Un duel à terminer - Leorry & Orion

« Qu’est-ce qui te fait croire que tu pourras avoir le dessus sur moi cette fois-ci? » craché-je.

Je me dandine, aussi provocateur qu’un paon qui chercherait à déstabiliser son vis-à-vis par de simples artifices.

J’ai réussi à remporter notre petit affrontement la nuit où il se transformait. En serait-il de même aujourd’hui? Il n’était pas lui-même, donc dans l’incapacité de formuler le moindre sortilège. Je connais Orion : il est puissant. Depuis mes débuts à Poudlard, je vis dans son ombre. J’étais Leorry le suiveur, jusqu’à ce que ses actes dépassent la raison de l’amitié. Comment faisais-je pour me lever chaque matin en me demandant ce qu’avait prévu de faire Orion? Je n’ai jamais été soucieux d’être indépendant, remarqué de tous, mais me sentir jeté comme une chaussette sale par deux personnes qui me tenait à cœur m’a ouvert les yeux.

« J’ai réussi à te mettre au sol une première fois. Je ne devrais avoir aucun mal à recommencer. J’ai l’expérience à mon baguage. »

Je ne crois pas qu’il soit judicieux de jeter de la poudre au feu : sa colère peut devenir destructrice. Néanmoins, lui cracher toutes ces saloperies au visage m’aide à me sentir mieux.

Se souvient-il seulement de l’ « Endoloris » dont il a été victime par ma faute?

« Tu t’es toujours cru mieux que tout le monde, pas vrai? Parfois je me demande si ta vanité n’aurait pas dû t’envoyer à Serpentard. »

Mes yeux se braquent sur son visage à la recherche du moindre tressaillement de sourcil de sa part. Mes paroles le feront-elles réagir? Dans tous les cas, je l’espère. Je ne rêve que d’une chose, terminer ce combat qui s’est terminé plutôt abruptement à cause de deux professeurs qui s’étaient interposés pour empêcher Orion de se transformer. Au moins, j’ai sur la conscience d’avoir protégé un élève des griffes d’une bête en contrepartie du sort impardonnable jeté.

Je ne suis pas seulement déçu d’avoir perdu Cassandre, je ressens aussi un brin d’inquiétude au sujet des nombreux secrets qu’Orion connait à mon sujet. Notre amitié ayant volé en éclat, il aurait tout le loisir de les balancer au premier venu dans le but de me ridiculiser ou de me détruire, notamment le fait que je connaisse ce Mangemort.
J’ignore si ma main tremble d’impatience ou d’incertitude, de toute manière je ne peux plus faire marche arrière. Ce duel aura lieu.

Aussi pâle que mon teint, ma baguette vient créer une frontière entre moi et mon adversaire. Une brise légère vient bouger le pan de ma robe. Mes pieds se décalent légèrement sur la droite, s’enfonçant ainsi dans la neige qui recouvre le sol à nos pieds. Sous l’adrénaline, je sens à peine le froid qui s’attaque actuellement à mes os.

Je vois ses doigts se glisser sur sa baguette. Instinctivement, je me place en position de combat. Ne voulant pas le voir me désarmer, je m’empresse d’attaquer le premier. J’ai pu comprendre ce qu’il est devenu après la grande bataille, je me doute alors de l’une de ses capacités – un point faible si l’on sait comment retourner cela à notre avantage.

« Assurdiato!  »

Ayant analysé la situation une fraction de seconde, je me doute que s’il n’entend plus le bruissement de mes pas dans la neige ou les murmures de mes invocations, il ne pourra contrer mes futures attaques. Quoi de mieux qu’un sort qui rend sa cible sourde?

Cela faisait un bail que nous ne nous étions pas retrouvé ici, près de notre bon vieil ami; le Saule Cogneur. Je ne recense plus le nombre de fois que nous avons passés à courir pour fuir ses branches meurtrières. Par amusement, non pas par accident. Si ce n'est que les traits de son visage qui ont pris un peu de maturité, absolument rien n'a changé. L'arbre à toujours l'air aussi fringant et le château n'a rien perdu de son charme, même en dépits de la guerre. J'ai l'impression d'observer une vieille photo. Un fragment de mes meilleurs souvenirs figé dans le temps, mais sa beauté apaisante se désintègre dès qu'il ouvre la bouche.

