(HISTOIRE : sept cent mots minimum.)21 mai 1980
- Félicitation, c’est un garçon ! s’exclame le médicomage en cédant le bébé à sa mère.
- Oh, un garçon, c’est un garçon !
- Je sais, et il se nomme Nigel.
- Nigel ? Pourquoi Nigel ?
- Parce que c’est comme ça, dit le nouveau père.
- Je croyais que nous avions choisit Hugh ?
- Tu as choisis Hugh, je n’ai jamais approuvé. Comme deuxième nom, ça peut être bien.
- Nigel, répète la mère pour en apprécier la prononciation.
- Nigel Hugh Shaw.
- J’aime bien la mélodie.
- Tu vois bien qu’il n’a pas une tête à se prénommer Hugh, blague-t-il.
- Tu as peut-être raison.
- Bien sûr que j’ai raison.
- Seul le temps le dira.
12 février 1982
La cheminée s’anime soudainement, projetant un fin nuage de cendre dans la pièce. La sorcière d’un âge vénérable qui vient d’y apparaître, Lady Bantry, n’attends pas d’accueil et se met en marche d’un pas déterminé vers l’origine de la violente dispute. Elle est attendu, si non par sa cadette, au moins par son beau-frère qui exprime tout le soulagement du monde lorsqu’elle atteint la porte close de la chambre d’enfant.
- Dieux merci, vous êtes là.
- Mais qu’est-ce qu’elle a fait encore ?
- Elle s’est enfermée pour le protéger. Elle dit qu’il va mourir.
- Oh… quand ? interroge la belle-soeur qui trouve cette question très pertinente.
- J’en sais rien ?
- Oh, Ernst, tu ne lui a pas demandé ? Elle est si sensible, nous devons l’écouter. Elle délaisse son gendre et colle son oreille à la porte. Ma chérie ? C’est Lavinia. Ouvre-moi la porte mon poussin, nous allons trouver une solution. La porte s’ouvre, mais elle empêche Ernst d’entrer. Ma chérie, laisse Nigel à son père…
- NON ! Il faut le protéger.
- Ma chérie, tu as épousé un auror, si quelqu’un peut le protéger c’est bien lui.
Le premier surpris est l’auror en question. C’est bien le premier compliment que lui fait sa belle-soeur. Maud semble réfléchir un instant, puis cède le tout jeune bambin à son ainée qui elle le cède à son beau-frère.
Beaucoup plus tard, Lavinia Bantry quitte la chambre et descend au rez-de-chaussée.
- Maud dort à présent, dit-elle dans un soupir épuisé. Elle prétend que Nigel mourra très jeune, explique Lady Bantry, hors de l’enfance, mais à l’aube de l’âge adulte. Elle lève la main, autoritaire, pour empêcher Ernst de protester. Tu ne pourras pas y faire grand chose, c’est une vision, mais ça ne signifie pas que tu dois l’accepter sans lutter. Ce n’est pas parce que ça arrivera que tu ne dois pas lutter. Les visions ont tendances à suivre une ligne directrice stricte, mais ça ne signifie pas que nous ne pouvons pas les contourner.
- Elle a ce genre de crise depuis que… Vous savez qui…
Lady Bantry lève les yeux vers l’étage supérieur, où sa fille dort.
- Shhhhht. Ce ne sont pas des crises, ce sont des visions. En temps trouble, les plus sensibles perçoivent des choses… le plus difficile ce n’est pas de les percevoir, c’est de les comprendre. Elle en faisait régulièrement avant de vous épouser. Mon défunt frère a eu ce genre d’épisodes, à une époque…
Lady Bantry pose un regard attendri sur son neveu qui somnole dans les bras de son beau-frère.
Août 1991
- ERNST !! ERNST ! LA LETTRE ! POUDLARD !
- Evidemment, il a onze ans. C’était inévitable.
- Mais il ne peut pas y aller ! Qui va le protéger !
- Maud, Maud, ça suffit, il est en âge d’aller à Pouldard, il est futé, c’est une petit malin, c’est encore un enfant, tout ira bien. Il est déjà très doué, tout ce qu’il risque, c’est de s’ennuyer. Il sait déjà tout ce qu’il devrait pour se défendre.
- Mais… tente-elle en voyant son époux prendre la lettre et se diriger vers le grand escalier. Trop tard.
- Nigel ! Viens voir ! Ta lettre de Poudlard est arrivée ! lance joyeusement la fière figure paternelle.
1 septembre 1991
- D’accord, on récapitule avant que je te laisse partir…
- Je sais. Ne pas causer d’ennuis. Ne pas déranger. N’obtenir que des O. Éviter la bagarre. Ne pas me retrouver dans une situation dangereuse. Faire la chochotte quoi.
- Nigel, ce n’est pas un jeu.
