Octobre 1971« Alexandre… Nous avons une fille. Pense à elle, je t’en conjure. Ne laisse pas tes convictions détruire cette famille que nous avons construite ! »Le regard de l’homme, désolé et transparent d’excuses informulées, glissa vers la petite Alma qui, de ses yeux ronds, regardait la scène sans vraiment la comprendre. Trop occupée à jouer avec quelques cailloux dans le grand jardin de la propriété des Williams, elle n’essayait pas même de se concentrer sur les paroles dures qu’avaient leurs parents. Tout ce qu’elle discernait, c’était leur désaccord. Son père s’approcha alors de son épouse, caressant les longs cheveux châtains de la belle Cassiopée.
« Je ne te demande pas de me pardonner, mon amour. Je souhaite simplement que tu ne m’empêche pas de me battre pour qu’à l’avenir, notre fille vive dans un monde en paix, pas dans un monde où la magie Noire sera reine. Qu’importe les conséquences. »La belle Williams se mit à pleurer, trouvant le réconfort dans les bras de son époux. A cet instant, bien que ne sachant pas de quoi l’avenir serait fait, tous deux savaient qu’ils mettaient leur vie en danger pour une cause aussi belle que grande. Alexandre Williams caressa sa chevelure, murmurant quelques douces paroles à l’oreille de l’une des plus belles choses qui étaient arrivées dans sa vie, tâchant de la réconforter et de lui faire entendre que cette solution serait la meilleure, pour eux, pour Alma. Son attention, d’ailleurs, se reporta sur sa fille unique tandis que l’étreinte se brisa, Cassiopée s’éloignant pour rentrer dans la maison. L’enfant observa son père, pinçant les lèvres avant de lui tendre un caillou.
« Un cadeau pour maman ! »Il rit avec douceur, s’approchant de sa fille pour la prendre dans ses bras, la détachant du sol et la serrant contre lui. La petite fille joignit ses petites mains autour du cou de son géniteur, posant sa tête contre son épaule afin de lui transmettre tout son amour dans le silence le plus profond.
Mai 1972Ils arrivent. Les mots d’Alexandre Williams avaient été coupants, déclenchant une pâleur immédiate chez son épouse. Leurs regards convergèrent alors vers celle pour qui leur amour était indéfectible. La gorge serrée, Alma comprit que quelque chose de terrible allait se passer. Quelque chose qui risquait de changer sa vie à tout jamais.
« Prends la avec toi et va t’en.
- Pour te laisser seul face à une armée ? Hors de question.
- Cassiopée, je t’en prie, ce n’est pas le moment…
- Tu as tes convictions. J’ai les miennes. »Prenant Alma dans ses bras, elle monta quatre à quatre à l’étage. Puis, ouvrant la penderie, elle déposa l’enfant dedans alors que celle-ci commençait à pleurer, faisant parler sa peur et son incompréhension. Puis, dans un geste précipité, elle décrocha une chaîne qu’elle portait à son cou, agrémentée d’un médaillon orné d’une émeraude. A l’intérieur, une photo des deux parents de la petite, animée comme par magie, souriants et heureux comme peu de gens pouvaient se vanter de l’être. Elle glissa rapidement l’ensemble dans la pose de la jupe de sa précieuse Alma.
« Maman… » Elle pleurait, ne sachant trop ce qu’il se passait, pourquoi elle se trouvait là. Mais Cassiopée ne s’arrêta guère là, faisant apparaître un Patronus à l’apparence d’un lynx et lui soufflant un message. L’éclair blanc s’envola par la fenêtre. Finalement, la mère revint auprès de sa fille, lui tendant sa peluche hippogriffe et l’embrassant sur le front.
« Tout va bien, ma chérie… Ne pleure pas. Ecoute, il faut que tu restes cachée ici, sans bouger, sans faire le moindre bruit. Regarde, allonge toi ici, sur le manteau de maman, tu vois ? Quoi que tu entendes, mon cœur, ne sors pas. S’il te plaît, ne sors pas. Quelqu’un viendra te chercher, je te le promets. Ton père et moi, nous t’aimons, plus que tout au monde et c’est pour cela que tu dois rester là, d’accord ? »Les yeux de l’épouse d’Alexandre Williams étaient humides bien qu’elle retînt ses larmes. Quand elle constata que sa fille était bien allongée, elle lui adressa un dernier sourire avant de fermer la porte de l’armoire, laissant la noirceur de l’habitacle serrer la gorge de la petite Alma. Quand elle était effrayée, elle resserra ses doigts sur le manteau, plongeant son nez dans la fourrure qui le composait pour mieux sentir la douce odeur que dégageait sa mère. Les minutes passèrent tandis qu’elle entendit sa mère et son père hausser le ton. Puis, une première explosion survint. Elle sursauta dans la maison, appelant timidement sa mère avant de se rappeler qu’il valait mieux qu’elle ne fasse aucun bruit.
Des voix montèrent, inconnues, des rires également. Elle ne percevait que les sons, entendant alors les bris de verre et de vaisselle, les explosions détruisant les murs. Elle ferma les yeux, son corps tremblant tandis que les éléments semblaient se déchaîner. Puis, finalement, un semblant de silence. Le calme avant la tempête, plus terrible encore.
« Non ! Pas elle ! C’est moi ! Ce n’est que moi ! »Les suppliques de son père su muèrent en cri de désespoir, glaçant le sang de la jeune enfant qui pinça les lèvres, pleurant le plus silencieusement possible, essayant de retenir ses sanglots. Elle serra sa peluche contre elle, espérant qu’il lui donnerait une grande force. Les cris de son père finirent par se taire, à leur tour. Quelques mots se firent entendre et, malgré elle, Alma garda en mémoire ces terribles voix. Puis, tout redevint calme. Comme elle l’avait promis à sa mère, elle ne bougea pas, passant les deux heures suivantes dans la penderie, attendant simplement que l’on vienne la chercher. Et quand la porte s’ouvrit, elle sommeillait à moitié. Ses yeux verts se posèrent sur cet homme à la peau noire qu’elle avait déjà vu par le passé. Il la regarda, l’air terriblement désolé et, tandis qu’il la prenait dans ses bras, la voix lasse et brisée de la petite fille posa une question terrible.
