Ca fait bien cinq minutes qu'il se tient devant la porte, la main à quelques centimètres du bois, hésitant à frapper. Johan ne comprend pas vraiment comment il s'est retrouvé embarqué dans tout ça, comment il se retrouve, lui, à devoir lui faire passer un message qui ne le concerne pas, qui ne lui a même pas été donné à l'origine directement. Il est l'énième messager, celui qu'on envoie parce qu'on a pas le temps et qu'on considère qu'il l'a. Bon, le fait est que oui, il l'a, le temps, en tout cas cette fois. Mais il n'empêche qu'il pourrait parfaitement ne pas l'avoir et il a l'impression que l'issue serait la même. Et ça l'agace. S'il était honnête avec lui-même, il verrait parfaitement que ce qui l'agace n'est pas directement le message qu'il doit porter à la place de quelqu'un, mais bien la personne à qui il doit le porter. Quoi qu'agacer n'est pas forcément le bon terme. Toujours est-il qu'il n'en a pas envie et qu'il préférerait tourner les talons et retourner à ses occupations. Il préfère encore s'occuper des élèves en plein milieu de la nuit que ça. Empêcher un Poufsouffle de scier des chaises avec un couteau à viande que de lui faire face, alors qu'il s'évertue depuis des mois à éviter cette situation comme la peste. S'il perd ses moyens face à Zephÿr, il ose à peine imaginer ce qu'il est capable de faire face à elle.
Quelques élèves passent derrière lui dans le couloir, lui jetant un regard curieux alors qu'il ne bouge pas, partagé entre ses obligations professionnelles et son envie de fuir sans même se poser de questions. Jusque là, il avait parfaitement réussi à limiter leurs interactions au minimum nécessaire, à en devenir limite grossier malgré lui. Peut-être qu'il peut faire de même aujourd'hui. Rentrer dans la salle, délivrer le message, repartir directement en fermant la porte derrière lui. En une poigne de secondes, une minute tout au plus, tout peut être réglé. Le concierge finit par relever la main, ses doigts repliés alors que ses phalanges heurtent le bois deux, trois fois. Il laisse quelques secondes s'écouler puis pousse la porte, le coeur bien plus emballé qu'il ne souhaite l'admettre. Il redoute. Il a hâte. Il a peur. Il déglutit inconsciemment, passant un pied puis l'autre dans la salle alors que son regard se pose sur elle.
A chaque fois qu'il la voit, il ne peut s'empêcher de la détailler, et ce jour-ci n'est pas exception. Ses yeux qu'il a de nombreuses fois revus dans ses rêves et qui n'en sont désormais plus un compressent son coeur dans un étau, ses souvenirs réchauffant chaque parcelle de son corps alors que sa tête lui hurle qu'il doit passer à autre chose. Il ne l'a jamais fait. N'a jamais pu. Johannes plaque un sourire professionnel sur son visage, un sourire qui n'atteint pas son regard. Miss Abberline, le directeur souhaiterait vous voir. Ce n'est pas urgent, mais il aimerait que vous passiez dans son bureau dès que vous en avez l'occasion. Ces formalités qu'il s'impose le tuent. Il se force à utiliser son nom de famille, comme s'ils n'avaient jamais partagé le même lit, comme s'ils n'avaient pas été liés de nombreuses années, comme si ce « Lex » auquel il était si habitué ne lui brûlait pas la langue, ne menaçait pas de s'échapper de lui-même à chaque fois qu'il pense à elle. Son ton est totalement neutre, dénué de toute émotion, parce qu'il ne sait pas laquelle dominerait si les laissait faire. Peut-être ce manque qui l'a consumé des années pour finalement se faire une place définitive mais discrète dans sa tête, avant de revenir en force quand il a eu la merveilleuse idée de venir poser ses valises à Poudlard. Peut-être cette colère dont il ne veut pas mais qu'il n'arrive pas supprimer, qui lui a volé de trop nombreuses nuits déjà pénibles. Peut-être cette peine qui lui a noué la gorge.
Un court instant, il est incapable de bouger. Il ne sait pas quoi lui dire d'autre. Il n'est pas venu pour lui dire quoi que ce soit d'autre. Il ne veut pas lui dire quoi que ce soit d'autre. La raison de sa venue ici n'est plus, il a accompli la tâche qui lui avait été donnée. Alors il hoche vaguement de la tête, dans un geste qui n'est destiné à personne, qui n'a peut-être pour but que de lui permettre de se reprendre, puis enchaîne avec un autre signe de tête, un salut. S'il se permet de prononcer un seul autre mot, il n'a pas la moindre idée de ce que sera celui-ci et il ne veut pas le savoir.
Doux moment d'euphorie, sensation grisante que je savoure me sentant planer très haut dans le ciel plus certainement qu'avec n'importe quelle substance illicite. Ce moment d'appréhension mêlée à l'excitation dans les quelques minutes qui précèdent une nouvelle journée, j'y suis accro. Je suis dépendante totalement, c'est de l'adrénaline pure qui coule dans mes veines à chaque fois. Je suis shootée à cette ivresse des premiers instants, ceux qui précèdent la joie qui va déferler sur mon cœur aux premiers « Bonjour Professeur ». Lentement, la classe se remplit comme mon cœur qui se gonfle de bonheur. Le bonheur de retrouver chaque jour ces mêmes visages. Le bonheur de savoir que notre rêve c'est notre réalité. Le bonheur de se sentir accompli professionnellement. Je ressens cette déferlante d’amour, de moi vers eux et d'eux vers moi. À l'aube de ma cinquième année d'enseignement, on pourrait croire que je suis blasée, familiarisée à cette sensation de me retrouve face à des dizaines de paires d'yeux braqués sur moi attendant que je leur transmette mon savoir mais non. Je vis toujours un moment particulier et magique, chaque journée me permet de trouver la paix dans la satisfaction du travail effectué et du cœur que j'y mets chaque fois.
La journée fini, je parcours les rangées pour ramasser ce qui doit l'être. Je remets la classe en ordre m'assurant que des parchemins emplis de ratures et délaissés ne traînent pas, que tout soit le plus ordonné possible. C'est ma routine de fin de cours car je n'aime pas l'idée de laisser la salle de classe dans son état naturel de désordre de fin de journée. J'y accorde une importance encore plus grande depuis que je sais que celui qui sera chargé de s'en occuper par la suite n'est nulle autre que l'homme à qui j'ai donné mon cœur il y a dix ans pour ne jamais le reprendre. Je veux l'épargner et même si c'est minime, c'est bien le seul geste que je puisse faire pour lui. Il se refuse obstinément à simplement lever les yeux sur moi et me laisser une simple chance de lui dire le pourquoi du comment. Mais j'ai fini par me résigner et essayer de chasser les larmes qui menacent alors que je ressens qu'il ne me respecte même plus comme personne. Je ne lui en parlerai jamais, je me suis résignée à garder ce secret et si je dois reconquérir son cœur un jour, ce sera sur de nouvelles bases, un respect regagné, une complicité reconquise, deux cœurs qui battent à nouveau à l'unisson en laissant le passé pour écrire notre histoire sur une feuille vierge.
Je corrige quelques devoirs dans le calme de la classe quand j'entends frapper. Trois petits coups. Puis il est là et j'ai l'impression de rêver. Mon cœur s'emballe alors que j'ai l'impression de ressentir les battements d'aile d'une envolée de papillons dans le ventre. L'espoir me donne plus chaud alors que mon regard s'éclaire l'espace de quelques minuscules secondes. Quelques minuscules secondes avant que mes yeux couleur océan ne croise ceux que le sourire n'atteint pas, que le ton professionnel et sans aucune familiarité ne brise cet élan. Je suis ébranlée mais je ne laisse rien paraître souriant doucement. Ses mots sont emplis d'une certaine dose de formalisme.
« Merci Monsieur Rosenberg d'avoir pris sur vos propres obligations pour me transmettre ce message. »
Mais mon cœur saigne et mon âme crie que ce n'est pas de ce professionnalisme de bas étage que je veux avec lui. Je veux l'entendre dire ce nom « Lex » ou « Lexis ». J'ai besoin que le murmure que j'entends la nuit et qui aujourd'hui encore me réveille en plein milieu de mes rêves pour que je me retrouve face au vide de mes draps froids, au sentiment de solitude depuis que je l'ai perdu. Je voudrais encore sentir son souffle sur mon épaule et son regard qui m'admire avec cette chaleur qui savait venir toucher mon cœur J'ai besoin de ses bras aujourd'hui encore plus qu'avant pour dissiper les souvenirs qui me hantent parfois. Mais saurais-je simplement le laisser voir les marques que mes convictions ont laissées sur ma peau qui autrefois a eu la chance de goûter à ses caresses. Je veux à nouveau penser à l'avenir, à ce que nous pourrions construire ensemble. Je reviens à l'instant présent alors que son regard exprime combien il rêve d'être partout ailleurs qu'ici. Il est tellement lointain et toute son attitude le trahit mais je me tends un peu quand je perçois au second hochement de tête que si je ne réagis pas dans la second, alors... alors il repartira et je verrai s'envoler mon opportunité d'essayer de briser la glace entre nous. Je ne peux pas le laisser partir contrairement à toutes les fois où j'ai respecté à ses limites à lui. Cette fois, ce sont les miennes que je dois m'efforcer de respecter. J'ai besoin de pouvoir sentir que je ne laisse pas filer le bonheur sans réagir. Je me lève avant de le regarder essayant de le retenir.
« Johannes... S'il te plaît accorde-moi une minute... Johan... »
Merci Monsieur Rosenberg d'avoir pris sur vos propres obligations pour me transmettre ce message. Il ne sait pas si c'est sa voix, ou si c'est ce qu'elle dit, qui lui serre les tripes. Il l'a très certainement entendue durant les derniers mois, l'inverse serait improbable étant donné qu'ils arpentent les mêmes couloirs quotidiennement. Mais il s'arrange tellement pour limiter les fois où ils s'adressent réellement la parole qu'à chaque fois qu'il l'entend s'adresser à lui, il est renvoyé à cette époque où cette voix faisait partie de son quotidien. Il repense à ces moments où leurs échanges étaient naturels, évidents. A l'époque où elle l'appelait « Johan ». Aujourd'hui, il est « Monsieur Rosenberg » et s'il a lancé la chose en utilisant son nom de famille le premier, le retour de flammes fait mouche. Ils sont cordiaux, à peine, comme il le serait avec d'autres professeurs. Comme il le serait avec certains élèves. Comme il le serait même avec ce directeur dont il ne sait rien, mis à part le fait qu'il l'a convoqué une fois sans jamais se montrer à leur rendez-vous. Comme il le serait avec tout le monde, mais comme il ne devrait pas l'être avec elle. Parce que même après tout ce temps, ils ne sont pas des étrangers, ils ne l'ont plus été dès l'instant où ils ont commencé ce jeu de séduction il y a bien dix ans. Mais il n'arrive pas à faire autrement que de mettre le plus de distance possible entre eux, comme si ça pouvait l'aider à mieux gérer la situation. Et sans aucune surprise, elle respecte cette distance, elle respecte cet éloignement qu'il force entre eux, et il se retrouve blessé par la carte qu'il a lui-même jouée.
Johan a déjà la main sur la poignée de porte, le corps toujours tourné vers elle, quand elle reprend la parole. Johannes... S'il te plaît accorde-moi une minute... Johan... Si son prénom suffit à l'arrêter dans son geste, son surnom le pousse à fermer les yeux. Comme il a été idiot de penser qu'il pourrait gérer la situation, qu'en une minute, tout serait réglé. Que tout cela ne se déroulerait que comme une autre de ses tâches, que le fait qu'il s'agisse d'elle ne changerait rien. Bien sûr que ça change tout. La voir change tout, parce qu'elle n'a quasiment pas changé après tout ce temps. Pas à ses yeux. La fatigue de sa vie quotidienne, des nombreuses heures de cours qu'elle dispense, les quelques années écoulées depuis la dernière fois qu'ils se sont réellement vus, rien de tout cela ne modifie la vision qu'il a d'elle, cette vision qui le hante toujours, toujours présente, encore plus maintenant qu'il est là, dans son univers à elle. L'entendre change tout, parce qu'après toutes ces nuits passées sans que le son de sa voix ne lui parvienne, il aurait presque envie de s'asseoir avec les étudiants sur ces bancs, simplement pour pouvoir l'écouter. L'avoir à quelques mètres de lui change tout, parce qu'il a envie de tendre la main dans sa direction. A chaque fois qu'il découvre un nouvel endroit à Poudlard, il se demande si elle s'y était déjà rendue quand elle était encore élève. Il était absurde de penser un seul instant qu'il pourrait assumer tout ça sans ciller, pas avec tous ces sentiments qu'il enfouit chaque jour comme s'il pouvait les faire disparaître, les bons comme les mauvais.
Il ne bouge pas, elle n'insiste pas. Il pourrait partir, là, maintenant. Faire comme si de rien n'était. Faire comme si elle ne l'avait pas appelé, comme si elle ne lui avait pas demandé un tout petit peu de son temps. Il pourrait lui dire qu'il a des choses à faire, qu'il n'a pas une minute à lui consacrer. Que comme elle l'a si bien dit, il a pris sur ses propres obligations pour venir, et qu'il doit y retourner. Un long moment, il hésite d'ailleurs à réagir de cette manière, à tout simplement lui forcer la main et la laisser comprendre qu'il ne restera pas. Parce que rester, c'est douloureux. Rester, c'est se rappeler de choses qui n'existent plus alors qu'elles étaient son monde. Peut-être est-il faible. Surement, même. Mais quand elle laisse s'échapper ce surnom qu'il rêvait entendre de sa voix, après cette mascarade à laquelle ils se sont livrés, il ne trouve pas la force de tourner les talons pour la fuir, pour l'ignorer encore une fois. Ou au contraire trouve-t-il la force de lui faire face. Qu'est-ce que tu veux, Alexis ? Il rouvre les yeux, relève presque le menton dans un air de défi absurde, croisant les bras sur son torse en une maigre protection. Il se tient moins droit, son ton est moins distant même si toute son attitude tient à la garder éloignée, tant physiquement que mentalement, toujours debout à l'entrée de la salle. Elle a laissé tomber les formalités, alors il fait de même, peut-être à contrecœur. Ce « a » qui s'accroche dans son prénom et qui écorche presque ses oreilles tant il est inhabituel, il ne parvient pas à faire sans. Il a besoin de garder ses barrières, au moins quelques unes. Il a envie de lui dire qu'elle n'a effectivement qu'une minute, qu'il s'en ira après ça sans lui laisser davantage de temps. Mais il mentirait, parce qu'il en serait incapable. Tu dois avoir un cours qui arrive, non ? Il n'en a aucune idée, il s'est refusé à se tenir au courant de son emploi du temps. Il cherche juste à laisser une échappatoire à tout ça, pour elle, pour lui. Une excuse qu'ils peuvent utiliser sans avoir besoin d'autre justification.
