Pendant longtemps, tout ce qu'il entend, c'est le bruit de ses pas dans les couloirs silencieux. Heureusement qu'ils le sont d'ailleurs, silencieux, étant donnée l'heure qu'il est. La lumière de sa lanterne éclaire doucement les murs, la flamme changeant constamment les ombres qui sont projetées tandis qu'elle danse faiblement dans la boîte. Dans un souffle, Johan maudit pour la centième fois depuis qu'il a commencé la soirée le château, qui n'en fait qu'à sa tête depuis quelques temps. Depuis son arrivée à Poudlard, il a tenté de trouver le meilleur chemin possible pour effectuer sa ronde de nuit et voilà que, subitement, le bâtiment lui-même décide de rendre sa tâche plus ardue, comme si la présence de trois écoles de magie différentes en ces lieux n'était pas suffisante. Voilà plusieurs jours qu'il à l'impression de jouer à cache-cache avec les salles qui apparaissent et disparaissent selon un schéma invraisemblable et franchement, si ça l'amusait les deux premières nuit, ça commence doucement à l'irriter, sans compter qu'il n'y a pas que les pièces qui semblent ne plus faire sens.
Perdu dans ses pensées, il met quelques secondes à réaliser qu'il n'est pas seul, que le son d'un talon qui claque contre le pavé n'appartient pas qu'à lui. Ralentissant la marche, il lève légèrement sa lanterne, l'écartant doucement de son corps pour pouvoir voir un peu plus loin sans être aveuglé par la lumière. Le bruit continue, s'éloigne rapidement. Jurant discrètement, agacé par cet élève qui a décidé qu'une virée nocturne serait de bon ton, Johannes se précipite sans pour autant courir en direction des pas. Les mots franchissent ses lèvres avant même qu'il ne puisse voir le visage du coupable, seul son dos étant visible.
Eh ! Qu'est-ce que tu fais dans les couloirs à cette heure ?!
Il a l'impression que toute la suite se passe au ralenti, alors que l'homme en face de lui se retourne subitement. Il lui faut un instant pour réaliser. Ou plutôt, si son inconscient comprend les choses instantanément, le figeant sur place, bouche entrouverte, son conscient lui peine à mettre les choses en place. Rapidement, un mélange de joie intense, de panique urgente et de regret profond se loge dans sa cage thoracique et dans ses tripes, et il est incapable de réagir alors qu'il observe les yeux de cet homme qu'il n'a pas vu, pas entendu depuis dix-huit ans.
Oh, en un sens, il s'y attendait, quand des professeurs lui ont dit qu'un autre Rosenberg était présent au château. Bien sûr, il se disait que les chances étaient minces, et avait bien trop peur de tomber face à lui pour aller vérifier. Mais il faut désormais qu'il se rende à l'évidence : l'homme devant lui n'est autre que Zephÿr, son frère. Adoptif, tout du moins. Et il est là, incapable, muet, à deux doigts de prendre la fuite.
Il se faisait tard. Poudlard était endormi, laissant ceux qui en avaient le pouvoir se balader où bon leur semblait.
Zephÿr avait pris l’habitude de faire une ronde, le soir, lorsque l’insomnie empêchait ses paupières de tomber. C’était désagréable, mais il tentait d’apprécier le plus possible ces soirées. Quand il ne faisait pas de rondes, il finissait par se balader dans le parc, dans le noir de la nuit. Le métamorphomage avait pris le temps de lancer un Lumos, histoire d’y voir quelque chose dans l’immense bâtisse. Baguette à la main, il tentait de faire le moins de bruit possible, marchant en douceur, mais ses talons claquaient contre le sol qui brillait à la faible lumière de la lune. Le silence était maître. Personne ne traînait dans les couloirs à cette heure, et tant mieux pour eux. Les élèves ne devaient pas se confronter à Zephÿr dans ces moments, il risquait de se montrer vilain, comme il aime le dire. Le vent semblait souffler dehors et il marmonna alors quelques mots incompréhensibles qui exprimaient son mécontentement. Vivre en dehors de Poudlard avait ses avantages et ses inconvénients. Tu es tranquille, certes, mais lorsqu’il pleut, vente ou neige, c’est un peu plus compliqué quand il fallait traverser le parc. Il ne s’en plaignait pas, se satisfaisant parfaitement de sa situation qu’il trouvait idéale. Après tout, il devait surveiller celui qu’il considérait comme son fils.
Au rez-de-chaussée, le calme plat. Il avait aperçu quelques professeurs, dans le parc, qui se dirigeaient sûrement dans leurs appartements respectifs. Zephÿr n’y prêta guère attention. Ses petites escapades l’emmenaient souvent dans des endroits étranges. L’autre jour, il s’était retrouvé coincé, dans une pièce du troisième étage. La magie était devenue instable, et incontrôlable. Le château faisait des siennes et s’amusait donc à mettre le bordel dès que cela lui chantait. Cela rendait fou le garde-chasse, quand il se trouvait dans le château (ce qui n’arrivait qu’en début et en fin de journée, puis tard le soir évidemment). Alors qu’il marchait, une voix retentit dans la pénombre, le faisant sursauter. « Eh ! Qu'est-ce que tu fais dans les couloirs à cette heure ?! » Le métamorphomage se retourna, préparant sa réponse dans sa tête. Il avait trente-cinq ans, pas seize, il était donc libre. Sa respiration se stoppa, subitement. Ses cheveux, qu’il avait gardé le plus blond possible ces derniers temps, virèrent au rouge, un rouge sang. Il savait pertinemment qui était celui qui se trouvait devant lui. Tant d’années, tant de temps était passé. Zephÿr hésitait entre agripper sa gorge et lui hurler dessus. Pourtant, il n’en fit rien. « Ludwig. » Son regard était dur, froid. Il contrôlait ses poings qui s’obstinaient à vouloir atterrir sur le faciès de son frère aîné. Dix-huit années. Sans aucun signe de vie. Sans un hibou. Sans nouvelles. Sans frère. Le garde-chasse perdit vite patience. Il pointa sa baguette devant celui qu’il croyait mort, ou perdu pour toujours. « Nous avons des choses à nous dire. » Son ton était grave, menaçant. Il savait qu’il devait se calmer, mais il ne pouvait pas. La colère avait pris le dessus et le métamorphomage avait perdu son sang-froid.
A l'instant même où les cheveux blonds de l'homme qui se tient droit face à lui virent au rouge, plus aucun doute ne subsiste dans l'esprit de Johan : Celui qui le fixe de son regard froid, comme s'il tentait de le pétrifier, ou moins sympathiquement de le tuer, sur place est bien son petit frère. Des bribes de souvenirs lui reviennent en mémoire, ces instants où il poussait Zephÿr à bout pour obtenir cette exacte même réaction, juste parce qu'il le pouvait, tant pour s'amuser que comme un moyen absurde de se venger de quelque chose pour lequel le cadet n'a jamais été responsable. Bon sang, qu'il a pu être idiot dans sa jalousie.
Le moment qui précède son prénom est long, terriblement long, comme si chaque seconde se divisait en deux, pour que ces mêmes parties se scindent à leur tour dans une sorte d'infinité théorique. Mais dès l'instant où le son sort de sa bouche, c'est comme une claque. Le recul est quasiment immédiat, un simple pas en arrière, les épaules qui se contractent alors que ses mâchoires se serrent, l'instant d'une respiration.
Ludwig.
Ludwig. Des années qu'il n'a pas entendu ce prénom. Dix-huit ans, pour être exact. Du jour où il s'est enfuit de chez lui, le nom qu'il a donné à toutes les personnes le rencontrant a été son deuxième prénom, comme si cela pouvait lui permettre de changer d'identité, de se rapprocher de celui qu'il était réellement censé être. Encore une fois, réaction stupide, étant donné que ce prénom lui avait aussi été donné par ses parents adoptifs; mais il était jeune, perdu, et cela lui semblait être la meilleure idée du monde, parce que ce nom là était « vierge », n'avait aucun souvenir rattaché à lui, aucune intonation. Alors qu'il observe son frère qui tremblerait presque tant ses muscles sont contractés, dans un clair effort de contrôl de soi, Johannes entend ce mot à répétition. Bien sûr que Zephÿr allait l'appeler comme ça. Il ne l'a jamais appelé autrement, et il n'y a aucune raison pour que ça change, n'est-ce pas ? Après tout, il ne lui a jamais expliqué. Ne lui a jamais dit. Ne lui a même jamais parlé.