« Où est maman ? Et papa ? Ils ont crié… »Kingsley Shacklebott lui expliqua alors que ses parents s’en été allés, pour toujours, qu’ils s’étaient battus contre des méchants qui avaient été plus forts qu’eux et qu’elle ne pouvait rester ici. En revanche, à l’époque, il se garda bien de lui dire qu’il était celui qui avait été chargé par ses géniteurs de s’occuper d’elle. La responsabilité était trop grande pour un sorcier encore jeune et Auror en devenir. Alors, il s’était appuyé sur la confiance qu’avait le clan du Lion et avait trouvé les Reimers. La première fois qu’Alma avait croisé le regard d’Aymeric et Kelly, quand Kingsley l’amena à eux, elle pleura à chaudes larmes dans les bras de cette femme qui ne serait jamais sa mère et qui ne pourrait jamais la remplacer. Demeurant la plupart du temps silencieuse, elle ne serait jamais un fardeau pour eux, bien au contraire. Elle n’était pas leur fille. De sa poche, elle extirpa le médaillon que sa mère lui avait donné, provoquant une montée de larmes dans les yeux de Kelly qui s’empressa pourtant de le lui passer autour du cou. La jeune Williams, la petite orpheline, allait devoir survivre désormais.
Novembre 1975« T’as fini un peu ? T’es toujours avec Alama-le-lama ! »La petite concernée eut une mine boudeuse, adressant à cet idiot un regard noir. Parfois, elle avait envie qu’il disparaisse, que les méchants ne viennent le tuer, cet Arsène. Depuis qu’elle était arrivée, il ne cessait plus de la rabaisser, de la traiter comme la pièce rapportée qu’elle était. Pourtant, Aymeric et Kelly veillaient à toujours faire en sorte que le petit garçon modérait ses propos, sans jamais lui faire entendre qu’il devait la traiter comme une sœur. Ça, ce serait impossible. En revanche, quand Aodren éleva la voix, expliquant pour la énième fois à Arcy que la petite fille ne méritait pas ce traitement de sa part, elle sut que la jeune fille, de deux ans son aîné, la considérait comme un membre de cette famille qu’ils composaient tous ensemble.
Alma ne parlait pas beaucoup, surtout en présence de cet idiot. Mieux valait garder sa langue bien cachée dans sa bouche sans quoi ce petit sorcier risquait bien de subir les foudres de la Williams. Quand, parfois, elle daignait lui adresser la parole, sa verve tranchante avait alors le don de fermer le caquet de cet ingrat. Mais aujourd’hui, c’était Aodren qui allait régler ce problème, expliquant qu’elle ne pouvait pas délaisser l’un ou l’autre et que leur statut de fille faisait qu’elles avaient plus de choses en commun. Elle aimait son frère, ça, tout le monde le savait, mais l’affection qui était née en même temps que la confiance entre les deux filles avait fait trembler ce lien de sang.
« Comment tu peux la préférer à moi ?
- C’est parce que moi, je suis gentille. Toi, tu es pire que les méchants qui ont tué maman et papa. »La réflexion eut au moins le mérite de faire taire les enfants Reimers qui la regardèrent avec des yeux ronds alors qu’elle tournait les talons, rentrant dans la demeure familiale et laissant là, pantois, son frère et sa sœur d’adoption.
1er Septembre 1979« Williams, Alma. »Le professeur McGonagall baissa légèrement le long parchemin qui arrivait à son terme, observant les trois élèves qu’il restait à répartir. La jeune fille pinça les lèvres avant de faire un premier pas hésitant. Et si elle se retrouvait dans une maison qui ne lui correspondait pas ? Et si elle se retrouvait à Serpentard, au milieu de ces sang-purs, là où naissaient tous les mages noirs ? Elle déglutit avec difficulté tandis que d’un regard, la directrice de Gryffondor lui fit comprendre qu’elle ferait mieux de se presser, la faim venant certainement épuiser la patience du professeur. Alors la jeune Williams fit les quelques derniers pas, grimpant les marches qui la menait à ce tabouret avant de prendre place dessus. Elle sentit le Choixpeau se poser sur sa tête et le silence se fit dans la grande salle, terriblement impressionnant pour la petite qui, pour se donner du courage, vint se saisir de son précieux médaillon. Le chapeau magique se mit alors à émettre quelques commentaires, soulignant le courage de la petite ainsi que son entêtement. Mais il ne lui fallut pas plus de quelques secondes avant de scander :
« GRYFFONDOR ! »La table concernée applaudit avec entrain tandis qu’un large sourire se dessina sur les lèvres de la jeune fille. Elle porterait donc l’écharpe pourpre et or des fiers. Délivrée du Choixpeau, elle se leva et s’empressa de rejoindre ceux qui étaient sa famille aujourd’hui. En passant près d’elle, elle enlaça Aodren et vint s’asseoir aux côtés de l’autre Reimers à qui elle adressa un sourire un peu hautain. Quelques minutes plus tôt, il lui avait murmuré que jamais elle ne serait prise à Gryffondor. Elle méritait plutôt d’aller à Serdaigle ou Poufsouffle. Son sourire en coin était la plus belle réponse à offrir à cet idiot qu’elle avait pourtant envie de serrer dans ses bras, bien trop heureuse de le savoir prêt d’elle pour les sept années à venir.
Février 1980Alma,
J’ignore si tu te souviens de moi. Je me nomme Kingsley Shacklebott, Auror pour le ministère de la Magie. Jadis, j’ai connu ton père qui fut un modèle pour moi quand je fus à Poudlard. Les années passant, rien ne vint briser cette forte amitié si ce n’est la tragique disparition de tes parents, laissant dans mon cœur un vide immense. Je suis celui qui vint te chercher, ce jour-là. Ton père aurait aimé que je prenne soin de toi et je suis sincèrement désolé de n’avoir su me sentir à la hauteur de cette tâche à cette époque, préférant te confier à d’autres amis sincères et avérés de ta famille qui avaient déjà des enfants.
Cette lettre n’a nul but de t’arracher à cette vie qui est la tienne à présent. J’ai appris ton entrée à Poudlard et ton admission à Gryffondor et je suis plus que fier de cette nouvelle. Je sais que je peux l’affirmer, tes parents seraient fiers de toi.
Le testament de tes parents fait de moi ton tuteur légal, comme te l’auront certainement expliqué Aymeric et Kelly Reimers. Cependant, il ne s’agit là que d’un titre administratif et je ne prétendrais jamais avoir la moindre autorité sur toi. Avec ton arrivée à Poudlard, mieux valait que tu en sois informé ainsi, en cas de demandes, tu sais que tu peux te tourner vers moi. N’hésite donc pas, si une autorisation parentale est nécessaire, à me la transmettre, je ne m’opposerai en rien à tes choix.
C’est également moi qui ai la charge de ton compte en banque à Gringotts. Les Reimers tiennent à ce que ton argent ne soit pas un objet de conflit mais il me paraît plus juste de ne pas leur faire payer l’intégralité de tes fournitures scolaires. Aussi, si d’autres dépenses sont nécessaires – as-tu un hibou ? – fais le moi savoir et je m’occuperai de t’acheter tout cela.
J’espère que tu te portes bien et que la petite fille dont j’ai le souvenir il y a maintenant plusieurs années est toujours aussi jolie. Prends grand soin de toi et travaille bien à Poudlard.