L'attente n'est pas longue en soit mais elle me semble une éternité. Pendant ce court laps de temps, je regrette d.avoir osé brisé le côté froid et procédural de notre échange. Je le regrette pour l'unique raison que mon cœur, mon pauvre petit cœur, je ne peux pas le protéger avec lui. Je ne l'ai jamais pu et je ne le pourrai jamais car rien ne peut empêcher mon cœur de voler vers lui et depuis que je peux le voir chaque jour, c'est encore bien pire. Je ne compte plus le nombre de fois où mon cœur tressaute dans ma poitrine, où j'ai envie de laisser échapper trois petits mots de malheur qui signerait probablement mon arrêt de mort. Il est bien trop tôt pour mettre mon cœur à nu sans que le dialogue n'aie pu être rétabli car je ne sais même rien de ce à quoi ressemble sa vie aujourd'hui. Une autre fille se glisse-t-elle à ses côtés en cachette chaque nuit? Parfois, je tends l'oreille pendant mes heures d'insomnie cherchant un indice même mineur si la place à ses côtés est prise. Je n'ai jamais rien entendu mais cela signifie-t-il que son cœur est toujours libre, que son corps n'appartient pas à une autre. Je n'en ai aucune idée alors je me dois de protéger mon cœur mais rompre cet aspect professionnel de notre échange, je me sens soudainement désarmée car son refus me ferait probablement mal. Je ne suis toujours pas prête à tourner la page, toujours pas prête à offrir mon cœur à un autre que lui. Et pourtant je l'ai fait de ma propre initiative. Pourquoi? Car je ne pouvais tout simplement pas supporté de m'écorcher les lèvres à l'appeler ainsi Monsieur Rosenberg. Malgré le nombre d'années qui séparent cet instant de notre dernier moment d'intimité, il ne sera jamais Monsieur Rosenberg à mes yeux car ce serait offensé tout ce que l'on a pu partagé. Ce serait dénigré cette alchimie qui m'a permis de vivre une relation épistolaire avec cet homme là pendant de longues années. J'espère qu'il me laissera ma chance, qu'il ne brisera pas mon espoir en plein élan alors que je trouve finalement le courage de l'aborder ou de saisir l'opportunité de rétablir la communication.
Mais l'espoir est chose fragile. Ses yeux clos montrent que j'ai encore le pouvoir d'éveiller quelque chose en lui, cela me rappelle combien j'ai pu un jour compter pour lui. Mais son regard qui exprime un défi, il me ramène à mon silence qui a laissé mourir notre histoire. Mon silence, j'en paie le prix à chaque fois que son image se superpose sur mes paupières dans l'obscurité de mes yeux clos. Je voudrais dire que j'en souffre autant que lui a du en souffrir mais ce serait injuste car je suis celle qui a causé la déchéance entre nous pour qu'aujourd'hui, enfin réunis, nous nous comportions comme deux parfaits étrangers l'un pour l'autre. Je regarde ses bras qui forment un écran et le message s'inscrit assez clairement dans son esprit « Reste loin de moi » mais je voudrais le rassurer que je vais pas franchir ses limites, que je ne vais pas envahir son espace sauf si un moindre signe de lui me prouve qu'au fond, une toute petite parcelle en lui désirerait que j'ose franchir l'espace et venir à lui pour le toucher, réapprivoiser son cœur et son corps, me refaire une place même minime à ses côtés. Ce que je veux? L'impossible. Mais à défaut, je peux vouloir autre chose non? Je cherche mes mots avec soin car je n'aurai pas grande occasion de retenter ma chance, je le pressens mais sa phrase coupe net son élan et instinctivement, les mots lui échappent pour venir le rassurer ou se rassurer elle.
« J'ai terminé mes cours pour la journée. Mon horaire est plus léger le mercredi. »
Avais-je réellement besoin de le préciser? Non mais j'en ai trop dit et je me sens comme à mes débuts en tant qu'enseignante. Je manquais tellement d'assurance. Je n'arrivais pas à clairement me faire comprendre, m'exprimer car la peur me tétanisait. Comment avais-je dépassé cela? Je cherche dans mon esprit et la réponse me vient comme une évidence Suis ton cœur. Je ferme les yeux alors que je laisse mes émotions me dicter des mots que je pense au plus profond de moi.
« Je veux que l'on se parle. J'aimerais que l'on cesse de se comporter comme des inconnus, que tu m'ignores chaque fois que tu le peux, c'est-à-dire presque tout le temps. Je ne dis pas qu'on doit être les meilleurs amis du monde mais on pourrait essayer non? Je veux être ton amie Johan... Je t'en supplie... »
Son amie? Sérieusement? Je veux bien plus que cela mais je me dois d'être raisonnable et de commencer tout doucement je suppose. Je l'ai supplié, y percevra-t-il combien je souffre de son silence qui s'éternise depuis des mois? Je voudrais le supplier de m'appeler à nouveau comme avant, de laisser tomber ce « a » qui vient écorcher mes oreilles et marteler mon cœur Je ne veux pas que tout soit si froid entre nous mais qui suis-je aujourd'hui pour exiger quoique ce soit. Je peux juste espérer et solliciter. Je le regarde et je vois le même homme que j'ai laissé partir un jour triste. Je ne vois pas la manière dont la vie a eu prise sur lui, je ne vois pas ses traits vieillis par le temps. Je n'y vois que le reflet de l'homme que je désirais à mes côtés et que je désire toujours. Je sens qu'il va partir, à un moment ou un autre, mais au moins n'aura-t-il pas attendu l'expression de mon sourire le plus cher. Aura-t-il perçu oh combien je suis sincère dans ce que je veux lui dire? J'ai le cœur battant alors que j'attends simplement.
J'ai terminé mes cours pour la journée. Mon horaire est plus léger le mercredi. Il a osé espérer quelques secondes qu'elle attraperait cette perche qu'il lui tendait, qu'elle acquiescerait simplement, lui disant que oui, des élèves viendraient bientôt dans cette salle et qu'il leur est impossible de rester là à échanger. A la place, elle lui confirme qu'elle a tout le temps du monde et il ne peut pas partir sans simplement lui tourner le dos, sans empirer la situation d'une manière ou d'une autre. Parce que, quoi qu'il fasse, s'il décide de s'en aller maintenant alors qu'il a accepté de la laisser prendre la parole, il ne pourra même pas prétendre que c'est lié au travail. Ce ne sera que parce qu'il ne peut pas continuer, et ça en dirait long. Johan baisse un peu la tête, des boucles désordonnées lui tombant sur le visage alors que ses yeux sont toujours levés vers elle. Elle ferme les siens et il redoute un peu ce qu'elle va dire. Il redoute la raison pour laquelle elle lui demande de rester, pour laquelle elle lui demande de l'écouter. Peut-être aura-t-il enfin des explications sur son silence, sur ces lettres sans réponses, sur ces mots qu'il a attendu des semaines, des mois, des années, mettant bien trop longtemps à accepter la chose pour ce qu'elle était. Il en doute, vraiment.
Je veux que l'on se parle. J'aimerais que l'on cesse de se comporter comme des inconnus, que tu m'ignores chaque fois que tu le peux, c'est-à-dire presque tout le temps. Je ne dis pas qu'on doit être les meilleurs amis du monde mais on pourrait essayer non? Je veux être ton amie Johan... Je t'en supplie... Bien sûr qu'elle souffre elle aussi de cette distance qu'il met entre eux, mais il est bien trop égoïste sur ce point pour se demander comment elle peut bien le vivre. Il est bien trop égoïste parce qu'il considère que c'est à son tour de l'être. Parce qu'elle l'a été il y a des années et qu'elle n'est pas la seule à pouvoir jouer à ce jeu-là. Ses mots ravivent une amertume qui se tassait jusque-là dans l'ombre, et lui arrachent un début de rire grinçant et bref, presque ironique. Il relève la tête, la fixe sans un mot. Puis il s'approche de quelques pas, laissant la porte entrouverte derrière lui, ne se préoccupant pas de qui pourrait bien passer dans le couloir et entendre des bribes de conversation. Alors maintenant, tu veux que nous nous parlions ? Comme c'est intéressant. Ses mots suintent le sarcasme et ses yeux possèdent une dureté certaine. Il ne devrait pas se comporter comme ça, pas avec elle. Il ne s'est jamais comporté comme ça avec elle. Et pourtant, là, il ne peut pas s'en empêcher. Cette forme d'attaque, c'est sa défense. C'est sa réaction quand il a déjà été blessé et qu'il préfère prendre les devants pour éviter que ça se reproduise.
Parlons donc ! Tu veux être mon amie ? Qu'est-ce qui te dit que c'est ce dont j'ai envie ? Pourquoi est-ce que je voudrais de toi comme amie, Alexis ? Il ne veut pas être son ami, ne l'a jamais voulu. Pas juste son ami, en tout cas. Et il ne serait jamais capable de n'être que ça, encore moins aujourd'hui. Être amis. Discuter dans les couloirs comme il le ferait avec James ou Heathcliff. Lui demander comment s'est passé sa journée. Lui proposer d'aller boire un verre comme il pourrait le faire avec Sarah. Sans la toucher. Sans la prendre dans ses bras. En gardant tous ces mots qui lui brouillent la tête pour lui. Et sans lui en vouloir. Il ne peut pas. Il ne veut pas. Pour lui, c'est tout bonnement impossible. Pas quand il a passé autant de temps à se réveiller et se retourner dans ses draps pour finalement se rappeler qu'il n'aurait plus l'occasion de partager un lit avec elle. Qu'il ne la verrait plus dès les premières lueurs du jour. Qu'elle ne serait plus la dernière personne à croiser son regard avant qu'il ferme les yeux. Parce que du jour au lendemain, elle a décidé que ça ne valait plus le coup. Tu sais, les amis ont un minimum de respect l'un pour l'autre, suffisamment pour se dire les choses qui doivent être dites quand c'est nécessaire. Il est dur, il le sait. Elle tente de lui tendre la main et il continue de construire son mur. Sauf qu'au lieu de le faire en silence comme c'était le cas depuis le début de l'année, il la prévient à chaque nouvelle brique qu'il dépose. Il en est même presque à lui jeter des pierres au passage, en espérant que ça la garderait éloignée.
Son amie. L'idée même qu'elle lui propose ce genre de relation lui fait mal. Si elle est capable de rester à ses côtés de cette manière, tant mieux pour elle; mais lui ne peut pas faire comme si rien ne s'était jamais passé, peu importe à quel point il a pu essayer, peu importe le nombre de fois où il a tenté d'effacer ses souvenirs, de les remplacer par d'autres. Son coeur, son esprit, sont champs de bataille à cet instant. Lui dire qu'être son ami ne lui suffira jamais n'est pas envisageable, même si c'est la vérité. Il ne peut pas se résoudre à le lui avouer, pas au risque de se voir piétiné à nouveau. Alors il laisse s'exprimer son ressentiment. Pourquoi est-ce que j'aurais envie d'essayer ?
Cet instant où je crois qu'on pourrait se diriger vers une réconciliation ne dure que quelques courtes secondes avant que ce rire qui glace le sang ne vienne me couper dans mon élan. Mépris et amertume, je peux ressentir combien ma phrase ne crée que ces sentiments négatifs en lui. Il ne semble même pas prendre une seconde pour envisager que nous allons désormais être amenés à nous côtoyer pendant de longues années et que nous nous devons de trouver un terrain d'entente. J'espérais que le souvenir de ce que l'on a partagé, du nombre d'années où j'ai attendu sagement son retour me vaudra au moins le mérite de pouvoir lui parler sans animosité mais oh combien je peux me tromper. J'ai soudain froid, froid au cœur alors qu'un étau le compresse. Je voudrais dire que cela ne m'atteint pas mais ce ton froid alors que je sens dans ses mots le reproche. Je perçois le message en sous-titre qui va avec son ton et son choix de mots "Tu es celle qui a rompu le dialogue donc tu es mal placée pour faire cette demande". Quand le feu de la passion devient la glace de l'indifférence... cela fait terriblement mal. Son regard me donne envie de me replier et cette fois, c'est moi qui remet une certaine distance entre nous me reculant d'un pas. Je ne suis pas certaine de pouvoir supporter le laisser s'approcher. Il n'a jamais été aussi dur avec moi, il n'a jamais été cruel avant mais aujourd'hui, je ne suis pas certaine de pouvoir retrouver sous ses traits celui qui faisait chavirer mon cœur Je ne suis pas sûre qu'il ne soit pas mort dans le flot des années qui nous ont séparés, éloignés. Je ne m'attendais pas à cela.
« Tu ne connais pas le dicton ''mieux vaut tard que jamais'', au moins je peux dire que je te regarde dans les yeux pour essayer de rétablir les choses sur un terrain moins hostile. »
Le cœur est fragile et je ne saurais dire ce qui me blesse le plus de ses silences depuis qu'on s'est croisés peu après son arrivée ou de ses paroles qui transpirent d'une animosité qu'il ne tente même pas de cacher. Je suis consciente que j'aurais dû lui écrire cette lettre d'excuses et d'explications mais je refusais de prendre le risque que... que quoi en fait? Je crois que j'avais peur qu'après six mois, cela ne change plus rien et alors je n'aurais pas pu me bercer de l'illusion que la vie remet toujours sur la même route deux cœurs destinés l'un à l'autre, que nous aurions notre seconde chance libéré des obstacles du passé. Je le fixe soudain incrédule par le sens de ce qu'il me dit. Quoi? Je n'ai pas commis le pire crime de l'humanité non plus. Je ne l'ai pas trahi lâchement. Je n'ai pas joué dans son dos. Je me suis juste tue un beau jour. Je n'ai pas eu la force de répondre à ses lettres. Je n'arrivais pas à trouver le courage quand au fond de moi, j'espérais simplement qu'il prenne son courage à deux mains et revienne pour moi. Je voulais secrètement croire compter suffisamment pour qu'il ne me laisse pas m’évaporer dans la brume des souvenirs sans se battre pour moi. J'avais perdu confiance en moi mais je ne savais même pas comment l'exprimer.
