Sorry not sorry (Ishan)

Les cours du Professeur Patil étaient passionnants. Pas que les autres matières ne l'étaient pas, chacune avaient son lot de choses intéressantes. La médecine avait juste ce quelque chose en plus qui le motivait. Qui lui donnait cette sensation d'être vraiment utile aux autres sans entrer dans l'engrenage de la violence comme les aspirants Auror, ou en apprenant l'art de la démagogie dans la Politique. Le monde était suffisamment corrompu pour en rajouter une couche. Daisuke n'avait pas subit la précédente guerre en Angleterre qui avait coûté la vie à un grand nombre de sorciers. Il était loin, en Europe de l'Est puis contraint de retourner dans son pays natal. Que ces pauvres âmes soient en paix désormais. Et que les gens qui en souffrent actuellement puisse finir par être en mesure de surmonter leurs traumatismes. L’existence était trop courte pour ne pas profiter de cette chance qu'on leur avait offerte en venant au monde, et que faire le bien autour de soi ne pouvait être que bénéfique pour tous. Tout du moins, c'est ce qu'il croyait. Daisuke avait le cœur pur, peut-être trop parfois. La preuve, il se retrouvait au milieu d'une discorde entre deux filles et choisir un camp entre les deux signifiait trahir l'autre. Ignorant encore l'élément déclencheur de leur animosité, il optait pour la neutralité. Mais pendant combien de temps encore ?

Concentré à écouter et à prendre des notes, le japonais réussissait brillamment à faire abstraction de potentiellement pensées parasites, et à ne pas être distrait inutilement si bien qu'il n'avait pas vu le temps passer. La dernière sonnerie de la journée avait retentit bruyamment, annonçant la fin du cours. En discutant avec sa voisine de table alors qu'ils étaient en train de débarrasser leurs affaires, le Professeur Patil avait rapidement filé. Ils étaient donc les deux derniers dans la salle. Cependant, leur conversation tourna court lorsque quelque chose attira leur attention sur le pas de la porte en sortant. Un petit carnet avec une couverture de cuir, sûrement abandonné par mégarde. « Tu crois que c'est à qui ? Attends, il y a une photo... » Curiosité quand tu nous tiens. La sorcière fit de grands yeux éberlués lorsqu'elle vit le contenu du cliché sur lequel se trouvait leur enseignant avec une femme inconnue. Bon, au moins ils avaient l'identité du propriétaire. Mais le japonais se sentait sali d'avoir l'impression de s’émincer dans la vie privée d'un professeur. Sa camarade voulait fouiner davantage dans le journal, sûrement dans l'espoir d'apprendre des faits croustillants sur l'adulte mais Daisuke lui coupa l'herbe sous le pied en lui piquait l'objet des mains. Le cliché par chance, c'était lui qu'il l'avait. « D'accord tu as gagné ! J'irai lui rendre demain ! » Etre grand avait son avantage. Elle avait beau sauter pour essayer de le lui dérober, elle n'y parvenait pas. Mi-amusé, le japonais secoua la tête « Je ne crois pas, non ! Je préfère m'en charger si ça ne t'ennuie pas, on a assez vu de ce qu'on n'aurait pas dû voir. » En tout cas, ses dires avaient eu l'effet de l'arrêter. La jeune femme plissa toutefois les yeux et pencha légèrement la tête sur le côté « Tu ne me fais pas confiance ? » Clairement pas. Sauf qu'il n'osa pas lui dire et retourna la chose autrement. Sa comparse avait fini par le croire, et c'est lui qui en avait la responsabilité de le rendre dès que possible à leur enseignant.

Le lendemain, il avait attendu la fin du premier cours. Embarrassé, il vint vers l'enseignant et s'excusa d'abord de le déranger puis s'inclina, comme le voulait la coutume japonaise. Ce n'était même pas un geste réfléchi, c'était un automatisme. Daisuke en sortit ensuite le fameux journal de son sac et le tendit à deux mains au Professeur Patil. « Je crois que ceci vous appartient, Professeur. Il a été trouvé hier dans la salle de classe... » Du coin de l’œil, il pouvait apercevoir sa camarade observer discrètement la scène avec un grand sourire à l'extérieur de la classe avant de tourner les talons. Quelle mesquinerie ! Après...Il l'avait bien cherché aussi.