Kingsley ShacklebottElle lut la lettre une seconde fois, puis une troisième. Quand Arsène fit mine de vouloir la lire, elle la plia à la va-vite avant de la fourrer dans sa poche. Il la regarda, haussant les sourcils. Après tout, qui d’autre que monsieur et madame Reimers pouvait lui écrire ? Elle termina son petit déjeuner avec empressement avant de consulter son emploi du temps. L’envie de répondre à cette lettre la démangea durant un long moment et elle fut plus que ravie de constater qu’elle n’avait cours de potion qu’une heure plus tard. Gobant ses œufs au plat, elle se leva avant de rejoindre son dortoir. Là, elle s’installa sur son lit, prenant une feuille de parchemin et un livre pour lui servir de dossier, ainsi qu’une plume et de l’encre. Posant la plume sur le papier, les mots glissèrent avec une facilité déconcertante.
Monsieur Shacklebott,
Votre lettre me touche autant que vos mots. Je ne doute pas de la véracité de vos propos, et je suis plus que ravie de pouvoir, enfin, vous parler. En effet, monsieur et madame Reimers m’ont parlé de vous, peu de temps après la rentrée à Poudlard. Je ne vous en veux nullement de cette décision que vous avez dû prendre tout comme je suis certaine que mon père ne pourrait vous en vouloir. Les Reimers sont des gens très gentils et particulièrement attentionnés à mon égard. Les valeurs qu’ils m’ont offertes sont les mêmes que celles que souhaitaient m’inculquer mes parents, je le sais. Le clan du Lion marche à l’unisson.
Concernant le reste, je me doute qu’avec une fonction telle que celle d’Auror, il vous est difficile de vous dégager du temps mais j’aimerais vraiment vous rencontrer. De ce jour terrible, je ne me souviens que des cris et des voix des bourreaux de mes parents, j’en suis désolée. Cependant, je sais que vous les connaissiez et vous entendre me parler d’eux serait comme les faire revivre l’espace d’un instant.
Je vous remercie également de votre gentillesse à mon égard, notamment vis-à-vis de la liberté accordée dans mes études. Poudlard est un lieu fantastique où s’épanouir est facile et mes notes sont signe de cela. Ma matière préférée est la métamorphose et le professeur McGonagall est heureuse de compter une Gryffondor passionnée dans sa classe. Du moins, j’ai l’impression.
Pour l’argent, je n’ai nul besoin pour le moment et je ne possède pas de hibou.
Bien à vous et avec tout mon respect,
Alma WilliamsElle se précipita alors à la volière afin que sa missive prenne son envol. Plus que jamais, Alma était heureuse d’avoir une oreille attentive qui n’avait qu’elle à écouter.
Octobre 1983Tenant son Brossdur à la main, elle déglutit avec difficulté devant les autres joueurs. Quand elle avait entendu parler des sélections pour l’équipe de Quidditch, elle n’y avait pas prêté attention. Mais quand Arsène avait commencé à la narguer avec ça, lui faisant entendre qu’elle n’était pas capable d’y aller, l’orgueil de la jeune fille l’avait poussé à lui prouver le contraire, comme bien souvent d’ailleurs. Alors elle avait demandé aux Reimers de lui envoyer son balai volant et s’était rendue sur le terrain, la boule dans le ventre, pour prouver à cet idiot qu’elle allait bien tenter sa chance dans ce sport. La détermination farouche de la jeune femme se lisait dans ses yeux verts, quoique parfois confondue dans sa peur. Le capitaine de l’équipe des griffons s’avança vers elle.
« Et toi, Williams ? Tu viens aussi pour le poste d’attrapeur ? »La plupart des filles étaient soit poursuiveur, soit attrapeur. Légères, rapides et agiles, elles avaient généralement des avantages à ces postes. Mais ce fut en relevant légèrement le menton que la jeune fille vint déjouer tous les pronostics.
« Non. Je veux être batteuse. »Il la toisa, la dévisageant d’un air qui ne masquait pas sa surprise avant de noter l’information sur un calepin, n’osant relever la chose. Cependant, on ne tarda pas à lui mettre une batte dans les mains et à l’inviter à grimper sur son balai pour montrer ce qu’elle avait dans le ventre. Enfourchant le manche du Brossdur, elle se propulsa dans les airs avec assurance. Elle n’avait que très rarement pris ce poste, jouant plutôt le rôle de poursuiveur lorsqu’elle jouait avec les Reimers et Alban Davis. Les cognards furent lâchés et la consigne également. Peu envieux d’abimer des joueurs, des cibles avaient été placées sur le terrain, certaines mouvantes, d’autres non. Le but était simple : frapper les cognards pour toucher les cibles. Il n’y avait pas de nombre minimum à atteindre, simplement une démonstration de technique à faire. Alors, faisant rouler son épaule droite plusieurs fois, elle se lança dans le défi. Elle n’était pas douée ou née pour ça, mais, à force de tentatives, elle parvint à obtenir des résultats concluants.
Finalement, la séance s’acheva et tous furent rappelés à terre pour annoncer les résultats. Quand finalement vint le tour des batteurs, elle pinça les lèvres, songeant déjà à ce que dirait Arsène quand elle reviendrait la mine déconfite. Mais quand le capitaine se tourna vers elle, elle fut plus que surprise de l’entendre dire :
« Bon, Williams… T’as besoin de pratique, c’est clair. Mais j’aime ton style. Bienvenue dans l’équipe, la cogneuse ! »Elle resta bouche bée un instant avant de laisser échapper un petit cri de joie, sautant littéralement sur place, provoquant l’hilarité des autres membres de l’équipe de Quidditch. Elle était batteuse. Et elle allait pouvoir botter les fesses d’Arsène d’ici très peu de temps. Et puis, qui sait, peut-être finirait-il par être fier d’elle et à l’encourager durant les matchs. La quatrième année l’espérait fortement.
Juin 1987Les chapeaux volèrent dans la grande salle, encouragés par les applaudissements de tous les élèves. L’année venait de s’achever tout comme les examens. Alma regarda en l’air observant ces chapeaux voler sous le merveilleux ciel étoilé de la grande salle. Il était là, ce dernier banquet auquel elle avait pensé toute l’année. La silencieuse Williams eut un nouveau sourire, se laissant aller à une étreinte avec son amie de dortoir et de cours depuis maintenant sept ans. Les examens étaient terminés et Alma, bien que n’ayant pas encore les résultats, avait la certitude de les avoir décroché avec brio. Il n’y avait plus rien entre elle et son avenir si ce n’était quelques formalités administratives. Après quelques échanges avec Kingsley Shacklebott, elle en était arrivée à la conclusion que son destin se tracerait au ministère de la Magie. Elle n’était pas une politicienne, loin de là, mais espérait bien entrer dans un département où son talent pour la métamorphose et les sortilèges serait apprécié.