« Tu as bien voulu de moi dans ta vie, je devais pas être une personne si horrible! Tu devais même me trouver un quelque chose. Je ne veux pas qu'on se côtoie dans cette ambiance où ça frôle l'irrespect par moment. C'est pas sain. »
Je ne voulais pas perdre mon sang froid, le contrôle et laisser cette pensée m'échapper. Je n'avais pas envie de lui faire de reproche et de rentrer dans cette dynamique. Mais peut-être au fond, nous avons besoin de pouvoir nous dire des vérités même si elles font mal pour pouvoir avancer. Nous devons y passer comme si c'est une étape essentielle et j'ai peur que le flot de reproches ne nous emmènent sur un terrain bien dangereux. Si nous brisons définitivement ce petit quelque chose entre nous, pourra-t-on seulement faire marche arrière. Je le fixe un moment et mon regard se durcit alors que ma voix est plus calme, plus posée pour dire ce que tout cela éveille en moi.
« Pourquoi pas Johannes? Tu trouves que se dire Miss Abberline et Monsieur Rosenberg, ça nous ressemble? Tu ne veux pas être mon ami très bien! Mais grandis un peu. Tu prétends que j'ai pas été respectueuse mais tu crois que c'est vraiment du respect de toujours faire passer son travail avant la personne que l'on prétend aimer. Attaque facile? Probablement autant que la tienne. Tu ne sais pas ce qui s'est passé. Tu m'as donnée la seconde place en permanence dans notre relation, tu m'ignores et c'en est presque grossier mais je suis quand même là à essayer. Tu veux pas? Tu me laisses même pas une chance! Tu ne nous laisses pas une chance. Je vais pas te supplier. »
Pourtant je l'aurais fait si au fond, je n'étais pas profondément blessée. Je veux plus que cette amitié qui risque de me consumer de toute mon âme. Je ne pourrais jamais supporter cette proximité factice quand je rêve de ses bras autour de moi et de l'odeur de sa peau sur mon oreiller. Je ne saurai jamais tolérer cette pseudo amitié mais je me serais brûlée dans les feux d'un enfer terrestre pour sentir encore son regard sur moi. Je t'en supplie Johannes, ne pars pas encore.
Tu as bien voulu de moi dans ta vie, je devais pas être une personne si horrible! Tu devais même me trouver un quelque chose. Je ne veux pas qu'on se côtoie dans cette ambiance où ça frôle l'irrespect par moment. C'est pas sain. Dire qu'il lui trouvait quelque chose, qu'il lui trouve toujours quelque chose, c'est un euphémisme. Elle a raison, dans le fond. C'est loin, très loin d'être sain, ce qu'il fait, ce qu'il la force à faire. Johan n'a pas seulement « bien voulu d'elle » dans sa vie, il avait besoin d'elle. Il peut nier autant qu'il veut, se le cacher et se fourvoyer autant qu'il le peut, il a toujours besoin d'elle. Et la traiter presque moins bien qu'il traiterait un étranger ne le mènera à rien, ne l'aidera pas à quoi que ce soit, peu importe ce qu'il imagine. Mais il est blessé et il ne réfléchit plus, il se contente de réagir, comme il l'a fait avec Zephÿr. Il perd le fil de ses pensées, le contrôle de ses réactions. La dernière fois a été un désastre, et il ne réalise pas que cette fois-ci pourrait en être un aussi. Tout ce qu'il remarque c'est qu'elle s'éloigne quand il avance, qu'elle adopte le même ton que lui, sur la défensive. Qu'elle est bien davantage maîtresse de ce qu'elle fait que lui, qui se laisse submerger comme un idiot.
Pourquoi pas Johannes? Tu trouves que se dire Miss Abberline et Monsieur Rosenberg, ça nous ressemble? Non, bien sûr que non, ça ne leur ressemble pas, ils le savent tous les deux. Tu ne veux pas être mon ami très bien! Mais grandis un peu. Il entrouvre la bouche pour réagir mais elle ne lui laisse pas le temps. Il ne peut que décroiser les bras, serrer les poings alors qu'elle continue sans lui laisser une seule seconde. Tu prétends que j'ai pas été respectueuse mais tu crois que c'est vraiment du respect de toujours faire passer son travail avant la personne que l'on prétend aimer. Attaque facile? Probablement autant que la tienne. Touché. Il ne peut s'empêcher de reculer d'un pas alors qu'elle lui reproche une chose pour laquelle il s'est lui-même tapé la tête contre le mur plus d'une fois, ces moments où il a fait passer son travail avant elle pour une raison qui lui échappe aujourd'hui. Tu ne sais pas ce qui s'est passé. Tu m'as donnée la seconde place en permanence dans notre relation, tu m'ignores et c'en est presque grossier mais je suis quand même là à essayer. « En permanence ». Les mots le blessent bien plus qu'il ne veut l'admettre, parce qu'il a largement repoussé son départ pour elle. Il est resté deux ans au même endroit pour elle, après des années à bouger constamment. Il a laissé passer bon nombre d'occasions pour elle, et il ne l'a jamais regretté. Et là, c'est comme si dès l'instant où il était reparti, tout cela n'avait jamais existé. Comme s'il n'avait jamais fait le moindre effort. Oui, il est presque grossier depuis des mois et il n'a pas beaucoup d'excuses autres que sa blessure qui ne s'est jamais refermée. Mais là où il l'a attaquée, idiotement, sur un point, elle l'attaque sur l'entièreté de leur relation, et c'est comme une claque. Tu veux pas? Tu me laisses même pas une chance! Tu ne nous laisses pas une chance. Je vais pas te supplier. Il ne veut pas qu'elle le supplie, parce qu'il finirait par craquer.
Il reste là, un instant, silencieux, incapable de dire quoi que ce soit. Les mots d'Alexis tournent en boucle dans sa tête, chaque passage resserrant un peu plus ses tripes. La seconde place. Il ignorait qu'elle ressentait ça, à ce point. Il n'en avait aucune idée. Même lorsqu'il faisait passer les bêtes avant elle, elle était toujours là, alors le fait qu'elle puise se considérer comme étant à la seconde place... Elle lâche ça comme une bombe et celle-ci fait son effet sans aucun problème, le poussant à entourer son propre torse de son bras dans une posture défensive, dans une posture de réconfort, aussi. Je n'ai pas... Je ne t'ai pas... Il a le cœur lourd. Son agressivité s'est évanouie alors que sa cervelle fonctionne à plein régime, cherchant comment finir une phrase qu'il ne connaît pas. Il n'ose plus la regarder et se contente de fixer le sol comme un élève qu'on réprimande. « Grandis un peu ». Ça a quelque chose d'ironique, de le voir comme ça juste après ces propos-là. Johan glisse sa main libre dans ses cheveux, son corps se tassant comme s'il se faisait tout petit. Quand il finit par reposer les yeux sur elle, il ne cille pas et reste une bonne poignée de secondes la bouche ouverte avant de finalement prendre la parole. C'est pour ça que tu n'as plus répondu ? Parce que tu trouvais que je te donnais la seconde place ? Tout du long, il l'a accusée pour son silence, il lui en a voulu, voulu pour combler ce manque. Et à l'époque, jeune, perdu, idiot, il n'a pas imaginé deux secondes qu'elle pouvait lui en vouloir pour son travail, à ce point. Il se disait, visiblement à tort, qu'il était évident qu'elle était son monde, malgré le fait qu'il ne soit pas en Angleterre. Et clairement ça ne l'était pas. « La personne que l'on prétend aimer ». Ça n'a jamais été prétendu. Ça a toujours été honnête. Assumé. Comment a-t-il pu ne pas réaliser qu'elle pensait ainsi ?
Mes mots flottent dans l'air comme s'ils avaient trouvé un écho dans le vide soudain qui règne dans mon esprit. Le silence emplit la pièce et vient peser sur mes épaules alors que je m'en veux d'avoir dit ces mots là, de lui avoir formulé ce reproche. Je n'arrive plus à formuler une seule pensée cohérente pendant de longues secondes, voire des minutes, alors que je lui laisse le choix de rompre ou non ce silence, de fuir ou non. Je le fixe le cœur brisé de voir la douleur s'inscrire sur ses si doux traits, sur ce visage qu'aujourd'hui encore, je chéris. Je sais que je viens de lui infliger une douleur en remettant en question la faute à qui. Je viens de m’enlever une part de responsabilité pour la rejeter vers lui. Je devrais moins culpabiliser de lui avoir dit cela mais au contraire, je m'en veux encore plus. Je lui ai visiblement fait bien assez de mal comme ça en rompant tout contact entre nous. Mais en plus, je sais que je mens avec la plus totale injustice. Non je ne suis pas toujours passée au second plan, pendant les deux ans qu'on a passé ensemble, il était totalement à moi. Je sais qu'il s'est investi et que j'étais celle qui primais mais après son travail a fini par l'emporter. Mentirais-je en disant ne pas m'être alors sentie au second plan? Oui car doucement, cette vérité douloureuse s'est logée dans mon cœur bouleversant mes sentiments et semant un doute tenace et nocif sur la viabilité de notre relation. Je m'en veux d'avoir échappé cela sous l'effet de la douleur car j'éprouve la sensation d'avoir davantage creusé le fossé entre nous. Ses bras qui viennent se refermer autour de lui me déchirent le cœur et je voudrais pouvoir venir le serrer contre moi et lui murmurer au creux de l'oreille que tout peut encore être sauvé, que je l'aime toujours. Je perçois ce besoin désespéré dans son balbutiement de me dire que je me trompe si je crois que j'avais la seconde place mais il n'arrive pas à finir cette phrase. Je ne perçois plus aucune agressivité dans son attitude et mes propres défenses se sont effondrées sous le poids de mes propres mots qui se sont fracassés contre moi. J'ai besoin de briser la distance et comme dans un mauvais jeu du chat et de la souris où tu pars quand je viens et je pars quand tu arrives. Mais je m'avance d'un pas bouleversée de sentir combien il est perdu et démuni. Je voudrais effacer les derniers instants pour ne jamais avoir semé ce doute dans son esprit. Il baisse la tête et je le sens si fragile, une vulnérabilité que je n'aurais jamais voulu déceler. Je voudrais pouvoir réparer le fruit de mon incapacité à me taire mais il est trop tard.
« Je sais... »
Mais quoi? Je ne sais pas très bien ce que je voulais dire. Ou plutôt si je le sais, je voulais lui dire que j'ai conscience que non je n'avais pas la seconde place. Je veux lui faire comprendre qu'il n'a pas besoin de dire quoique ce soit pour que ça aie du sens. Je comprends exactement le sens des mots qu'il ne sait même pas comment formuler. Je ressens toujours ce lien particulier entre nous. Par contre, sa question me prend de court et j'écarquille les yeux un instant. Je ne sais pas quoi en penser, en dire. Bien sûr que non, ce n'est pas la raison mais j'aurais aimé qu'au lieu de m'envoyer des dizaines de lettres, il rentre tout simplement en Angleterre. Je n'avais pas la force à l'époque de mettre par écrit ce que je vivais et ressentais mais j'aurais voulu m'effondrer dans ses bras et nicher mon nez dans son cou. J'aurais voulu que son bras me prouve chaque nuit que je pouvais compter sur lui. Mais je me suis rendue compte que je devais faire face seule et ça m'a terrorisée pendant un instant. J'ai même douté de la force de ses sentiments. Je ne pensais plus vraiment, les émotions dominaient mon monde. Mais comment lui faire comprendre ce que j'ai éprouvé tout au fond de mon cœur
« Non Johannes, non... Ce serait trop facile de m'ignorer pendant des semaines puis utiliser quelques mots pour essayer de savoir. Tu aurais pu venir me poser la question quand tu as réalisé que nous nous retrouvions finalement. Tu aurais dû essayer à ce moment là. Tu aurais pu rentrer si cette explication avait réellement de l'importance. Pourquoi ne pas être venu chercher une explication plus tôt? »
Il n'y a aucune agressivité dissimulée dans mes paroles mais j'essaie de me protéger car je ne me sens pas capable de pouvoir encaisser des reproches. Je sais que ce soir, son absence me fera encore plus souffrir. J'ai tant de fois rêvé de me faufiler jusqu'à ses appartements pour humer l'odeur de sa peau et oublier tout ce qui peut faire mal. Je veux revivre ces émotions là. Je veux qu'il m'appelle encore de cette façon qui n'est qu'à lui. Je veux me sentir réellement exister et combler le vide de mon cœur Je veux m’enivrer de lui. Mais cette nuit, mes draps me sembleront encore plus froids et mon corps plus lourd à porter. Mais je suis la seule que l'on puisse blâmer car il n'est pas responsable de la fin de notre histoire, cette culpabilité, je suis la seule à en porter le poids à travers des sanglots silencieux. Je m'approche d'un autre pas et sans que je ne puisse me retenir vraiment, je lui laisse entrevoir la réalité de mes regrets.
Elle se rapproche et Johan ne bouge pas. Il aurait envie, envie de reculer à son tour, mais il reste là, se demandant si elle va continuer ou non. Elle avance aussi lentement que lui le fait, un pas à la fois, la salle complète les séparant. Il voit clairement sa réaction, il voit clairement ses yeux s'écarquiller, et il comprend qu'elle ne s'attendait pas à cette question. Pourtant, elle était évidente, non ? Elle devait bien se douter qu'il finirait pas la poser. Qu'il finirait par chercher à comprendre, enfin, après tant d'années. Qu'il voudrait savoir, savoir pourquoi elle a tout cessé, du jour au lendemain. Pourquoi les seules fois où il a pu voir son écriture après tout ça, c'était en relisant leurs anciens échanges, son cœur prisonnier de la peine. Non Johannes, non... Ce serait trop facile de m'ignorer pendant des semaines puis utiliser quelques mots pour essayer de savoir. Ses sourcils se froncent, ses lèvres se pincent et il déglutit, ses dents attrapant l'intérieur de sa joue. Bien sûr que ça aurait été trop facile, qu'a-t-il espéré ? Il a cru, bêtement, que ça suffirait, qu'il obtiendrait une réponse. Quel idiot...