Le concierge sait que les choses vont barder. Après dix-sept ans passés ensemble, il connait bien son frère malgré le temps qui les a séparé, par sa faute. Il sait que quand sa chevelure prend cette teinte, tout va violemment mal tourner s'il ne fait pas attention. Et attention il compte bien prêter à chaque mouvement de l'allemand qui pointe déjà sa baguette dans sa direction, incitant Johan à rapidement attraper la sienne, prêt à se défendre en cas de nécessité, mais restant pour le moment en totale inactivité, son bras pendant sur le côté; sa torche dans l'autre main se baissant au fur et à mesure que le temps passe, les deux hommes finissant par être majoritairement éclairés par la source provenant d'en dessous d'eux, à hauteur de hanche, donnant un côté presque lugubre à la scène.
Nous avons des choses à nous dire.
Johannes inspire profondément, tentant de garder l'esprit clair, lutant contre ses tripes qui lui quémandent de fuir à toutes jambes, là, maintenant, tant qu'il le peut encore. Mais le peut-il seulement vraiment ? A l'instant où il se retournera pour prendre ses jambes à son cou, son frère tentera quelque chose, il en est certain...
Le monde semble bien petit, pour que les deux Rosenberg de Poudlard ne soient nuls autres que nous deux. C'est une sorte de confirmation faite à voix haute, qui n'a aucun n'intérêt, ni pour Zephÿr, ni pour Johan. Pourtant, les mots se font entendre comme s'il ne pouvait pas les retenir. Ce qui est très certainement le cas, à l'instant même où il n'a pas la moindre idée de la réaction qu'il est censé avoir, de la réaction qui serait la plus adaptée. Pouvons-nous discuter en continuant la marche ? J'aimerais m'assurer que personne ne traîne dans les couloirs.
Sa voix est mesurée alors qu'il tente de ne pas montrer le tumulte qui l'habite. Il sait qu'il a mal choisi ses termes, il le sent. Mais il sait aussi que continuer sa ronde lui permettra d'éviter de fixer son frère droit dans les yeux, ce dont il est purement incapable pour le moment. Il s'attend à un refus net et précis, mais cela ne l'empêche pas d'inciter Zephÿr à avancer d'un bref mouvement de bras, comme s'il lui cédait le passage.
C’était compliqué. Vraiment compliqué. Au fil des années, il avait accumulé tellement de haine pour celui qui était parti sans même prévenir son propre frère. Il avait accumulé tellement de rancœur. Le voir ici, se la couler douce, le rendait complètement fou. S’il ne travaillait pas à Poudlard et tenait un minimum à son travail, il l’aurait sans doute tué. Tué puis enterré. Ce n’était pas l’envie qui lui manquait, pourtant. Au fond de lui, une petite voix lui ordonnait de se calmer et de persévérer. Il n’était juste pas d’humeur. Sa baguette, pointée sur Ludwig, ne bougeait pas. Elle aussi avait envie de lancer un très mauvais sortilège sur lui, mais Zephÿr résistait à la tentation. Tous ces jours passés à attendre les hiboux, avec une lettre de son frère. Tous ces mois passés à regarder les journaux, pour voir s’ils n’annonçaient pas des décès. Toutes ces années passées à espérer, pour rien, pour souffrir. Enfants, ils se bagarraient sans cesse. Ludwig avait été exécrable avec Zephÿr mais pourtant, celui-ci l’aimait d’un amour fraternel et avait tenté de lui montrer. Lors du départ de son grand-frère, le métamorphomage s’était retrouvé seul, livré à lui-même. Il avait perdu ses repères. Il avait tout subi, dans la solitude la plus complète, sans la personne qui comptait le plus à ses yeux.
Jamais il ne lui pardonnerait. « Le monde semble bien petit, pour que les deux Rosenberg de Poudlard ne soient nuls autres que nous deux. » Le garde-chasse n’eut aucune réaction. Il avait à peine entendu parler d’un autre Rosenberg, et ne s’était même pas informé. Il n’avait pas voulu savoir, il n’avait pas voulu espérer pour être déçu une énième fois. Il se retenait, avec la plus grande des forces. C’était trop douloureux. Il aurait préféré qu’il ne revienne pas, qu’il s’en aille pour toujours. Qu’il sorte de sa vie officiellement, qu’il sorte de ses pensées. Zephÿr avait le regard lourd, rempli de reproches. Si un regard pouvait tuer, Ludwig serait mort sur le coup et cela n’aurait pas dérangé l’homme aux cheveux colorés. Du moins, à ce moment précis. Ses cheveux étaient vifs, plus vifs que jamais et il espérait que personne ne passerait par ici, sinon il vivrait un très mauvais quart d’heure. La colère du métamorphomage est indomptable. Il veut se venger, il veut qu’il comprenne ses erreurs, il veut des excuses. Celles-ci ne serviront pas à effacer ces années d’attentes, pourtant. Le couloir était baigné de la lumière qui émanait de la lampe de Ludwig, le Lumos de Zephÿr s’étant annulé lorsqu’il avait pointé sa baguette sur son frère.
Il le regarde. « Pouvons-nous discuter en continuant la marche ? J'aimerais m'assurer que personne ne traîne dans les couloirs. » « Non, nous ne pouvons pas. » La voix de Zephÿr était plus grave que jamais. Il avait été ferme et espérait que son frère, pour sa propre sécurité, n’allait pas insister. Aujourd’hui, le garde-chasse ne se fera pas diriger par son frère. Aujourd’hui, le garde-chasse a des choses à régler, et Ludwig ne pourra pas y échapper, il ne le laissera pas faire. « Au diable, les élèves. C'est entre toi et moi. » Ce soir, ce n’était pas "Zephÿr et Ludwig contre le monde entier". C’était plutôt "Zephÿr et Ludwig contre le passé". Ce passé, qui rendait Zephÿr dans tous ses états. Il avait vécu dans la misère complète, alors que ça se trouve, son frangin se la coulait douce il ne savait-où. Il avait éprouvé une certaine jalousie à sa liberté auto-autorisée, dans le temps. Dès lors où, lui aussi, s’était enfuit de la maison, il avait regretté d’avoir été jaloux de si peu. Plusieurs fois, il avait failli retourner en Allemagne, mais il ne voulait pas. Il ne voulait plus. C’était du passé, du passé qu’il fallait faire resurgir à un moment où à un autre.
« Tout ce temps. » Zephÿr fit une pause, parce qu’il se contenait. « Tu pensais, Ludwig, que si l’on se reverrait un jour, j’allais t’accueillir les bras ouverts ? » Un rire sournois résonnait dans le couloir sombre, faisant écho avec le vent qui soufflait contre les fenêtres. Au moins, la présence de son frère à Poudlard allait pouvoir l’aider à mettre les choses au clair. « Tu n’es qu’un lâche, Ludwig Johannes Rosenberg. » L’Allemand n’avait pas cligné des yeux. Il fixait celui qu’il venait de traiter de lâche. C’était mérité, amplement, après toutes ces souffrances endurées. Sa baguette toujours pointée sur Ludwig, le bras de Zephÿr tremblait tellement il empoignait le bout de bois de toutes ses forces. « Je ne pourrais jamais, jamais te le pardonner. » Il criait presque et n’avait pas cité explicitement son départ. Il ne le voulait pas. Sa baguette crépitait, pointée sur l'homme en face lui. Sa longue cape noire jurait avec ses cheveux rouge sang, lui donnant une allure cadavérique. S’il avait été un vampire, il aurait déjà sauté sur sa proie.
Sans aucune surprise, donc. A l'instant même où il avait esquissé son geste, Johan savait qu'il ne serait d'aucune utilité et que son frère ne lâcherait pas prise. Il savait que ça se ferait là, maintenant et ici même et pour être honnête, ça l'angoisse un peu. Mais il n'a visiblement pas le choix. Au diable, les élèves. C'est entre toi et moi. Rapidement, ses muscles se tendent alors qu'il sent l'affrontement arriver, qu'il se prépare à entendre les mots qui vont, il le sait, le blesser. C'est leur but, après tout, non ? Plutôt que de s'échanger des sortilèges dont il pourrait se remettre, ce sont des termes qui lui resteront en tête, qui laisseront leur trace en lui, qu'il va recevoir. Il n'a pas hâte. Vraiment pas.
Tout ce temps. Tu pensais, Ludwig, que si l’on se reverrait un jour, j’allais t’accueillir les bras ouverts ? Il reste silencieux. Il le laisse faire, il le laisse dire. Il le connait, l'interrompre ne servirait à rien d'autre qu'à le rendre encore plus furieux. Tu n’es qu’un lâche, Ludwig Johannes Rosenberg. Tandis que Zephÿr tremble de plus en plus, Johannes gagne lui en colère. Lâche. Je ne pourrais jamais, jamais te le pardonner.