- Quand as-tu pris autant d'assurance dis-moi? Edgecombe s'est enfin senti puissant lorsqu'il a mis chaos un lycanthrope déjà à moitié dans les vappes? Qui plus est, avec deux professeurs pour assurer ses arrières?

J'ignore précisément pourquoi nous avons décidé de nous rejoindre ici, à cette heure. À défaut d'une explication claire, je blâme le regard que nous avons échangés plus tôt dans la journée. Son épaule à frôler la mienne lors du chahut du déjeuner et en moins d'une fraction de seconde, nous avons réussi à nous convoquer en duel. D'ailleurs, je ne connais pas avec exactitude les origines de ma rancœur envers lui, mais les regards qu'il me jette la nourrit. Je sais que la courte relation que j'ai eu avec Cassandre est la cause de la haine qu'il me voue, mais je ne peux m'empêche de croire que ce n'est pas une raison convaincante. Notre amitié aurait dû être assez solide pour passer outre.

- Tu ne prends aucun risque, il est là ton problème. Tu es trop prudent. Je suis peut-être digne de Serpentard, mais toi... (Un rire sans amusement quitte mes lèvres.) Tu n'es digne de rien du tout.

Mon sourire s'efface aussitôt ma phrase terminé. Je ne pense rien de ce que je lui dis, mais je dois bien rétorquer à ses répliques mesquines. Il serait trop heureux de constater qu'il à le dessus sur moi.

J'imite le moindre de ses gestes et, aussi fluidement que le ferait son ombre, je le vise à mon tour de ma baguette. Vieillie de plusieurs années avant d'avoir été scrupuleusement gravé, ma baguette est l'unique héritage qu'il me reste de ma famille. Léguer par mon grand-père paternel, je la tiens comme si elle était une pierre précieuse. Ce qui n'est pas loin d'être le cas à mes yeux et Leorry le sait très bien. Sans le lâcher du regard, je le soupçonne d'avoir l'intention de frapper bas. Sa véritable nature c'est révélé lorsqu'il s'est attaqué à une créature en difficulté. Qu'il s'attaque au seul bien précieux que je possède ne m'aurait pas étonné, mais contre attente, le sort qu'il jette est tout autre.

Je pare, reçoit le sortilège, mais je ne ressent absolument rien et cette constatation m'arrache un rire que je n'aurais jamais réussi à retenir. Je ris. Je ris aussi fort que je le peux, de plus en plus fort en ne ressentant plus aucun plaisir, mais tout ce que j'entends est un cillement profond, agressant. Un sifflement qui semble venir de mon crâne. Mon sourire laisse place à une grimace d'incompréhension et ce n'est que lorsque je me calme qu'un écho me revient comme un soupire « Assurdiato ».

L'enfoiré. L'enflure. Le traite.

Mon cœur s'emballe, j'ai la fâcheuse impression que je vais perdre tous mes moyens. Je n'arrive plus à formuler une seule pensée logique, mais heureusement, mes réflexes prennent le dessus. Tremblante, ma main dessine une arabesque avant de s'immobiliser à la hauteur des pieds de mon adversaire.

- Tarentallegra! Je cri plus fortement qu'il n'est nécessaire.

Le sort est jeté et je porte l'intégralité de mon attention sur la suite des événements. Il m'a bien cherché, mais au fond de moi, je sais que je n'ai pas envie de le blesser Du moins, pas physiquement. Je me réjouis déjà de le voir se ridiculiser devant moi. Si mon sort réussi, je n'aurai plus rien à craindre de lui. Comment pourrait-il me menacer tandis qu'un sortilège l'entraîne dans une danse effréné. Une danse qu'il ne contrôle pas.