Tu aurais pu venir me poser la question quand tu as réalisé que nous nous retrouvions finalement. Tu aurais dû essayer à ce moment là. Il était bien trop attaché à l'idée de l'éviter. S'il est aujourd'hui ici partiellement à cause d'elle, il ne s'attendait pas à la voir. Il aurait pourtant dû s'en douter, en sachant que son rêve était d'enseigner et qu'il était évident que si elle y parvenait, ce serait ici, à Poudlard. Parce que c'est là qu'elle a fait sa scolarité, parce qu'elle ne cessait de lui parler de cet endroit, des étoiles dans les yeux, parce qu'elle a si souvent partagé avec lui ces histoires de château, lui qui n'a jamais connu quoi que ce soit de similaire et qui l'écoutait parler pendant des heures. Oui, il aurait dû s'attendre à la croiser quotidiennement, et pourtant... Pourtant, il s'était demandé si tout cela était vrai, s'il ne s'était pas simplement mis à halluciner, et puis ses émotions ont pris le contrôle, le murant dans un silence qu'il n'imposait qu'à elle. Silence qui s'est brisé aujourd'hui et qu'il n'est pas certain de retrouver après ça. Tu aurais pu rentrer si cette explication avait réellement de l'importance. Pourquoi ne pas être venu chercher une explication plus tôt? La question est légitime mais c'est à son tour d'être surpris. Il sait ce qu'elle lui demande. Il sait qu'elle cherche à comprendre pourquoi il n'est pas rentré, il y a tant d'années, juste après qu'elle ait cessé de lui écrire. Le fait qu'elle sous-entende qu'il puisse ne pas trouver de réelle importance dans son silence et dans les explications qui y sont liées lui noue la gorge et il est incapable de répondre. C'est ce qu'elle pense ? Qu'il n'a pas considéré tout ça comme réellement important ?
Quand il a compris, quand il a accepté le fait qu'elle ne lui écrirait plus, il s'est résigné. Il n'a pas cherché à la retrouver, parce que pour lui, elle ne voulait plus le voir. Parce qu'à ses yeux, le message était plus que clair, et il était finalement bien passé : il n'avait plus sa place dans sa vie. Il aurait aimé quelques mots, même si ceux-ci auraient été douloureux. Il aurait aimé qu'elle lui dise. Mais il n'avait eu que du silence, et doutait obtenir mieux en allant la retrouver. Et aujourd'hui, elle lui reproche de ne pas avoir tenté, même si tenter représentait le risque de briser encore plus ce qui était déjà en morceaux. Elle semble considérer ça comme une preuve que ça n'importait pas. Que ça n'importe toujours pas. Si elle ne l'attaque pas, il n'en souffre pas moins. Au contraire, même, puisqu'elle a l'air de lui poser la question sincèrement et que c'est encore plus douloureux que si elle ne lui demandait que pour le blesser. Il secoue doucement la tête dans un geste de négation, encore une fois incapable de parler alors qu'elle se rapproche encore.
J'ai tellement rêvé de ce moment. L'incompréhension se peint sur son visage alors qu'il se redresse. Rêvé de quoi ? De lui renvoyer ses erreurs en plein visage ? De lui enfoncer le nez dans sa connerie, dans ces choses qu'il a mal faites et qui font qu'ils en sont là aujourd'hui, à tenter de savoir qui a fait quoi, qui est responsable de quoi ? A qui doit revenir le blâme ? Il secoue encore la tête, cette fois pour lui même. Ça n'a jamais été son genre, ce genre de chose. Elle ne s'est jamais délectée de la peine des autres, jamais, et il doute qu'elle commence aujourd'hui. Il doit faire fausse route, son esprit embrouillé. Il doit y voir quelque chose qui n'y est pas. Il hésite, incertain. Il n'est pas certain de vouloir entendre sa réponse. De ce moment ? Bon sang qu'il se hait pour cette faiblesse qu'il a dans la voix. Il lâche finalement ses côtes, laissant retomber ses bras contre ses flancs. Il se rend, inconsciemment, un peu plus ouvert à la discussion, même si rien n'est clair dans sa tête, même s'il ne sait pas réellement ce qu'il doit faire. Il a envie d'avancer à son tour, et envie de fuir. Il veut être près d'elle, et s'éloigner le plus possible. Il a peur de ce qu'elle peut bien lui dire, lui demander. Il sait qu'il évite les questions mais si elle est capable de lui dire que non, il n'aura pas sa réponse, il ne peut pas en faire de même. Alors il se tait.
Je n'ignore rien de ma cruauté d'avoir refusé de finalement lui donner la réponse à ses interrogations. Ce serait tellement plus facile pour lui comme pour moi et surtout pour un nous éventuel mais je ne peux pas. Je suis sans doute orgueilleuse mais je tiens à garder secrète mes raisons car je suis terrorisée. Pourquoi? Qu'il me reproche de ne pas lui avoir permis d'être là? De l'avoir mis à l'écart d'événements importants de mon existence? Ou d'avoir égoïstement donné la priorité à ma famille et mes obligations plutôt qu'à la magie de notre histoire? Je ne suis toujours pas en état malgré les années de pouvoir envisager que même en connaissant mes réelles motivations, il ne me repousse et ne me juge responsable de l'échec de notre relation sans me donner aucune chance de pardon. Je sais que cela ne me ressemble pas de vouloir garder dans le doute quiconque l'est, qui plus est quand c'est quelqu'un d'aussi proche. Mais si ça ne changeait rien, mon cœur se briserait et je ne pourrais pas faire face. Je sens ma gorge se nouer et je sais que j'ai un travail à faire sur moi pour dépasser mes propres peurs dans son intérêt à lui. Parce que même si je ne le montre pas, son bonheur passe avant le mien et je veux qu'il puisse s'épanouir dans la vie même si pour ce faire, je dois lui permettre de tourner la page et faire de moi, de nous une histoire classée. Dussé-je m'y brûler les ailes, je lui donnerai le droit de devenir l'homme qu'il mérite d'être. Mais un jour ce n'est pas maintenant et je finirai par accepter l'inévitable mais avant je veux me bercer encore pendant quelques jours de l'illusion d'une seconde chance. Je me promets de lui dire avant la fin de cette année scolaire, deux mois pour trouver le courage en moi de lui avouer ce que je n'ai jamais pu avant parce que j'étais beaucoup trop lâche.
Je sais que ma question éveille en lui une vérité qu'il n'a peut-être jamais envisagée. Pensait-il que cet éloignement me meurtrissait le cœur? Je crois qu'il n'en a jamais eu conscience et je n'ai jamais rien dit. Je ne voulais pas briser ses rêves professionnels en lui demandant de faire un choix même de manière indirecte. Je ne voulais pas être un obstacle entre lui et ses ambitions. Je refusais l'idée qu'un jour, il ne finisse par regretter et me reprocher de m'avoir choisie moi. Ou pire j'avais si peur qu'il n'en vienne à choisir son métier. Je ne pense pas qu'il l'aurait fait mais je n'ai jamais voulu le laisser deviner combien mon cœur se brisait à cause de cette distance forcée. Je lui laisse aujourd'hui entrevoir une réalité si différente de celle plus idyllique de nos lettres. Je ne cherche pourtant pas à lui faire du mal mais au contraire à exprimer un aperçu de ce que moi j'ai pu ressentir. Je sens de la colère et de l’amertume chez lui qui prouve combien il a été profondément blessé. Je lis entre les lignes ce qu'il ne dit pas et je veux qu'il sache que je n'ai pas vécu ce moment dans la joie de me sentir libérée d'un poids. Sa voix révèle une certaine faiblesse et il semble laisser finalement tomber ses défenses. Je ne suis pas prête à lui ouvrir mon cœur Mais j'avance lentement, un pas puis un autre. Je voudrais aller plus lentement. Je devrais aller plus lentement. Mais finalement, mon cœur prend le contrôle de mon cerveau et je réduis presque à néant la distance entre nous. Je tremble un peu même si je le cache du mieux que je peux. Peut-il seulement deviner la course folle des battements de mon cœur dans ma poitrine. A-t-il la moindre idée des papillons qui virevoltent dans mon ventre. Je voudrais tendre la main et pouvoir le toucher. Je rêve de glisser les doigts dans ses boucles mais je reste immobile face à lui consciente que je suis trop proche et qu'il pourrait s'enfuir en un battement de cil. Je savoure les minutes où je suis plus proche de lui que jamais en plusieurs années avant de finalement briser ce silence qui cette fois ne m'a pas semblé pesant.
« De ce moment oui. Celui où tu serais finalement face à moi et non plus à des milliers de kilomètres. J'ai rêvé de pouvoir à nouveau poser mes yeux sur toi. Nos discussions me manquent. »
Et tant d'autres choses mais je veux y aller doucement avec les révélations. Je ne veux pas le brusquer mais surtout je veux respecter mes propres limites. Je ne pense pas pouvoir m'abandonner si facilement quand je ne comprends même pas la raison de sa présence en ces lieux. Je m'interroge sur les motivations, visiblement plus fortes que notre amour, qui ont pu le ramener en Angleterre et en ces lieux plus précisément. Je ne sais pas ce que Poudlard a pu avoir de plus fort pour qu'il daigne y venir. C'est un mystère pour moi et j'ai peur de ce que je pourrais finalement découvrir. Je voudrais dire que c'est son frère mais je sais que leurs rapports n'ont rien de très fraternels, ils n'avaient même plus de contact. Quelle raison obscure peut bien avoir motivé un tel changement et qu'il dénigre ses connaissances dans cet emploi clairement en dessous de ses capacités. Je voudrais lui poser la question mais je ne sais pas s'il me répondrait même, je me dois peut-être d'essayer d'abord de regagner sa confiance.
« Tu penses être le seul à avoir souffert de notre rupture? Tu te fourvoies totalement. »
Elle finit par se rapprocher pour de bon, par réduire à quasiment rien l'espace qui les sépare. Elle est soudainement proche. Trop proche. Elle est trop proche, parce qu'il pourrait lever la main, tendre le bras vers elle et passer ses doigts dans ses cheveux. Il pourrait glisser sa paume sur sa nuque pour la rapprocher davantage vers lui. Sentir l'odeur de sa peau, poser ses lèvres sur les siennes. Il pourrait l'entourer de ses bras et sentir son cœur battre dans sa poitrine, profiter de la chaleur de son corps qui n'est aujourd'hui plus qu'un souvenir qui le hante. Il pourrait finalement l'avoir de nouveau contre lui, et l'idée le terrifie autant qu'elle l'attire, parce qu'il ne peut pas se laisser aller à ce que son corps, son cœur, ses tripes, quémandent avec une force rare. Il n'a pas le droit de se laisser aller. Il a le cœur dans la gorge, et ses battements n'ont absolument rien d'agréable. De ce moment oui. Celui où tu serais finalement face à moi et non plus à des milliers de kilomètres. J'ai rêvé de pouvoir à nouveau poser mes yeux sur toi. Nos discussions me manquent. Johan aimerait lui dire qu'elle n'a pas idée d'à quel point il a rêvé de l'avoir avec lui. A quel point tout lui manque, leurs discussions, leur regard qui se croisent, le contact de leur peau. Mais il ne peut pas s'y résoudre, il n'y arrive pas. Il se contente de la fixer comme un idiot, les traits tirés par de trop nombreux sentiments. Il se demande si elle est dans le même état que lui. Si elle se fait violence pour retenir elle aussi ces gestes qu'il brûle d'envie d'avoir, qu'il ne peut pas avoir. Pas dans leur situation. Il n'en a plus le droit depuis des années.
Tu penses être le seul à avoir souffert de notre rupture? Tu te fourvoies totalement. L'expression de Johan change du tout au tout et il se braque de nouveau, faisant ce pas en arrière qu'il retient depuis plusieurs minutes déjà. Elle ne l'attaque toujours pas, elle constate simplement, mais il est loin de vivre la remarque de cette manière. Il la regarde, incrédule, le choc lui nouant un instant les cordes vocales avant que la colère ne le gagne. Pardon ?! Toutes ses pensées se bousculent, tentent de sortir en même temps et il peine à continuer, devant démêler le tout avant de pouvoir reprendre. Je n'ai jamais dit que j'étais le seul à en avoir souffert, mais la décision de tout arrêter n'est pas venue de moi. C'est toi qui l'a prise. Elle ne peut pas lui reprocher de ressentir tout ça. Elle ne peut pas jouer cette carte-là. Elle a souffert ? C'est elle qui a décidé d'y mettre fin, en connaissance de cause. Oui, apparemment, j'ai foiré. De façon spectaculaire, même, si j'ai bien compris ce que tu me reproches. Mais plutôt que de m'en parler, de me donner une chance de corriger le tir, tu as tout laissé tomber. En me laissant dans le noir, à deviner que pour toi, c'était fini. A comprendre que je ne méritais aucune explication, même pas un mot. Juste le silence le plus complet. Bien sûr qu'il aurait dû comprendre plus tôt et qu'il est aussi responsable. Elle le lui a bien fait comprendre. Mais là, il avance de nouveau vers elle, complètement redressé. Il ne se tassera plus. Il ne se laissera pas faire. Les mots d'Alexis font écho à ceux de Zephÿr et rendent tout ça insupportable pour lui. Il s'est battu avec son frère, il ne veut pas se battre avec elle. Mais il ne veut pas non plus courber l'échine, tout accepter. Même pour elle.
Maintenant, si tout ça, c'est ce que tu entends par « discussion », il vaut mieux que je me retire. Je commence à en avoir assez qu'on se permettre de me dire que je ne pense pas aux autres, que je ne prends pas les sentiments des autres en considération. Toi, lui, vous n'en avez aucune idée. Et vous ne faites pas mieux que ce dont vous m'accusez. Lui reprocher ça alors qu'eux-même semblent ne pas se demander un instant comment il a pu vivre les choses, c'est trop facile. Il est traité de lâche. D'indifférent. On lui dit qu'il n'en a rien n'a faire, que rien n'a d'importance. Sans même chercher à avoir sa vision des choses. Et il n'en peut plus. Il ne le supporte plus. Si c'est ça être ton ami, si c'est devoir écouter ce genre de choses, Alexis, je n'en veux pas. Blessé, en colère, il est bien trop proche d'elle pour son propre bien.