Son regard coula vers le reste des élèves. Quelques anciens membres de l’équipe de Quidditch vinrent également la serrer dans leur bras, lui assurant qu’elle allait leur manquer, à tous. Elle avait renoncé à ce loisir pour sa dernière année à Poudlard, Gryffondor ayant déjà remporté la coupe l’année précédente. Qu’avait-elle de plus à offrir à l’équipe si ce n’était une jeune étudiante angoissée par sa réussite ? Serpentard avait pris la relève mais, au fond, qu’en avait-elle à faire ? Arsène avait quitté la salle et ce fut en prenant une part de tarte à la citrouille qu’elle sortit également, trop envieuse de profiter de cette dernière soirée pleinement. Demain, le train les ramènerait à Londres et jamais plus elle ne reviendrait à Poudlard. Ce fut à l’extérieur qu’elle trouva Arsène, s’avançant vers lui en machant un peu de tarte.
« Pleure pas, Arcy, Anselm reviendra bien assez vite ici et te rappellera tes douces années… »Ce surnom, elle le savait, il ne le supportait pas quand il venait de sa bouche. Elle l’avait volé à Aodren qui appelait son frère ainsi, de manière affectueuse. Dans la bouche d’Alma, il ressemblait presqu’à une insulte.
« Figure toi que les lamas aussi, ça pleure… Alors, si tu veux bien me laisser tranquille pour ne pas avoir à supporter ça, ça m’arrangerait. » Elle lui adressa un regard noir. Elle ne savait pas ce qui la dérangeait le plus. Qu’il la traite de lama ou qu’il passe son temps à la repousser, la blesser avant de mieux se rapprocher d’elle. Poussant un soupir rageur, elle fit quelques pas avant de s’arrêter.
« Eh, l’idiot ! Si je te gêne tant que ça, un mot de ta part et je quitte la maison de tes parents. Je suis majeure maintenant, j’ai plus besoin d’adultes pour veiller sur moi. »Elle l’avait dit, et pourtant, elle ne le fit pas. Les Reimers étaient la seule famille qu’elle avait et elle souhaitait bien trop veiller sur eux autant qu’eux sur elle.
1992Il souriait, fier comme un paon, tournant son regard vers son clan. L’envie de descendre le rejoindre pour lui coller une droite la démangea et pourtant, elle resta de glace, statue immobile devant une sentence lourde. Les mots résonnaient dans sa tête, comptine incessante qu’elle ne pouvait chasser de son esprit, comme l’étaient les voix des assassins de ses parents. Elle croisa son regard et lui adressa une mine furibonde, dégoutée, tandis qu’Aymeric essayait déjà de faire valoir elle ne savait quels droits auprès de son avocat. On se saisit d’Arsène et, malgré elle, elle se leva, prête à bondir pour lancer des sorts et le sortir de là. Alan posa une main sur son épaule, voyant bien les intentions de la jeune femme.
« Arsène, seul, à Azkaban suffit. Inutile de prendre des risques inconsidérés, Alma. Pense à ta place. » Elle grommela, ne manquant pas de faire entendre son mécontentement. Alors, se soustrayant à l’emprise du Davis, elle sortit de la salle d’audience. En effet, depuis la fin de ses études, Alma avait suivi la voie de son tuteur, choisissant d’être employée au ministère de la Magie. Ce lieu qu’Arsène semblait tant haïr pour l’avoir blâmé sous tous les angles dans son livre qui, certes, avait une énorme part de vérité. Elle avait alors aperçu plus d’une fois celui qui aurait dû s’occuper d’elle mais qui avait pris peur devant cette responsabilité. Jamais elle n’avait osé l’aborder. Jamais elle ne s’était présentée à lui. Mais en ce jour où Arsène venait de condamner une partie de sa vie, ce fut son cœur qui parla. Parcourant les couloirs, la jeune femme âgée de 24 ans finit par atteindre le bureau des Aurors. Si les détraqueurs surveillaient Azkaban, il en allait de même pour certains Auror chargés de la sécurité de la prison. Fort heureusement pour elle, un Auror, elle en connaissait un.
« Monsieur Shacklebott ! »L’homme de grande stature et à la robe violette se retourna, l’air franchement interloqué par cette manière peu conventionnelle de l’aborder, pivota sur ses pieds. La détermination farouche d’Alma se lisait dans son regard et se retrouver face à lui ne la fit même pas hésiter.
« Aujourd’hui, Arsène Reimers a été reconnu coupable de chefs d’accusation… Dont on se fiche totalement. Il va devoir faire six mois de prison à Azkaban alors, je vous le demande personnellement, prenez soin de lui ! Je ne sais qui s’occupe de la sécurité de cette prison mais demandez-lui d’être souple avec ce détenu. Sinon, vous aurez tous affaire à moi ! »La tête brûlée qu’elle pouvait être adressa un regard franchement sauvage à cet homme à qui elle devait pourtant beaucoup, même si, depuis sa majorité, elle avait pu reprendre les rênes de sa vie. Peut-être n’avait-il aucune idée de qui elle était, peut-être pas, mais elle finit par tourner les talons sans attendre la moindre réponse, ne manquant pas de claquer la porte derrière elle. Son cœur battait lourdement contre sa poitrine, tant parce qu’elle enrageait de savoir Arsène loin d’elle et du reste de sa famille pour le reste du temps à venir que parce qu’elle venait de rencontrer officiellement l’homme qui avait veillé sur elle de loin durant tout ce temps et elle n’avait fait que lui hurler dessus.
Octobre 1995Quand Anselm était rentré de Poudlard, annonçant les événements auxquels il avait été forcé d’assister, les souvenirs d’Alma s’étaient réveillés, provoquant chez elle des cauchemars terribles qui, parfois, la réveillaient en hurlant. Aymeric prenait toujours soin de s’assurer que tout allait bien pour elle mais, ces voix, ces terribles voix… Elles ne cessaient plus de la hanter, sans qu’elle puisse mettre un nom ou un visage sur leurs propriétaires. Voilà plus de quelques mois qu’elle faisait de terribles cauchemars et qu’elle se levait le matin, croisant le regard d’Arsène sans rien lui donner si ce n’était son indifférence la plus totale. Il ne pourrait pas comprendre. Personne ne le pourrait. Jamais.