L’une de ses phrases parvient à me faire tiquer, ce qui pigmente ma colère d’un ton. « Tu n’es digne de rien du tout... » me hantera sûrement pendant quelques nuits consécutives.

Quand j’analyse mon adversaire, je prends conscience que mon sortilège a fonctionné. Orion n’a pas été assez rapide pour l’éviter. Grâce à cet exploit, j’aurais dû être satisfait, j’aurais dû afficher un sourire sournois, mais je ne fais rien de tout ça. J’expire seulement une bonne goulée d’air. Cette situation, où personne ne sait qui remportera, me rend anxieux. Je ne veux pas perdre contre lui. Je ne dois pas perdre contre lui. Si je devais perdre contre lui, il me le rappellerait tous les jours.

Quand je vois les traits de son visage se déformer d’incompréhension, je sais que ma distraction a fonctionné. Il ne sera pas en mesure de répliquer tout de suite, pas avec les sens pêle-mêle.

Pourtant, il s’avère plus têtu que je ne l’aurais imaginé. Il se ressaisi vite. Sa baguette pointe dans ma direction. Je fais un pas vers la droite, puis un pas vers la gauche, sans réussir à choisir la bonne direction pour éviter son attaque. Que sera-t-il capable de me faire subir dans l’état dans lequel je viens de l’imbriquer?

J’anticipe déjà ses futurs coups de baguette et les foudres qui s’abattront sûrement sur moi.

Au moins, j’arrive à entendre les mots qui sortent de sa bouche. Comprenant ce qu’il essaie de faire, je saute vers l’arrière pour éviter l’étincelle qui fonce directement sur mes jambes. Le jet effleure mon mollet droit, ce qui me fait trébucher dans la neige. Je grogne mollement tel l’humain que je suis. Cette position de faiblesse m’importune, car ma posture va me ralentir! Des spasmes courent dans les muscles de ma jambe. Je n’arrive pas à savoir s’ils ressemblent à des engourdissements, des élancements de fatigue ou des crampes douloureuses. Je sens qu’elle veut devenir indépendante de moi, mais je dois la contrôler au maximum. Me redresser est un vrai supplice.

-  Ne me dit pas que c’est là le seul misérable sort que tu parviens à lancer?

J’ai envie de le détester. C’est à ça que je suis réduis? À un adversaire qu’il ne souhaite pas affronter honnêtement. Il ne me prend guère au sérieux. Comme il sait qu’il est plus fort que moi, il ne fait aucun effort pour me blesser ou me nuire. Il croit qu’il va gagner, peu importe les sortilèges que je pourrais catapulter. Même si je dégage de la confiance et que je marmonne quelques injures pour l’encourager à participer à ce duel, mon infériorité me cri en boucle à l’oreille « il te mettra K.O en moins d’un battement de cil. »

L’écho de sa voix me revient en mémoire : « tu es trop prudent. »

-  Va te faire foutre, marmonné-je d’une voix inaudible en bouillant d’envie de le voir s’effondrer comme une masse.

Le doute me retournant l’estomac, j’essaie de réfléchir à ma prochaine prouesse.

-  Locomotor Mortis!


Une fois le sortilège lancée, je ne peux qu’espérer qu’il ne reprendra pas ses esprits et que sa mobilité physique sera réduite par ces simples mots. Le but est de lui bloquer les jambes, l’obligeant à combattre sans la possibilité d’être debout. Je pourrai peut-être m’éviter un potentiel combat au corps à corps, auquel cas je perdrais très certainement. Trop prudent... cette évidence me saute finalement aux yeux. Je ne suis même pas capable de lui faire mal pour de bon.

Mes sortilèges ne sont pas davantage élaborés que les siens, je constate. Je refoule mon sentiment de compassion. Je veux me convaincre que je ne suis pas en train d’éviter le moment où je devrai le blesser réellement. Il préfère jouer, alors j’en ferai tout autant.

Voyons qui sera le plus ridicule des deux. Cette pensée parvient à ramener un semblant de sourire hypocrite sur mes lèvres.