I’m the one asking questions / Capu & Piros

Halloweentown. Un lieu plein de mystères et si peu connu. Cet endroit m’intrigue depuis longtemps. Mais ces derniers temps ont été trop chaotiques pour que je puisse m’y intéresser de plus près. Et là, j’ai vraiment besoin de retourner un peu sur le terrain. De faire quelque chose. Ne serait-ce que pour me changer les idées et arrêter de réfléchir à ma situation que je n’arrive pas encore à comprendre. Comment en suis-je arrivée là ? Comment puis-je ne pas même m’en souvenir. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire ? Est-ce que je suis prête pour ça ? Tant de questions qui tournent et valsent dans ma tête depuis quelques semaines, et aucune réponse. Que du doute, de l’angoisse, de la peur. C’est bête, peut-être, parce qu’en soit, la nouvelle n’a rien de terrible. Mais c’est tellement inattendu, tellement nouveau, et ça ne faisait tellement pas partie de mes plans dans l’immédiat que je suis perdue. Je nage dans le brouillard, et j’ai besoin de me raccrocher à quelque chose. Quelque chose que je connais, que je maîtrise, et qui me fera sortir de cette bulle d’interrogations pour un temps. Et le travail est sans doute la seule chose qui puisse me procurer ça. Ou l’alcool. Mais il paraît que c’est mauvais dans ma situation, et la dernière fois ça m’a joué des tours. Alors on va en rester au travail, hein. C’est sans doute plus sage. Non pas que sage soit le terme qui me définisse le mieux. Je m’égare.

Bon, assez parlé de ma vie. Revenons-en à Halloweentown. Ce village magique, ce village fantôme autour duquel plane tant de mystère. Bien sûr, j’en ai beaucoup entendu parler, depuis l’année dernière, mais je n’ai encore pas eu l’occasion de m’y intéresser de près, et encore moins d’y aller. C’est l’occasion rêvée de me changer les idées et de m’emparer d’un bon sujet. Bien entendu, pour se mettre dans l’ambiance, allons-y le soir. Il fait sombre, il fait frais, la brume est au rendez-vous. Cet endroit porte bien son nom. J’en ai presque la chair de poule. Je déambule dans les ruelles sombres, au aguets, en essayant d’engranger un maximum d’informations. J’avais essayé de me renseigner sur le lieu avant de venir, mais je n’ai finalement trouvé que peu de choses. J’aurais cru qu’un tel endroit soulèverait plus de passions. Mais j’ai au moins pu déterminer quelques endroits à visiter. Et en premier lieu, le cirque. Un cirque au milieu d’un village hanté, curieux, non. Et légèrement anxiogène, soyons honnêtes. Je sais pas trop ce que je vais y trouver, et je suis pas sûre d’aimer. Mais bon. Pas de jugement hâtif. Même si c’est flippant.

Le chapiteau se dessine dans l’obscurité. Grand, sombre, inquiétant. Et en même temps, étrangement attirant. Mes pas se dirigent vers l’endroit, d’une démarche décidée. Pas question de laisser voir que dans le fond, je ne suis qu’à moitié rassurée. L’endroit paraît désert, et un peu trop silencieux. La baguette a portée de main, je jette un œil à l’intérieur. Personne. S’il vous plaît ? Est-ce qu’il y a quelqu’un ? J’hésite un peu à avancer plus loin. Mais en même temps, c’est pas en restant planté là comme un cèpe que je vais avancer dans mon enquête. Décidément, j’ai quand même le don pour me mettre dans des situations tordues. Dans ma vie personnelle comme professionnelle. Faudrais peut-être que je consulte, si ça se trouve je suis complètement atteinte. Qui sait ? En attendant, j’ai toujours pas croisé âme qui vive. He ho ? J’aimerai parler à quelqu’un, s’il vous plaît ! Décidément, d’un point de vue de l’accueil, y’a encore du boulot, hein. C’est quoi ça ? On dirait des bruits de pas … Aurais-je finalement de la chance ? Parce que sinon, je fais demi tour, je vais pas me geler les fesses ici toute la nuit !

Eh ben ! Il était temps que quelqu’un se pointe, j’étais bien partie pour me les geler ici toute la nuit. On est fermé ! C’est bien. Je m’en fous. C’est pas ça qui va m’arrêter. Foutez-moi la paix ! Comme si c’était mon genre. Au contraire. J’ai pas l’intention de lâcher qui que ce soit avant d’avoir les réponses à mes questions. La voix que j’entends me paraît lourde, pâteuse. Un homme entre dans mon champ de vision. Pas désagréable à regarder, dans l’absolu, mais officiellement torché. Autant je peux comprendre qu’on ai des raisons de boire, autant je me méfie toujours des gens alcoolisés hors contexte. Boire en soirée, dans une fête, dans un bar, ça me choque pas spécialement, loin de là. J’ai même plutôt pas mal d’expérience dans le domaine. Mais boire comme un trou seul chez soi, c’est à la fois triste, pathétique, et un peu inquiétant. Bon, essayons de ne pas trop juger tout de suite, il a peut-être une excuse. Le hic, c’est que mon objectif à la base c’est d’obtenir des informations cohérentes, et là je ne suis pas sûre d’être arrivée au bon moment pour ça. M’enfin. Essayons quand même.