Il s'éloigne et mon cœur loupe un battement. Mes mots sont maladroit, sonnent comme des reproches et des sentences pour lui alors que... je veux simplement lui faire comprendre que je suis toujours aussi amoureuse de lui. Je voudrais pouvoir exprimer mon besoin de rompre totalement toute distance entre nous pour le sentir tout contre moi et me perdre dans un paradis qui n'a jamais eu qu'un seul véritable nom, le sien. Je dois serrer les poings pour ne pas céder à la tentation de cette main qui se tend pour le retenir. Je ne sais pas ce que j'espérais ou plutôt je ne le sais que trop bien mais cela me terrorise car je sais qu'il risque de neiger en été avant que je ne puisse me retrouver dans ces bras là. Je dois renoncer mais je ne le peux tout simplement pas. J'ai perdu le peu de talent que j'ai pu avoir pour choisir mes mots sans qu'il ne crée ce rejet chez lui. Ses traits se durcissent à nouveau et je ne parviens qu'à ressentir une profonde tristesse. Mais si au début, il semble choqué, très vite, sa colère se répand par vague dans l'air et je tremble légèrement. Je baisse les yeux devant lui alors que ses mots font remonter mes tripes dans ma gorge, donnent envie à mon cœur de sortir de ma poitrine. Je me sens soudain nauséeuse comme si le malaise grandissait en moi. Je me tasse un peu sur moi-même voûtant les épaules alors que je reste face à lui prise dans une déferlante de reproches qui vrillent mon cœur Il me rappelle des choses que je sais déjà ravivant le poids de regrets qui me meurtrissent de plus en plus. Je pose la main sur ma bouche pour me retenir de parler trop vite mais aussi retenir des émotions trop vives qui pourraient éclater si je m'autorise l'espace d'un instant à les exprimer.
Lorsqu'il s'avance vers moi, je ne parviens pas à reculer malgré tous les signaux d'alerte qui retentissent dans mon esprit. Je ne peux pas remettre de la distance entre nous car je veux sentir que je pourrais le toucher. Je lève les yeux vers lui et quelque chose a changé dans son attitude. J'ai peur de cette lueur dans son regard et de la manière dont il me domine. J'admire cette force qui se dégage de lui. Mais toute cette colère, cette violence qui semble se terrer sous la surface me font craindre que je ne puisse pas me protéger de la déferlante qui risque de m'emporter. J'ai mal pour lui de savoir combien j'ai eu tort de le laisser dans le noir sur mes raisons, je sais que j'ai royalement merdé. Je ne nie même pas ma responsabilité. Je suis prête à m'excuser pour ce que j'ai tu, à assumer la totale culpabilité de notre relation si seulement ça pouvait apaiser la douleur qu'il ressent. Je me mettrais à genoux face à lui baissant la tête pour l'implorer de me pardonner sans l'ombre d'une hésitation si je croyais que ça change quelque chose. Ma bouche s'ouvre sous l'effet de la surprise alors que je me demande qui est ce lui qui semble aussi lui avoir reproché des choses semblables. Je n'ai jamais dit ne pas prendre ses sentiments en compte, je n'ai pas dit qu'il n'a pas souffert mais il n'a rien voulu exprimer depuis son arrivée ici. Comment puis-je réellement connaître l'étendue de sa souffrance s'il ne parle pas. Mais il a raison et cette réalité vient envahir mon âme faisant naître un doute et un manque de confiance en moi qui se reflètent dans mon regard. Toutes ces blessures que je pensais cicatrisées se rouvrent à la seconde où je sens la culpabilité empoisonner mon esprit et où il m'achève en rejetant tout simplement cette amitié que je lui offre. Incapable de dire un mot pendant tout ce temps, je sursaute et ma main vient instinctivement se poser sur son bras alors que je dis comme un cri du cœur « NON ». Je serre légèrement le tissu pour qu'il ne puisse pas partir avant que je ne trouve comment réparer tout cela, que je ne sache quoi faire.
« Je sais que c'est un peu tard... mais... j'ai voulu le faire depuis si longtemps sans en trouver la force. Je suis désolée Johan. Je m'excuse du plus profond de mon cœur d'avoir arrêté de t'écrire et sans même jamais t'avoir donnée mes raisons. Je suis désolée de t'avoir laissé dans le doute. »
J'ai le cœur qui remonte dans la gorge. Je voudrais fuir et mettre de la distance entre nous car je me sens tellement mal. J'ai l'impression que mon cœur va tout simplement lâcher. Je serre plus fort sa manche mais pour m'y raccrocher car je ne me sens pas tant la force de poursuivre même si je le dois.
« Pardonne-moi de t'avoir accusé injustement. Je sais que je suis celle qui a été cruelle dans cette histoire. Je ne voulais pas t'accuser mais ne rejette pas la main que je te tends. Tu n'en as pas le droit... Tu ne peux pas refuser mon amitié Johan... »
Parce que moi, j'aurai alors la sensation de mourir un peu à l'intérieur de moi. Mon regard se fait plus farouche et je me redresse avec plus d'assurance pour plonger mon regard dans le sien. Pourra-t-il seulement y lire toute ma sincérité et le poids de mes regrets. Mais aussi une détermination et une certaine colère qu'il pourrait croire à tort qu'elle lui est destinée alors qu'elle est simplement contre moi-même. Je reprends sans que ma vois ne tremble sous le poids de la peur, de la tristesse et des incertitudes.
« Tu ne peux pas ignorer tout ce qui nous a lié Johannes! »
La réaction d'Alexis est instinctive s'il en croit la rapidité avec laquelle elle attrape sa manche, la soudaineté de ce « non » qui résonnerait presque dans la pièce. Clairement, ils sont trop près l'un de l'autre. Si elle peut le toucher, ils sont trop près. Il aurait du rester en retrait, il aurait dû mieux se contrôler. Il aurait dû contrôler son corps quand sa colère a pris le dessus. Il la sent à travers le tissu, il sent la chaleur de sa main. Il a l'impression que sa peau le brûle à cet endroit. Je sais que c'est un peu tard... mais... j'ai voulu le faire depuis si longtemps sans en trouver la force. Je suis désolée Johan. Je m'excuse du plus profond de mon cœur d'avoir arrêté de t'écrire et sans même jamais t'avoir donnée mes raisons. Je suis désolée de t'avoir laissé dans le doute. Combien de temps a-t-il espéré entendre ces mots ? Combien de fois a-t-il rêvé de ça ? Qu'elle lui dise qu'elle est désolée, qu'elle regrette. Bon sang, tellement souvent. Trop d'années. Et pourtant, là, maintenant, il ne se sent pas particulièrement heureux qu'elle les prononce. Au contraire, il entend à sa voix que sa gorge se serre, il sent ses doigts resserrer le tissu, et il n'est pas heureux. Il est peiné. Il pourrait avoir l'impression d'avoir obtenu gain de cause et pourtant il n'a que l'impression d'avoir perdu. De l'avoir perdue.
Pardonne-moi de t'avoir accusé injustement. Je sais que je suis celle qui a été cruelle dans cette histoire. Johan nie doucement de la tête. Non, il faut qu'elle arrête. Malgré tout ce qu'il pensait, malgré tout ce qu'il a ressenti, malgré le fait qu'il lui en ai voulu, qu'il lui en veuille, il faut qu'elle se taise. L'entendre dire ce genre de choses ne le satisfait pas. Il pensait que ça serait le cas, mais non. Ça serre juste sa poitrine un peu plus. Je ne voulais pas t'accuser mais ne rejette pas la main que je te tends. Tu n'en as pas le droit... Tu ne peux pas refuser mon amitié Johan... Elle semble désespérée, incapable d'accepter son refus. Il est, lui, incapable de comprendre pourquoi elle tient tant à cette amitié. Pourquoi elle veut tant qu'il accepte ce qui ne le rendra jamais heureux, ce qui ne le comblera jamais. Ce qui lui laissera un goût d'incomplet, ce qui n'est qu'une maigre partie de ce qu'ils partageaient avant. Si elle pense qu'il est prêt à ça, qu'il est prêt à supporter ça, à vivre en faisant semblant quotidiennement, à prétendre qu'il n'a pas besoin de la toucher, de la sentir contre lui, elle se trompe grandement. Mais peut-être que c'est plus simple pour elle, peut-être qu'elle en est capable, elle. Peut-être que c'est pour ça qu'elle insiste tellement.
Elle semble reprendre confiance en elle, se redressant sans vraiment réduire l'écart de taille entre eux, sa main toujours sur son bras. Elle ne le lâche pas, ne semble pas en avoir l'intention. Tu ne peux pas ignorer tout ce qui nous a lié Johannes! Elle est déterminée, déterminée à lui faire dire « oui ». Elle a toujours été têtue, il le sait, il ne sait pas à quoi il s'attendait. Bien sûr qu'elle ne le laisserait pas s'en aller sans tenter, encore et encore, peut-être même jusqu'à l'épuisement, ou jusqu'à ce qu'il craque. Il laisse son regard glisser sur son visage, sur ses pommettes, sur son nez, sur ses lèvres. Il se laisse l'observer en silence, le coin de ses lèvres s'étirant en un sourire triste. Il lève doucement une main, la pose sur celle située sur son bras, ignorant ce qui semble être comme un électrochoc quand sa peau entre en contact avec celle d'Alexis. Je ne l'ignore pas, Alexis. Et c'est bien pour ça que je ne peux pas. Parce que ce qui nous a lié, c'est encore là, il rompt le contact pour indiquer sa tête de son index, puis descendre sa main à hauteur de poitrine, et là. Il regrette d'être aussi honnête, il regrette de la laisser comprendre à quel point il est faible, à quel point il est vulnérable. C'est pour ça qu'il l'a ignorée, c'est pour ça qu'il l'a évitée. Parce qu'il n'est pas capable de prétendre, n'en a jamais été capable. Mais elle doit bien s'y attendre, au fait que ça soit toujours ancré en lui. Elle doit bien le comprendre, étant données chacune de ses réactions. Ses émotions s'enchaînent depuis le début et le laissent vidé, la peine et la colère détruisant tour à tour chaque chose qu'il s'est imposée, chaque élément de son contrôle, les gestes de la femme avec lui n'améliorant en rien sa situation.
Il ne réalise que trop tard ce qu'il fait quand ses doigts viennent toucher sa joue. Il est trop près. Beaucoup trop. Je t'en prie, il faut que tu comprennes. Qu'elle comprenne qu'il n'en est pas capable. Qu'elle comprenne que ça ne signifie pas qu'il tire un trait sur leur histoire, au contraire. Il pourrait essayer, mais il sait déjà que ce serait un désastre pour lui, que ça n'apporterait que davantage de peine.
J'essaie de contrôler le flot d'émotions qui monte lentement mais sûrement. Je connais le poids des larmes silencieuses à supplier dans le noir, dans un murmure qu'il revienne pour que la solitude cesse enfin. Je connais la lourdeur des désillusions de se réveiller d'un rêve où son souffle paisible me berce pour me rendre compte du seul silence autour de moi. Je me souviens de ces réflexes au début de me précipiter et écrire une longue lettre qui explique ma journée comme si tout était comme avant. J'ai levé les yeux vers le ciel un nombre inlassable de fois fixant ces étoiles en espérant qu'il fasse pareil et que quelque part dans le firmament nos âmes se rencontraient enfin à nouveau. J'ai gardé tous ces petits trucs qui pouvaient symboliser ma vie même après la fin de tout, pour un jour pouvoir partager ces bouts de vie avec lui. Chaque matin, j'ai posé deux tasses sur le comptoir, parfois, j'ai même rempli la seconde pour me donner l'illusion qu'un jour, il rentrerait et que nous assiérions l'un face à l'autre pour parler, parler jusqu'à en oublier totalement le monde autour. J'ai acheté ses biscuits même si je hais leur goût. Mon quotidien est resté imprégné de lui sans que je n'ose jamais venir le chercher, lui expliquer. Je voulais le ramener à la maison mais je me suis juste assise dans le noir attendant infiniment un nouveau lever de soleil sur mon cœur Je suis dans l'obscurité depuis des années par mon propre choix mais cette amitié, même si elle est au-dessus de mes forces mais le néant c'est la mort assurée. Je ne supporte pas ses silences, je préfère encore la haine de ses mots. Je ne supporte pas son regard qui se pose partout ailleurs sauf pour moi, je préfère y lire la colère. Je ne supporte pas l'éloignement alors je préfère me contenter de moins mais l'avoir encore un peu, qu'il fasse à nouveau partie de mon existence.
Sa main sur la mienne me fait frémir. Je ressens une secousse à ce côté alors que ma peau fourmille. La sensation est douce et semble se propager dans tout mon cœur La tristesse de son sourire me chamboule et me renverse comme sous l'effet d'une réalité trop dure à entendre. Je sens ma lèvre trembler quand son regard me détaille, quand il se pose enfin réellement sur moi pour voir la femme que j'ai été pour lui. La distance est bien trop petite pour que je ne puisse pas penser à la facilité de me hausser légèrement sur la pointe des pieds pour poser mes lèvres sur les siennes, même une seconde mais assez de temps pour sentir ce doux poison de l'amour s'instiller encore en moi et ranimer mon cœur résigné. Les lèvres entrouvertes sous l'effet d'une révélation à laquelle je ne m'attendais pas, je le fixe incrédule. Je réalise qu'il vient de m'avouer que j'ai toujours une place dans son cœur et je sens le mien s'affoler un peu plus. Je ne me sens pas bien, je me sens faible. Je pourrais m'effondrer d'une seconde à l'autre tant cette nouvelle me laisse dans un état de choc profond. Je ne comprenais pas ses changements, je crois qu'il me haïsssait d'avoir brisé son cœur mais je n'avais pu imaginer que les sentiments soient toujours tapis tout au fond. Sa main se pose sur ma joue et je chavire alors que mon regard s'obscurcit sous l'effet d'une émotion violente qui naît en moi : un manque abyssale jamais comblé. Je le regarde le souffle plus court.
« Je comprends mais je ne peux pas Johannes... Je ne peux pas être à côté de toi, te voir rire avec d'autres, t'imaginer dans d'autres bras et rester en silence à l'écart sans même pouvoir espérer partager rien du tout avec toi. C'est au-dessus de mes forces. Je veux plus de l'amitié mais c'est un début. C'est mieux que t'ignorer. C'est mieux qu'un rien qui met le feu à mon sang pour causer une souffrance qui ne peut jamais cesser. Il faut que tu comprennes que tu es toujours là... »
Lentement, ma main glisse sur son bras relâchant le tissu pour venir se saisir de sa main et la poser sur mon cœur Je veux qu'il sente la manière trop rapide dont il s'affole à cause de sa simple proximité. Je sais que ce que je veux de lui, ce que moi je lui offre va nous mener droit dans le mur. Je sais que je vais me heurter violemment contre une réalité blessante tôt ou tard mais je ne peux pas nier l'évidence un peu masochiste : je suis prête à avoir mal si ça me donne quelques moments de bonheur avec lui à nouveau. Je sais que je risque de l’entraîner avec moi car j'ai saisi combien ses sentiments sont forts et mélangés, combien j'ai créé une réelle blessure en lui. Mais pourtant, je m'obstine car renoncer n'est pas permis. Je tiens toujours sa main car je pense qu'à la seconde où je le lâche, il y a un risque énorme qu'il ne s'enfuit. Je sais qu'il en rêve au fond de lui mais je n'aurais jamais imaginé avoir la chance de faire une telle avancée avec lui en si peu de temps. Je n'ose pas approcher plus car je sais que je pourrais faire une réelle folie.
