We used to be friends ✘ Dimone

Le papier poreux du parchemin glissa entre les doigts d’Alcyone. Le poids et la monotonie qui pesaient sur ses épaules depuis plusieurs semaines sembla glisser lentement le long de son échine pour venir s’éclater au sol.  Elle inspira un instant comme cela devenait soudainement plus facile. Son regard observa le petit attrapeur de rêves qu’elle avait accroché au dessus de son long. Premier contact depuis des semaines. Les mots de l’Aiglon l’avait saisi. Il lui manquait, c’était indéniable. Leur dernier échange l’avait marqué bien plus que de raison. La colère l’avait envelopper de ses bras malicieux. Elle avait piqué, il avait répondu. Le retour de bâton avait été violent. Mais ses lippes charnues sur les siennes avaient laissé une empreinte brûlante. Elle ne voulait pas perdre leur amitié. Au final, ce n’était que ça. Son orgueil avait brutalisé l’échange, blessé Dimka. Loin de leurs piques habituelles, Dimka avait enfilé un masque de fer et ses remarques en écho à celle d’Alcyone l’avait blessé. Il avait raison. Il n’était pas le seul responsable. La Shafiq avait cependant aperçu une facette du jeune homme qu’elle ne lui connaissait. Qu’elle n’avait, du moins, jamais rencontré. Mais c’était qui l’avait contacté en premier. Rien qu’en cela il avait fait preuve d’une maturité bien plus prononcé que l’Etoile. Trois parchemins avaient voyagé entre eux. Le dernier, Dimka lui donnait rendez-vous dans la tour d’astronomie.  

Ce n’était pas la première fois qu’Alcyone se glissait dans l’obscurité de la nuit, dans les ténèbres du château. Elle avait plus d’une fois fuit les dortoirs des Serpents. Souvent pour le retrouver Lui. Il était plus dur à présent de se faufiler dans les couloirs. Chaque recoin était surveillé. Tous les gestes qu’ils faisaient étaient épiés. Alcyone se fit bien des frayeurs alors qu’elle tentait d’étouffer le bruit de ses pas. Lorsqu’elle atteint enfin le parc, le vent frais et léger caressait ses joues avec douceur. Ses prunelles fouillaient l’obscurité pour s’assurer qu’elle n’allait croiser personne puis fila jusqu’à la Tour d’Astronomie. Un instant, elle se demanda s’il n’allait pas lui poser un lapin mais elle rejeta cette idée au loin alors que ses doigts s’enroulaient autour de la poignée. Elle grimpa silencieusement les marches et poussa en toute discrétion la porte. Il ne manquerait plus qu’un garde soit dans le coin… Ses iris tombèrent directement sur sa silhouette. Un pincement s’emparant de ton palpitant. Il était de dos, observait certainement l’horizon. Alcyone referma doucement la porte derrière elle avant de s’avancer vers lui. Lorsqu’il tourna le visage, Alcyone laissa un léger sourire étirer ses lippes alors qu’elle rencontrait ses yeux ambrés. Sa présence lui avait manqué. C’était encore plus palpable alors qu’il était à deux pas d’elle. Que dire de sa présence si rassurante ? Alcyone avait passé des nuits catastrophiques cherchant l’apaisement avec les potions de Zoya ou d’Atos. Mais c’était différent… Et les traits marqués de la brune pouvaient trahir le sommeil agité qu’elle avait connu sans lui. Alcyone s’avança à ses côtés et observa la même ligne d’horizon qu’il ne le faisait avant qu’elle n’arrive. Elle avait une envie furieuse de le prendre dans ses bras. De lui faire comprendre à quel point son absence avait créée un vide en elle. Mais elle n’y arrivait pas. Sans parvenir à se détacher de cette retenue. Elle ne prit pas non plus la parole, se contentant juste du plaisir d’être à ses côtés. Elle se mit un peu en travers, appuyant son épaule à la rambarde. Son palpitant jouait à contretemps. Elle avait mis cela sur l’effort d’être montée si haut. Mais il fallait reconnaitre que c’était davantage Lui qui la perturbait. Troublée. Stressée aussi. Gardant en mémoire cette dernière altercation comme une barrière invisible. Pourtant, elle pouvait s’empêcher de lui sourire. Elle tira sur les manches de son pull. Puis cessant un instant de réfléchir, elle glissa ses bras autour de son cou, le resserrant dans une étreinte amicale. Retrouvant son odeur habituelle qui lui plaisait tant. Elle s’éloigna de lui et finit par trancher le silence. « Je voulais jouer au sois belle et tais-toi, mais c’est un jeu trop compliqué… » Un regard. Innocent. Amusé. Elle avait perdu des gens. Trop à ses yeux. Le Slave ne devait pas faire parti de cette liste.

