I wish you could've been honest instead of trying to look cold ◈ With Colombe

Dans un tourbillon de couleurs, son uniforme faisait des siennes. La française n'arrivait pas à l'arrêter, le vêtement ne cessait de tourner sur lui-même, alors qu'elle voulait à tout prix le porter. L'uniforme de Beauxbâtons, ou l'incarnation de l'élégance même. Cependant, après plusieurs tentatives, sa jupe avait décidée de s'emmêler à ses pieds, et les manches de ses chemises s'étaient accordées pour lui attacher les bras. La française était furieuse, il était hors de question que son uniforme décide à sa place et joue ainsi avec elle. Elle commença à crier pour rappeler à l'ordre ses vêtements précieux, mais ils n'en faisaient qu'à leur tête. Il ne lui restait qu'une seule solution. Colombe eut l'idée en remarquant la paire de ciseaux qui la narguait sur le bureau. Elle s'approcha en sautant à pieds joints – puisqu'elle était incapable de marcher normalement – et elle se pencha en avant pour attraper les ciseaux avec ses dents. Un bruit strident la fit s'écrouler par terre. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, la jeune femme était assise à une table, au milieu du salon de thé de Pré-au-Lard. Depuis combien de temps était-elle là ? Elle n’en savait rien, mais elle avait fini par s’assoupir. Quand elle baissa la tête pour regarder ses vêtements, elle reconnut son uniforme de Poudlard. Elle avait encore rêvé. Ca lui arrivait régulièrement ces derniers temps, et c’était agréable. Elle rêvait de choses délirantes et impensables, mais rien de mauvais, rien d’horrible, et ça lui faisait du bien. Elle s’habituait de nouveau à la liberté, cette liberté qui n’était que maquillée. Celle liberté qu’on lui imposait contre son âme, son esprit. Elle avait l’impression d’avoir pactisé avec le diable, mais elle n’avait pas le choix.

Dans quelques jours, les Devereaux attendraient son courrier, et elle ignorait encore ce qu’elle pourrait leur dire. Ne vous inquiétez pas, je suis en vie ? Mais ils en avaient rien à faire. Ils ne s’étaient même pas inquiétés de la savoir en quarantaine. Ils voulaient simplement des résultats, des informations, mais Colombe répugnait à retourner dans les cachots, dans le laboratoire. Elle avait été traumatisé par ces trois mois à être enfermé, et sans Lionel, elle ne serait pas sortie. Mais rester à Poudlard pendant son temps libre était impossible, alors elle venait au village, où elle essayait de penser à autre chose. Son thé froid, elle le laissa et sortit de l’établissement sans regarder derrière elle. Elle marchait sans trop savoir où aller, il lui restait du temps avant de devoir rentrer. Et puis, on l’appela.  « Adélaïde c’est ça ? J’imagine que tu dois peut-être pas te souvenir de moi, vu que ça fait maintenant 3 ans, mais je voulais encore te remercier pour ce fameux soir, si tu n’avais pas été là, je crois que je me serais pris un sortilège dans le dos… » Le jeune homme était séduisant, la mâchoire carrée, les cheveux bruns avec des boucles qui lui tombaient presque devant les yeux. Colombe le regarda assez surprise, elle oubliait parfois qu’Adélaïde avait sauvé le monde sorcier, elle aussi. Elle hésita un instant à poursuivre son chemin et ignorer cet inconnu, mais il semblait sincère, alors elle s’arrêta. « Oui, oui, je me souviens… » Il devait sans doute parler de la bataille. Colombe avait pris l’habitude de deviner et de supposer les événements qu’on lui mentionnait. Le seul événement qui avait eu lieu trois ans plus tôt auquel Adélaïde avait participé était la Bataille de Poudlard. Mais cet étranger ne portait aucun uniforme. Il connaissait son nom, alors il avait du discuter avec sa cousine, mais elle était incapable de deviner le sien. « Je… je suis désolée mais je ne me souviens pas de votre nom par contre. » dit-elle en tendant la main, pour se donner une certaine assurance. Colombe avait tendance à être déstabilisée devant les hommes. Mais elle n’avait pas envie d’y penser aujourd’hui alors elle chassa le serpent dans un coin de sa tête. « Il n’y a pas de quoi en tout cas ! » Quelle idiote ! Ce n’était certainement pas le genre de choses qu’on devait dire quand quelqu’un nous remerciait de lui avoir sauvé la vie. Cela ferait bientôt deux ans qu’elle jouait le rôle de sa cousine, mais c’était toujours difficile de ne pas être elle-même lors des premières fois. L’innocente et pure Colombe n’avait rien à voir avec la courageuse et engagée Adélaïde.