« J'ai besoin d'essayer de retrouver ce que vous étions.... »
Je comprends mais je ne peux pas Johannes... Je ne peux pas être à côté de toi, te voir rire avec d'autres, t'imaginer dans d'autres bras et rester en silence à l'écart sans même pouvoir espérer partager rien du tout avec toi. C'est au-dessus de mes forces. Johan a envie de lui dire qu'il n'est jamais dans d'autres bras. Il a essayé, bien sûr. Il a tenté les histoires d'un soir, les relations plus longues, mais elle a toujours été là, comme une ombre, le laissant incapable de vraiment s'ouvrir aux autres, incapable d'ouvrir son cœur correctement à d'autres femmes et ce malgré les années qui s'écoulaient l'une après l'autre sans elle. Il comprend finalement, un peu, pourquoi elle insiste tant, mais là où elle a besoin de partager un minimum avec lui, lui ne s'en sent pas capable. Elle a besoin de l'avoir à ses côtés, même si elle doit renoncer à tout ce qui faisait d'eux ce couple qu'ils étaient. Il ne peut pas se contenter de ça. Pour lui, c'est tout ou rien. Un entre-deux ne suffira jamais et il préfère s'en passer. Peut-être qu'elle a la bonne logique, qu'elle a la bonne réaction. Qu'il devrait suivre docilement. Mais il ne peut pas. Je veux plus de l'amitié mais c'est un début. C'est mieux que t'ignorer. C'est mieux qu'un rien qui met le feu à mon sang pour causer une souffrance qui ne peut jamais cesser. Il faut que tu comprennes que tu es toujours là... Elle attrape sa main, la guide jusqu'à sa poitrine et sous ses doigts, il sent les battements qui font écho à son propre cœur qui bat dans ses tempes. Ses mots sont noyés dans sa cervelle alors que celle-ci n'arrive à se concentrer que sur la chaleur contre sa paume, sur le fait qu'il la touche de nouveau après tant de temps.
J'ai besoin d'essayer de retrouver ce que vous étions.... Comment lui dire qu'il doute qu'une amitié dont ils n'ont apparemment pas réellement envie soit ce qui leur permettra de se retrouver, de retrouver ce qu'ils partageaient ? Il ne sait pas trop quoi faire de l'information, ou plutôt ne veut pas réfléchir à quoi en faire. Ses mots, il les comprend. Ce qu'elle sous-entend aussi. Ce besoin qu'ils ont, l'un de l'autre, il est clair. Et pourtant il ne peut se résoudre à céder. Il ne peut pas. Parce que ça n'est pas la solution, pas à ses yeux. Il laisse la main sur sa joue descendre jusqu'à son cou, passer derrière sa nuque, quelques mèches se glissant entre ses doigts. Son cœur bat un rythme dément et un court instant, il se demande s'il va faire l'une de ses plus grosses erreurs. Il en a envie, terriblement. Il pourrait, il suffirait qu'il se penche. Ce serait tellement simple, tellement évident. Ça répondrait à un besoin qu'il a depuis trop longtemps. Mais malgré l'envie qui lui serre les tripes et l'anticipation, il décide de faire autrement. De ne pas se laisser aller à ses envies. Il ne peut pas juste faire comme si de rien n'était, reprendre là où ils en étaient.
Il fait légèrement pression sur sa nuque pour la rapprocher davantage de lui, comme si l'écart entre eux n'était pas suffisamment petit. Le cœur battant, il pose ses lèvres sur son front, le geste le poussant à fermer un instant les yeux alors que tout est tempête dans son torse. C'est si familier et pourtant si étranger. Il ne sait plus réellement ce qu'il fait, il se laisse juste aller à une faiblesse. Il espère que ça suffira, que ça lui permettra de tenir le coup, mais au fond de lui il a conscience qu'il ne fait que s'enfoncer davantage, qu'il ne fait qu'empirer son cas. Plus il est en contact avec elle, plus il sera compliqué pour lui de vivre avec le fait qu'ils ne sont plus. A l'instant où ses lèvres quittent la peau d'Alexis, il devrait s'éloigner. Pourtant, il ne le fait pas, ne la lâche pas, une main toujours contre son cœur, l'autre contre sa nuque, leur visage si près l'un de l'autre. Je dois y aller. Il est loin de parler d'obligations professionnelles. Il a juste besoin de prendre du recul avant de faire une idiotie. Mais ça, il ne peut pas lui dire. Après quelques secondes, il finit par s'écarter d'elle, sa peau désormais froide aux endroits où elle l'a touché. Il met de la distance entre eux, de nouveau. Prends soin de toi, Alexis. Il est sincère, complètement. Il n'a plus aucune agressivité, plus aucune colère. De la peine, toujours. Une terrible envie de rester là même si c'est une mauvaise idée. Mais plus rien qui le pousserait à l'attaquer pour se défendre. Et sans cette attaque, il ne se fait pas confiance pour agir comme il le doit. Il glisse ses mains dans ses poches pour s'empêcher de les reposer sur elle, puis recule de quelques pas. C'est la chose à faire.
Le cœur offert, il est le seul maître de l'avenir désormais. Je lui ai exprimé mon désir de tenter de retrouver ce que nous étions en lui permettant de deviner ce manque qui rampe sous ma peau comme un serpent, ce vide qui noie mon cœur et ces regrets qui hantent mes nuits. Ces quelques mots expriment toute la force de mes sentiments qui n'ont pas faibli malgré le poids de l'absence et des années. Je lui offre toute une nouvelle réalité et un avenir que je suis prête à lui consacrer. Balaiera-t-il toutes mes espérances avec une aisance qui n'est qu'apparence ou choisira-t-il de prendre le risque de me faire une place même minime à ses côtés. Je sens l'alchimie flotter dans l'air entre nous, une électricité qui me pousse vers lui. Je dois me faire violence pour ne pas juste laisser mon instinct prendre le pas sur ma raison. J'aimerais agir sans me poser de questions mais je suis Eve, je suis la pécheresse qui implore pour sa pénitence devant celui qui peut sceller le destin par un simple mot. Je sens sa main qui glisse sur ma peau et je retiens mon souffle. Chaque parcelle de peau qu'il touche semble soudain bouillir et picoter comme parcourue par l'électricité. Il fait naître en moi un désir que je ne me sens pas le droit d'éprouver. Sa main dans mon cou me fait miroiter d'une certaine proximité. Il suffirait qu'il se penche un peu pour calmer la douleur de mon cœur Juste un frôlement et je sais que je pourrai cesser de trembler qu'il ne disparaisse totalement de ma vie. Il rompt un peu plus la distance entre nous et mon cœur bat tellement vite que je me demande comment je parviens à rester si parfaitement immobile. Je suis dans l'attente d'un miracle mais je suis étonnement calme en apparence. Je ferme les yeux quand ses lèvres se posent sur mon front et non sur ma bouche, quand je sens le poids de cette barrière entre nous. Je me mords l'intérieur de la lèvre pour empêcher une plainte de franchir mes lèvres. J'ai l'impression de me faire briser le cœur Je ressens toute une réalité qui me retourne l'estomac et me laisse comme un goût amer en travers de la gorge.
Il se détache mais je n'ose pas ouvrir les yeux. Tout n'est que souffrance en moi. J'ai terriblement mal mais je ne sais pas comment exprimer ce que je ressens. Je voudrais être en colère mais j'en suis incapable. Je souffre comme au moment des adieux à ceux qui nous sont essentiels. Je devrais dire quelque chose ou agir mais je le laisse poursuivre et asséner comme un coup fatal sur mon cœur fragile. Il n'y a aucune animosité et même beaucoup de sincérité dans ses mots. Je sais qu'il n'y a que la peine qui domine et ça ne m'apaise pas. J'ai encore plus mal de me rendre compte que tous sentiments négatifs se sont envolés. Je suis soudainement glacée comme si toute chaleur me quittait en même temps que sa peau qui s'éloigne de moi. Je passe mes bras autour de moi y cherchant un réconfort et une assurance suffisante pour réussir à briser le silence. Je lève un regard fatigué sur lui alors qu'un sourire triste se dessine sur mes lèvres. Il n'atteint pas mon regard qui s'est éteint en même temps qu'une partie de l'espoir que je nourrissais.
« Prends soin de toi aussi Johannes. Je... Si tu changes d'avis, ma porte te sera toujours ouverte. Tu sais où se trouve ma classe, mes appartements donc... Je sais que je t'ai déjà assez fait de mal mais mon souhait le plus cher c'est qu'un jour, tu n'aies plus besoin de maintenir cette distance entre nous. Je ne peux pas effacer mes erreurs mais je les regrette sincèrement. »
Mon regard supplie qu'il ne parte pas mais je n'ai pas la force de risquer de raviver la colère. Je ne veux pas que l'on se fasse du mal à se reprocher des choses. Mais j'ai besoin d'essayer de le retenir. J'ai besoin de me dire que je ne reste pas sans rien tenter même si je sais qu'il mérite bien mieux que cela. Je garde mes bras comme rempart autour de moi mais je romps à nouveau la distance entre nous. Je me penche vers lui pour poser un baiser sur sa joue. Je laisse mes lèvres s'y attarder plus que nécessaire mais je ne peux pas me résigner à ce que tout soit bel et bien fini entre nous. Je ne veux pas lui dire adieu une nouvelle fois même si j'ai perdu tous mes droits sur notre histoire.
« Tu n'es pas obligé de partir. Johan j'ai besoin de toi. »
Une dernière tentative pour non pas l'amener à changer d'avis mais dans l'espoir qu'il comprenne que je ne peux pas lui dire combien je l'aime mais que je l'aime toujours. Je veux aussi qu'il devine combien la vie peut être blessante mais qu'à deux c'est plus simple de tourner la page. Je redoute la solitude qui peut nous gagner car peu importe le nombre de tentatives, je n'ai jamais pu m'abandonner auprès de personne. Je suis incapable de ressentir quoique ce soit et je n'arrive pas à m'investir. Je ne peux pas appartenir à quiconque tant et aussi longtemps qu'il a toute emprise sur mon cœur Il me manque tellement et avoir pu à nouveau goûté à sa proximité me rappelle son absence encore plus durement.
« Johan... rien ne nous force à commettre les mêmes erreurs... »
Prends soin de toi aussi Johannes. Je... Si tu changes d'avis, ma porte te sera toujours ouverte. Tu sais où se trouve ma classe, mes appartements donc... Bien sûr qu'il sait où sont ses appartements, il est passé plus d'une fois devant en se demandant si elle y était, et surtout si elle y était seule. Il n'est pas le genre à se demander ce que font ses collègues, en quoi consiste leur vie privée, avec qui ils partagent leur lit, mais elle... Elle, c'est différent, il ne peut pas s'en empêcher. Mais il ne peut définitivement pas le lui dire. Je sais que je t'ai déjà assez fait de mal mais mon souhait le plus cher c'est qu'un jour, tu n'aies plus besoin de maintenir cette distance entre nous. Je ne peux pas effacer mes erreurs mais je les regrette sincèrement. Des regrets, il y en a des deux côtés, surtout après tout ça. Il devrait lui demander de l'excuser, lui dire qu'il a lui aussi fait des erreurs, qu'il aurait dû faire autrement. Mais avant qu'il puisse dire quoi que ce soit, elle s'approche de nouveau et malgré la manière dont elle se tient qui fait renvoi à la sienne un peu plus tôt, dans une posture de réconfort, elle vient poser ses lèvres sur sa joue. Le contact lui coupe la respiration un instant et il se laisse aller quelques secondes, profitant du geste pour oublier un court moment où ils sont, ainsi que leur situation. Elle ne semble pas davantage encline à rompre tout ça. Tu n'es pas obligé de partir. Johan j'ai besoin de toi.
Johan se demande un instant si c'est calculé, si elle sait ce qu'elle fait, si tout a un but bien précis, ou si elle fonctionne à l'instinct, désespérée comme lui l'est. Ses mots le touchent à chaque fois et il ne peut s'empêcher de se dire qu'elle sait comment il fonctionne, ce qui a de l'effet sur lui. Elle le connaît, trop bien. Mais ce serait lui prêter des intentions qui ne lui ressemblent pas. Alexis... Johan... rien ne nous force à commettre les mêmes erreurs... Les mêmes erreurs... Partir à l'autre bout du monde pour étudier les créatures de leur monde ? Peu de chances que ça se reproduise, même si l'envie de repartir l'a gagné plus d'une fois ces derniers mois. Parce qu'il a été trop longtemps sur les routes et que plus il s'approche de la quarantaine, plus il réalise que ce mode de vie n'est que temporaire. Laisser l'autre sans aucune nouvelle, sans explications ? Il a déjà commencé à reproduire ce schéma mais après tout ça, il y a peut-être un espoir que ça ne se reproduise pas, qu'aucun d'eux deux ne s'amuse à ce genre de choses désormais. Mais est-ce que ne pas refaire les mêmes erreurs leur assure quoi que ce soit ? Est-ce qu'ils seraient capables de reprendre, de recommencer ? Ils en feraient d'autres, des erreurs, très certainement. Est-ce que ça en vaut la peine ?
Pourquoi est-ce que tu me fais ça, Lexis ? Il y a une pointe de plainte dans sa voix. Parce que même si tout est à demi mots, ses attentes sont claires. Parce qu'ils partagent cette envie. Parce qu'elle lui dit avoir besoin de lui, comme il a besoin d'elle. Parce que ses défenses tombent une à une alors qu'il s'expose, complètement, son cœur meurtri à la vue de tous, ou à sa vue à elle tout du moins. Il n'est pas obligé de partir. Quand il la voit, quand il voit son regard, il n'est pas sûr d'en avoir envie, même si c'est la chose à faire. Ils se blessent mutuellement, à ressasser tout ça et à espérer, à espérer que les choses peuvent redevenir comme avant, comme si tout un pan de leur vie n'avait jamais existé. Mais les choses ont existé, les âmes ont été en peine. Son cœur s'est déchiré, il a passé des jours et des nuits pris par la colère, l'amertume. Cette amertume qui semble lui être si caractéristique, peu importe à quel point il tente de la laisser derrière lui. Et merde...