Merlin que ça faisait du bien de l’avoir près d’elle. De pouvoir le toucher. De sentir son odeur. Entendre sa voix teintée de son accent. Ses bras s’étaient accrochés autour de son cou. Doucement, presque timidement. Elle s’accrocha un peu plus quand elle le sentit répondre à son étreinte avant de s’éloigner un peu. Elle serrait restée contre lui des heures si elle s’était laisser aller. Il lui avait bien trop manqué. Ces dernières semaines étaient compliquées. Son absence n’avait fait qu’amplifier le tout. Elle ne s’était pas rendu compte. Non, elle n’avait pas réalisé à quel point il s’était immiscer dans sa vie. Pourtant, il en avait toujours fait parti. Aussi loin qu’elle s’en souvienne, les Dimitrov étaient des invités récurrents chez les Shafiq. Il était toujours là, pas forcément avec elle, mais sa présence était une habitude. Une habitude à laquelle elle avait pris goût. Et cette dispute, ces semaines sans lui, lui envoyait en pleine figure son attachement pour lui. Ce besoin de l’avoir près d’elle. Ou du moins, pas loin. Et que son regard soit bienveillant.

Alors elle brisa le silence d’une petite joute. Cette phrase, c’était un jeu qui revenait souvent entre eux. Ces mots qu’elle lui avait jeté à la figure la première fois où ils s’étaient réellement parlé. Se découvrant l’un et l’autre. Elle détourna le regard alors qu’il la complimentait indirectement, faisant mine d’observer le ciel. C’était un endroit qu’elle affectionnait particulièrement. Elle aimait se perdre dans ses ténèbres, les étoiles scintillantes lui insufflant un souffle de détente. Elle s’amusait à chercher son étoile la plupart du temps. Sans jamais réellement y parvenir. Belle. Alcyone n’était pas du genre à rougir facilement mais avec leurs derniers échanges houleux, elle ne savait plus vraiment comment agir. Il y avait une brèche malgré tout. Quelque chose qui avait changé entre eux. C’était indéniable. Mais il était compliqué de mettre des mots sur ces troubles. Elle laissa  échapper un petit rire quand il lui dit qu’elle manquait de pratique. Elle le regarda de nouveau à cet instant. Alcyone avait toujours aimé son regard ambré. Il avait la couleur d’un whisky pur malte. Limpide et fort à la fort. Elle aimait y lire ses émotions et elle avait été troublée par ce qu’elle y avait trouvé la dernière fois. Ses prunelles glissèrent sur les traits éthérés de son visage. Une beauté mordante, arrogante. Comment ne pas tomber sous le charme ? Elle pouvait aisément comprendre les filles qui terminaient dans son lit avec l’espoir vain de le garder pour elle. « Tu ferais le bonheur de mon paternel. Mais défi relevé, essaie de m’apprendre, on verra si ça fonctionne. » Oktavia était déjà sur le dossier… Elle tempérait son amie autant qu’Alcyone cherchait à la débrider. Un duo étrange qu’elles formaient, mais une réelle amitié comme peu existe.

