Visite guidée (Anastasiya)

Certes, il l'avait prévenu. Il y a des années de cela même, lorsqu'ils avaient assez de temps pour s'échanger des nouvelles par hibou. Pourtant, Anastasiya avait complètement oublié. Oublié que James Martel était professeur. Encore plus à Poudlard. Tête en l'air. Obnubilée par sa volonté de garder un œil sur ses cousins lancés dans l'inconnu, elle avait omis tout le reste. Elle avait même oublié de prendre une cape imperméabilisant grâce à sa peau de dragon dans sa hâte. Chose dont elle aurait surement besoin en Angleterre. Quelle n'avait pas été sa surprise en remarquant la tête du français derrière le troupeau d'élèves de l'est qu'elle ramenait. Elle avait été surprise mais ravie lorsqu'il l'avait étreinte, l'un et l'autre n'ayant guère l'habitude de ce genre d'affection mais démontrant bien la sincérité du sentiment qui les unissait. Un peu de franchise était rafraîchissant pour la sorcière dont le sourire ne disparaissait pas de ses lèvres. Même lorsqu'elle dût remettre en place quelques élèves indiscrets d'un léger coup de baguette. Déposant ses oilles pour qu'ils puissent se débarbouiller, revêtir leur robe de sorcier et faire quelques pas dans l'entrée et la cour, Anastasiya retrouva James qui lui proposa gentiment de lui montrer les lieux. Ce qu'elle accepta avec plaisir.

Cependant, elle ne s'attendait pas à ce que Poudlard ne soit si grand. Elle avait été surprise par la hauteur du château, n'ayant rien de comparable à Durmstrang. De l'intérieur, il semblait encore plus grand et énormément décoré, ce qui attirait son attention de toute part. Si bien qu'elle se laissa aisément guider pour une fois, ne cherchant pas à prendre les choses en main contrairement à son habitude. "Alors! Raconte-moi tout!" entonna-t-il alors qu'ils montaient tranquillement les escaliers. Un rapide petit rire s'échappa de ses lèvres. " Tout ?" Arquant ses sourcils en une interrogation, elle se moquait gentiment de lui alors que son sourire s'élargissait. "La dernière fois tu étais Auror, depuis quand la passion d'enseigner s’est-elle éprise de toi?" commença-t-il sans pouvoir s'arrêter. "Et pourquoi ne m'as-tu pas prévenu que tu arrivais?" Elle rit de nouveau tout en levant les mains comme si elle était en état d'arrestation. " Hola hola, un véritable interrogatoire. Tu serais doué en auror." clama-t-elle, amusée par tant de hâte. Certes, cela pouvait être compréhensible mais c'était plus touchant pour la jeune slave. Auprès des siens, on ne prenait pas une telle hâte pour demander des nouvelles. Bien au contraire.. Tempérance et abnégation sont plus de mises, sinueuses anguilles malfaisantes. Elle prit quelques secondes afin de pouvoir formuler sa réponse, autant pour le faire mariner que pour réfléchir à ses dires. Elle aurait été tenté de se confier sur les véritables raisons de sa venue en Angleterre mais l'image du ministre russe se forma dans sa mémoire et elle se ravisa automatiquement. Si jamais l'information filtrait, le français ne serait pas à l'abri des représailles du tyran. Mieux valait ne rien dire. " Mes cousins sont ici. Dans la délégation. Oxana, également." commença-t-elle par répondre, comme si ses quelques mots valaient à eux seuls une explication entière. Après tout, l'alcool et la reconnaissance à l'oeuvre avaient aidé aux deux sorciers à communiquer ensemble sans avoir à se disputer il y a des années de cela. Ce qui avait permis de faire fleurir leur amitié. Ce qui avait surtout permis à Anastasiya d'avoir un confident. Non pas un en brindille et ouatine comme son vieil ours en peluche. Un de chair et de sang avec du répondant. Elle lui avait alors parlé de sa famille, envers qui elle était à la fois si proche et si distante. Ses espoirs et volontés de réunir les liens sans les perdre. Sans se perdre. Elle n'avait pas parlé ouvertement des affiliations pro-mangemort des Vladosk en général, seul l'éducation du sang-pur ayant été évoqué. Mais cela suffisait amplement pour comprendre tout le reste. Lui seul pourrait alors comprendre avec si peu de mot comment une sorcière pouvait quitter ses terres et ses habitudes pour partir à l'autre bout du monde suivre quatre adolescents au tempérament plus que volcanique. Elle devait garder un œil sur eux. Pour eux-même... mais aussi à cause de cette épidémie. Qu'ils la laissent faire ou non. Qu'ils l'aiment ou non. Elle n'en avait cure. Elle ne perdrait pas un autre membre.

