Le soleil était haut dans le ciel. C’était une journée très chaude et, d’ordinaire, tout le monde serait resté à la maison pour ne pas mourir sous un coup de chaleur. «
Plus haut ton épée, ma chérie. Tu le sais, pourtant... » marmonna la mère, caressant son ventre arrondi et couvant du regard sa petite pouliche qui leva l’arme au-dessus de sa tête en continuant les mouvements fluides que sa mère lui disait. Marjorie avait bien conscience qu’elle en demandait beaucoup à sa petite Rosalie, mais elle était réaliste. Elle serait amenée à faire des représentations dans le petit village aussi souvent que Daniel et elle. «
J’essaie, maman, mais c’est trop difficile ! » protesta l’enfant de cinq ans, laissant tomber son épée sur le gazon. «
Tu sais très bien que non. » gronda la mère qui, d’un mouvement de baguette magique, ramena l’épée dans les mains frêles de Rosalie. «
Tu recommences. » Elle se retourna vers son mari en souriant, n’écoutant pas les protestations qui fusaient derrière elle. «
Comment se porte mon petit garçon ? » cria Daniel, une main sur le front pour regarder sa petite famille qui pratiquait, alors qu’il lisait confortablement sa gazette du sorcier. Un sourire aux lèvres, la future maman porta la main à son ventre, mais avant de pouvoir répondre, elle poussa un grondement en se recroquevillant sur elle-même. «
Il arrive ? C’est ça ? » sautilla Rosalie, impatiente de voir son petit frère. «
Va chercher les valises de maman et reviens ici. Vite ! » Rosalie accouru dans la maison et revint quelques minutes plus tard en gambadant. La prenant par le col, le père transplana aussitôt à Sainte-Mangouste, impatient de rencontrer son petit garçon qu’il attendait tant.
La mine basse, Daniel retourna dans la salle d’attente où se trouvait la sœur de sa femme et sa petite fille. Dans les bras de la femme se trouvait un petit garçon qui devait avoir quelques mois seulement. Il le fixa intensément, tentant de comprendre ce qui pouvait bien avoir causer cette erreur. «
Il va bien, mon petit frère, papa ? » «
Non, ma poupée... il ne va pas bien du tout. » répondit le père en grondant, laissant la petite brunette tremblante sur sa chaise. «
Il y a un gros problème avec ton frère... » Le petite lança un regard paniqué à sa tante qui, aussitôt, déposa une main aimante sur sa tête, pour la rassurer, certaine qu’il n’y avait rien de bien grave avec le nouveau-né, bien que quelque chose dans le regard de son beau-frère lui faisait palpiter le coeur. «
Que se passe-t-il, Daniel ? » s’inquiéta-t-elle en serrant son poupon contre elle, comme si elle tentait de le protéger lui aussi de cette nouvelle qui semblait des plus tragiques. «
Le problème ? » Sa voix n’était que colère. «
Le problème, c’est que c’est une putain de fille ! » Les infirmières, paniquées, jetèrent un regard à l’homme qui quitta les lieux en laissant sa petite Rosalie pleurer à chaudes larmes dans les bras de sa tante, ne comprenant pas pourquoi c’était si mal d’être une fille.
Le bambin dans ses bras, Marjorie lui jetait des regards remplies de tendresse. Dehors, il pleuvait à torrent et elle jeta un œil à l’extérieur pour voir sa petite fille, épuisée, baisser les bras suite à l’entraînement intensif de son père. Son petit corps mouillé devait peser une tonne et l’épée tremblait depuis un bon moment, alors qu’elle la tenait en l’air, avant de s’abattre sur le sol. Doucement, elle s’avança vers la fenêtre et plissa les yeux pour tenter de bien voir ce qu’il se passait dehors. Rosalie avait la tête basse, n’osant pas regarder son père qui, lui semblait crier, rouge de colère. Lorsque la petite releva finalement la tête vers lui, le coup parti si vite que la mère n’eut pas le temps de réagir. Son aînée s’étale sur le sol, impuissante suite à la gifle que son père vient de lui donner. Dans un mouvement protecteur, la mère porte son bébé contre son sein, contre son cœur alors qu’il se met à pleurer, comme s’il venait de comprendre la scène tragique qui s’est jouée à l’extérieur. Daniel regarda vers la maison et un vent de panique prit possession de Marjorie alors qu’elle tentait par tous les moyens de faire taire sa petite fille. Lorsque Daniel entra dans la pièce, son regard se posa sur sa femme et le bébé pleurant. «
Tes filles... toutes plus faibles les unes que les autres. » Scandalisée, elle le regarda se servir un verre de rhum avant de regarder de nouveau dehors vers Rosalie qui, tranquillement, se relevait de sa petite flaque d’eau. Elle reprit son épée et, au péril de sa santé, la releva au-dessus de sa tête.