Daisuke était un garçon rempli de bonnes intentions au point que certains voyaient en lui un Poufsouffle. On dit que le choixpeau ne se trompe jamais. Peut-être avait-il mis en valeur sa sagesse et sa vivacité d'esprit ? Le mystère restait entier. Ce qui ne l'était pas en revanche, c'était l'identité du propriétaire de ce journal. La photo fût d'une grande aide pour le mener lui et sa camarade sur la bonne piste, bien qu'il aurait préféré s'en abstenir. En y repensant, ça ne sera pas pire que de lire à l'intérieur afin d'en deviner à qui il pouvait appartenir et par conséquent, de pénétrer le jardin secret de cette personne. C'était encore plus culpabilisant quand il s'agissait d'un professeur. Alors c'était en toute gentillesse et politesse que le japonais vint le rendre en main propre avec pour projet d'aller travailler le devoir qu'on venait de leur imposer pour la fois prochaine. Mais voilà, quelle fût sa surprise lorsqu'il se fit réprimander pour sa bonne foi ! En réalité, le Professeur Patil se méprenait sur les intentions de cet élève d'habitude si consciencieux que ce soit en dehors ou pendant ces cours qu'il ne fût pas surprenant de lire de la déception mélangé à de la colère sur le visage de l'enseignant. Daisuke resta figé sur place, à écouter les remontrances qui n'avaient pas lieu d'être lorsqu'on connaissait le fin mot de l'histoire. Mais justement, son professeur n'en savait rien. « Non non ce n'est pas...Je... ! » Le Serdaigle quelque peu paniqué tenta un début de défense, avant de vite se résigner à s'excuser de nouveau en refaisant une courbette. Cette fois-ci, pour une chose qu'il n'avait pas faite. « Excusez-moi Professeur, je ne voulais pas... ! » Subitement, une silhouette familière intervint aux côtés de l'aiglon : c'était sa camarade avec qui il avait trouvé ce maudit journal. « Professeur Patil, s'il vous plait ! Ce n'est pas la faute de Daisuke...C'est la mienne. » avoua-t-il en baissant la tête, d'un ton coupable. Le japonais se redressa et la regarda, éberlué. « On l'a ramassé parterre en sortant de la salle. La photo qui était dedans dépassait un peu trop...J'ai donc voulu voir qui était dessus et c'est là qu'on a su que c'était à vous. J'admets avoir été tentée de mettre mon nez dans les pages du journal mais il m'en a empêché. Alors si vous voulez réprimander quelqu'un, c'est moi. » La demoiselle avait un sacré courage, et était plus honnête qu'il ne l'aurait cru. Cette dernière lui avait peut-être évité les ennuis si leur enseignant était d'humeur clémente, mais c'était plus fort que lui de se sentir désolée pour elle.

L'honnêteté paye toujours. Ou du moins, la plupart du temps. Daisuke n'aime pas mentir sauf peut-être pour taquiner quelqu'un ou ne pas blesser autrui. C'est le principe du honne et du tatemae, un concept purement japonais. Un masque social qui régit la vie en société dans son pays natal. Les japonais ne sont jamais franc ni jamais trop direct. Les européens qualifieraient cette attitude d'hypocrisie, ce que leurs homologues asiatiques, eux, ne voyaient que respect envers les autres. C'est pour cela que le Serdaigle était prêt à prendre sur lui ces accusations qu'on lui portait, même si dans le fond il avait envie de hurler son innocence. Heureusement pour le sorcier, sa camarade n'était pas vraiment partie et elle est venue à sa rescousse. Son intervention avait l'air efficace, puisque les traits de l'adulte se détendirent aussitôt. Sa fureur, soudainement envolée et qui laissa place à ce qui ressemblait à de la mélancolie...? L'aiglon croyait halluciner mais lorsque le Professeur Patil les supplia presque de partir, il n'avait plus aucun doute là-dessus. « Merci beaucoup pour votre magnanimité. Encore désolés pour le dérangement, on ne vous embêtera plus c'est promis... ! Tu viens Daisuke ? » La jeune fille emboîta le pas pour rejoindre la sortie, le japonais fit de même. Cependant, l'état de l'enseignant le préoccupait tellement que son élève fit volte-face et alla d'un pas assuré se représenter devant le bureau. « Professeur...Si vous avez besoin de quoique ce soit, n'hésitez surtout pas à nous solliciter. » A ces mots, il le gratifia d'un sourire chaleureux, s'inclina encore une fois avant de rejoindre sa camarade à l'extérieur. Ils commencèrent à marcher en traversant le long couloir pour accéder aux escaliers inférieurs sans dire un mot. Lui perdu dans ses pensées, il sentait quand même des regards furtifs de la sorcière qui hésitait à lancer la discussion. Elle finit néanmoins par se lancer, après avoir prit une petite inspiration. « Dis...C'est moi où le Professeur Patil avait l'air déprimé tout à coup ? » « Non, j'avais la même impression. C'est bien pour ça que je lui ai proposé notre aide. » « Notre aide ? Sans être sûr que j'étais d'accord ? » Un rictus amusé orna subitement ses lèvres. « Non, parce que je l'étais. » « Q-Quoi...? » Sa comparse, confuse, s'arrêta net au milieu des derniers escaliers qu'ils étaient en train de descendre qui menaient vers le hall du château en clignant frénétiquement des yeux. Mais Daisuke avait continué en marchant tout fièrement. « Bon c'est vrai tu as raison ! H-Hé pas si vite, reviens ! » Ses foulées étaient plus petites que celles du Serdaigle. Rien d'étonnant lorsqu'on essayait de rattraper un garçon frôlant le mètre quatre-vingt. Ils partaient tous les deux commencer à travailler ensemble leur devoir à la bibliothèque avant que le cours suivant ne débute dans un peu moins d'une heure maintenant. C'était court, mais suffisant pour coucher leurs bribes d'idées sur un parchemin. Quant à cette histoire de journal, elle allait malgré eux les poursuivre plus longtemps qu'ils ne l'auraient cru...