Vous êtes qui vous ? Alors, comment amener ça ? J’ai comme l’impression que m’annoncer tout de suite comme journaliste est un peu risqué. Il finira sans doute par s’en rendre compte, mais là j’ai pas envie de trop m’afficher tout de suite. Et puis de toute façon, c’est pas comme si mon non n’était pas connu, suffit qu’il écoute un peu la radio de temps à autre pour qu’il soit en mesure de me replacer. Capucine Maurel, enchantée. Et vous-même ? Oui, parce que c’est bien gentil d’avoir enfin quelqu’un devant moi, mais j’aurais besoin de parler à quelqu’un qui ai un minimum d’importance dans ce cirque. Me retrouver face au concierge me sera pas d’une très grande utilité, du moins pas tout de suite. J’ai entendu parler de ce cirque, et ça a piqué ma curiosité, j’aimerais bien en savoir un peu plus. Vous pouvez me renseigner, peut-être ? Mouais, personnellement, j’ai des doutes quand à la qualité des potentielles réponses. Mais bon, faut bien commencer quelque part, hein.

Résumons la situation. Il est tard, il fait nuit, je suis dans un cirque chelou face à un type alcoolisé et franchement pas rassurant. Rappelez-moi donc pourquoi je fais ce métier, moi. Y’a des jours je me dis que j’aurais mieux fait de me cantonner à la musique, j’aurais moins eu l’impression de risquer ma vie à chaque instant. Mais que voulez-vous, j’ai toujours été du genre intrépide. Mais du genre intrépide au début puis qui retrouve vite dans des situations étranges, tordues, voire dangereuse. Va sûrement falloir que je me calme sur ce genre de folie, si je veux voir grandir mon gamin. Anyway. J’espère qu’il va pas me laisser plantée là comme un cèpe pendant des heures. Parce que si j’arrive à lui poser des questions, et surtout à obtenir des réponses, je sens que ça va nous prendre un moment, et autant moi j’aime pas tellement rester debout pendant des heures, surtout quand il caille, autant lui je suis même pas certaine qu’il ne va pas s’écrouler en cours de route. Et moi, le secours aux personnes, c’est pas ma spécialité du tout.

Bon, bah ça promet. Le mec est bourré, désagréable et peu enclin à me renseigner. Il pense peut-être que ça va m’inciter à lui foutre là paix. Aucune chance. Tout ce que je vais faire, c’est m’éloigner un peu, parce que je risque le coma éthylique rien qu’avec son haleine. Ce serait dommage, non ? Venir un jour de spectacle, qu’il me suggère. Mauvaise idée. Enfin, plus pour lui que pour moi, hein, parce que d’expérience, je sais que les gens n’aiment pas que je vienne farfouiller alors qu’il y a un public. C’pas bon pour l’image, voyez. Et je m’en voudrais terriblement de nuire à la réputation de ce charmant monsieur. D’autant qu’il vient de me lâcher qu’il est le directeur. Parfait. L’homme que je cherchais. Eh bien, je ne vous le dis pas, alors. Parce que dans le fond, c’est de la curiosité. Mais de la curiosité journalistique. Mais il n’a pas besoin de savoir que je suis journaliste. Pas encore.

Libre à vous de croire ce que vous voulez. Tout ce que je veux, c’est en savoir un peu plus sur cet endroit. Je n’avais jamais entendu parler d’un endroit pareil, et Merlin sait que j’en ai vu des choses. Ca m’intrigue. C’est un crime ? C’est qu’il commence à me soûler (pun intended) le pochtron là. Alcoolique, désagréable, et en plus de ça, paranoïaque. Heureusement pour lui qu’il est pas trop moche, sinon y’a vraiment rien qui le sauverais. Puis plus ça va, plus je me demande s’il est vraiment dangereux, ce type. J’pense juste qu’il a l’alcool mauvais. En attendant, j’vais pas rester debout toute la nuit moi. Vous comptez me fixer de la sorte longtemps, où on va pouvoir causer un jour ? P’tet que si je lui balance un sceau d’eau à la tronche … ? Non ? Risqué vous dites ? Mettons.