Alors que son frère lui jette ça à la figure, d'une voix tellement forte qu'il est clair qu'il lui parle désormais à coeur ouvert, blessé, meurtri, dix-huit ans après, le concierge ne peut empêcher un bref rire une pointe sarcastique. Il prend quelques secondes pour observer les cheveux rouges du garde-chasse, sa baguette qui n'attend qu'un mouvement pour agir, ses yeux qui lui lancent des dagues. Il s'attendait à beaucoup, mais un terme ne passe pas. Non, il ne peut pas l'écouter et ne pas réagir, pas avec ça.
Visiblement, tu as décidé de jouer la carte de la dure vérité, alors j'en ferai de même. Ce que je pensais ? Je pensais qu'on ne se reverrait pas, pas après tant de temps, et certainement pas ici. Alors la manière dont tu m'aurais reçu n'a simplement jamais été questionnée. Il ment, un peu. S'il avait peur de vérifier, c'est bien parce qu'il y avait cette éventualité qu'il s'agisse de lui, et il la redoutait. Mais de manière globale, le fait qu'ils se retrouvent après toutes ses années de silence semblait bien improbable. Un lâche, donc ? Et de quel acte de lâcheté m'accuses-tu, exactement ? Dis moi donc tout, Zephÿr Jules Rosenberg, dans sa colère, il le singe, moyen pour lui de se défouler sans perdre totalement le contrôle, alors que plus les mots lui échappent, plus il s'énerve, puisque tu sembles tellement au courant des choses que j'ai apparemment lâchement abandonnées. Mon dieu, les choses ont du être tellement dures pour toi, sans ce poids constant que j'étais sur tes épaules !
ll grimace un peu, conscient qu'il vient de laisser glisser une pensée qu'il a longtemps ressassée. Que crois-tu, exactement ? Que je serais resté là, sans rien dire, après avoir découvert qu'on m'avait menti toute ma vie ? Que j'aurais continué à faire comme si de rien n'était, alors que la jalousie rendait mon estomac acide à en souffrir ? Que j'aurais pu faire comme si de rien n'était ? Il n'a jamais s'agit de lâcheté, Zephÿr, mais simplement du minimum de respect que j'avais pour moi-même dans une situation où personne n'en avait visiblement pour moi. Mais vas-y, déteste moi, haïs moi, même. Maintenant, j'ai du travail, et toi aussi il me semble.
Il retient un « excuse-moi » alors qu'il passe à côté de son frère, le dos droit dans une tentative de le dominer un minimum en hauteur.
Il le savait, au fond de lui-même, mais lâcher autant de rancœur d’un seul coup lui avait fait un bien fou. Il aurait aimé faire ça, des années plus tôt, pour qu’il n’ait pas à le faire à un moment où il ne s’attendrait pas. Le pire dans tout ça, c’était qu’il avait dit le quart de ce qu’il avait imaginé dire à son frère lors de leurs possibles retrouvailles. Le temps qu’il a passé seul, à travailler dans les pires endroits inimaginables, imaginant le retour soudain d’un frère dont il commençait à oublier le visage. Il avait souffert. Malgré toutes leurs querelles, malgré toutes leurs disputes, il avait été son exemple. Maintenant, il avait sa baguette pointée sur Ludwig, prêt à se battre. « Visiblement, tu as décidé de jouer la carte de la dure vérité, alors j'en ferai de même. Ce que je pensais ? Je pensais qu'on ne se reverrait pas, pas après tant de temps, et certainement pas ici. Alors la manière dont tu m'aurais reçu n'a simplement jamais été questionnée. » Zephÿr fronça ses sourcils broussailleux. Oui, lui aussi n’imaginait pas qu’ils allaient se revoir, mais c’était récent. Depuis qu’il avait rejoint Poudlard, il avait décidé de tirer un trait sur son passé (ou presque) et d’oublier tout ce qui avait pu le faire souffrir. Dont le départ de son frère aîné. Mais pouvait-il comprendre ? Son frère était énervé, à son tour. Le métamorphomage l’observait. « Un lâche, donc ? Et de quel acte de lâcheté m'accuses-tu, exactement ? Dis-moi donc tout, Zephÿr Jules Rosenberg, puisque tu sembles tellement au courant des choses que j'ai apparemment lâchement abandonnées. Mon dieu, les choses ont dû être tellement dures pour toi, sans ce poids constant que j'étais sur tes épaules ! »
Le garde-chasse appréciait très peu le ton qu’avait employé Ludwig. Oh oui, il avait pesé sur ses épaules, autrefois. A cette époque, il en souffrait, mais c’était son frère. Son frère, son exemple, son mentor. Son départ avait été insoutenable pour lui, et il avait culpabilisé, pensant que c’était sa faute. C’était l’une des raisons de pourquoi il lui en voulait autant aujourd’hui. Il s’était senti abandonné, dans une famille aux mœurs dure et implacables. Zephÿr avait dû supporter une pression en plus. Il s’était senti trahi, abandonné, par l’une des seules personnes qui comptait pour lui. Ludwig ne pouvait pas comprendre. Il n’avait pas vécu les choses de la même façon, c’était une évidence. « Que crois-tu, exactement ? Que je serais resté là, sans rien dire, après avoir découvert qu'on m'avait menti toute ma vie ? Que j'aurais continué à faire comme si de rien n'était, alors que la jalousie rendait mon estomac acide à en souffrir ? Que j'aurais pu faire comme si de rien n'était ? Il n'a jamais s'agit de lâcheté, Zephÿr, mais simplement du minimum de respect que j'avais pour moi-même dans une situation où personne n'en avait visiblement pour moi. Mais vas-y, déteste-moi, haïs moi, même. Maintenant, j'ai du travail, et toi aussi il me semble. » Le métamorphomge haussa un sourcil, étonné. De quoi parlait-il ?
Zephÿr était consterné par une telle réponse. Il ne s'y attendait pas. Dans sa tête, il était le seul à avoir le droit de s'énerver. Il ne comprenait plus rien. Menti sur quoi ? Il était un peu perdu. Pourtant, sa baguette ne bougeait pas, toujours pointé sur son frère. Il le vit alors, passer à côté de lui, et il recula, instinctivement. Il ne le laisserait pas s’échapper. Le regardant partir, il ne disait plus rien. « Petrificus Totalus ! » Le sort atteignit Ludwig dans le dos. Le garde-chasse fit la grimace. C’était un peu lâche d’attaquer dans le dos, mais il n’avait pas forcément eu envie de lui courir après. Devant le corps figé de son frère, dans une position de marche, Zephÿr se mordit la lèvre. Zut, il avait un peu abusé. L’avantage de ce sort, c’était que même s’il ne peut plus bouger ni parler, son frère peut l’entendre et le voir. C’était donc parfait. « La nuit, j’ai très peu de travail, tu sais. Puis toi aussi. Vu ce que vit Poudlard ces derniers temps, peu sont les élèves à se balader dans les couloirs la nuit. » Bon d’accord, il en avait peut-être chopé un ou deux en même pas une semaine, mais ce n’était qu’un mensonge dérisoire. « Premièrement, j’ignore de quoi tu veux parler avec cette histoire de mensonge ou je ne sais quoi. » Il fit une pause, tout en tournant autour de Ludwig, regard braqué sur lui, clignant à peine les yeux. « Deuxièmement, lâche parce que tu es parti. Tu m’as laissé seul, à la merci de nos parents, qui n’ont pas hésité à pourrir mon existence un peu plus encore lorsque ils ont découvert ta fugue. » Il rangea sa baguette dans sa robe de sorcier, puis il s’approcha un peu plus de son frère, profitant de sa paralysie partielle. Il était presque calme, pourtant il bouillonnait à l’intérieur. « Tu étais mon exemple, la seule personne que j’avais près de moi, et tu t’es barré. Je t’ai cru mort. Un an après ton départ, je me suis barré moi aussi. Je t’ai cherché, en vain. J’estime que j’ai le droit d’être en colère contre toi. Tu m'as abandonné. »
Zephÿr recula, regardant son frère, immobile. « Finite Incantatem ». Délivré du sort, le métamorphomage espérait que son frère n’allait pas lui sauter dessus. Il voulait des explications, maintenant, tout de suite, pas dans trois mois. Il recula un peu plus encore et mis sa main dans sa poche pour toucher sa baguette. On ne sait jamais.
Il a fait une erreur, il le sait. Sous l'effet de la colère, et l'envie de s'éloigner rapidement de son frère, il a manqué de vigilance, ce qui lui retombe quasiment immédiatement dessus. Pourtant, Johan s'en doutait, c'est bien pour cette raison qu'il n'a pas tout de suite fuit le couloir : s'il faisait dos à Zephÿr, il le regretterait. Et au moment où le sort est lancé, il le regrette, largement. Ses membres se figent subitement et s'il pouvait jurer, il le ferait, mais sa mâchoire est complètement verrouillée, comme chaque partie de son corps, d'ailleurs.