Alan était venu les trouver, elle et Arsène. La rébellion, l’Ordre du Phoenix… Les choses étaient en marche et il fallait qu’elle entre dans le rang qui était le sien pour de bon. Si une guerre se préparait, si le Seigneur des Ténèbres s’élevait peu à peu, alors il faudrait lutter contre son pouvoir. Fudge avait démissionné, attestant pour de bon son erreur d’avoir cru que Harry Potter mentait. Quel con. Il allait falloir qu’ils se battent. Pour de bon cette fois. Alors Alma avait cherché à faire valoir sa place au ministère comme va-tout et, appuyée par la recommandation de Kingsley, elle était devenue Langue-de-Plomb, travaillant au département des mystères. Elle y rencontra quelques membres de l’Ordre, apprenant la chose par son tuteur plutôt que de manière conventionnelle. Il préférait qu’elle demeure en dehors de tout cela, elle voulait prouver sa valeur… Ce qu’elle ne sut qu’en juin de cette année-là, c’est que travailler au département des Mystères quand des Mangemorts débarquent pour tenter d’assassiner une bande de collégiens, ça crée beaucoup, beaucoup de travail…
Son travail, elle l’appréciait beaucoup, même si Arsène ne cessait jamais de la lâcher avec celui-ci, l’accusant parfois de participer à elle ne savait quel complot… Vraiment, quelle idée. Ses écrits semblaient bien souvent dépasser sa pensée et bien souvent, Alma aurait préféré qu’il se taise, tout simplement, avant de la prendre dans ses bras pour lui dire à quel point elle lui avait manqué durant cette journée. Mais ce qu’elle préférait avant tout dans son travail, c’était ses capacités à espionner les autres pour mieux informer son tuteur dans des lettres codées de leurs agissements et de ce qu’il pouvait s’annoncer. Le pire était à venir et mieux valait qu’elle prenne les devants.
Juin 1996L’orage gronda puissant, fort. Les Reimers s’étaient absentés pour quelques jours, sans qu’elle ne sache où ils s’étaient rendus. La chance était de son côté, c’était ainsi qu’elle voyait la chose. Transplanant sur la propriété, elle s’empressa de rejoindre le saule pleureur sous la pluie battante, sa robe de sorcier noire ne tardant pas à se trouver détrempée. Les éclairs fendaient le ciel, tel un sorcier enragé jetant mille sorts au même moment. Il ne lui fallut guère longtemps avant de repérer la racine qui lui avait servie de repère quelques mois plus tôt. Laissant ses genoux rejoindre le sol, elle se pencha en avant, enfonçant ses doigts dans la terre ramollie par l’humidité présente et commença à creuser. Elle aurait pu jeter un sort, oui. Mais elle risquait d’abimer la fiole et son contenu était bien trop important.
Devenir un animagus relevait d’un procédé complexe autant que contraignant. Quand elle avait pris fonction au ministère en tant que Langue-de-Plomb, également attentive aux allers et venues de tous les membres du personnel, elle avait pris soin de remettre un rapport mensuel à Kingsley digne d’un Auror. Son mentor en était un, après tout, bien qu’elle ne l’ai croisé qu’une fois de visu. Pourtant, dans l’une de ses lettres, elle lui parlait de cette faculté qui lui semblait plus que nécessaire pour poursuivre les missions qu’elle s’attribuait d’elle-même. Si Shacklebott ne pu lui offrir pour réponse qu’un livre, la lettre qu’elle envoya à Minerva McGonagall fut plus concluante. La professeur se souvenait de l’élève assidue et méritante qu’avait été Alma en métamorphose et se permit même de lui souhaiter bonne chance dans cette transformation des plus complexes. Alma avait étudié le procédé sous tous les angles, rassemblant les ingrédients nécessaires, apprenant le sortilège par cœur. Quand elle fut prête elle chercha à parvenir à ce but. Il lui avait fallu trois tentatives pour parvenir à créer, elle l’espérait, la potion qu’elle devait boire pour permettre la transformation. Et cette potion était là, sous le sol terreux du jardin des Reimers, soigneusement enterré depuis des mois à attendre l’orage.
Ses doigts entrèrent en contact avec la fiole de cristal qu’elle récupéra avec mille précautions. Levant l’objet si précieux à son cœur, elle en observa la couleur et, devant ce rouge sanguin, elle ne put retenir un sourire triomphant. Elle se releva, se précipitant dans la maison avant de se diriger dans la cave. L’orage grondait toujours au-dessus d’elle tandis qu’elle retira sa robe de sorcier trempée, se retrouvant en chemise et pantalon. Ses cheveux châtains goutaient, laissant quelques marques de son passage. Elle s’empara de sa baguette avant de déboucher la fiole. L’angoisse montait doucement en elle, la forçant à s’interroger sur la réussite de son projet. Mais les doutes furent balayés par la minutie qui était sienne et elle prit une profonde inspiration, pointant sa baguette vers son cœur comme elle l’avait fait matin et soir durant des jours entiers.
« Amato Animo Animato Animagus. »Sans réfléchir, elle porta la fiole à ses lèvres et l’avala d’une traite, comme il le fallait. Les effets ne tardèrent pas à se faire ressentir, une bouffée de chaleur l’envahissant tandis que son cœur s’emballait. Elle lâcha la fiole qui vint se fracasser sur le sol dur et froid de la cave. Une douleur la transperça, lui arrachant un hurlement tandis qu’elle s’effondrait à terre, se recroquevillant sur elle-même. Son esprit terrassé par l’angoisse ne cessa plus de lui envoyer une image précise. Celle d’un chat noir. Mauvais présage ? Les Moldus y aurait certainement cru, mais pas Alma. Puis, la douleur s’empara de son corps entier tandis que ses vêtements n’essayant de faire plus qu’un avec sa peau. Elle souffrait, essayant de retenir ses cris sans réellement y parvenir. L’idée d’avoir échouer se fit de nouveau sentir. Elle ne sut combien de temps le processus dura mais, finalement, tout redevint calme et paisible.
Elle rouvrit les yeux, découvrant une vision qui différait grandement de la sienne. Se relevant, elle constata que le sol ne se trouvait plus qu’à une dizaine de centimètres sous elle. Puis, elle releva sa main… Ou plutôt, sa patte féline couverte de poils noirs. Elle avait réussi. Il ne lui fallut que peu de temps pour comprendre qu’elle était désormais un chat, pour de bon. Souhaitant expérimenter les choses sous cette nouvelle forme, elle passa un certain temps à sauter, courir et découvrir même le plaisir de ronronner. Puis, vint le moment de retrouver forme humaine. Elle ne sut si cela pouvait être dû à la fatigue ou l’angoisse de ne pas réussir, mais les premières tentatives furent vaines. Demeurant chat dans la cave, il lui fallut deux jours avant de parvenir à se transformer à nouveau, affamée et assoiffée, mais plus que satisfaite d’avoir rendu possible cette transformation. Dévorant une biscotte beurrée, elle fit part de la nouvelle à Kingsley dès que possible.