Chassant ses pensées déviantes, elle fit mine de s'intéresser à un tableau la saluant dont elle répondit en hochant la tête. " Du coup, me voici. Délaissant les criminels pour gérer d'autres..." Sa voix resta en suspens le temps qu'un groupe d'élèves riant aux éclats au-dessus d'un magazine ne passe à leurs côtés. " énergumènes." Elle cligna des yeux, haussant les épaules avec un sourire bizarre, comme si elle ne savait pas si elle gagnait ou perdait au change. Qu'importe. Elle apprendra vite à ses dépens qu'enseigner peut avoir du bon, même si elle ne courra plus après un poursuivant. Beaucoup de choses allaient changer. Innover dans sa vie. Ses méthodes d'auror ne pourraient pas être reprises ici, sinon gare aux parents d'élèves. " Je t'aurai bien prévenu mais tout s'est fait si rapidement... " Ce qui n'était pas un mensonge en soi. Ils arrivèrent devant deux énormes gargouilles aussi repoussantes qu’intrigantes. Et bavardes. " Tiens, c'est qui celle-là ? On ne la connait pas. " commença l'une tandis que l'autre rétorquait " Professeur Martell, vous n'avez pas le droit de ramener des élèves à l'intérieur." Et en tout point, sympathiques. " Je suis la nouvelle professeur d'Occlumancie. Pas d'inquiétude à ce sujet." Le regard ferme, la slave ne put s'empêcher de sourire lorsque la plus clémente sortit un " Dans ce cas" avant de laisser le passage s'ouvrir devant eux. Jetant un coup d’œil complice à James, elle se retint de rire face au pittoresque de la situation.

Suivant son guide, elle arriva dans une grande pièce aux allures chaleureuses et tournoya lentement sur elle-même pour en faire le tour alors qu'il lui présentait les lieux. "Voilà notre Antre, l'endroit où tu pourras souffler entre tes cours, les élèves ne sont pas  admis ici." Ramenant son regard chocolaté vers lui, ses lippes se rassemblèrent ironiquement. " Vu les gardiennes..." Ce n'était pas étonnant. Pourtant, elle se surprenait à avoir un sentiment de sympathie à l'égard des deux comméreuses de pierre. " C'est... magnifique." répondit-elle en regardant une fois de plus le lambris foncé du bois verni et l'antre de la cheminée qui semblait invitée à venir s'y réfugier. " Comme l'endroit en général. Poudlard est vraiment très... grand." commenta-t-elle en hochant la tête pour affirmer ses dires. " Comment fais-tu pour ne pas te perdre ?" demanda-t-elle sincèrement en se demandant combien de fois allait-elle perdre patiente dans les couloirs en tentant de retrouver son chemin. D'ordinaire, elle avait le sens de l'orientation mais les couloirs étaient tellement chargés en portrait qu'elle avait du mal à trouver des repères. Se rapprochant de l'une des grandes tables, elle laissa son doigt glisser sur le bois avant de se retourner pour se reposer contre, bras croisés sur la poitrine. " Alors, c'est ici que l'on se retrouvera. Ça fait bizarre." avoua-t-elle sans pour autant perdre son sourire. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, il était venu sur son lieu de travail. Désormais, l'inverse se produisait. " Tu es toujours professeur en créatures magiques ?" Quelque chose comme celà. Inquisiteur, inquisitrice. Ils sont bien les mêmes, au final.

 