La nuit, j’ai très peu de travail, tu sais. Puis toi aussi. Vu ce que vit Poudlard ces derniers temps, peu sont les élèves à se balader dans les couloirs la nuit. Mensonge, ils le savent tous les deux. Mais visiblement, ils mentiront tous deux à leur tour pour que les choses tournent comme ils le voudraient : Johannes pour que son frère ne comprenne pas qu'il redoutait leurs retrouvailles; Zephÿr pour que son aîné ne lui échappe pas. Même si, dans cet état, il en serait bien incapable.
Premièrement, j’ignore de quoi tu veux parler avec cette histoire de mensonge ou je ne sais quoi. S'il pouvait réagir, le concierge froncerait les sourcils. Là, tout ce qu'il peut faire, c'est ressentir le doute qui l'envahit en entendant ces mots. Bien sûr qu'il le sait, non ? Bien sûr qu'il voit de quoi il veut parler... Après tout ce temps, il doit forcément le savoir... C'est sûrement ça, c'est sûrement une manière de feindre la chose, pour tenter de réduire ses explications à néant, pour lui mettre tous les torts sur le dos... N'est-ce pas ? Deuxièmement, lâche parce que tu es parti. Tu m’as laissé seul, à la merci de nos parents, qui n’ont pas hésité à pourrir mon existence un peu plus encore lorsque ils ont découvert ta fugue. Lâche. Encore ce mot qu'il ressent comme une lame entre les côtes. Plus Zephÿr parle, moins il comprend. Pourquoi leurs parents auraient-ils un instant reporté la faute sur son cadet, après son départ ? Rien n'a de sens, sur l'instant, mais il ne peut pas interrompre son frère, forcé de le laisser vider son sac émotionnel. Au moins semble-t-il se contrôler un peu mieux, même si tout n'est que façade, sans aucun doute possible.
Tu étais mon exemple, la seule personne que j’avais près de moi, et tu t’es barré. Je t’ai cru mort. Un an après ton départ, je me suis barré moi aussi. Je t’ai cherché, en vain. J’estime que j’ai le droit d’être en colère contre toi. Tu m'as abandonné. Johannes est perdu, complètement. Il entend les mots, son cerveau les enregistre, mais est apparemment incapable de les analyser correctement. Il l'a cherché ? Il a fui ? Pourquoi ? Il n'arrive pas à saisir le sens de tout ça. Pendant un instant, sa respiration se coupe, sa vue se floute légèrement, son corps incapable de réagir correctement sous l'effet du sort et des émotions. Puis vient la délivrance tandis que Zephÿr s'éloigne doucement, ayant visiblement fini sa courte tirade. Finite Incantatem. Loin de s'y attendre, les genoux du concierge lâchent sous son poids quand l'emprise du sort se défait.
Merde. Je déteste ça. Il se sent presque nauséeux, une main sur le sol alors que l'autre tente de retenir la lanterne comme il le peut, pour éviter que le verre de la boîte ne se brise sur les pavés. Il prend quelques instants pour ressasser tout ça, tentant comme il le peut de trouver quoi dire, quoi faire.
Pourquoi... ? Pourquoi ton exemple ? Je n'ai jamais été... Je ne t'ai jamais donné une raison d'être un quelconque modèle pour toi, alors pourquoi ? Mon départ aurait dû être une bénédiction pour toi, le jour où tu étais enfin libre de tout ce que j'ai pu te faire endurer. Il le sait, il n'a jamais été question de cela quand il est parti, mais en y repensant, cela lui a toujours semblé être une évidence. Zephÿr aurait dû apprécier ne plus subir les preuves de jalousie de son aîné. Alors pourquoi tu m'as cherché ?
Il lève enfin la tête, perdu. Ca n'est pas toi que j'ai fui, Zephÿr. Ca ne l'a jamais été. Toi, je t'enviais, mais s'il n'avait s'agit que de cela, je serais surement resté des années à me retourner les tripes. C'est eux, que j'ai laissé derrière. Et ils n'auraient jamais dû lâcher leur haine sur toi. Mais suis-je vraiment surpris ?
Il les hait depuis ce jour. Il se doute bien que de nombreux enfants découvrent un jour que leurs parents ne sont pas leurs vrais parents, et que tous ne réagissent pas de cette manière. Mais quand il a tout appris, tout compris, il n'a jamais pu les voir comme avant.
Un peu seulement. Il ne fallait pas pousser mémé dans les orties non plus. Il trouvait qu’il avait été plutôt laxiste avec son frère. Il aurait pu lui faire mal, très mal et très facilement. De dos, c’était une cible facile. Il avait failli. Failli lui lancer un sort, mauvais. Pas le pire, non, mais lui faire rappeler que c’était lui la victime dans l’histoire. Le métamorphomage ne comprenait pas le ¾ des choses qui avaient été dites. Il regardait son frère tomber au sol, dès lors qu’il avait annulé le sort. « Merde. Je déteste ça. » Il eut un rictus amusé. Bon, au moins, il l’avait un tout petit peu touché. Il recula, s’empêchant de l’aider à se relever. Il n’en avait pas envie, mais c’était instinctif, ce genre de choses. Il avait lâché tellement de choses, précédemment. Pas tout, non, pas tout. Il y avait tant de choses à dire, à lui reprocher. A trente-cinq ans, il venait à peine de commencer à mettre des mots sur tant de peine enfouie, de tant de souffrance. Oh, cette souffrance n’était plus réellement d’actualité, mais il arrivait qu’il y repense. Il sait que ce départ l’a profondément marqué. Tant de choses se sont passées depuis que Ludwig avait fui. Trop de choses. Il avait manqué à sa vie. Et maintenant, il était au sol, devant lui. « Pourquoi... ? Pourquoi ton exemple ? Je n'ai jamais été... Je ne t'ai jamais donné une raison d'être un quelconque modèle pour toi, alors pourquoi ? Mon départ aurait dû être une bénédiction pour toi, le jour où tu étais enfin libre de tout ce que j'ai pu te faire endurer. »
Zephÿr soupira, agacé. Comprenait-il vraiment les choses ? Peut-être pas. Le garde-chasse s’en foutait un peu, quoi qu’il eût envie de lui faire comprendre. Ses pensées contradictoires le rendaient dingue. Il ne savait plus s’il avait envie de le tabasser comme jamais ou de parler tranquillement. Il ne savait plus s’il avait envie de parler avec lui calmement ou de hurler. Il tentait de se calmer, doucement. Son départ avait été une véritable souffrance. Il ne tenait les cours de ses parents uniquement grâce à lui, mais jamais il ne s’était rendu compte. Sa jalousie rythmait ses journées, il s’était habitué, il y avait pris goût. Malsain. « Alors pourquoi tu m'as cherché ? » Le métamorphomage s’empêcha de lui dire d’aller se faire foutre. Il était bouché ou quoi ? Il faisait exprès, ce n’était plus possible à ce stade. C’était pourtant évident, à ses yeux. A 17 ans, on voit son frère partir, sans rien dire, sans prévenir. A 18 ans, on en profite pour se barrer et pour aller chercher celui qui rythmait ses journées. Il fixait Ludwig, qui leva la tête. « Ça n'est pas toi que j'ai fui, Zephÿr. Ça ne l'a jamais été. Toi, je t'enviais, mais s'il n'avait s'agit que de cela, je serais surement resté des années à me retourner les tripes. C'est eux, que j'ai laissé derrière. Et ils n'auraient jamais dû lâcher leur haine sur toi. Mais suis-je vraiment surpris ? » Les cheveux de l’homme à l’allure droite et menaçante rougirent, encore un peu plus. Il n’en pouvait plus de ces énigmes dans ses phrases. C’était fatiguant, lassant, inutile. Il détestait ça. Il détestait ces conversations sans aucun sens, sans aucun but.
