sur un rocher à la lisière de la forêt. Allongé sur le dos, regarder le ciel lui permettait de ne pas garder les pieds sur terre. Ceux--ci d'ailleurs se balançaient dans le vide, à quelques centimètres du sol. Regarder le ciel, c'était regarder à l'extérieur du périmètre établit qu'ils ne pourraient pas dépasser. Parfois il se demandait s'il ne pourrait jamais en sortir. Cette situation était pire que la mort pour une personne comme Jude, incapable de rester au même endroit et obligé de se soumettre à l'autorité. Ce genre d'oppression pouvait le conduire au pire des comportements, et il ne voulait pas en arriver à là. Il bouillait, il souffrait.
Il avait senti quelqu'un s'approcher, et il avait reconnu Bella à la façon de marcher, de respirer. Il l'avait laissé faire son petit business, dans la regarder, en l'attendant. Tandis qu'elle essayait de le rejoindre, il attendait, il espérait qu'elle réussirait, parce que lui, de là où ils se trouvaient respectivement, était incapable de l'aider. Elle n'était pas au bon endroit, vu sa petite taille. Elle n'avait pas choisi l'angle le plus facile à aborder. Mais voilà une erreur bien commune. Jude ne s'en préoccupait pas trop, se rassurait en se disant qu'un jour elle finirait bien par venir.
Le bruit de sa chute et son "Aïe" le firent sortir de sa rêverie. Doucement, il se tourna sur le ventre pour jeter un coup d'oeil en dessous de lui, par terre, là où se trouvait Bell. Il pouffa de rire en voyant sa plus petit grande amie étalée sur le sol.
- Tout va bien ? s'assura-t-il avec un sourire en coin, mi-amusé mi-inquiet.
Il sortit de sa la position allongée pour retrouver la position assis, afin d'aider son amie à monter, si tel était son souhait. Il la dirigea devant lui.
- Monte par là, ça sera plus simple !
Prêt à recevoir Belladona sur son petit rocher, il attendait que la Gryffondor se mette en position.
Bella était en plein voyage spatial. À bord de sa navette, elle pouvait apercevoir les planètes par le hublot et ses doigts pouvaient caresser la chevelure brillantes de comètes. Il fallait dire que sa tête avait un peu cogner le sol et que le soleil tapant sur ses paupières n’était donc pas le seul responsable de sa vision si… particulière. Pourtant, elle se savait hors de danger, elle était tombée bien assez de fois pour reconnaître une fracture, voire même la remettre en place d’un coup de baguette magique, à présent.
Jude répond à son « Aïe » en s’inquiétant de son état. Sans même ouvrir les yeux, Bella entend l’amusement dans sa voix. Certains se seraient sûrement offusquer de l’entendre si peu concerné, si légèrement inquiet. Bella savait que si quelqu’un d’autre que lui s’était tenu sur ce rocher, les choses auraient été différentes. Zeke serait descendu immédiatement et aurait même été capable de la porter à moitié pour l’aider à monter, juste histoire qu’elle ne tombe pas à nouveau. Lionel se serait sûrement moqué un peu d’elle, mais il serait descendu également… Et puis, il y avait Jude, toujours perché.
Mais Bella ne lui en veut pas. Elle sait que c’est à elle de monter sur son nuage et pas l’inverse, elle sait qu’il l’observe, juste au cas où, elle a entendu l’inquiétude dissimulée derrière l’amusement. Alors, elle lève le bras et esquisse un geste signifiant clairement « tout va bien, ne t’en fais pas ! » avant d’ouvrir les yeux, chassant les dernières étoiles de sa vision. Dans un grognement, elle se redresse, bien décidée à se relever rapidement. Elle porte la main à l’arrière de son crâne et observe ses doigts très légèrement tachés de rouge. Elle sait que sa tête à frotter ; une simple égratignure. Son genou, lui, voit dégouliner une goutte de vermeille sur sa peau. Ce n’est rien.
Elle soupire et se remet sur ses pieds alors que Jude lui montre un nouveau chemin, un peu à gauche de sa première escalade ratée. Elle acquiesce, s’approchant à nouveau de la paroi rocheuse, prête à recommencer. Ses yeux parcourent brièvement la verticale de pierre montant devant ses yeux, puis elle essuie ses mains sur son short. Très vite, elle s’élève, malgré son genou douloureux. Jude avait raison, par ici c’est bien plus facile : les prises s’enchaînent de façon fluide et elles sont toutes à sa portée ; Il suffisait d’attaquer cette petite falaise par le bon côté, comme la plupart des problèmes.
Lorsque seul un mètre la sépare encore du haut, Bella tend la main vers le serdaigle pour que son ami l’aide à gravir la distance restante. À moitié tirée par le garçon, c’est ainsi qu’elle se retrouve sur le nuage de Jude. Elle pose son fessier juste à côté de celui de son ami et lui dédie un énorme sourire « Coucou. » Enfin dans son monde.
Elle se penche un peu, tendant ses jambes dans le vide, pour poser son regard sur son genou blessé. Rien qu’elle ne puisse arranger d’un coup de baguette et pourtant… Pourtant elle décide d’un haussement d’épaule de le laisser comme cela. Bella n’est pas née moldue, contrairement à Jude, mais son enfance a très certainement été similaire sur bien des points si on passe sous silence l’histoire personnelle compliquée de son amie. Contrairement aux sorciers, Bella a appris que les blessures ça se soigne avec le temps, et non d’un coup de baguette magique. Son genoux guérira tout seul, et puis cela ne fait pas si mal.
Elle décale son assise pour se coller à Jude en se soulevant légèrement à la force des bras. Lorsqu’enfin leurs bras se touchent, Belladona se sent bien installée et peut porter son regard sur les spectacle qui s’offre à eux. Un peu en retrait, surplombant le camps, d’ici ils peuvent tout voir. Tous ces gens qui s’affairent, qui s’esclaffent, qui se prennent le bec. D’ici, ils se placent en spectateurs, et c’est sûrement pour cette sensation d’outsider que Jude affectionne tant cet endroit.
Amusée, Bella pointe un vieux monsieur sortant de sa tente, étirant ses membres comme si l’après midi n’était pas déjà bien entamée. Mais, ce qui amuse la jeune fille, c’est bien l’absence de robe de sorcier sur son dos. « Sûrement un allemand », lâche-t-elle, faisant référence aux clichés européens pourtant censés disparaître avec cet échange.