"Professeur d'histoire de créatures magiques." Ah oui, c'était bien quelque chose comme çà. " Non en fait, j'ai été demandé pour le cours de Zoomagie pour le GISIS, comme de toute façon, il reprenait ma matière, cela tombait plutôt bien." La zoomagie ? L'étude des bestioles. Se souvenant de ses cours d'antan, elle pouvait comprendre pourquoi on pouvait aimer les petites bestioles au caractère aussi surprenant que stupéfiant. Et puis, c'était exclusivement grâce à ses connaissances qu'Anastasiya avait réussi à sortir sa cousine des pattes de ce golem à poil blanc. Sans cela, elle n'était pas certaine qu'elle aurait réussi à temps. La matière semblait intéressante bien que très lointaine des domaines de compétences de la slave. En-dehors de savoir comment faire partir le chat de sa sœur de son plaid préféré, ses relations avec les animaux n'avaient jamais été des plus courtoises. Surement parce qu'ils devaient sentir son appréhension. " Et toi alors l'Occlumancie?" Et elle. Elle sourit en entendant le nom de sa matière. Si sa carrière avait bien pris un tournant, c'était bien en partie grâce à cette faculté. Apprise au même eau que ses élèves, elle avait pourtant poussé le vice plus loin, continuant son apprentissage jusqu'à ses vingt-trois ans. " L'Occlumancie..." répéta-t-elle comme pour acquiescer avec un fin sourire attendri. Même si l'apprentissage avait été complexe et difficile, elle n'osait imaginer ce qu'elle aurait été sans l'occlumancie à ce jour. Son paternel aurait appris ses déviances d'opinion, ses fréquentations fortuites, son implication dans la rupture de ses fiançailles entachant son nom, sa réputation parmi les bonnes familles. Sa sœur saurait qu'elle avait intercédé auprès de son crush pour les réunir. Ses cousins, sa rancune et ses remords. Son ami... Relevant les yeux vers James, elle se demandait s'il lui pardonnerait un jour. Ce qu'elle ne pouvait lui avouer. Il n'avait jamais été facile pour la slave de conserver des amitiés. Trop prise par son travail. Trop impliquée dans son travail. Mais leur présence à tout deux en ce même endroit, pour une année entière au minima, pouvait changer la donne. Entretenir une amitié. Comment fait-on cela ? Du haut de ses vingt-huit ans, elle se posait encore la question. Alors, elle sourit, chassant l'opaque pensée cafardeuse pour secouer ses épaules, se délassant de ses soucis. " Heureusement pour moi, le directeur a décidé d'ouvrir cette nouvelle option. Bien que je ne sois pas certaine qu'il soit judicieux de la faire commencer si tôt." Treize ans, c'était jeune. Trop jeune pour être perturbé par un apprentissage aussi lourd. Car si le nom de la matière et la faible définition qu'on s'en donne paraissent alléchant, il n'en était rien. Protéger son esprit signifie qu'on accepte par ailleurs que quelqu'un puisse y entrer. En cela, le problème résidait essentiellement. La douleur était plus mentale que physique et hormis si le sorcier était combattant, rien ne pourrait l'en soulager. " Mais il semble que les événements passés aient parlé." Elle avait entendu parler de la Grande Bataille ayant eu lieu il y a des mois de cela en ces lieux. Un lieu plus qu'historique, aujourd'hui. A cause de cette guerre, on semblait vouloir préparer la jeunesse à un nouveau puch. Même s'il ne s'agissait que de protection, la légilimancie n'étant pas au programme. Mais, elle ne pouvait pas dire que cela ne desservira pas ses desseins. Une baguette, deux sortilèges. Pourtant, elle se demandait quels genres d'horreurs pouvaient bien continuer d'agiter les songes des élèves auprès un tel événement. Elle les plaignait, ayant même de la sympathie pour eux avant même de les rencontrer.


"Evite tout de même de traité ses énergumènes en criminels..." Elle fut surprise de sa réplique, étant partie bien plus loin dans ses réflexions. Rigolant lorsqu'elle remit le contexte en place, elle grimaça. " Je ferai de mon mieux, promis." Oui, il était certain que de saucissonner un élève dès le premier cours ne serait pas la bienvenue. Bien qu'en tant qu'avertissement, elle serait certaine d'avoir la paix pour les prochains cours. Mais cela ne serait surement pas assez professionnel. Elle devait rester coûte que coûte dans l'établissement jusqu'à la résolution de l'enquête. Aucun faux pas ne serait toléré, surtout qu'en définitive : elle était seule sur ce coup. Vladimir lui manquait. Malgré son caractère de cochon rôti à l'avada, ses remarques étaient judicieuses. Ses avertissements, aussi. " Ne t'inquiète pas, je n'en jetterai aucun dans les geôles bien que se soit comme çà qu'on finissait à mon époque si on n'excellait pas à Durmstrang." tenta-t-elle de le rassurer en appuyant son regard sur sa mine sceptique. " Et je n'en enverrai aucun à l'infirmerie." continua-t-elle en se disant que cette catégorie serait surement plus difficile. " Sauf si c'est parce qu'il n'a pas suivi les consignes. Là, je ne pourrai rien." Ce qui n'arriverait sans doute pas rajouta-t-elle dans son fort intérieur, tentant de clarifier sa réputation qui commençait à prendre un bord dangereux.