Le garde-chasse s’approcha de celui qu’il avait tenté d’oublier. Il s’approcha, mais pas trop. Il ne l’aida pas à se lever. Il se l’interdisait. Il ne le méritait pas. « Putain, Ludwig. » Il se retenait d’insérer quelques insultes à son égard, par simple respect pour lui-même. Il n’aurait sans doute pas mâché ses mots. Il ne le voulait pas. « La solitude. » Ses yeux d’un marron-vert clair fixaient ceux de l’homme au sol, comme à sa merci. « Je suis resté seul. Longtemps. Trop longtemps. Quand tu es parti, j’ai cru qu’on arrachait une partie de moi. Tu ne te rends même pas compte. » Zephÿr commença à marcher autour de son frère, pour réfléchir à ses mots, ou pas d’ailleurs. Cela lui donnait une allure de leader, de dominant, involontairement. Volontairement. Il regardait au sol, main sur le menton. « Nos disputes, c’était des trucs de gamin. Je le savais, et je jouais aussi avec ça. Même si j’étais, au final, agacé. Ta jalousie, je ne l’ai jamais comprise. Ce don, c’était une malédiction pour moi. Et parfois, ça l’est encore. » C’était à moitié vrai. Son don avait été l’un de ses plus gros problèmes. Pour l’apprentissage, tout d’abord, qu’il avait arrêté beaucoup trop tôt. Son don se retrouvait incomplet. De plus, cela avait été compliqué pour lui après son propre départ, notamment pour trouver un travail dans le monde des moldus. Il en avait souffert.
« Je t’ai cherché parce que je pensais que l’on allait pouvoir se retrouver, sombre crétin ! » Il avait crié. C’était sorti du cœur, du fond de son âme. « Dès que j’ai compris que tu ne donnais plus aucun signe de vie nulle part, je t’ai détesté encore plus. Je ne suis pas l’égoïste, dans l’histoire. Tu n’as pensé qu’à toi, quand tu es parti. Je n’étais plus rien. » Il fit une pause, reprenant son souffle. Il se racla la gorge. Sa colère ressortait, ses traits étaient durement marqués. Il n’était plus lui-même. Il n’avait plus aucun contrôle. Il se perdait de nouveau dans la démence de son courroux. « Tu m’enviais pour quoi, putain ? Tu m’enviais encore quand tu as fugué ? Quand tu m’as laissé être leur seul pantin ? Tu sais comment j’en ai chié avec cette magie noire qui imprégnait mon corps un peu plus chaque jour ? J’ai cru mourir. » Désormais derrière lui, le métamorphomage regardait son frère, toujours au sol. Faible, désarmé, impuissant. « Tu mériterais que je t’initie aux merveilleuses choses que l’on a pu m’apprendre quand tu n’étais pas là. » Ironique. C’était comme ça qu’il fonctionnait, qu’il arrivait à ses fins. « Tu n’es pas surpris, mais tu n’as rien fait. Tu étais tranquille, je ne sais où. Tandis que moi, j’étais coincé dans le manoir, comme un animal. » Il ne s’arrêtait plus. Il avait envie de parler, parler, parler, lâcher toute sa haine, toutes ces années de souffrances, tout. Il s’approcha, se remettant devant lui, le fixant de nouveau. « Tu ne peux pas comprendre. La vie que j’ai menée après ton départ et jusqu’à aujourd’hui, tu n’y aurais pas survécu, Ludwig. » Zephÿr termina ainsi cette longue tirade qui pouvait durer des heures. Il reprenait sa respiration, son visage s’alliant parfaitement avec la couleur de ses cheveux. Rien ne pourrait lui faire oublier ces années. Il ne pouvait pas comprendre, ou alors il ne le voulait pas. Le garde-chasse était fatigué. Fatigué de toujours se battre pour obtenir des réponses. Fatigué de vivre cette vie. Il considérait qu’il n’avait rien fait pour mériter toute cette souffrance et tous ces problèmes. Pourtant, il n’y pouvait rien. Il jura intérieurement, s’imaginant qui pouvait bien supporter tout ça. Les fous, sans aucun doute. Il était fou, dingue, timbré.
Putain, Ludwig. La solitude. Je suis resté seul. Longtemps. Trop longtemps. Quand tu es parti, j’ai cru qu’on arrachait une partie de moi. Tu ne te rends même pas compte. Non, il ne se rend pas compte. Pas une seule seconde. Parce que pour lui, une telle chose est improbable, aberrante. Il a été odieux, virulent dans ses mots et ses actes, d'une stupidité incroyable et en y repensant, il est certain qu'il n'aurait lui-même que haine pour une personne du genre. Nos disputes, c’était des trucs de gamin. Je le savais, et je jouais aussi avec ça. Même si j’étais, au final, agacé. Ta jalousie, je ne l’ai jamais comprise. Ce don, c’était une malédiction pour moi. Et parfois, ça l’est encore. C'est là qu'il comprend là où ça cloche, là où les choses sont vues différemment par les deux. Pour Zephÿr, tout cela n'était que des disputes d'enfant. Rien d'important. Rien qui pouvait le fair haïr son frère, comme Johan s'y attendait. Oh, le cadet le hait, mais pas pour les raisons qu'il croyait. Alors que lui. Lui, il sait que tout ça n'a jamais été enfantin, n'a jamais été que « des trucs de gamins ». C'était le contenu de ses tripes, c'était sa bile, c'était sa jalousie et son envie. Et si Zephÿr ne l'a jamais comprise, il ne la comprendrait surement jamais. Mais il fallait s'y attendre, à ce genre d'incompréhension, quand l'un a un don qu'il déteste, et l'autre ne possède rien et se sent lésé.
Je t’ai cherché parce que je pensais que l’on allait pouvoir se retrouver, sombre crétin ! Dès que j’ai compris que tu ne donnais plus aucun signe de vie nulle part, je t’ai détesté encore plus. Je ne suis pas l’égoïste, dans l’histoire. Tu n’as pensé qu’à toi, quand tu es parti. Je n’étais plus rien. Le concierge reste au sol tandis que son cadet répand le contenu de son coeur en criant, les mots résonnant dans les couloirs. A ce rythme, ils vont finir par rameuter du monde, mais à cet instant, c'est bien la dernière chose à laquelle Johan pense. Là, il a comme l'impression qu'il marque un point : il n'a pensé qu'à lui. A personne d'autre. Parce que pour lui, il était désormais seul, alors à quoi bon se donner la peine ? Quelle nécessité y avait-il à s'inquiéter pour qui que ce soit ? Dans son esprit, la réponse était toute faite, à l'époque : Aucune. Tu m’enviais pour quoi, putain ? Tu m’enviais encore quand tu as fugué ? Quand tu m’as laissé être leur seul pantin ? Tu sais comment j’en ai chié avec cette magie noire qui imprégnait mon corps un peu plus chaque jour ? J’ai cru mourir. Johannes tremble légèrement à l'évocation de la magie noire, que leurs parents avaient commencé à leur enseigner avant leur départ. A l'époque, il avait apprécié toucher du doigt tout ce qui aurait pu lui permettre d'être un peu plus puissant, un peu plus spécial. Mais avec son départ, il a tout laissé derrière lui, et la magie noire ne semble désormais être qu'un vague souvenir. Pour lui. Pas pour Zephÿr qui semble visiblement en avoir souffert. Et alors qu'il cherchait un allié, lui n'était pas là. Lui avait... Avait fui. Bon sang. Il serre les points, le métal de la lanterne creusant l'une de ses paumes alors qu'il se redresse un peu. Tu mériterais que je t’initie aux merveilleuses choses que l’on a pu m’apprendre quand tu n’étais pas là.
Alors que jusque là, Johannes commençait à comprendre le point de vue de son frère, ces mots-là passent difficilement. Arrête... Sa voix est faible, à peine plus haute qu'un murmure. Les émotions se bousculent et nouent sa gorge, rendant l'acte compliqué et presque douloureux. Ou bien est-ce dans sa tête ? Tu n’es pas surpris, mais tu n’as rien fait. Tu étais tranquille, je ne sais où. Tandis que moi, j’étais coincé dans le manoir, comme un animal. Arrête. Un peu plus fort, cette fois. Il commence à se relever alors que Zephÿr se plante de nouveau devant lui. Tu ne peux pas comprendre. La vie que j’ai menée après ton départ et jusqu’à aujourd’hui, tu n’y aurais pas survécu, Ludwig. CA SUFFIT, ZEPHŸR !
Il est désormais debout, toisant presque son frère de sa hauteur, les épaules relevées et les traits tirés par la colère. Cesse donc de me blâmer pour tout ça ! Oui, je suis parti et oui, le comportement des parents à ton égard est donc de ma faute, mais tu te trompes grandement si tu penses qu'en ma présence, tu aurais échappé à tout ça ! Et encore plus si tu penses qu'à l'époque, je t'aurais été d'un quelconque soutien ! Il réalise à peine ce qu'il dit, blessé, agacé. Et tous les choix, ton départ et ta vie après ça, je n'y suis pour rien ! Je n'en suis pas responsable ! Alors cesse de tout me mettre sur le dos et assume tes décisions ! Que crois-tu, que la vie s'est acharnée sur toi et a laissé tous les autres indemnes ?! Il se rapproche un peu plus, ses pieds à à peine quelques centimètres de ceux du garde-chasse. Je ne connais pas ta vie et peut-être bien que je n'y aurais pas survécu, en effet, puisque je n'en sais rien ! Mais tu ignores tout de la mienne, alors cesse de croire que tu connais tout mieux que tout le monde et que tout a été facile pour moi, parce qu'aucune de ces deux choses n'est vraie !