Alcyone se complaisait devant le sourire DImka mais le doute la traversa alors qu’il le perdait. Lorsqu’il passa sa main sur une mèche de ses cheveux, Alcyone ne put retenir un frisson. Ses iris plongèrent dans celles de Dimka et tandis que sa main retombait lentement après avoir repoussé les cheveux de la brune, Alcyone retint sa main. Son assassine se glissa doucement dans la sienne, s’imprégnant de sa chaleur. De sa chaleur réconfortante qui faisait battre toujours un peu plus vite son palpitant. « Je n’aime pas ça non plus. » Souffla-t-elle à son tour. Elle exerça une légère pression sur sa main. « J’ai flippé. Cette nuit là… » Elle s’arrêta dans sa phrase. C’était compliqué de s’exprimer clairement quand les idées étaient si confuse et qu’elle ne voulait surtout pas admettre ouvertement qu’il avait raison. Raison car elle se serait laisser aller aux creux de ses bras. Peur de tout gâcher. De se perdre. Hideuse confusion qui semait le doute. Elle avait baissé les yeux sans lâcher sa main pour autant. Elle le regarda de nouveau. «Sincèrement, je ne te jugerais jamais. Ton amitié m’est trop précieuse. Ce que tu fais, je serais qui pour le critiquer ? J’aime celui que tu es quand on est tous les deux. Celui que tu me laisses découvrir petit à petit. » Alcyone n’avait jamais été très douée avec les mots. Trop impulsive, trop irréfléchie. Il l’avait blessé quand il l’avait traité d’enfant. Il n’était pas si loin du compte. « Je voulais pas te perdre. » Mais elle avait tout précipité. Elle avait parlé de trop. De travers. Elle avait réveillé sa colère. Bien sûr ses représailles l’avaient plus que chamboulée. Elle ne s’était pas attendue à ce mur. Elle observa un instant ces lippes charnues en repensant à ce baiser volé. Le trouble qu’il l’avait envahit au même moment qu’une foule d’autres sentiments diffus. Il fallait qu’elle s’arrête de parler. Elle secoua la tête et se mit à rire légèrement. Elle se mordit la lèvre pour se taire alors que l’amusement se lisait dans son regard.

Le palpitant d’Alcyone semblait vouloir vivre sa propre vie à l’intérieur de sa cage thoracique. Planqué derrière ses poumons en manque d’oxygène, il battait un rythme abrasif, presque douloureux. Le manque de sa présence se révélait bien pire encore à présent qu’elle l’avait à ses côtés. Il lui avait manqué. Lui et son regard fauve. Lui et ses remarques piquantes. Lui et sa présence si rassurante. Un tout formé d’un seul être ; en cet Aiglon si imparfait qu’il n’était pas possible de ne pas s’attacher. Alcyone l’observait, lui, son visage, cette mine boudeuse, ce regard ambré. Elle se demandait comment elle était parvenue à rester éloignée si longtemps de lui. Comment sa fierté déplacée pouvait parfois risquer de détruire ses relations. Un instant, elle ne put s’empêcher de penser Mérope. Dimka avait fait le premier pas. Rien que pour cela, elle aurait été capable de l’étouffer de ses bras. Ils avaient tellement appris à se découvrir. Dans cette intimité troublante qu’était le lit du Slave, sans jamais autre chose que des échanges, de la connaissance et de l’apaisement. Oui toutes ces nuits partagées les avaient rapproché, parfois sans même s’adresser la parole. Combien de fois avait-il juste levé le coin de ses draps pour qu’elle se hisse à ses côtés et s’endorme quelques minutes à peine après au creux de ses bras ? Il était de ceux, sans qu’elle ne l’ait vraiment réalisé, qui la connaissait le mieux. Elle ne pu s’empêcher de rire à sa remarque. La faire taire… C’était certain qu’il y avait du travail. Même Dimka se résignait face à ce challenge.