- Ça ira…
Un dernier aurevoir, il embrasse sa mère, puis il monte à bord du Poudlard Express.
12 octobre 1991
Il gribouille dans son cahier de notes. Il écoute à peine. On lui a dit de faire ce qu’il voulait, mais de ne pas déranger le reste de la classe. Alors il gribouille, silencieusement. À quoi bon écouter, il sait déjà tout ça. Enfin presque, à quelques nuances près. C’est pour cette raison qu’il écoute à peine. Au cas où il entendrait une nuance. Mais il ne saisit aucune nuance, mais lentement, il se rend compte qu’il entend un hurlement strident. Comme s’il l’entendait depuis longtemps, de loin, de très loin, mais que soudainement, on lui hurlait tout près de l’oreille. Il sursaute et se lève d’un bond, mais il n’y a rien, sauf des dizaines d’élèves qui le dévisagent, tout comme le professeur McGonagall. Il la voit parler, mais il n’entend que la sirène dans ses oreilles. Puis il ne voit plus rien, son champs de vision se rétrécit jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’un minuscule point lumineux. Des hurlement, toujours des hurlements, et de la douleur, de la terreur, toutes ces sensations qui semblent passer à son cerveau directement, sans passer par son corps. L’impression de suffoquer, il cherche son air, avant qu’une douleur parfaitement physique l’étourdisse. La sirène dans ses oreilles s’atténue et le minuscule point lumineux de la réalité s’agrandit doucement. Il arrive à respirer et se rend compte qu’il est sur les dalles glaciales de la classe. La honte ! Le professeur McGonagall au-dessus de lui, elle essaie de l’aider à se redresser, mais il échappe à son support et essaie de retourner s’asseoir à sa place. S’il fait comme si rien ne s’était passé, peut-être qu’il ne se sera rien passé. Mais non, on l’envoie à l’infirmerie.
14 novembre 1992
Il s’est passé quelque chose. Encore. Il a encore fait honte à sa famille. Pourtant, son père et sa tante lui ont montré quoi faire quand ÇA arrive. Et il croyait bien le faire, mais il semblerait que ça ne soit pas assez. C’est la dixième crise qu’il a depuis septembre. Mais maintenant, il les sent venir un peu et il arrive à quitter la classe… généralement. Pourtant, il n’en a fait que deux durant l’été… et là, il est assis hors du bureau de Dumbledore en attendant que le directeur discute avec son père.
Et on le fait entrer. L’air grave de Dumbledore lui fait soupçonner que quelque chose de grave s’est produit, mais c’est l’air de son père qui l’inquiète le plus. Malgré le masque stricte de l’auror, Nigel devine la tristesse dans le regard de son père.
- Qu’est-ce qui se passe ?
- Nigel… commence son père avant que sa voix ne se brise. Dumbledore vient pour poursuivre, mais Ernst R. Shaw relève le menton et inspire profondément, avant de se lancer. J’ai dû faire interner ta mère à Ste-Mangouste.
- Quoi ?
- J’ai découvert que tes… crises correspondent exactement à celles de ta mère. Elle débute juste avant toi. Tu n’as pas de crises. C’est ta mère qui te les transmet.
- Mais… huh…
- Alors elle va passer quelque temps à Ste-Mangouste, au repos…
- QUOI ? T’AS PAS LE DROIT DE LUI FAIRE ÇA !
- Elle est d’accord. Elle a physiquement besoin de repos elle aussi. Quand elle ira mieux, je la ferai sortir et nous verrons si vos crises sont vraiment liées. En attendant, il faudra que tu te perfectionnes en occlumencie. Tu dois apprendre à détourner tout ce qui provient d’elle. Tu dois protéger ton esprit de son influence.
- Mais...
- Pas de mais. C’est comme ça.
Pas la peine d’insister. Ernst Shaw n’a jamais été homme à expliquer et à persuader, surtout lorsqu’il assène la phrase « C’est comme ça. » Ça lui fait une belle jambe. Déjà que ses crises l’isolent, les élèves ont peur de lui, si en plus on interne sa mère, c’est terminé, il sera un monstre pour l’éternité. Alors soit. Il sera un monstre.
3 juillet 1995
Il émet un grognement de douleur lorsqu’il détache ses doigts de l’accoudoir. Il agite les doigts pour chasser la douleur et continue de se forcer à respirer profondément. Il voit encore tout embrouillé et il se rend compte qu’il tremble. Les sons ambiants de la maison recommencent à atteindre ses oreilles. Tout s’est bien passé semble-t-il, il n’a alerté personne… parce que personne vient. Il descend le grand escalier d’un pas hésitant, puis atteint la cours arrière, là où il a vu ses parents la dernière fois… ils sont là. Sa mère est allongée sur la chaise longue et fait dorer au soleil sa peau laiteuse trop longtemps enfermée à Ste-Mangouste. Sa Tante fait la lecture à la jeune Hattie. Son père fait quelques longueurs dans la piscine, mais dès qu’il le remarque, il en sort.