Rejetant un coup d’œil aux alentours, la slave reconnaissait que le charme anglais avait du bon. La chaleur était perceptible et devait surement être responsable de son dé-ridement inhabituel. On se sentait à l'aise, comme au cœur d'un couffin. "Attends de voir le reste du château ! Moi, j'ai eu quinze ans, entre mes années d’études et l’enseignement pour me faire à cet endroit, c'est un peu ma maison, mais je te promets que tu ne te perdras pas tant que ça. Il faut seulement faire attention aux escaliers..." Étonnée, elle fit retomber son regard vers lui. " Les escaliers ? Qu'est-ce qu'ils ont les escaliers ?" demanda-t-elle, interloquée. " Ils n'en font qu'à leur tête."  Son sourcil se leva de manière inquisitrice, ne comprenant qu'à moitié le sens de sa phrase. Pourtant, son petit doigt lui disait qu'elle finirait vite par comprendre de quoi il s'agissait... à ses dépens. " Ooh.. " laissa-t-elle échapper alors que son cerveau cherchait encore une explication quelconque. " et bien, nous verrons s'ils s'y frottent." rétorqua-t-elle avec assurance en se décalant enfin de la table.  Elle aurait bien aimé continuer à voir le reste du château mais James revenait vers elle, l'air plus grave. Intriguée, elle attendit qu'il ne la rejoigne pour savoir de quoi il en retournait.


"Alors, comme ça Oxana est ici?" Oxana. Au timbre de sa voix, la slave en perdit son joyeux sourire si rare sur ses lèvres, à défaut du taquin. Elle aimait sa cousine. Du même amour familial qui entourait les Vladosk et les Yordanov. Même s'il n'était pas perceptible, son acharnement à être un pion veilleur sur chacun des membres montrait son attachement. Plus que sa réelle capacité à l'éprouver. Les sentiments sont nos faiblesses, Anastasiya. Supprimes-les. Inlassable refrain revenant en sa mémoire à chaque fois que son palpitant se crispe. Une vérité. Un constat. " Elle est venue avec la délégation de Durmstang, oui. Ainsi que ses frères. Toute la petite famille réunie. Il ne manquait que Vassil, en somme. Qui aurait dû entamer sa huitième année et ne l'aurait manqué pour rien au monde... excepté qu'il devait rester enfermé et pourrir, seul, dans son coin. "Comment est-ce qu'elle va? Cela lui plaît l'idée de venir ici?" demanda-t-il, surement encore inquiet par rapport à l'ancien événement. Elle ne savait pas si elle devait rire ou rester sérieuse. Oxana était tellement... slave. Venir dans un pays plus libéré lui apporterait surement beaucoup. Ou tâcherait de la fermer hermétiquement encore plus. Surtout qu'elle avait été touché également par les événements actuels. L'une de ses amies étaient mortes, se donnant la mort pour éviter le même état que Vassil. Et dire qu'elles étaient... plus que cela. Elle ne pouvait imaginer sa douleur et avait tâché d'être présente pour elle cet été. A sa manière. A hauteur de ses moyens. " C'est Oxana. L'Angleterre ne l'attire en rien et je doute que cela change rapidement. Elle va devoir s'acclimater. Prendre de nouvelles marques mais je pense que cela ira. " A vrai dire, elle espérait plus qu'elle n'en était persuadée. Mais elle ferait en sorte que cela se produise, quitte à y laisser des plumes au passage.

Elle croisa de nouveau les bras en les serrant fort contre elle comme pour se donner du courage dans ses révélations. Observant les alentours, elle se rassura en se disant qu'ils étaient seuls. Prenant conscience de la grandeur des lieux, elle sût d'emblée qu'elle ne pourrait pas surveiller constamment sa cousine. Et en cela, elle avait besoin de James. " Oxana a perdu... une amie proche durant l'été. Sa meilleure amie." confessa-t-elle en changeant quelque peu la réalité. Après tout, il n'avait pas besoin de tout savoir. " Elle s'est suicidée après avoir contracté la fameuse épidémie." Le ton grave, le visage fermé, elle n'avait plus rien à voir avec la jeune femme pimpante qui se tenait quelques secondes plus tôt sur le bureau. " James, j'ai besoin de toi." Une grande nouveauté pour la sorcière qui n'aurait jamais été capable d'avouer cela sans que sa chair ne soit impliquée. " Peux-tu garder un œil sur Oxana quand je ne pourrais pas être dans les alentours ? Elle te connaît et... te fait surement confiance depuis la dernière fois. " De l'aide sur son enquête pour trouver un antidote ? L'orgueilleuse n'y pensa même pas, trop habituée à travailler en solitaire et surtout trop consciente de son implication malfaisante et à double-tranchant. Malgré le fait que deux cerveaux valaient mieux qu'un, elle ne voulait impliquer personne dans son engrenage infernal. Consciente qu'elle ne pourrait sauver personne dans sa chute. Pas même elle.