Mais derrière sa pointe d’humour, les mots qui franchir les lèvres du Slave, la troublèrent semant la discorde dans son esprit. Rare était les fois où une couleur rosée teintait délicatement ses pommettes. Une valse entre compliment et terrible réalité. Alcyone avait terriblement conscience de ne pas être l’héritière parfaite. Trop impulsive, trop naturelle. Trop caractérielle. Trop indépendante. Trop tout. Pas assez sage. Pas assez réfléchie. Pas assez docile. Pas assez, tout simplement. « On sait très bien tous les deux, que dans notre monde, je n’ai pas vraiment ma place. » Elle l’avait bien sûr. Mais pas comme cela. Ses frères l’avaient protégé la plupart du temps des foudres parentales. Devant chacune de ses lubies, de ses amusements. Ils avaient contribué à faire d’elle ce qu’elle était devenue, au désespoir de ses parents qui malgré plus d’une correction, toujours plus originales, n’étaient jamais parvenus à la faire rentrer dans le moule. Comme lorsqu’un enfant boudeur cherche à faire rentrer un carré dans un cercle. Alcyone était ce carré et le cercle, cette famille sombre et horripilante. Elle hocha doucement le visage avant de glisser sa main dans la sienne, cherchant ses propres mots pour les mettre sur ses émotions. Et lorsqu’elle lui avoua qu’elle avait eu peur, Alcyone ouvrit ses yeux de surprise alors qu’il pensait qu’elle avait craint qu’il l’a force à quoi que ce soit. « Oh non, ce n’est pas du tout ce que je voulais dire Dimka. » Le coupa-t-elle précipitamment.
Que voulais-tu dire alors ? Elle détourna les yeux. Loin d’elle cette idée bien sûr. Il aurait certainement été très loin d’avoir à la forcer… Comment faisait-il pour être si transparent ? Elle comprenait le moindre sens de ses propos. La peur de le perdre l’enfermait derrière des barrières destructrices. Son coeur s’emballait toujours plus, ne lui laissant pas un instant de répit. Il irradiait dans ses veines, jusqu’au bout de ses doigts, de ses chevilles.  

Ce fut pire. Ce fut pire encore lorsque son assassine se glissa sur sa nuque. Un tourbillon trouble l’enivra alors qu’il posait sur front sur le sien. Cette proximité pourtant une habitude entre eux avait en cette nuit un autre goût. Un goût inconnu. Un chemin hasardeux sur lequel la brune avait peur de s’engager. Lorsqu’il s’approcha plus encore, Alcyone releva les yeux pour soutenir le regard du slave, tenter d’ignorer ses lèvres. La chaleur dans laquelle il l’enveloppait. Son odeur qui l’enivrait. Un mot… Tout le corps d’Alcyone sembla se tendre à la suite de ses paroles. Son regard planté dans le sien. Pourtant pas un mot ne franchit le seuil de ses lippes. Elle n’esquissa pas le moindre geste de recule. Elle avait avancé d’un pas sur ce chemin. Elle se laissait glisser lentement. Arrêtait un instant de penser.

Quelques centimètres. Rien de plus. Rien de moins. La brune réduisit finalement ce mince écart. Ses lèvres frôlèrent celles de Dimka, alors qu’elle fermait doucement ses paupières ne supportant plus son regard abrasif. Sa main libre caressa du bout des doigts ce grain de beauté tentateur au dessus sa lippe avant de se glisser dans sa chevelure pour s’y nicher. Elle n’avait que trop conscience de son corps contre le sien. Toute sa carcasse l’appelait. Sa chair réagissait au moindre contact qu’ils pouvaient avoir. Tous ses sens étaient en alerte. C’était comme un cri perdu au milieu d’une vallée où l’écho se répétait, encore et encore. Elle sentait son souffle contre elle. Elle n’avait plus envie de résister. Délicatement, elle vint pincer entre ses dents la lèvre inférieure du slave. « J’aurais dû te mordre deux fois plus fort. » Murmure. Référence à ce premier baiser. Volé, colérique. Elle avait dit cela avec un léger sourire alors qu’elle ouvrait les yeux sentant toutes ses barrières tomber une à une devant lui. « J’ai pas eu peur de ce que tu aurais pu faire Dim… » chuchotait-elle alors. « J’ai eu peur de ce tu as réveillé en moi cette nuit là. » Du désir, de l’envie. Peut-être un peu trop étouffé par ce besoin étrange de l’avoir auprès d’elle. Egoïstement, installée dans un confort. Jusqu’à ce que cette partie n’aille un peu trop loin. Que les sous-entendus se fassent un peu trop fort. Qui les auraient crus ? Passer des nuits ensemble juste à dormir, sans jamais avoir d’arrière pensée ? Alcyone avait certainement été hypocrite. Avec lui, avec elle. Mais elle avait toujours cette idée, qui revenait en boucle. Le plaisir charnelle serait-il  capable de tout détruire entre eux ? Elle avait trop besoin de lui pour le perdre de cette façon. « Embrasse-moi… » Murmure. Supplique. Sous le regard des étoiles, à l’abris des regards disgracieux.