Ils sont tous les deux là, à se faire face l'un l'autre, la peau rouge de rage et d'avoir crié, sans considération aucune pour les autres habitants du château. Tu ne peux pas tout me reprocher. Tu l'as dit toi-même, ma jalousie, tu ne peux pas la comprendre, tout comme je ne comprendrais visiblement jamais comment tu pouvais bien considérer ça comme des disputes d'enfants et ne pas vouloir me tuer dans mon sommeil. Malgré ça, je ne peux pas te laisser me donner tous les torts, comme si subitement j'avais décidé que l'herbe était plus verte ailleurs. Mais peut-être que vous avez ça dans le sang, toi et eux. A penser que le problème vient forcément de moi, de toi, de nous deux, et non pas de l'intérieur, de cette famille. Sa voix est plus posée que précédemment, mais terriblement froide, alors qu'il ne lâche pas le regard de Zephÿr un instant, les muscles tendus et les mâchoires serrées.
Il criait parce qu’il en avait marre. Marre que tout se répète. Il s’en fichait, de tous ces gens qui dormaient. Ce n’était pas important. Ce n’était pas important par rapport à sa vie à lui. Sa vie dans laquelle il attendait beaucoup de réponses. Beaucoup trop de réponses de celui qui était en face de lui. Jamais il n’aurait toutes les réponses, il le savait. Il en comptait pas les poser immédiatement. Il le ferait attendre. Il le ferait attendre comme lui l’a fait attendre. Aussi longtemps qu’il tiendrait ; il l’espérait. Se connaissant, il espérait pour rien. Leur querelle actuelle lui faisait penser à celles d’antan. Celle-ci, pourtant, était fondée sur quelque chose de concret, donc elle n’avait rien à voir dans le fond. Le garde-chasse voyait les choses de façon tellement négative. Il voyait les choses à travers sa haine et son profond dégoût pour cet abandon qui l’avait fait tant souffrir. Il ne pouvait plus s’arrêter de crier, il crierait donc jusqu’au bout de la nuit s’il le fallait. Ludwig ne serait pas celui qui crierait le plus fort. C’était son droit. Pas le sien. Il n’avait pas le droit d’être en colère. Lui, si. Zephÿr avait entendu son frère parler, un peu plus fort encore, alors qu’il déballait sa haine contre lui. Puis, il l’entendit, encore plus fort. « ÇA SUFFIT, ZEPHŸR ! » Il hésite à sauter sur lui, et à le frapper en plein visage. Il fit un pas, hésitant, mais ne fit rien. Pas maintenant. Il devait lutter, se contenir. Son frère est debout, face à lui. Ils se regardent, tous les deux victimes de leur colère incontrôlable. « Cesse donc de me blâmer pour tout ça ! Oui, je suis parti et oui, le comportement des parents à ton égard est donc de ma faute, mais tu te trompes grandement si tu penses qu'en ma présence, tu aurais échappé à tout ça ! Et encore plus si tu penses qu'à l'époque, je t'aurais été d'un quelconque soutien ! »
Zephÿr s’empêcha de taper sa main contre son visage, complètement désespéré par Ludwig. Il avait donc préféré partir, alors qu’à deux, les choses sont moins lourdes. Il avait donc préféré partir, alors qu’on est censé aider son frère et pas l’abandonner lâchement. C’était illogique, incompréhensible, bête. Un soutien, il n’en cherchait pas vraiment. En vérité, il avait considéré que c’était injuste, à l’époque. Il avait considéré que cela ne se faisait pas, que l’autre se soit barré alors que lui était encore là. Il l’avait mal vécu. Sa haine était partie de là. « Et tous les choix, ton départ et ta vie après ça, je n'y suis pour rien ! Je n'en suis pas responsable ! Alors cesse de tout me mettre sur le dos et assume tes décisions ! Que crois-tu, que la vie s'est acharnée sur toi et a laissé tous les autres indemnes ?! » Ce n’était pas un concours, mais oui, Zephÿr avait envie de lui hurler à la figure que oui. Il se demandait quelle réaction aurait son frère s’il apprenait qu’il avait été agent-double pour l’Ordre et pour les Mangemorts. Il se demandai s’il aurait peur, ou s’il s’en ficherait complètement. Pourtant, il décida de se taire, à ce propos. Il était trop tôt pour qu’il raconte sa propre vie. Le métamorphomage le voit s’approcher, de très près, mais il ne recula pas. Il espérait qu’il sentirait l’odeur du danger, près de lui, parce qu’il était prêt à mordre. « Je ne connais pas ta vie et peut-être bien que je n'y aurais pas survécu, en effet, puisque je n'en sais rien ! Mais tu ignores tout de la mienne, alors cesse de croire que tu connais tout mieux que tout le monde et que tout a été facile pour moi, parce qu'aucune de ces deux choses n'est vraie ! » Zephÿr ne pouvait pas imaginer autre chose qu’une vie pleine de joie, avec des beaux jours, pour son frère. Il s’était imaginé ça pendant tellement d’années que c’était ancré dans son esprit et qu’il ne pouvait s’en défaire. Pas immédiatement, en tout cas. Il s’était toujours apitoyé sur son sort, mais jamais n’avait imaginé que son frère puisse avoir une vécu une vie compliquée, comme la sienne. Il avait détesté toutes ces années passées. Il commençait à peine à voir les choses autrement, mais c’était trop dur.
« Tu ne peux pas tout me reprocher. Tu l'as dit toi-même, ma jalousie, tu ne peux pas la comprendre, tout comme je ne comprendrais visiblement jamais comment tu pouvais bien considérer ça comme des disputes d'enfants et ne pas vouloir me tuer dans mon sommeil. Malgré ça, je ne peux pas te laisser me donner tous les torts, comme si subitement j'avais décidé que l'herbe était plus verte ailleurs. Mais peut-être que vous avez ça dans le sang, toi et eux. A penser que le problème vient forcément de moi, de toi, de nous deux, et non pas de l'intérieur, de cette famille. » Les deux hommes se faisaient face, Ludwig dépassant Zephÿr de quelques centimètres. Ce dernier l’écoutait à peine, tellement sa colère l’avait complètement envahi. Il s’empêchait de lui donner un coup de tête, tellement ils étaient proches. Son regard était froid. Soudainement, il retira les mains de ses poches et d’un mouvement rempli de violence, il poussa celui qu’il avait considéré comme son frère, mais pas au point qu’il chute au sol. « Recule, Ludwig. » Il voulait être le meneur. Celui qu’on écoutait, celui qui disait les choses. Pas l’inverse. Il est froid, distant, loin. Il n’est plus lui-même. C’est à peine s’il avait pris en considération les dires de Ludwig. Il était bouillonnant, bouillonnant de colère et de dégoût. Au fil de leur conversation, tout s’était intensifié chez lui. « Je pourrais te tuer si je le voulais. Je me retiens. » Il avait gardé des mauvaises habitudes, de son passé d’agent-double. Les menaces, et souvent, le passage à l’acte. Il ne fallait pas. Il l’avait à peine poussé qu’il sentait l’adrénaline monter en lui. Respirer. Zephÿr se retourna, massant ses mains qu’il tentait de contrôler. Personne ne pouvait plus rien faire pour lui. Son visage, aussi rouge que ses cheveux, était dur, les traits encore plus tirés qu’auparavant. La magie n’existait plus dans son esprit, et il savait qu’il risquait de mettre en pratique cette violence qui le caractérisait désormais. Quand il vivait dans le monde moldu, il avait appris énormément de choses. Beaucoup de choses. De la violence, oui. La violence des rues, la violence de la vie. Il avait forgé ce fardeau. « Mon premier but quand je suis parti, c’était de te chercher. De te chercher et de te trouver. Le deuxième, c’était de quitter ce quotidien qui me tuait, à petits feux. Mais ça, pour toi, ça semble dérisoire. Je ne comprends même pas ce qui te donne le droit de crier, toi aussi. » Ce fut le seul commentaire qu'il fit quant aux dires de Ludwig.