Il laisse tomber. Il abandonne totalement, il s'abandonne un instant. Sa tête lui hurle que l'idée est mauvaise, qu'il ne peut pas faire pire. Que tout ça, ça ne devrait jamais arriver, qu'il ne doit pas se le permettre. Mais il ignore le tout, glissant un bras dans le dos d'Alexis, reposant son autre main sur sa nuque, ses doigts glissant de nouveau dans ses cheveux. Ses lèvres viennent rapidement chercher celles de la femme qu'il a trop longtemps eu loin de lui, dans une impatience et une urgence qu'il ne contrôle pas. Arrête. Éloigne-toi. Protège-toi. Le tout passe en boucle dans sa cervelle, mais il l'ignore autant qu'il peut, aussi longtemps que possible. Il ne se concentre que sur les souvenirs que ce baiser ravive, que sur ces sensations qu'il n'a jamais réellement oubliées, il se berce un instant dans l'illusion que ces années n'ont jamais existé, qu'il ne s'agit que de la continuité de leur relation.
Je n'ai jamais été manipulatrice. Je suis bien trop souvent spontanée quitte à m'y brûle les ailes. Je ne calcule le poids de mes mots, je ne sais pas par avance quel effet ils auront. Je connais Johannes et j'espère qu'il se laissera toucher par ce que j'exprime mais en aucun cas je ne veux jouer avec son esprit pour l'amener précisément à faire ce que je veux. En serais-je capable? Oui si telle était ma nature, je saurais exactement comment le faire céder et obtenir de lui qu'il rende réels tous ses désirs. Je veux pourtant que tout choix soit de son œuvre à lui quitte à rester avec des profonds regrets. J'aurais pu prendre ce baiser dont je rêvais, j'aurais pu me coller à lui... J'aurais pu tant de choses mais il ne pourra pas me reprocher de lui avoir forcé la main en quoique ce soit. J'ai peut-être su choisir ce que j'exprimais mais c'était avant tout des cris du cœur. Je me demande s'il pense que je sois assez garce pour utiliser ce que je sais de lui pour l'amener à me manger dans la main. Si je devais me rendre compte que cette idée lui a traversé l'esprit, je crois que je serais profondément blessée. Les années ne m'ont pas réellement changée et je suis toujours la même. Le voit-il seulement? Je ne le sais plus. Je ne sais plus ce qu'il peut penser de moi après tout ce temps à m'en vouloir et imaginer mille et une choses. Je me sens tellement larguée mentalement alors que tout cela me submerge toujours plus fort.
Je le regarde un instant sur mes gardes fronçant légèrement le nez. Je vois quelque chose se modifier dans son expression, dans sa posture. Envisage-t-il les choses entre nous sous un angle nouveau ou se rend-il compte qu'il vient de perdre son temps? Je ne saurais le dire mais quelque chose semble à nouveau changer entre nous alors que je le fixe en totale incompréhension. Je voudrais savoir exactement ce à quoi il pense pour pouvoir lui expliquer que je ne parle pas de son départ mais de laisser les silences, la mauvaise communication et le manque nous éloigner. Je crois que notre histoire a été sacrifiée sur l'autel d'un manque profond de communication à un moment clé mais j'ai aujourd'hui compris mon erreur pour ne pas la reproduire. Sa question résonne comme un cri désespéré et je secoue la tête. Je dois me faire violence pour ne pas demander ce qu'il me reproche concrètement de faire. Mais plus que cela mon coeur se gonfle de joie alors que mon regard brille soudain d'une lumière que lui seul sait allumer au fond de mes yeux. « Redis le encore. Appelle moi encore comme ça. » J'ai envie de laisser s'échapper cette supplique quand je ressens une proximité jusque là absente. Je sens ma lèvre trembler alors que ma bouche s'arrondit sous la surprise.
« Mais je ne te fais rien Johan. Rien sauf te parler avec mon coeur. »
Mon coeur explose alors que j'ai l'impression soudainement de planer. Tout me revient, le souvenir de chaque baiser, de chaque caresse, de chaque mot, de chaque nuit. Je me souviens de tous ces instants de l'union parfait de nos âmes et de nos cœurs, de nos corps et de nos esprits. Sa main dans mon dos, sa main sur ma nuque, ses lèvres sur les miennes sont une caresse pour mon coeur qui s'emballe soudain plus vivant que jamais. Je suis totalement à lui, je m'offre et je ferai tout ce qu'il veut, vraiment tout pour que ça ne doive jamais s'arrêter. Je glisse mon bras autour de sa nuque, ma main dans ses boucles éprouvant l'impression d'être enfin de retour à la maison après un si long voyage que l'on ne sait plus ce que c'est le goût d'être bien quelque part. Mes lèvres cherchent les siennes avidement avec un désespoir que je ne cherche même pas à dissimuler. Je veux me perdre en lui pour l'éternité. Le besoin de lui que je ressens est soumis à un tel sentiment que ma vie va finir si je le laisse se détacher mais l'air commence à manquer et je sais que si je ne suis pas la première à parler, ce sera lui. Mais je ne me détache pas et ouvrant lentement les yeux pour le fixer, je murmure tout contre ses lèvres.
« Je ne veux rien te faire qui te blesse Johan. S'il te plaît, continue de m'appeler comme toi seul en a le droit. Laisse-moi encore te toucher. Je ne veux pas te faire souffrir, je te le promets. Je ferai tout, TOUT ce que tu veux mais ne me repousse pas. »
Briser ce moment c'est risquer de le voir disparaître à jamais mais je sais maintenant qu'il me reste un espoir. J'ai compris que si je m'obstine et persévère, il ne pourra pas m'ignorer inlassablement et alors je saurai faire face au reste parce que j'ai pu à nouveau goûter l'amour ses lèvres douces et parfumées. Je serre un peu les doigts dans ses cheveux comme pour à nouveau savourer leur douceur et leur soyeux. Je prie pour qu'il ne s'évapore pas comme le fruit d'un autre songe au goût mielleux du souvenir. Je ne veux pas expérimenter l'amertume d'un réveil où rien ne serait vrai.
« Dis moi que c'est réel et non pas encore un rêve. »
Il ne saurait dire si ce baiser s'arrête trop tôt ou trop tard. Il n'a pas envie que ça cesse, jamais. Il a envie d'oublier le monde, d'oublier le passé, d'oublier ce qu'ils devront affronter dans le futur. Il a envie de n'avoir conscience que d'elle, que de ce qu'il ressent quand il la touche, que de la chaleur de sa peau. Et en même temps, il ne devrait même pas être capable de sentir le contact de ses lèvres sur les siennes, il ne devrait pas avoir craqué comme ça, et le retour à la réalité risque d'être bien plus brutal ainsi. Parce qu'à l'instant où sa tête se remettra à fonctionner, à l'instant où les rouages de la logique se remettront à tourner, il réalisera qu'il n'a pas agit comme il le fallait. Il sent son souffle contre lui et se concentre sur le battement absurde de son cœur dans sa poitrine, les yeux toujours fermés alors qu'il sent son regard sur elle. Il ne se sent pas capable de l'affronter. Je ne veux rien te faire qui te blesse Johan. S'il te plaît, continue de m'appeler comme toi seul en a le droit.Lexis. Le surnom est sorti sans qu'il ne le réalise et il est désormais trop tard pour prétendre qu'il ne le pensait pas. Il s'est vraiment laissé aller à ses instincts, et il se sent désormais particulièrement idiot.
Laisse-moi encore te toucher. Je ne veux pas te faire souffrir, je te le promets. Je ferai tout, TOUT ce que tu veux mais ne me repousse pas. Merlin qu'il a envie d'accepter, de céder à chacune de ses demandes maintenant qu'il est clair que cette amitié, ça n'est pas pour eux. Qu'ils ne se satisferont que de plus, bien plus, et qu'il n'est pas le seul à ne pas pouvoir se contenter de si peu. S'ils sont prêts à tout tant que l'autre reste, il n'a pas à s'en faire, n'est-ce pas ? Si elle lui a promis qu'elle ne le ferait plus souffrir... Il sent sa main dans ses boucles, la sent resserrer les doigts et il la serre davantage contre lui, se laissant quelques instants, quelques instants pour ignorer tout ce quoi doit être fait, ce qui doit être dit. Il pose son front contre celui d'Alexis, les yeux toujours fermés, se contente de respirer aussi calmement que possible malgré l'orchestre dans sa cage thoracique. Dis moi que c'est réel et non pas encore un rêve. Il aurait presque du mal à le lui confirmer tant le tout semble irréel. Qu'il puisse la tenir dans ses bras, comme ça, après tout ce temps, c'est improbable et pourtant ils sont là, tous les deux, dans cette salle de classe presque vide, enlacés comme ils en avaient l'habitude il y a des années. Il acquiesce doucement, incapable de faire confiance à sa voix pour ne pas se briser alors que ses émotions le submerge. Elle est là. Ils sont tous les deux là.
Johan reste longtemps sans rien dire, se contentant de passer ses doigts dans ses mèches, de dégager son visage des quelques cheveux qui viennent se glisser devant, profitant juste du contact de ses doigts avec sa peau. Lexis. Sans surprise, sa voix est chargée et tremble un peu, même avec ce simple mot, ce simple nom. Il doit se forcer pour continuer, se faire violence alors que tout, absolument tout son corps à l'exception de la tête va le haïr pour sa décision. Si son esprit sait que c'est le mieux, que c'est la chose la plus raisonnable à faire, son cœur se compresse d'anticipation, ses tripes se serrent, sa respiration se fait perturbée. J'ai besoin d'un peu de temps... Il sait qu'à se lancer sans réfléchir, à se jeter à ses pieds sans réfléchir, il va se brûler. Malgré ce baiser, il ne peut pas faire comme s'il n'avait pas passé les quatre dernières années à souffrir de tout ça. Il ne peut pas prétendre que vivre sans elle, pour ces raisons -et d'ailleurs, quelles raisons ?-, n'a pas éveillé en lui une certaine colère. Il reste des choses qui ne sont pas dites, il leur reste des choses à expliquer. Il faut qu'ils règlent leurs soucis avant de pouvoir espérer reprendre sur de bonnes bases. Et peu importe à quel point il a envie de tout envoyer balader, de ne jamais la lâcher, il ne peut pas. Il attrape pourtant sa main, entrelace leurs doigts, dans l'espoir qu'elle comprenne. Qu'elle comprenne à quel point il arrive à se faire souffrir tout seul en faisant ce choix. Je ne peux pas... Faire comme si de rien n'était, et tu ne peux pas non plus. Si elle lui en a vraiment voulu pour son départ, il faut que le tout soit clair.
Mon cœur et mon âme sont finalement à l'unisson dans un même battement de cœur, désordonné et rapide comme mes émotions qui s’emballent à une vitesse si effrayante. En quelques secondes à peine, tout vient de se chambouler en moi. Je ne sais plus vraiment discerner la réalité du rêve, le vrai du faux alors que je crois avoir basculé dans la limite entre les deux. Je ne sais pas si c'est une énième chimère, douce illusion de mon esprit qui veut croire en la beauté de ce songe. Je suis incapable de l'affirmer sans que le poison du doute ne distille son venir dans mon être tout entier. Vais-je me réveiller brusquement et tout s'évaporera dans un nuage de fumée comme dans un mauvais tour de magie? Je redoute avec une violence rare le retour à la réalité car j'y mets mon cœur tout entier dans cette étreinte. Je me sens vacillante tant mon cœur s'affole pris dans des montagnes russes. Je ressens le vertige étourdissant de la chute alors que je vis des sensations tellement fortes. Je refuse totalement de me réveiller de cette rêverie car à l'instant où ses bras me relâcheront, un froid abyssal s'abattra sur mon corps pour me faire vivre un enfer sans nom. Je ne veux pas connaître cette crainte de ne jamais revivre ce bonheur quand ce baiser m'a rendu la vie comme rien ne le peut. Je me sens plus vivante que jamais dans ses bras et je veux continuer de me sentir exister dans ses bras.
Je referme lentement les yeux écoutant son souffle se répercute contre le mien. J'ai besoin de savourer et je le fais alors que l'odeur de sa peau, de son être m’envoûte totalement. Je la reconnaîtrais entre mille, elle n'a pas changée malgré les années et elle me fait l'effet d'une drogue. Je suis totalement dépendante mais je n'ai pas envie de me guérir de cette addiction. Le silence, seulement brisé par nos souffles respectifs, s'installe entre nous. Je ne le brise pas, pas cette fois, je l'ai déjà assez fait et j'ai eu tellement peur d'avoir détruit la beauté de notre moment en le faisant. Je regrette le contact de ses lèvres douces contre les miennes, de mêler nos souffles en un seul. Je sais que je me dois d'être patiente et mon cerveau finit par cesser sa course incessante et rapide pour simplement apprécier ce qui se passe entre nous, ce plus qui prouve que jamais nous ne pourrons nous contenter d'une quelconque amitié. Le calme que je manifeste n'est qu'apparence alors que chaque fois qu'il chasse une mèche de cheveux, que ses doigts touchent ma peau, mon cœur danse dans ma poitrine. Je me sens ivre sans avoir bu une seule goutte. L'émotion dans sa voix vient me bouleverser et je pourrais craquer rien qu'avec ce surnom qui me chavire le cœur sans l'ombre d'une hésitation. Mon cœur se fend un peu quand il me demande ce temps que je ne pourrai pas lui refuser, jamais. L'émotion me noue la gorge et je fixe ses doigts entrelacés aux miens, nos mains jointes un un geste d'une telle intimité que je ne sais pas quoi dire. La souffrance est telle mais elle doit se résigner qu'il a probablement raison. La douleur est vive dans son cœur et elle hoche la tête incapable de prononcer un mot pendant de longues minutes. La voix rauque, elle doit se faire violence.