«
Est-ce que je peux te poser une question ? » Alors qu’elle parle, Abigaïl perd sa concentration et la poigne qu’elle exerce le bois de son arc. Elle remarque pendant un moment le regard paniqué de sa sœur Rosalie qui, subtilement, regarde si son père a remarquer le peu d’intérêt de sa petite sœur pour l’exercice qu’il lui a demandé. «
Tu devrais plutôt te concentrer à planter ta flèche en plein milieu de ta cible. » Les mains sur les hanches, la petite fille de 5 ans regarda son aînée avec un air de défi. Cette dernière ferma les yeux un moment, exaspérée. «
Tu ne m’en crois pas capable ? » «
Arrête un peu tes enfantillages. Tu sais très bien que je dis ça pour... » Avant même qu’elle ne termine de parler, une flèche passa in extremis à ses côtés et sa planta dans la cible à ses côtés. «
Non, mais tu es malade ? Tu as essayé de me tuer ! » Abigaïl, elle, se contentait de rire comme si ça l’amusait. Elle avait un don pour ça, c’était sa mère qui lui avait dit. «
Si papa apprend ça, il va... » «
Il va quoi ? » Le ton autoritaire de Daniel fait aussitôt froid dans le dos aux deux sœurs qui se regardent, apeurées. Étrangement, Abi n’a plus envie de rire maintenant. Elle se tient le dos droit à regarder son père, attendant qu’il dise la moindre remarque, mais il était concentré à regarder la flèche que sa cadette avait planter au centre de la planche de bois. «
Elle est douée... n’est-ce pas, Daniel ? » rajouta Marjorie en tenant par la main la petite Charlotte à peine âgée de 2 ans. Pour le plus grand malheur du père, il s’agissait encore d’une fille. Il lança un regard remplie de dédain à sa femme. «
Fais-moi plaisir et ferme là. » gronda-t-il en bousculant Abigaïl qui, tant bien que mal, resta le dos droit et les pieds ancrés au sol. Daniel lui jeta un regard, lui marmonna quelque chose et quitta la cour, sous le silence de sa famille. «
Il t’a dit quoi ? » «
Que j’étais sa plus grande déception. » «
Et... c’était quoi ta question ? » «
Pourquoi est-ce que papa me déteste ? »
Dans son lit, Abigaïl tremble comme une feuille. Elle n’a pas de nouvelle de Rosalie, avec qui elle partage sa chambre, parce qu’elle dort chez l’une de ses amies. Daniel refusait toujours ce privilège à ses filles, mais Marjorie avait accepté sans en dire un mot à son mari. C’était pour cette raison que Daniel était en colère, qu’il criait et que des bruits de verres brisés se faisaient entendre, provoquant un sursaut à chaque fois pour la petite brunette. Elle a peur, parce que son père a bu et qu’il agit toujours de façon bizarre quand c’est le cas. Elle entend seulement quelques petits mots. «
idiote... incapable... morte... sans toi... » et sa mère qui ne fait que pleurer... et pleurer. Les bruits de pas qui se rapprochent de sa chambre lui font tellement peur. Elle se rappelle les histoires de loup-garou que lui racontait sa sœur pour lui faire peur... et quelque chose lui dit que c’est exactement la même chose avec son père. C’est le loup-garou de ses cauchemars. Une ombre sous sa porte lui fait comprendre qu’il est là, prêt à bondir. Son cœur bat vite, mais elle ne pleure pas. Elle s’est promise de ne pas pleurer. «
Et cette petite conne ! Elle a 6 ans ! 6 ans ! Elle nous fait honte ! Une cracmole... tu te rends compte ? » Cracmole. Elle connait ce mot, mais elle ignore de qui il veut parler. «
Daniel... Je t’en prie... » «
Rosalie va déjà à l’école et la petite dernière montre déjà ses dons. Et cette petite morveuse que tu dis être ma fille... elle... elle n’est rien de plus qu’un déshonneur pour notre famille. » Il parle d’elle. Maintenant, elle en est certaine. Il parle d’elle, c’est certain. «
Non ! Non, mon chéri, ne fais pas ça, je t’en supplie ! »La porte s’ouvre en grand éclat. Et elle ferme les yeux, terrorisée. Elle l’entend simplement se plaindre à voix haute, gronder, souffler et grogner. «
Et en plus, elle n’est pas dans sa chambre ! Elle mériterait des coups de fouets ! » Elle ouvre les yeux et il est là, sa baguette a la main, les yeux exorbités. Il referma la porte en la claquant et Abigaïl jura qu’elle l’avait entendu craquée sous la force de l’impact. Il ne l’avait pas vu ? Est-ce qu’elle était devenue... invisible ?
