I'm bulletproof [Mikhaïl & Ajaib]

Les rondes dans l’école n’étaient pas forcément désagréables. Généralement, Ajaib les faisait sous sa forme de cobra royal. Il glissait, faisait rouler ses écailles sur la pierre et sur le bois, humant l’air et les vibrations à l’aide sa langue fourchue qu’il laissait sortir entre ses lèvres… Il sentait et entendait tout ce qui se passait. Il avait déjà trouvé quelques élèves essayant de faire le mur grâce à cette apparence très discrète. Ajaib suivait le règlement tout en se laissant une marge si les élèves n’avaient rien fait de particulièrement mal.

Ce soir-là ses écailles glissaient doucement sur la pierre du deuxième étage. Il passait juste à côté de la salle d’occlumancie lorsqu’il entendit un cris… Ou plutôt des pleurs… Il se figea une seconde, le temps d’être sûr et certain d’où venait le bruit et il reparti, plus rapidement, zigzagant, frôlant les murs alors qu’il tournait vers la galerie des portraits. Les divers personnages, d’habitude si excités d’avoir de la visite, ricanant, chuchotant entre eux, étaient à présent collés à leurs cadres observant tous dans la même direction. Dans un coin, quelqu’un s’était recroquevillé, près d’un rideau d’une des fenêtres de la galerie.

Retournant à sa forme humaine, Ajaib s’approcha doucement « Qui est là ? Tout va bien ? » il ne voulait pas effrayer la personne encore plus ou se faire blesser… Mieux valait être prudent. Le bas de sa tunique glissait sur le sol. Il portait une tunique violette qui ressemblait à une immense veste cache-cœur qu’il revêtait pour être plus confortable. Il s’accroupit près de la personne qu’il devinait être quelqu’un de jeune. Un élève ? Son sang ne fit qu’un tour en imaginant la jeune personne blessée. Pourtant, rien sur le sol n’indiquait une quelconque blessure, du sang, ou les restes d’un sortilège particulier. De plus, ils étaient seuls dans le couloir et aucun son ne s’élevait à part les murmures des peintures derrière eux. Tous semblaient retenir leurs souffles.

Le jeune homme ainsi recroquevillé était un élève de huitième année qu’Ajaib avait croisé quelques fois. L’élève était déjà dans sa huitième année et, par conséquent, le professeur n’avait jamais eu cet élève en classe. Pourtant il voyait à peu près qui il était même si son nom mit du temps à lui revenir clairement dans l’esprit. Mikhaïl n’était pas un garçon qu’il avait beaucoup croisé dans son souvenir, et si c’était le cas, il n’avait pas dû le marquer durablement. Le garçon était dans une position claire de douleur, au bord de l’inconscience. Ses vêtements étaient déchirés par endroit et les yeux de l’Indien purent capter quelques mouvements sous sa peau… Des os et des muscles en mouvement. Ce qu’il faisait semblait clair : l’élève essayait de se changer en animal, il essayait de devenir un Animagus.

Plus que familier avec cette douleur, il observa le garçon à moitié débilité à cause de son tourment. Il s’accroupit et passa sa main sur son visage plein de sueur et pourtant si froid. Il était face à un dilemme. Si il appelait d’autres professeurs, le jeune homme risquait de se voir interdire de tenter une transformation, de peur qu’il ne se tue dans les couloirs de l’école. De plus, le Ministère de la Magie pourrait potentiellement se montrer frileux face à un nouvel Animagus si peu de temps après la bataille… Ou alors il pouvait s’en occupait discrètement. Après tout, les blessures et souffrances occasionnées par la transformation pouvaient être mortels si ignorés, non traités ou que le sorcier s’obstinait avec la mauvaise méthode.

Soupirant, Ajaib choisit l’option la moins susceptible de troubler l’ordre précaire qui tenait en équilibre l’école. Il prit le jeune homme dans ses bras et l’emporta dans les couloirs, jusqu’à son bureau, dans la salle de Métamorphose. Là, quelques canapés et un sofa résidaient, près des cages et des vivariums remplis d’animaux immobiles ou endormis. Le boa constrictor, long de trois mètres et qui glissait dans son énorme cage parsemée de branches et de terre, s’arrêta près de la grille pour observer le nouveau venu. Ajaib le posa sur le sofa et attrapa une fine couverture qu’il gardait les soirs où les courants d’air étaient bien trop envahissant. Il la posa sur le garçon et se dirigea vers son bureau où reposait une carafe d’eau et du thé. Il glissa des feuilles dans deux verres et agita sa baguette pour faire bouillir l’eau. Kali se tortilla doucement pour poser sa grosse tête sur les replis de son propre corps, observant l’élève inanimé avec des yeux gourmants.

Soupirant, Ajaib porta à ses lèvres son thé au jasmin. Il se posa à côté de la cage et passa ses doigts contre le grillage en touchant légèrement les écailles froides du Boa. Les yeux de l’animal roulèrent vers Ajaib avant de se reposer sur Mikhaïl. « On dirait qu’on va avoir un locataire de plus ici ce soir… » dit-il alors que d’autres créatures se réveillèrent à l’odeur du thé et au bruit de l’entrée des deux sorciers. La petite jungle de la salle du professeur Chuugani semblait se tirer doucement et douloureusement de la lourdeur d’un sommeil arrêté trop brutalement.