Ils cherchaient à tâtons comment se retrouver, comment combler cette brèche qui s’était immiscée entre eux. Elle s’était fendue au moment même où ils avaient joué cette nuit là sur un terrain inconnu. Elle avait éclaté lors de leur dernière rencontre. Cette plaie qui mettrait du temps à cicatriser. L’attrapeur de rêve était ce premier geste qui avait cherché à les soigner. Les échanges y avait contribué. Jusqu’à cette rencontre. La plaie était pansée. Elle restait cependant encore visible. Si palpable. Tout était si différent et si semblable. Leurs regards se retrouvaient comme avant, mais n’observaient plus de la même façon. Leur présence apaisait et pourtant embrasait leur être. La brune s’était attachée à Dimka à travers leurs joutes, à travers leurs piques. Mais aussi à travers cette douceur qu’elle n’aurait jamais imaginé chez lui. Ce calme qu’il lui offrait toutes les nuits où elle s’était nichée au creux de ses bras. L’image des Dimitrov était si différente de cette facette qu’il lui avait dévoilé. La Shafiq avait eu le loisir d’observer cette famille depuis sa plus tendre enfance. Même elle, le petit trublion, le petit monstre comme Erèbe s’amusait à l’appeler, restait sage lorsqu’ils étaient dans l’hôtel particulier des Shafiq. Il fallait avouer que lorsqu’ils arrivaient tous ensemble, une aura sombre semblait se dégager d’eux. Jamais elle ne lui aurait avoué, mais Alcyone avait toujours ressenti un frisson de peur lorsqu’ils erraient chez elle… Peur qu’elle cachait derrière son arrogance, derrière son mordant naturel pour mieux se protéger.

Lorsqu’il lui demanda si elle aimerait avoir sa place dans cet univers, Alcyone se contenta de tourner lentement la tête de gauche à droite. Non. Bien sûr que non. Avouer ça à Dimka, c’était le comble lorsqu’on savait d’où il venait. Elle ne lui apprenait rien bien sûr, mais le Slave était de ceux qui auraient pu trouver une personne comme Alcyone insultante à sa condition. Elever de la même façon et pourtant si différents. Elle se demanda un instant comment il pouvait la supporter vu son bagage d’éducation. Et la question tourna naturellement dans son esprit. Comment pouvait-elle le supporter ? Question sans réponse, étonnement troublante. Ils n’étaient pas fait pour s’entendre. Ils étaient parvenus pourtant se connaitre, lentement, sûrement. Sans délicatesse pourtant. A coup de piques et de jeux pour avoir le dernier mot. Leur amitié était peut-être étrange. Mais elle était unique. Les unissait contre toute attente. Dimka faisait parti de sa vie depuis toujours. Elle ne se voyait plus avancer sans l’avoir non loin d’elle. Le constat était terrible, elle se sentait presque ridicule d’avoir besoin d’un être à ce point quand elle avait d’autres amis plus présents les uns que les autres. Sous son emprise, Alcyone perdait petit à petit la notion du temps. Cette proximité entre eux étaient pourtant si normale. Mais elle aussi elle avait changé. Ce besoin de toucher, sentir l’autre n’avait plus le même sens.