- Nigel, tu es tout pâle !
- Tu vas bien mon chéri ?
- Et vous mère ?
- Moi ? Je vais très bien, pourquoi ?
Nigel hoche la tête. C’est à la fois rassurant et terrifiant.
- Eh bien je crois que vous aviez raison, mère. Je vais mourir jeune. Devant l’air surpris de ses parents, il réplique sèchement. Je suis pas stupide. J’ai compris y a longtemps. Et là, il semble que j’ai mes propres visions si mère n’en a pas eu à l’instant.
- Grands dieux… oh non…
- Ça va. Je... je crois que j’arrive à les endiguer. Mais je dois comprendre… c’est… tellement flous… je dois comprendre.
- Je crois que tu es libérée de tes crises, ma chérie. Mais ça ne pouvait pas tomber à un pire moment.
- Ton oncle a cessé d’en avoir lorsque Mère a commencé les siennes ?
- Exactement. Mais ne dit rien à personne. C’est dangereux. Ni ton oncle, ni ta mère n’ont jamais été reconnus comme étant voyants. Et ton oncle seul savait si un de ses parents l’était également.
Juin 1995, de retour à la maison
- Cedric Diggory est mort…
- Je sais...
- C’est toujours après qu’on réussit à faire des liens ?
- La plupart du temps… je suis désolée mon chéri…
1996
- Brigade inquisitoriale ?
- Waip. J’ai toutes les aptitudes requises à ce qu’elle a dit. Ce qui est un peu déprimant.
- Déprimant ? Pourquoi ?
- T’as vu les autres crétins ?
Un gloussement amusé lui répond.
- Tout le monde va te détester.
- Pour ce que ça change. Vivement juin pour sortir d’ici.
28 août 1997
Nigel dévale l’escalier et traverse le hall pour atteindre le bureau de son père. Dès qu’il ouvre la porte, il ressent que quelque chose cloche. Il est très tard et le bureau est très sombre. Il n’y a qu’une bougie allumée et la flamme se reflète sur le verre presque vide et la bouteille de scotch. Nigel marque un temps d’arrêt… son père prend un verre tous les soirs. Et là, il semble en avoir prit plusieurs.
- Ma valise est prête pour la rentrée, je me demandais si vous pouviez me prêter…
- Je viens d’arrêter et de faire emprisonner Mark Hellier… informe la voix alcoolisée de son père.
Stupéfait sur le coup, il se demande bien pourquoi son père aurait arrêté un ancien confrère, se disant tout d’abord qu’il a dû faire quelque chose de mal, puis la dure réalité le saisit soudainement. Mark Hellier est un né moldu...
- Oh…
- Il est hors de question que je continue de traquer des amis et des collègues. Et tu n’ira pas à Poudlard cette année.
- Quoi ?
C’est l’alcool, nécessairement, c’est l’alcool. Son père est ivre pour dire de telles choses.
- Je vais démissionner. Je traque les Mangemorts et les sorciers noirs depuis des décennies, je devrais donc me joindre à ceux qui luttent contre les Mangemorts, mais je ne le ferai pas. Je dois protéger ma famille.
- Mais…
- Je sais, Nigel, mais ça commence à barder. Ça devient violent. Il y a des morts, dit-il et il pose les yeux sur Nigel. Et tu es presque un adulte.
Et ils savent tous les deux ce que ça implique. Maud a prédit depuis longtemps qu’il n'atteindra probablement pas l’âge adulte. Est-il vraiment voué à mourir sous peu ? Oui, il sait bien que ça va barder, Dumbledore est mort, Voldemort est de retour. De toute évidence, Ernst vient de franchir un point de non retour. Nigel n’a pas le coeur à contrarier son père. Pas aujourd’hui.
- Je vais défaire ma valise dans ce cas.
- Non.
Ernst se lève, un peu chancelant, se dirige vers son fils, se plante devant lui et le prend par les épaules.
- Nous allons tous faire nos valises. Je sais que si je démissionne, ça ne s’arrêtera pas là. On va partir, j’ai un cousin en Australie…
- En Australie ? Mais il fait chaud et sec là-bas !
Son père glousse.
Janvier 2000
- Il serait peut-être temps de rentrer à la maison, annonce son père, un soir de chaleur intense.
Un frisson de soulagement le traverse. Enfin, rentrer à la maison.
Juillet 2000
- Les bagages sont prêts ? interroge Ernst.
- Je crois n’avoir rien oublier, glousse Maud.
- J’ai mis ma robe licorne, t’as vu Nigel !
- Oui, j’ai vu, j’ai vu, s’amuse l'aîné.
- L’Écosse va gagner, se réjouit la petite fille.