« Tu as sans doute raison. J'attendrai que tu aies pris le temps dont tu as besoin. J'accepterai de respecter tes désirs et besoins, j'entendrai ce que tu dois me dire que ce soit reproches ou aveux. Tu as le temps. »
Pourquoi c'est si dur de prononcer ces simples mots. Cela me fend le cœur car je voudrais plus. Je le fixe un moment et je sais qu'il finira par se détacher mais moi je n'en ai pas la force. Je ne lâche pas sa main mais lentement celle qui était dans ses cheveux glisse lentement pour venir caresser sa joue doucement, tendrement. Je dessine le contour de ses lèvres pour en graver l'image dans mon esprit. Je me penche pour venir les effleurer avec une certaine chasteté mais prononçant silencieusement la promesse d'être là quand il saurait s'il peut me pardonner ou non. J'ai aussi besoin de recul pour savoir si je peux oublier mes anciennes craintes pour le laisser à nouveau gagner mon cœur
« Je comprends que tu ne puisses pas juste rester et continuer. Je le sais et j'ai besoin aussi de temps pour comprendre ce qui pourrait nous attendre. »
Ma voix exprime un doute que je ne ressens pas vraiment, ma seule crainte c'est qu'en le laissant partir, il ne revienne jamais. J'ai peur de me réveiller demain et que tout soit redevenu comme avant. Je crains ses silences et ses regards qui se posent partout sauf sur moi. Je ne sais pas comment gérer si demain il faisait comme si rien de tout cela n'avait jamais existé. Je ferme les yeux pour ne pas avoir à faire face à son regard, pour ne pas risquer de laisser couler mes larmes. Je lui offre mon cœur sur un plateau d'argent mais le choix de s'en saisir ou non lui appartient à lui seul. Je l'ai finalement compris et je suis prête à tourner la page si c'est ce que lui désire. Je ne crois pas que l'on puisse jamais se satisfaire d'un entre-deux mais saura-t-il laisser les vieilles rancœurs derrière.
Tu as sans doute raison. J'attendrai que tu aies pris le temps dont tu as besoin. J'accepterai de respecter tes désirs et besoins, j'entendrai ce que tu dois me dire que ce soit reproches ou aveux. Tu as le temps. Il respire. Il arrive enfin à respirer, parce qu'elle comprend. Et qu'elle accepte. Elle lui laisse le temps de mieux gérer tout ça, de faire le tri dans ses pensées, dans ses émotions. Le temps de voir ce qui vaut le coup, le temps de voir ce qu'il doit laisser derrière lui. Le temps de lui dire ce qu'il a à dire, de lui demander ce qu'il a à demander. Parce que des questions, il en a, notamment celle qu'elle a rejetée d'un revers de main en lui disant qu'il n'aurait pas sa réponse. Johan ferme les yeux quand il la sent tracer les traits de son visage avec une tendresse qui lui serre le cœur, une tendresse qu'il n'a connu qu'avec elle. Il sent ses lèvres contre les siennes, doucement, et son souffle se coupe un instant. Cette délicatesse qu'elle a avec lui, il ne la connaissait plus. Elle lui était désormais étrangère, depuis des années. Elle n'était qu'un vague souvenir, quelque chose qu'il aurait pu croire avoir rêvé tant tout ça semblait distant. Et la retrouver, comme ça, ça le bouleverse.
Je comprends que tu ne puisses pas juste rester et continuer. Je le sais et j'ai besoin aussi de temps pour comprendre ce qui pourrait nous attendre. Il n'a aucune idée non plus de ce qu'il y a devant eux, de ce que l'avenir leur réserve. Tout ce qu'il sait, c'est qu'ils sont tous les deux ici, à Poudlard, des années après leur séparation. Qu'ils ont une nouvelle chance et que s'ils veulent en profiter, alors il faut bien faire les choses. Mais ils sont un peu plus adultes; il est un peu moins perdu ou tout du moins le vit-il un peu mieux. A deux, ils peuvent s'en sortir. En communiquant, ils peuvent parvenir à tout remettre sur les rails. Merci. Il est sincère, terriblement sincère. Il ne peut pas la remercier assez d'accepter alors que lui a opposé un refus immuable à ce qu'elle voulait de lui. Après coup, il se dit qu'il valait surement mieux qu'il continue de lui dire « non », sinon ils n'en seraient peut-être pas là, à cet instant, à se dire qu'il y a encore de l'espoir. Parce qu'il y en a. Mais lui dire « non » a été douloureux parce qu'il a toujours eu du mal, et que c'était pourtant absolument nécessaire.
Il a conscience qu'il lui en demande beaucoup, qu'elle accepte à contre-cœur. Même avec les yeux fermés, son expression la trahit et lui arrache une culpabilité qu'il doit accepter, avec laquelle il doit pour le moment vivre. Il se dit qu'elle est plus forte que lui. Qu'elle a bien plus de courage que lui. Sa main libre vient se poser contre sa joue alors que ses lèvres viennent de nouveau effleurer son front. Merci, Lex. Il se sent obligé de le lui répéter, sa voix comme un souffle contre sa peau. Nous allons... Nous allons surmonter tout ça, n'est-ce pas ? La question n'est réellement destinée qu'à lui-même, lui qui espère de tout cœur mais a peur que rien ne fonctionne comme ils le désireraient. Il sait qu'il doit faire des efforts, même durant le temps qu'elle lui laisse. Il sait qu'il va falloir qu'il abandonne ce comportement absurde qu'il a adopté depuis des mois. Il sait que malgré la difficulté que ça va représenter, il va devoir échanger avec elle, la regarder droit dans les yeux, avec l'envie de la serrer contre lui sans vraiment pouvoir se le permettre. Se rapprochant de cette amitié qu'elle lui a offerte et qu'il a refusé. Ironique. Mais il n'a pas le choix, parce que reconstruire ses défenses comme avant n'offrira rien de bon.
Il se retient. Il se retient de l'embrasser à nouveau, parce que s'il le fait, il ne réussira pas à partir. Il ne réussira pas à la lâcher et, si elle le voulait, il pourrait toujours être contre elle des heures plus tard. Il la suivrait, sans même se poser de questions. Alors il la serre un long moment contre sa poitrine, puis lâche sa main et s'éloigne. J'imagine que nous nous croiserons plus tard, non ? Il lui sourit, doucement, et glisse une main dans ses boucles, hésitant. Tu peux... Tu peux passer prendre un café dans mon bureau un jour, si ça te dit. Il ne se sent pas prêt à s'asseoir avec elle pour discuter sans pouvoir la toucher, mais il ne voit pas comment exprimer autrement le fait qu'il ne l'ignorera plus, comment il peut lui faire comprendre.
Il me remercie mais je ne sais pas très bien pourquoi. Je suis incapable de mettre des mots sur les raisons qui peuvent l'amener à me dire ce mot si simple mais qui pourtant semble signifier énormément pour lui vu son besoin de le répéter. Je voudrais lui dire qu'au fond, je n'ai pas vraiment le choix d'approuver ou non son besoin de temps. Mais plus que tout je dois avouer que je veux saisir la chance de maintenir cette porte ouverte. J'ai besoin de croire qu'il nous reste une chance de nous en sortir finalement. Je pourrais lui répéter que j'accepterai tout ce qu'il me demande même si intérieurement je hurle ma désapprobation. Je ne suis pas prête, pas capable de m'imaginer loin de ses bras quand je voudrais qu'il reste à mes côtés. Je pourrais même trouver cela plus facile qu'il ne me fuie quand je suis endormie et me dire que j'ai rêvé tout simplement. La caresse de ses lèvres sur mon front sont d'une douceur infinie, soulageant les émois de mon cœur qui s'accroche tellement fort à cet instant. Mais penser à la réalité de ce qui se passe et me dire qu'à l'instant où il franchira cette porte, il faudra se résigner me déchire de l'intérieur. Je ne veux pas quitter ses bras, je ne veux pas rompre ce contact car il me fait un bien fou. Aurais-je la force de rester debout à l'instant où il franchira cette porte? Je suis assaillie par un doute, je ne peux le garantir. Mais l'important réside dans ma capacité de lui dissimuler oh combien je suis faible dans les secrets de mon cœur Je veux sembler forte devant lui même si je dois m'effondrer dans la seconde où son regard me quittera. Ses mots, ils trouvent un écho dans mon âme car au fond, ils symbolisent toutes les angoisses qui sont miennes.
« Nous voulons tous les deux surmonter tout cela alors nous le pouvons. »
Je lui souris sachant que je n'ai pas tout perdu. Les choses ont changé entre nous. Il ne pourra plus simplement m'ignorer, faire comme si je n'existais pas. Je suis consciente du chemin qu’il nous reste à faire avant de penser à un NOUS dans le futur mais ironiquement, il me rassure quand il rejetait totalement l'éventualité même de discuter avec moi quelques instants auparavant. Il cède à mon désir après m'avoir opposé un non ferme comme si tout simplement, il ne pouvait pas me dire non. Johannes a toujours été faible devant moi, d'une faiblesse craquante et adorable. Je n'ai jamais abusé mais je sais qu'il finit souvent par craquer. J'ai toujours cette espèce de pouvoir sur lui et je ressens à quel point il me sauve la mise aujourd'hui encore. Il est mon doux amour peu importe le temps qui passe. Il ne peut pas réellement me faire de mal, enfin je l'espère. Le froid vient bien trop vite et je serre mes bras autour de moi. Je ne dresse pas un mur entre lui et moi, je ne suis pas sur la défensive mais je tente de taire la douleur qui naît au plus profond de mes entrailles. Je le regarde sans ciller mais je suis glacée, encore plus là où ses bras étaient, où sa main était. Je ferme les yeux quelques secondes quand il capture une de mes boucles.
« Oui nous nous croiserons plus tard. Je ne vais pas disparaître et je ne vais pas te laisser m'oublier. Je crois qu'on sait que l'amitié toute simple n'est pas pour nous mais si tu étais tenté de faire comme si tu l'ignores, je... je me rappellerai à ton souvenir. Tu as le temps mais je ne veux pas tourner la page. »
Mes mots sont maladroits mais l'émotion domine totalement. Ils montrent combien je manque d'assurance, je manque de confiance. Ils trahissent cette angoisse que ce moment tombe dans l'oubli et que jamais plus je ne puisse revivre pareille bonheur. Ils sont le signe que je ne veux pas abandonner. Mais ils sont aussi une promesse indirecte que je ne vais pas l'abandonner et que je vais m'accrocher à nous. Je prie silencieusement pour que le laisser partir là maintenant, nous imposer une distance physique qui martyrise mon être tout entier, n'est pas une grave erreur pire encore que celle de cesser notre correspondance. J'ai besoin de me rassurer et de me dire qu'il ne tentera pas de chasser tout souvenir de cette échange à la seconde où il quittera ma salle de cours. Sa proposition me surprend, elle est tellement... banale mais elle a aussi un petit côté assez normal qui me rassure.
« Cette proposition est fort tentante. Je viendrai c'est promis, dans ton bureau ou... tes appartements. »
Je souris taquine, mutine. J'ai besoin de tenter de rétablir entre nous un naturel que l'on a sans doute trop oublié. Je le regarde un peu espiègle me demandant comment il percevra réellement mes mots. Mais ils sont dits et je ne peux plus les reprendre.
Oui nous nous croiserons plus tard. Je ne vais pas disparaître et je ne vais pas te laisser m'oublier. Je crois qu'on sait que l'amitié toute simple n'est pas pour nous mais si tu étais tenté de faire comme si tu l'ignores, je... je me rappellerai à ton souvenir. Tu as le temps mais je ne veux pas tourner la page. Il n'en a pas non plus envie. Après tout ça, retourner à la vie sans elle serait déchirant et il n'est pas certain de le supporter. Il a besoin d'elle, besoin d'être en contact avec elle. Peu importe ce qu'il dit. Peu importe ce qu'il pense. Il espère bien qu'elle se rappellera à son souvenir s'il dérape encore, qu'elle ne le laisse pas faire, perdu dans ses pensées, ses regrets, ses remords et ses reproches. Cette proposition est fort tentante. Je viendrai c'est promis, dans ton bureau ou... tes appartements. Il faut qu'il observe son regard pour comprendre ce qu'elle sous-entend, qu'il voit son sourire taquin pour réaliser ce qu'elle vient de dire. Et automatiquement, sa tête se met à fonctionner à plein régime alors qu'il l'imagine chez lui, ce « chez lui » temporaire qui ne l'est pas tant que ça puisqu'il n'a pour l'instant nulle part d'autre où aller. Il voit ses mains glisser sur ses épaules, sur ses côtes, sur ses hanches, ses lèvres suivant de près ses doigts en effleurant sa peau. Il sent l'odeur de sa peau, juste sous sa mâchoire, alors que ses doigts sont glissé dans ses cheveux. Il...
Johan cligne rapidement des yeux, tentant de revenir au moment présent, ses pupilles un peu dilatées alors que son esprit divague sur un terrain qui peut s'avérer dangereux. Si sa peau parvient à ne pas rougir, le sourire qui étire ses lèvres en dit long. Il ne peut pas s'en empêcher. Il ne peut pas s'empêcher de penser à elle, de penser à eux. Il reste silencieux, acquiesçant doucement. Est-ce qu'il accepte qu'elle passe effectivement dans ses appartements ? Est-ce que c'est une bonne idée ? Il est incertain, mais incapable de dire non. A son expression, il est de toute façon incapable de dire si elle le fera réellement ou non. Il pince un peu les lèvres, soupire. Il n'a pas envie de partir, de s'éloigner. Il y a un peu de monde dans le couloir, mais il sait qu'ils ne risquent pas d'être interrompus par une dizaine d'élèves qui ne manqueraient pas de piailler à leur sujet, même s'il s'agirait de coups à l'aveugle, en ce qui les concerne. Rien ne le force à bouger, rien d'autre que sa propre décision. Mais il se doit de la respecter, pour lui, pour elle, pour eux.
Il finit par reculer en lui faisant toujours face, lentement. Il se laisse la détailler encore un moment, se retient de tout envoyer en l'air et de retourner la prendre dans ses bras. Quand il est de nouveau à côté de la porte, il se retourne et attrape la poignée, jetant un dernier coup d’œil derrière lui, un mince sourire sur les lèvres. A plus tard, Lex. Ils se croiseront certainement au dîner, comme à chaque fois, sauf que cette fois-ci il n'aura pas à éviter son regard autant que possible. Il ne le devra pas. Même si c'est devenu comme un réflexe. Son cœur bat toujours la chamade quand il sort de la pièce, la refermant derrière lui, et il se laisse un instant pour respirer et tenter de se calmer, remettant un peu d'ordre dans ses cheveux qui ne tiendront de toute façon pas en place. Il salue d'un signe de tête un étudiant qui passe devant lui, son regard le laissant comprendre qu'il ne doit pas avoir toute sa contenance et que ça se voit. Il faut qu'il se reprenne. Inspiration, expiration. Johannes se redresse, puis s'enfonce dans le couloir pour retourner à une tâche qu'il a déjà oubliée. Une minute. Il était censé rester une minute. Et au final, il a tellement de choses auxquelles réfléchir qu'il occupera certainement une bonne partie de son temps perdu dans ses pensées.
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