Repoussant alors derrière elle toutes ses pensées, abaissant finalement les barrières qu’elle avait érigé, Alcyone se laissait happer par sa main sur sa nuque, par sa chaleur, par son odeur. Par lui tout simplement. Lorsqu’elle s’approcha lui mordant légèrement sa lèvre inférieure, elle voulait le provoquer. Un léger rire lui échappa face à son murmure. « Je n’avais vraiment pas envie de te faire plaisir ce jour là. » Et maintenant ? Plus que de raison. Son regard se perdit dans son regard rieur. Elle voulait sentir ses lèvres sur les siennes à nouveau. Combler cet espace entre eux. Murmure l’autorisant alors à franchir ce dernier seuil entre eux. Un frisson grisant parcouru son échine alors qu’il touchait enfin ses lippes quémandant bien plus cette fois que ce baiser raté. Alcyone s’approcha un peu plus si possible, glissant ses mains derrière la nuque de Dimka. Sa langue se laissa aller à la rencontre de la sienne. D’abord joueuse, sauvage, se jouant de sa langue ; l’éviter pour mieux la retrouver. Alcyone se sentait lentement s’embraser par ce baiser. Baiser du pardon ? Celui venu effacer le colérique que Dimka lui avait imposé ? La proximité de leurs corps était enivrante. Etait-elle la seule à se sentir si fébrile ? Une parcelle de son esprit tentait de garder le contrôle, ses mains restant alors sagement accrochées à sa nuque ; ses doigts s’enfonçant dans sa chair. Tous ses sens semblaient n’avoir attendu que lui pour s’éveiller. C’était bien pire qu’au milieu de son lit cette nuit là. Lentement ses lèvres quittèrent celles de l’Aiglon. Sans pour autant s’éloigner, une de ses mains quitta sa nuque alors que ses yeux s’ouvraient pour plonger dans les siens. Une lueur d’amusement fit alors place au trouble. Elle était juste troublée. La dispute, la rencontre. La fatigue. Un trouble passager. C’est ce qu’Alcyone chercha à imposer à son esprit embué. Elle fit mine de lui donner une tape sur le torse. « Pas mal ! » murmure amusé. Elle s’accrochait à leurs vieilles habitudes pour retrouver pied. Elle se mordit la lèvre inférieur comme pour ne pas oublier le goût acidulé du Slave. « Je vais peut-être enfin comprendre pourquoi ils y reviennent à force. » Son ton était enjoué alors qu’elle cherchait à éteindre le brasier qu’il avait allumé. Comment faisait-il pour être si maitre de lui ? Elle avait coupé sa phrase un peu brusquement. ‘A force de pratiquer’ allait-elle dire. Mais ils ne s’étaient jamais aventuré sur un tel terrain. Ils n’avaient jamais émis l’idée de réitérer ce genre de chose entre eux. Elle déposa un simple baiser à la commissure de ses lippes avant de s’échapper de son emprise. C’est ce qu’il fallait. De la distance pour mieux reprendre le contrôle. Depuis quand réagissait-elle comme une adolescente en manque ? Depuis quand réagissait-elle comme une adolescente effarouchée ? Elle s’approcha de la rambarde de la tour d’astronomie lui jetant un regard par dessus l’épaule, un sourire accroché aux lèvres malgré toutes les émotions qui la traversaient de toutes parts. « Quoi que… » Le sourire qui était déjà sur ses lippes s’étira un peu plus,  laissant sa phrase en suspends. Elle lui tourna alors le dos s’appuyant sur la rambarde relevant le visage pour observer les étoiles. Gardant volontairement le silence et le doute. Juste pour le provoquer. Comme avant. Ou presque.

Elle s’était volontairement éloignée. Pour éteindre ce brasier qui s’était allumé, laissant un amas de cendres brulantes alors qu’elle sentait encore le goût de ses lèvres sur les siennes. S’éloigner. Rire. Une pique comme avant. Ou presque. Se rendait-il compte à quel point il avait eu raison lorsqu’il lui avait dit qu’elle ne l'aurait pas repoussé ce soir là ? Pouvait-il lire en elle si facilement encore ce soir ? S’éloigner. L’air frais, brise légère caressant son visage. Les étoiles laissaient filer un instant ses pensées. Dériver devant l’horizon que Poudlard offrait sous leurs yeux dans les bras de la nuit. Elle avait aimé retrouver son regard rieur. Entendre son rire alors qu’elle se moquait. Alors qu’il s’appuyait à la rambarde à son tour, la brune observa un instant son profil alors qu’il répondait à sa remarque. Envie de recommencer ? Comment ne pas en avoir envie… Elle avait aimé le contact de sa langue sur la sienne. Son corps contre le sien. Un sourire étira les lippes d’Alcyone. Se doutait-il qu’il avait raison ? Elle se mit à rire avec lui. C’était naturel. Cela devrait toujours l’être entre eux.