1er Août 1997Ils étaient là. Dès lors qu’ils avaient été repérés, on avait ordonné au personnel de fuir, se cacher, ou bien de s’affairer à détruire des documents confidentiels. C’est ce que faisait Alma. Il y avait des choses qu’ils ne devraient jamais trouver et, ouvrant un à un les bureaux du département des mystères, elle incendia une majeure partie de ces précieux papiers. Les Mangemorts entrèrent dans un fracas qui leur était propre. La jeune femme serra les dents, tirant sa baguette de sa poche aussi vivement qu’il lui était possible de le faire quoique rapidement interrompue par Kingsley qui, la saisissant par l’épaule, l’entraîna dans un recoin offert par le couloir.
« Mais qu’est-ce que tu… »
« On ne fait pas le poids, Alma. Inutile de se voiler la face… Tu as le pouvoir de fuir, alors fais-le ! »Son tuteur avait un regard sévère. Elle aurait aimé lui cracher à la figure qu’elle n’était plus une enfant, mais le temps leur manquait. Du coin de l’œil, elle vit les ombres s’agiter sur les murs. Ils arrivaient. Ses yeux verts se posèrent sur l’homme à la robe de sorcier plus qu’originale.
« Et toi ? »Sa voix se brisa, trahissant sa peur. L’Auror vint embrasser son front dans un geste paternel qu’il ne lui accordait que lorsqu’ils étaient seuls.
« Je m’en sors toujours. »La relâchant, il sortit sa baguette, fit apparaître son Patronus, un lynx, comme celui de la jeune femme, et lui délivra un message. Un éclair blanc se fit et traversa les couloirs, créant une certaine confusion chez les mages noirs, permettant à l’homme de s’enfuir.
Alma prit une profonde inspiration, rangeant sa baguette dans sa poche avant de s’accroupir. Elle retrouverait Kingsley, elle le savait, mais pour l’heure, il lui fallait décamper et le plus tôt serait le mieux. Le Ministère venait de tomber à l’ennemi et ceux qui s’opposeraient à lui seraient torturés. Au mieux. Malgré la peur, malgré la cacophonie incessante de cris et d’ordres scandés à tout va, elle ferma son esprit, se concentrant sur l’animal qui sommeillait en elle, sur ce côté félin qu’elle possédait. Alors, doucement, son corps vint se tapir, devenant un peu plus petit à chaque seconde. Puis, ce fut toute sa morphologie générale qui changea : ses doigts raccourcirent, ses ongles se changèrent en griffes fines et aiguisées. Son coccyx sembla sortir de son corps, créant une élongation de sa colonne recouverte d’épiderme et, bientôt, de poils noirs et touffus. Son doux visage se mua en véritable tête d’aspect félin, ses yeux verts pour seul vestige de la sorcière talentueuse qu’elle était. Ses vêtements disparurent pour ne laisser que sur son corps de chat que des poils noirs, aussi sombre que les plumes d’un corbeau.
Quand les Mangemorts posèrent leur regard sur cet endroit où elle s’était trouvée, quelques instants auparavant, elle avait déjà filé, profitant de cet aspect de chat pour se faufiler entre des jambes peu attentives. Elle galopa sur ses quatre pattes à travers les couloirs, se ruant dans l’ascenseur. Cependant, elle ne put s’empêcher de faire face à la scène qui se déroulait non loin d’elle. Caleb O’Donell luttait avec acharnement contre un mangemort qui riait. Ce rire… Le sang d’Alma ne fit qu’un tour et, se jetant en avant, elle reprit forme humaine, s’emparant de sa baguette sans le moindre remord.
« Stupéfix ! »Surpris de voir cette jeune femme sortir de nulle part, le Mangemort ne put parer le coup qui le projeta en arrière. Elle aurait voulu pouvoir jeter un autre sort que celui-là et pourtant, ses mots l’avaient doublée… Et il n’y avait pas de temps à perdre. Caleb, le jeune Auror, un peu choqué, la regarda l’air ailleurs et elle s’empara de son bras, le poussant dans l’ascenseur. Ce fut que lorsqu’ils furent sortis du bâtiment, retrouvant la vie Londonienne et ayant marché sur plusieurs kilomètres qu’ils s’arrêtèrent, reprenant leur souffle.
« Alma… Merci… J’ai cru que j’allais y passer… »« Rentre chez toi… Et si tu veux mon avis, évite le ministère dans les mois à venir… Je crains que ça ne soit plus jamais comme avant… »Elle lui adressa un sourire triste et, rapidement, il lui demanda où elle comptait aller. Lui glissant le nom de sa famille de cœur, il hocha la tête, lui assurant qu’ils devaient se tenir informés des choses à venir. Il souhaita lutter, lui aussi. Se battre. Elle lui adressa un sourire complice avant de prendre congé. Les pensées encore bousculées par tout ce qu’il venait de se passer, elle rejoignit la demeure des Reimers, transplanant à l’abri des regards.
Septembre 1997« Tu es sûre de toi ? »Elle hocha de nouveau la tête, certaine de sa décision. Kingsley poussa un soupir. L’Auror en cavale l’avait retrouvée un peu par hasard, alors qu’emmenée par Alan et accompagnée d’Arsène, ils étaient venus montrer leur soutien à un membre avéré de l’ordre. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle découvrit Kingsley. Lorsqu’elle avait ôté son capuchon, elle avait lu dans son regard le soulagement de la retrouver et, coupant court aux présentations, il l’avait presque serrée dans ses bras, l’accueillant avec toute la chaleur qu’il pouvait lui offrir devant deux personnes ignorant tout de leur relation. Puis, après quelques discussions en quatuor, Alma et Kingsley s’était légèrement écartés des deux autres protagonistes, parlant à voix basse afin de ne pas être entendus par les autres car, évidemment, il ne fallait pas qu’il sache. Un seul membre du clan du Lion sera au courant de ce stratagème et il s’agirait de la plus sage et la plus attachée à Alma. Arsène, lui, devrait tout ignorer et cela fendait un peu le cœur de la jeune femme de lui imposer pareille tragédie. Il fallait qu’elle prenne ses distances avec les Lions. C’était mieux. Pour elle, mais surtout pour eux.