Les rencontres ont le don de pouvoir changer l’humeur. Au gré des rencontres, on peut être heureux, ou au contraire malheureux. Une rencontre affecte sur le moral, un peu comme la météo. Aujourd’hui, même si le temps est nuageux, Colombe a l’impression que le soleil est enfin de retour. Après tout ce qu’elle a traversé, la française se réjouit des petits riens, mais le jeune inconnu n’est pas rien. Il lui donne le sourire. Charmant, il lui rappelle Atos au début, sa gentillesse, sa timidité. Il serre sa main, et elle aimerait qu’il ne la lâche pas. Il a une poigne d’homme, rassurante. « C’est normal de pas s’en souvenir, cela fait longtemps, si on devait se rappeler de toutes les personnes avec qui on a parlé, il y aurait plus vraiment de place dans notre cerveau. » Pourtant Colombe elle peut se rappeler de toutes les personnes qu’elle a croisé depuis son arrivée à Poudlard, mais ce n’est pas comparable. Colombe a encore toute une vie à rattraper, pendant des années, les seules personnes qu’elle a côtoyé étaient ses parents, sa cousine et les elfes de maison. « Je m’appelle Tristan Leroy, ravie de te recroiser. D’ailleurs, je t’en prie tu peux me tutoyer, cela me fait bizarre qu’on me vouvoie. » Colombe hoche la tête et rougit, elle apprécie d’entendre du français, cela fait si longtemps. Elle rougit aussi parce qu’elle reconnait ce prénom, c’est le même que le héros d’une légende célèbre que Colombe a lu lors de son adolescence. Après une rude bataille au cours de laquelle il prouve sa vaillance et son courage, Tristan blessé, tue un géant. Mais avant de mourir, ce dernier lui confie que seule, Yseult, la fille du roi d’Irlande, détient le pouvoir de guérir sa blessure. Il se rend auprès d’elle, qui le soigne. Colombe elle aussi a essayé de soigner des hommes, mais elle a échoué à chaque fois. Lionel, Atos… La jeune femme soupire, elle ferait mieux de ne pas s’attacher.  « Alors comme ça tu as choisi de finir ta scolarité à Poudlard ? J'imagine que tu dois être en GISIS. Tu te plais en Angleterre ? »

Quelle drôle de rencontre, pense alors Colombe. Nombreux sont ceux qui viennent l’aborder pour lui parler de sa sœur, mais ils ne s’attardent jamais. Tristan, lui, est curieux. Il veut savoir ce qu’elle est devenue, ce qui pousse la jeune fille à s’interroger sur ce que cet homme et sa cousine ont pu partager. Un simple sauvetage ou un secret plus profond ? Colombe se dit qu’elle ne risque rien à parler, à répondre à ses questions, et elle en a besoin. Cela fait si longtemps que quelqu’un ne l’a pas abordé pour discuter simplement. Atos la bouffe, Lionel est obsédé par Adélaïde, et ses camarades de classe l’évitent depuis qu’elle est sortie de quarantaine. Colombe pense depuis quelques temps qu’elle n’a plus sa place à Poudlard, mais elle sait qu’elle n’a pas le choix. « Je suis en GISIS de pédagogie magique, j’ai envie de pouvoir transmettre aux autres tout ce que j’ai appris plus tard, d’aider les prochaines générations ! C’est vrai qu’après la Bataille, plusieurs choix se sont offerts, mais j’avais envie de voyage, j’avais envie de pouvoir découvrir le monde. » Elle ne mentait pas, elle a toujours eu cette envie au fond d’elle. Derrière ses barreaux, elle observait l’univers, les étoiles le soir, et le soleil à l’horizon la journée. Elle rêvait de grands espaces, de plaines et de forêts. Elle désirait plus que tout sortir de sa prison et plonger dans la mer, même si elle ne savait pas nager. Elle avait besoin de liberté. « La mer me manque. » Elle habitait en Bretagne, une région qu’elle affectionnait, qu’elle avait découvert dans les livres, même si il lui aurait suffi de sortir dehors pour la connaître. « Mais j’adore ce pays, et Pré-au-Lard est un village magnifique ! Découvrir de nouvelles coutumes, c’est toujours intéressant. Bon, vous n’êtes pas les meilleurs en matière de cuisine, mais on s’habitue ! » plaisante-t-elle comme Adélaïde l’aurait fait. Colombe se sent à l’aise. « Et toi ? Tu n’es plus à l’école, que viens-tu faire au village ? » Pré-au-Lard accueillait souvent des voyageurs de passage, mais Tristan était jeune, Colombe se demandait ce qu’il pouvait bien faire dans ce petit hameau qui était coupé du monde.