« Qui sait ? » Répondit-elle amusée avant de se perdre à nouveau dans la contemplation des étoiles. Laissant le doute sur sa réponse. Lorsqu’il tendit le bras vers le ciel, son regard le suivit instinctivement. Ses prunelles claires fouillèrent parmi toutes les lueurs offertes par la nuit. Un sourire étira doucement ses lippes alors qu’il en désignait une en particulier. Alcyone glissa son regard dans celui de Dimka. Il pouvait certainement y voir de l’étonnement. Du contentement. Un franc sourire s’afficha sur la visage de la brune. « Je ne pensais pas que tu connaissais l’origine de mon prénom. » Après tout, le Slave était un Aiglon. La maison des érudits. Le regard de la Shafiq se perdit un instant son étoile, dérivant dans ses pensées sur sa famille. Accoudée aux remparts de la tourelle, Alcyone se redressa. « Une lubie parentale… » Elle haussa légèrement les épaules alors qu’elle repensait aux prénoms de ses frères. Elle se glissa alors en la rambarde et Dimka, s’emparant de ses poignets, s’enroulant d’elle même de ses bras, s’invitant dans une étreinte imposée. Profitant de sa chaleur et de son odeur, Alcyone appuya son dos contre le torse du jeune homme tout en continuant de profiter de la vue. « Erèbe. Cymbae. Alcyone. »Peut-être reconnaissait-il de lui même les références, les sous-entendus désirés par cette vieille famille aux mœurs traditionnelles. Peut-être avait-il même compris depuis longtemps vu ce qu’il venait de lui dire. « Erèbe né du chaos, incarnant les ténèbres. Cymbae, l’étoile la plus brillante du Phénix. Je te passe les détails sur l’image du Phénix… » Elle se mit à fouiller dans les poches arrières de son jean, sans se défaire des bras du Slave. Elle en sortit son paquet de clopes, le posant sur la rambarde attrapant à l’intérieur une cigarette et son briquet. Ses lippes pincèrent le filtre tout en l’allumant. Elle aspira lentement la fumée, se délectant de son âpreté courant sur sa langue, puis dans sa gorge. Un vice auquel elle était devenue accroc. « Et moi. Un mélange des deux autres. Plus brillante étoile des Pléaides du Taureau. Fille du Titan qui porte le monde sur ses épaules… » Alcyone adorait l’histoire des Pléaides. Ces soeurs qui avaient fuit des années, transformées en colombe pour devenir des étoiles. Fort symbole de cette liberté si chère aux yeux de la brune. Si ses parents s’étaient doutés un instant de l’impact de son prénom sur son caractère. Ils devaient certainement s’en mordre les doigts.

Alcyone tira sur sa clope et porta sa main au niveau du visage de Dimka pour la lui offrir. « Une façon de nous rendre unique et de passer un sentiment de puissance à travers eux… » Le rire cynique qui fila démontrait pertinemment ce qu’elle pouvait en penser. Ils étaient fous. Voila tout. « Tu me caches d’autres choses que ta passion pour l’astronomie ? » Ton amusé mais pourtant sincèrement intéressé. Curieuse, il avait surpris la brune alors qu’elle ne s’était pas attendu à cela. Loin de douter des connaissances du Slave. Il avait bien trop de réparties pour être un simple d’esprit tout juste bon à charmer les filles. Il y a bien longtemps qu’elle aurait passé son chemin si cela n’avait été que cela. Il y avait bien plus, elle le savait. Il se dévoilait petit à petit sans jamais trop en dire. C’était ce visage qui lui plaisait d’ailleurs. Elle aurait pu rester des heures ainsi. A regarder le ciel, installée au creux de ses bras. Parler. De tout et de rien. L’accalmie semblait être revenue. Tirant sur eux une couverture douce et confortable dans laquelle Alcyone se glissait avec aisance. Avec envie. Un murmure alors lâché : « Putain… Ce que tu m’as manqué Dimka. »