« C’est la seule solution. J’aurais plus de marge de manœuvre s’ils me croient morte. Si tout le monde, me croit mort. Je suis devenue aussi recherchée que toi et si je n’essaie pas de me cacher ou de changer de méthodes, nous n’arriverons à rien. Je sais que c’est risqué, je sais ce que cela implique. Mais il faut que tu me fasses confiance aujourd’hui. C’est le seul moyen. »
« Mais tu seras seule… Je ne remettrais pas en cause un sortilège de Fidelitas, tu le sais… Mais tu t’exposes à des dangers que tu ne pourras pas affronter seule. »
« Qui te dit que je serais seule ? »Il soupira avant de hocher légèrement la tête, résigné. Kingsley était pour le moment le seul à être au courant de la relation d’Alma et Caleb. Depuis leur petite mésaventure commune au ministère, ils étaient restés en contact, s’étaient revus avant de s’embrasser timidement, prétextant d’abord cette guerre avant d’assumer un peu plus aisément leurs sentiments. Très rapidement, en chuchotant, elle lui signala qu’ils se reverraient rapidement pour qu’ils puissent mettre en place un sortilège de Fidelitas. Elle lui précisa également qu’il ne serait pas le seul à en être l’objet et il hocha la tête. Kingsley finit par la prendre dans ses bras, dans cette étreinte paternelle qu’il n’avait jamais pu avoir par le passé.
« Sois prudente. C’est mon seul ordre. »***
« Alma ! Je ne peux pas ! Tu te rends seulement compte de ce que tu me demandes ! Tu as pensé aux conséquences de tout ça ? »
« Je ne te demande pas ta permission, Aodren. Juste ton soutien. Je veux que tu saches que je suis en vie, que je vais bien et qu’il ne faut pas s’inquiéter… Parce que si un jour, on annonce doublement ma disparition… Alors tu sauras ce que cela veut dire. »La blonde pleura avant de prendre la jeune femme dans ses bras. Alma n’avait que peu parlé durant son enfance et voilà qu’elle prenait des décisions tranchantes et aux nombreuses conséquences. Alma faisait partie de cette guerre. C’était ainsi, le cœur de l’ex-Gryffondor hurlait à la révolte et elle ne pourrait agir que dans l’ombre. Elle reprit son souffle et eut un mouvement de tête en direction de la poche d’Alma.
« Vas-y. Je suis prête. Fais de moi ta Gardienne du secret, je ne trahirais pas ta décision. »Elle eut un sourire triste mais s’exécuta, jetant le sortilège de Fidelitas qu'elle avait d'ores et déjà pu manier auprès de Kingsley. Ainsi serait-il : Alma Williams allait disparaître.
Octobre 1997Tout était en place, elle le savait. Elle avait revu son plan à plusieurs reprises. Voilà qu’elle allait se jeter dans la gueule du loup pour mieux en ressortir. Elle espérait seulement que la fin s’achève comme elle l’avait espéré. Pour la énième fois, elle vérifia qu’elle avait bien la fiole de Goutte du Mort Vivant, puissant somnifère qui avait le don de faire passer les gens pour mort. C’était le seul stratagème qu’elle avait trouvé. Alors, après avoir quitté Caleb dans un dernier baiser, elle prit la direction des quelques Mangemorts qui discutaient non loin de là. Une séance d’espionnage qui tourne mal, voilà ce que tous retiendraient de cet instant. A un instant précis, son pied glissa sur le sol, provoquant un bruit peu discret et attirant l’attention des quelques protagonistes qui s’élancèrent à sa poursuite. Elle courut, lançant quelques sorts pour se protéger, ne transplanant pas car il était évident qu’ils auraient pu la suivre. Et finalement, alors qu’elle s’avançait vers un nouveau croisement du Chemin de Traverse, elle entendit le seul sort qui pouvait lui offrir son salut.
« Avada Kedavra ! » Le sort ne la toucha pas et pourtant, elle hurla, s’emparant de la fiole et la buvant cul-sec avant de la jeter au loin et de s’effondrer au sol. Le somnifère ne mit que quelques instants à agir et Alma sombra dans les limbes d’un sommeil profond. Ce qui se passa par la suite, elle l’ignora et ce fut Caleb qui le lui raconta : Les Mangemorts avaient vérifié son identité avant de simplement la laisser là, pour morte. Un exemple parmi tant d’autre au monde des sorciers. Caleb s’était emparé du corps de la jeune femme, la soulevant dans ses bras avant de transplaner dans ce qui serait leur havre de paix pour les mois, peut être même les années à venir. Il l’allongea sur le lit avant de lui faire boire l’antidote, la potion Wiggenweld. Elle ouvrit les yeux avant de sourire.
« Ca a marché ? »
« On ne tardera pas à le savoir… »Le lendemain, le jeune Lee Jordan, plus connu alors sous le surnom de Rivière se mit à annoncer les derniers disparus. Accrochée à sa radio, Alma écouta, jusqu’à la terrible annonce.
« Alma Williams. »Elle ne put réprimer un frisson qui la secoua des pieds à la tête, stoppé dans son élan par une main rassurante posée sur son épaule. Elle éteignit la radio avant de soupirer. Elle avait fait le bon choix, elle le savait… Et pourtant, quelles seraient les conséquences de tout ça.
Janvier 1998« Par Merlin, Alma, mais qu’est-ce qui t’a pris ! Ca faisait pas partie du plan, pas du tout ! »La jeune femme abaissa sa baguette comme si la scène se déroulait au ralenti. L’homme gisait sur le sol, les yeux ouverts, immobile. Elle avait beau avoir imaginé la chose des dizaines et des dizaines de fois, en cet instant, elle se sentait terriblement vide. Son instinct animal avait parlé plus que celui de la jeune femme patiente et raisonnée qu’elle pouvait être.
C’était un espionnage comme les autres. Organisée avec Caleb, elle s’approchait sous son aspect de chat, se plaçait au soleil et se laissait aller à ce que font de mieux les chats, écoutant pourtant les mots que pouvaient s’échanger les hommes. Leurs techniques étaient rodées depuis quelques mois et ils avaient pu, ensemble, récupérer bon nombre d’informations précieuses à l’Ordre, déjouant d’autres attaques de Mangemorts en les anticipant. Ces derniers devenaient plus méfiants et plus discrets mais cela ne l’empêchait pas de faire ce pourquoi elle avait toujours été formée. Mais ce jour-là, les choses avaient été différentes. La voix d’un homme réveilla en elle des choses profondes et le poil noir du chat se hérissa tandis qu’elle ne put retenir un feulement de colère. C’était l’un d’eux. Elle ne connaissait pas son nom, ne savait pas qui il pouvait être, mais ce jour-là, dans la maison de ses parents, il avait été présent. Peut-être même avait-ce été lui qui avait assassiné son père ou sa mère ? Cette simple pensée suffit à rouvrir la plaie béante, rappelant en elle les cris de désespoirs de son père alors que sa mère venait certainement de mourir. Cette voix hantait ses nuits et, aujourd’hui, elle avait le pouvoir que cela cesse.