Le métamorphomage se retourna vers son frère, et s’approcha, doucement, très lentement, trop lentement. « Tu sais, j’ai attendu ce moment pendant des années. Ce moment où je pourrais enfin te dire tes vérités. Pourtant, tu n’as encore rien entendu. Je ne suis pas satisfait. » Il s’arrêta, à quelques mètres de Ludwig, le regard amusé. « Je ne suis plus le faible dans l’histoire. Et je ne le serais plus jamais. Plus avec toi. » Alors, comme aux premiers abords de leurs « retrouvailles », Zephÿr s’arma de sa baguette et la pointa vers son frère. Il n’était plus maître de rien et laissait ses sentiments prendre le dessus. Il retira sa cape, dévoilant son cou pâle, laissant paraître ses veines. Quand il était lui-même, il avait souvent pensé à aller consulter quand même. Ces crises de colères étaient incontrôlables. Il ne fallait pas s’étonner si, un jour, il en venait à tuer quelqu’un pour de bon. Pourtant, il n’avait jamais tué grand monde lors de son rôle d’agent-double, simplement parce qu’il était humain et qu’il ressentait. Ressentait.
Les mains de Zephÿr sur son torse alors qu'il le repousse sont le premier contact qu'ils ont en dix-huit ans. Dix-huit ans, et la première fois qu'ils se touchent n'est pas pour des embrassades, des gestes rassurés, ni quoi que ce soit de positif. C'est l'expression d'une colère qu'on peine à maîtriser, c'est le symbole d'une lutte pour le contrôle entre deux hommes qui s'engagent dans ce qui semble être un dialogue de sourds. L'un fou de rage, l'autre le devenant. Si la colère ne prenait pas déjà toute la place possible dans sa poitrine, il est certain qu'il en tirerait une certaine tristesse. Recule, Ludwig. Je pourrais te tuer si je le voulais. Je me retiens. Encore ce sentiment. Encore cette impression de claque dans le visage, de coup de poing dans le ventre. C'est la première fois. La première fois qu'il entend son frère, son petit frère, lâcher ce genre de mots avec tout le sérieux du monde. Il pourrait. Il en est convaincu. Et quelque part, Johan en est convaincu aussi. Des choses horribles, ils s'en sont dites. Surtout lui, en fait. Lui, il s'est lâché, quand il était petit, avec une quantité de venin incroyable. Mais ça. Ça, c'est bien différent. Ça n'a rien à voir. Ça glace l'ambiance déjà froide alors que le silence retombe un instant, l'un tournant son dos à l'autre. Il pourrait agir. Avoir la même réaction que Zephÿr un peu plus tôt, puis le laisser là et couper court à tout ça. Mais il n'en fait rien, sa baguette toujours rangée.
Mon premier but quand je suis parti, c’était de te chercher. De te chercher et de te trouver. Le deuxième, c’était de quitter ce quotidien qui me tuait, à petits feux. Mais ça, pour toi, ça semble dérisoire. Je ne comprends même pas ce qui te donne le droit de crier, toi aussi. Comment est-ce que ça aurait pu lui sembler dérisoire ? Zephÿr semblait l'entendre, mais pas l'écouter. Il se contentait de lui jeter sa haine au visage et Johannes compris à cet instant même que, quoi qu'il dirait, ça ne serait d'aucune utilité. Pas tant que son cadet n'aurait pas fini. Pas tant qu'il n'aurait pas tout dit. Le concierge pouvait s’époumoner autant qu'il le voulait, ce serait en vain. Tu sais, j’ai attendu ce moment pendant des années. Ce moment où je pourrais enfin te dire tes vérités. Pourtant, tu n’as encore rien entendu. Je ne suis pas satisfait. Aussi rapidement qu'il le pense, le garde-chasse confirme ses impressions, se rapprochant à la manière d'un chasseur qui va bientôt tomber sur sa proie. Il ignore ce que son frère tente de faire en agissant ainsi : est-il censé ressentir de la peur ? Est-il censé se sentir menacé ? Ces deux sentiments, à force de faire face à plus d'un genre de bête, il a appris à les contrôler un minimum. Johannes se contente de rester droit, suivant du regard chacun des mouvements de Zephÿr alors que celui-ci semble se préparer au duel. Sa cape tombe sur le sol et enfin, Johan s'autorise des paroles, des gestes. Lentement, il pose sa lanterne sur le sol, l'éclairage de la scène changeant subitement.
Je sais bien que tu ne comprends pas. Et malgré ce que tu penses, ce dont tu es persuadé, tout ce que tu lances n'est pas constitué que de vérités. Alors, à quoi rime tout cela ? Si tu penses que je vais rester là, à te laisser me crier dessus toutes tes impressions sans fondement, tu te trompes. Cette conversation, Zephÿr, elle ne sert à rien. Elle ne sert à rien, parce que tu ne fais que vider ton sac, sans même considérer ce que je peux bien tenter de t'expliquer. Alors au point où nous en sommes, puisque je suis déjà complètement coupable à tes yeux... Johan se rapproche de quelques pas sans ciller, sans un signe d'hésitation. Vas-y, tue-moi. Puisque tu me hais tellement, pourquoi est-ce que tu te retiens ?
Il les avait entendu. Ses cris, ce brouhaha sortit du tréfonds de l'obscurité. Ses doigts cramponnés à la lanterne, Salem rodait dans les couloirs. Pourquoi ? Rien de spécial. Il s'ennuyait et, il n'avait pas envie de s'enfermer dans ses appartements. Il voulait profiter des chaînes en moins sur ses poignets et de la possibilité d'aller où on le souhaite. Ce n'était pas du tout son chemin de base. Après tout, il voulait se rendre à la bibliothèques. Mais, il se pourrait qu'au détour d'un escalier capricieux, il se soit perdu. La fatigue était présente, les couloirs se ressemblaient tous... De quoi justifier une petite faute d'attention. Mais, dès lors qu'il avait entendu cette voix familière haussait le ton, Salem avait hésité. Il l'entendait régulièrement, il le voyait également aussi. Les deux frères ont changés, en bon ou en mauvais, il n'était pas le mieux placé pour juger. Il aurait pu les aider. Puis, le professeur s'était rappelé du gars paumé parmi les corbeaux. Salem aurait préféré le retrouver dans un meilleur endroit que celui de la magie noire et des serpents siffleurs. Toute cette nervosité lui montait à la tête, à tel point que le premier reflex qu'il ait eu pour se réveiller, c'est de se mordre le bras où demeurait la marque. Un effet plus ou moins efficace puisqu'une fois fait, il était repartit. Il avait fais quelques pas à l'opposé de la dispute puis, en entendant de nouveaux celles-ci, il avait fais demi-tour. Ça allait dégénérer, il le sentait venir. Pourtant, pour raison de discrétion, ses pas continuaient de demeurer silencieux, n'ayant aucuns mal à écouter dans un coin de mur. La conversation semblait électrique puis, elle s'était couverte d'un voile de froid. Oppressant, la même sensation qu'il avait eu lors des séances d'interrogatoires. D'abord siffler les menaces et ensuite, les coups pour déterrer l'être de la peur. Salem avait jeté un coup d’œil, voyant Zephÿr sortit sa baguette et enlever sa cape. De l'autre côté, Johannes bouillonnait de colère également. Il fallait agir, rapidement. Salem analysait la situation. Pour le moment, le réel danger qu'était présent et armé, c'était le rouge qui ne semblait plus rien contrôler. Le premier à s'occuper donc. Sa baguette avait glissé en dehors de sa manche, pointant celle-ci en direction de celle de Zephÿr. « Expelliarmus ». La voix de Salem avait retentit, brisant ainsi le silence dans lequel il s'était muré depuis son arrivé. Une voix rauque, grondante et qui pourtant avait une tristesse profondément cachée. Une fois le premier désarmée, le reflex des arrestations était revenu en pointant directement Johannes de sa baguette pour s'assurer qu'il ne fasse pas une chose stupide. Si ce n'est pas trop demander bien sûr.
« Non mais regardez-vous... Deux grands cons en train de se disputer au beau milieu des couloirs et pas un seul qui sort du lot. Arrêtez de gueuler ». Calme et posé, Salem avait de nouveau cette attitude qui lui avait permis de rester serein en toutes circonstance. Gardant tout de même cette méfiance, il avait échangé les positions entre sa baguette et son regard, l'inversant entre les deux frères. Que c'était triste dans arriver là, décidément, il ne pouvait pas s'empêcher de le penser ainsi. Le professeur avait fais un pas de côté, s'approchant en se mettant entre les deux. Impossible à prévoir ce que l'un ou l'autre ferra alors, il préférait se montrer prudent et ainsi, couvrir d'un assaut. Il ne savait pas trop quoi leur dire, l'un comme l'autre étant en faute. Mais la violence de Zephÿr était totalement injustifiée. « Ça vous dirait de … Je sais pas, vous calmez et discuter posément entre vous. C'est une proposition comme une autre. ». Salem avait simplement haussé les épaules. Il n'avait fais que suggérer un plan un peu plus réussi et sympathique que le second mais, auquel cas, il ne les laissera pas faire.