L’homme quitta le manoir Malefoy et s’éloigna. Ce fut plus fort qu’elle. Elle le suivit, déguisée en félin. Caleb l’avait suivi de loin, ne comprenant pas ses agissements. Puis, d’un miaulement, elle avait attiré son attention, jouant au chat sociable, se frottant contre les jambes de l’assassin de ses parents qui essaya de l’envoyer paître d’un coup de pied. D’un regard, elle sut qu’il n’y avait personne pour les voir, qu’il allait bientôt transplaner et disparaître de nouveau. Alors, elle reprit forme humaine et dégaina sa baguette. D’une interjection, elle interpella l’homme qui se retourna, visiblement surpris. L’éclair vert jaillit de l’extrémité de sa baguette noire avant qu’il ne s’écroule, mort. Caleb avait accouru, ne comprenant pas tout ce qu’il venait de se passer, attrapant celle qu’il aimait par le poignet alors qu’elle contemplait ce corps sans vie. Finalement, il la fit transplaner sans qu’elle ne s’y attende, ce qui finit par provoquer la nausée. Elle vomit, écœurée tant par ce voyage mouvementé que par son geste.
« Alma, chérie, que s’est-il passé ? »Quand elle releva ses yeux verts sur lui, ses joues étaient baignées de larmes. Bien qu’il ne comprît pas, il la prit dans ses bras, la laissant pleurer à chaudes larmes. Aujourd’hui, elle avait tué pour la première fois. Aujourd’hui, elle avait en partie vengé ses parents.
Mai 1998La mine de Kingsley n’annonçait rien de bon. Elle sortit de la petite maison qui la protégeait des regards des autres, s’avançant à sa rencontre et stoppant pourtant son avancée. Il était seul. Pourquoi était-il seul ? Où était Caleb ? Elle prit une profonde inspiration, retenant ce cri qui grandissait dans sa gorge, signe de son mal être. La bataille de Poudlard avait pris fin. Elle l’avait suivie sur la radio clandestine des résistants, jusqu’à ce que tout se coupe. Harry Potter était venu. La dernière nouvelle avait poussé Caleb à prendre le large alors qu’Alma tentait de le retenir. Elle savait ce que cela serait. Elle savait qu’elle ne pouvait y aller sans prendre le risque de brûler sa couverture. Alors, il y était allé seul, accompagnant Kingsley en tant qu’apprenti au sein de l’Ordre. Il ne doutait pas de sa propre réussite et l’avait embrassée avec une passion dévorante qui pouvait convaincre Alma de s’enfuir avec lui au bout du monde. D’ailleurs, s’ils remportaient cette guerre, c’était bien ce qu’elle souhaitait faire.
Le ministre de la Magie fraîchement nommé par intérim la prit dans ses bras, s’excusant tristement de ce qu’il devait lui annoncer. L’esprit d’Alma quitta son corps, poupée de chiffon dans les bras de cet homme. Son regard se perdit dans le vague, dans ce souvenir des traits de l’homme qu’elle aimait qui partaient en fumée. Avait-elle le droit de s’effondrer ? La guerre était gagnée, oui… Mais à quel prix ? Elle avait ce terrible sentiment d’avoir tout perdu. Sa famille. L’homme qu’elle aimait. Ses parents. Son innocence. Son âme. Elle n’était plus qu’un corps vide. L’homme la ramena à l’intérieur, lui expliquant que Caleb avait été héroïque, qu’il avait sauvé bien des vies mais qu’un Mangemort avait sur le prendre à revers. Elle n’écoutait qu’à moitié, retenant tout son être de s’écrouler. Finalement, elle coupa court à la conversation.
« Dis-moi, si tu as besoin de moi pour quoi que ce soit. Je suis disponible pour n’importe quelle mission. »
« Alma… »
« Non. Ne dis rien. Je ne veux plus rien entendre… Ne m’empêche pas de travailler, s’il te plaît… Et toujours dans l’ombre. J’aime l’ombre. »Kingsley le lui avoua plus tard, mais en cet instant, il eut terriblement peur de l’avoir perdue à jamais. Quand il franchit le seuil de la porte, elle se laissa tomber sur le canapé. Et pleura.
Juillet 1999Il lui avait fallu un an pour se décider. Durant cette année, elle avait essayé d’oublier son amour pour Caleb, se raccrochant à celui de ceux qui l’avaient élevée. Les Reimers. A quel point étaient-ils tristes ? Elle ne pouvait s’empêcher de se poser la question jour et nuit. Et finalement, Kingsley vint à elle une nouvelle fois, l’encourageant à devenir professeur à Poudlard. Ce poste nécessitait qu’elle revienne parmi les vivants et, au début, elle avait longuement grimacé, essayant de se montrer catégorique dans sa réponse. Et puis, son cœur s’était doucement rattachée à a pensée de tous ces gens qui avaient su l’aimer et lui offrir toutes les valeurs dont elle était fière à présent. Alors, elle s’était décidée. Elle briserait le sortilège de Fidelitas elle-même.
Rassemblant ses quelques bagages dans un sac, elle avait quitté la maison pour revenir au Pays de Galles. La maison des Reimers lui paraissait étrangère et pourtant si familière. Kelly était dans le jardin, s’occupant de redonner quelques couleurs à des fleurs fanées. Ce fut la première à la voir. Laissant retomber son bras qui tenait sa baguette contre elle, l’arrosoir chuta violemment, écrasant les fleurs qu’elle se donnait tant de mal à raviver. Elle hurla, appelant son mari ainsi que tous les membres de sa famille, courant vers Alma qui sentait les larmes glisser le long de ses joues. Elle la serra dans ses bras, l’étreignant avec force et avec cet amour que seule une mère pouvait avoir. Anselm fut le suivant à venir, hurlant son prénom avec une joie débordante et se jetant sur elle, pleurant à son tour. Puis Aodren. L’aînée des Reimers fut comme soulagée. Elle n’avait pas trahi ce secret et pourtant… Et pourtant, elle avait commencé à douter de la survie de sa sœur adoptive, venant à sa rencontre. Aymeric, la mine inquiétée avait fini par stopper sa course dans l’escalier, admirant cette jeune femme qu’il avait élevé sur le palier de sa maison. Il fut plus pudique et pourtant, il vint déposer un baiser protecteur sur son front. Et enfin, il arriva. Arsène. Elle croisa son regard. Que devait-elle y lire ? Le soulagement ? La rancœur ? L’apaisement ? La furieuse envie de l’étrangler ? Il fit une réflexion sur les lamas et le Pérou qu’elle ne comprit pas vraiment. Mais pour une fois, elle en rit. Un rire franc et enthousiaste. Peu importe la haine qu’il pouvait avoir à son égard, tout l’amour qu’elle lui portait fut soudainement ravivé par ce regard et cette voix si douce et agréable.
Toute la soirée durant, elle raconta sa vie loin d’eux, de la manière dont elle avait orchestré sa mort à cet emploi qui l’attendait à Poudlard… Le temps sembla ralentir et, très rapidement, ce fut comme si elle ne les avait jamais quitté.