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Zephÿr Rosenberg
Consumed by the shadows
Maison/Métier : Garde-chasse. Célébrité : Gerard Way. Pseudo : from the morgue Âge : 26 Parchemins : 1194 Gallions : 1649 Date d'inscription : 06/02/2017
Zephÿr le savait, jamais il ne pourrait contrôler la colère qu’il a en lui, enfouie. Il avait tenté, il avait échoué. Alors, tant pis. Il ne pouvait plus rien contenir, et sa seule envie était de se venger, d’une vengeance mauvaise et sournoise. Plus rien avait plus d’importance que sa colère. Cette colère qui faisait de lui l’homme qu’il était aujourd’hui. Il y avait, en lui, cette douleur qu’il n’arrivait pas à exprimer comme il l’avait imaginé. C’était l’une des pires soirées possibles qu’il avait pu passer dans cette école moisie où il avait mis les pieds pour ce gosse. Il était fatigué. Fatigué de crier devant cet homme, qu’il avait tant attendu mais qui n’était jamais venu. Jamais venu, volontairement. Jamais venu lui dire que tout allait bien pour lui. Jamais un bonjour, un bonsoir. Le métamorphomage avait perçu son frère comme un véritable fantôme, qui s’en va et ne reviendrait que quand cela lui chanterait. Il avait fallu que quinze années passent. Quinze. Il était parti trop longtemps, ce fantôme. Trop longtemps pour Zephÿr, qui n’avait pas supporté l’abandon. Il hésitait à donner un coup de pied dans la cape, au sol, mais savait que cela ne servirait plus à rien. Il regarde son frère, poser la lanterne. « Je sais bien que tu ne comprends pas. Et malgré ce que tu penses, ce dont tu es persuadé, tout ce que tu lances n'est pas constitué que de vérités. Alors, à quoi rime tout cela ? Si tu penses que je vais rester là, à te laisser me crier dessus toutes tes impressions sans fondement, tu te trompes. Cette conversation, Zephÿr, elle ne sert à rien. Elle ne sert à rien, parce que tu ne fais que vider ton sac, sans même considérer ce que je peux bien tenter de t'expliquer. Alors au point où nous en sommes, puisque je suis déjà complètement coupable à tes yeux... » Zephÿr ne bouge pas, alors que Ludwig s’approche de lui, un peu trop près à son goût. Sa baguette est toujours levée, prête à lancer un sort, mais elle est pointée vers le vide. « Vas-y, tue-moi. Puisque tu me hais tellement, pourquoi est-ce que tu te retiens ? »
En vérité, rien ne le retenait. Absolument rien. Le garde-chasse avait fermé son esprit aux pensées logiques et raisonnables pour laisser place à sa haine. Pourtant, son subconscient l’empêchait d’agir, l’empêchait d’aller détruire son frère, son sang, comme il avait imaginé le faire. Il le considérait coupable de sa situation, de tout. Peut-être que s’il ne s’était pas barré comme un voyou, Zephÿr n’aurait pas vécu toutes les choses qui font de lui un être à part, un être détruit par son passé et par ses souvenirs. Il a un mouvement de recul. « Espèce de… » Sa baguette était prête à lancer un sort, n'importe lequel, tant qu'il faisait souffrir. Il recula, pointa le bout de bois de nouveau et s'apprêta à lancer un sortilège. « Expelliarmus. » Complètement déconcerté, Zephÿr n'avait pas eu le temps de réagir que sa baguette roula aur sol, dans un bruit strident. Il se retourna alors, de rage. Il vit un homme, pas si grand que ça, sa baguette pointée sur Johannes. Bizarrement, son visage lui était familier mais impossible de se souvenir où il avait pu le voir. Le métamorphomage avait une très mauvaise mémoire des gens. « Non mais regardez-vous... Deux grands cons en train de se disputer au beau milieu des couloirs et pas un seul qui sort du lot. Arrêtez de gueuler »
Là, Zephÿr luttait pour éviter de foutre un point à cet importuné qui l'avait désarmé. De quel droit s’immisçait-t-il dans des histoires qui ne le concernait pas ? De plus, il trouvait le château assez grand pour que les élèves ne puissent pas les entendre. « Ça vous dirait de … Je sais pas, vous calmez et discuter posément entre vous. C'est une proposition comme une autre. » Le métamorphomage pétait un câble, tout bouillonnait. Il s'approcha de l'homme qui avait interrompu la dispute, ignorant Ludwig et ses dires. Il remontait les manches de sa chemise. « Personne n'a demandé ton avis. Donc, ferme ta gueule. » On pouvait voir les veines sur le visage de Zephÿr, et entendre sa respiration haletante. Il était en pleine crise, et rien ne pourrait l'arrêter, surtout pas un pauvre con qui se permet de se ramener comme ça. Ignorant désormais la présence de ce dernier, le garde-chasse se reconcentra sur son frère. Il se retourna et se rapprocha de nouveau de lui. « Tu sais, un jour, on terminera cette discussion, et pour de bon. » Son ton était froid, dur, sans émotion ; on entendait juste que sa respiration était dans tous ses états. « Je n'en ai pas terminé avec toi, le lâche. Tu n'as pas encore tout vu. »
Zephÿr se retourna, ramassa sa cape et sa baguette, qu'il rangea soigneusement dans sa poche. Cette conversation aurait pu durer longtemps, encore, très longtemps. Mais il détestait être arrêté dans son élan. Il partait, n'ayant dit que la moitié de tout ce qu'il avait sur le coeur. Le métamorphomage était fatigué. Il lança un regard plein de reproche et de froideur à Ludwig, et fit de même avec le connard qui était venu tout gâcher alors qu'il était prêt à se venger dignement. Dès lors, il continua sa marche, vers le parc. Il n'allait pas beaucoup dormir cette nuit.
Espèce de… Le coeur du concierge s'arrête un instant alors que son frère semble clairement se préparer à répondre à sa demande, s'écartant un peu pour mieux gérer sa baguette. Il serre les dents et les poings et s'attend au désastre quand la baguette de Zephÿr quitte ses mains brutalement sous l'effet d'un Expelliarmus, prenant les deux Rosenberg par surprise. Le soulagement qui se répand dans son corps, il l'ignore, se contentant de fixer le nouveau venu. Non mais regardez-vous... Deux grands cons en train de se disputer au beau milieu des couloirs et pas un seul qui sort du lot. Arrêtez de gueuler. Ça vous dirait de … Je sais pas, vous calmer et discuter posément entre vous. C'est une proposition comme une autre. Il le reconnait. Il sait qui est le nouveau venu et c'est à voix basse, à peine plus haute qu'un murmure, qu'il prononce le nom de l'homme qu'il n'a pas vu depuis longtemps, encore plus longtemps que son cadet. Salem.
Le garde-chasse à l'air prêt à se jeter sur leur ami d'enfance, la rage toujours dans ses veines. Rien, absolument rien, ne réussirait à le calmer, et Johan le sait. Il ne fait rien, pas même un geste en sa direction, se contentant de regarder l'échange, encore perturbé par ce qui vient de se passer. Il savait que Zephÿr oserait le faire. Mais dans le fond, il espérait que quelque chose le retiendrait, qu'il ne le tuerait pas. Pas vraiment. A croire qu'il s'est trompé. Tu sais, un jour, on terminera cette discussion, et pour de bon. Je n'en ai pas terminé avec toi, le lâche. Tu n'as pas encore tout vu. Le concierge fixe son frère sans un mot, les muscles toujours tendus, toujours immobile, incapable de faire quoi que ce soit, même s'il savait quoi faire. Le terme ne l'atteint quasiment plus, pas après l'avoir entendu autant de fois en aussi peu de temps. Une fois certain que Zephÿr ne reviendra plus sur ses pas, Johannes se tourne vers Salem, soupirant, se détendant à peine. Merci. Il ne voit pas quoi dire d'autre et, fatigué, il incite Salem à le suivre alors qu'il attrape sa lanterne et reprend son chemin. Il a failli mourir, ce soir. Des mains de son propre frère. Clairement, la conversation n'est pas finie, mais pour ce soir, il n'a pas la force, pas le courage de continuer. Et d'ici quelques jours, il n'en aura certainement pas l'envie... Se prendre insultes et reproches injustifiés, encore et encore, sans pouvoir se défendre ? Très peu pour lui... Un frisson le parcourt et il tente de ne pas y prêter attention, mais il sait que toute la nuit, il va ressasser tout ça. Et il n'a vraiment pas hâte.