Huit ans. La sœur d’Abigaïl retourne à Beauxbâtons et elle la regarde en souriant, contente de repartir. Quelque chose dans ses yeux lui fait comprendre qu’elle a aussi un peu de mal à la laisser toute seule. «
Si tu veux pleurer, dis-le moi toute de suite, je vais retourner à la maison. » lui dit-elle en fronçant les sourcils. Rosalie affiche un petit sourire triste. «
Tu sais bien pourquoi je me sens aussi mal. » C’est plus fort qu’elle, la brunette jette un regard vers le ciel en poussant un soupir. Elle ne va pas mourir en restant toute seule à ses parents, contrairement à ce que sa sœur semblait penser. «
Je trouve que je m’en sors tout de même plutôt bien. Papa veut que je vienne avec lui au petit village médiéval. Et puis... ton costume est moche et je n’ai pas très hâte de le porter. » Rosalie sourit de nouveau et Abi est fière d’elle. Elle adore la taquiner, oui, mais elle déteste la voir s’inquiéter inutilement pour elle. Elle est grande et forte maintenant. Alors qu’elle observe sa sœur, cette dernière se perd dans son observation de sa famille. Abigaïl se retourne aussi vers ses parents et sa petite sœur de 6 ans. Son père lui caresse les cheveux et elle lui fait de grand sourire. «
Sa seule fierté, hein ? » tenta de rigoler Abi, mais sa sœur déposa sa main contre son épaule. «
Tu sais qu’il va te faire la vie dure là-bas, pas vrai ? Maman ne sera pas là pour te protéger et... » «
Ça va. Je n’ai plus besoin de personne. Je suis une grande fille, ok ? » Et avant que sa sœur ne puisse répliquer, elle lui tourna le dos et retourna auprès de sa famille.
Sa robe de paysanne traînait dans la boue et elle la souleva en poussant un soupir. Sa mère allait lui en vouloir de ne pas faire attention à ses vêtements. La journée se terminait bientôt et les derniers visiteurs quittaient le site. Elle déposa le sceau qu’elle tenait entre les mains lorsque celui-ci se renversa et l’éclaboussa. Elle leva la tête vers son père qui la regardait avec un petit sourire de travers. «
Alors ? C’est agréable de ramasser la bouse de vache ? » Son regard se planta dans celui de son père et elle ne le quitta jamais des yeux. Il portait de beaux habits, parce qu’il faisait partis des plus hauts placés du village. «
Je ne compte pas rester à ce poste bien longtemps, de toute façon. » «
Ah bon ? Tu crois vraiment que tu pourras faire autre chose de ta vie que de ramasser de la merde ? » Un petit sourire s’afficha sur ses lèvres, alors qu’elle reprenait le sceau vide. «
Peut-être que je suis une simple paysanne cette année... mais je serais une guerrière bientôt... Rappelle-toi de ça. » Son regard dur et froid glissa au loin et elle avança vers sa hutte. Elle n’avait plus peur de son père... et elle se continuerait de se tenir droite devant lui.
«
C’est quand même génial que tu te sois retrouvée à l'Écurie de l'Orchidée, pas vrai ? » Rosalie est visiblement enthousiaste de retrouver sa petite soeur à l’école, peut-être même un peu plus que la brunette elle-même. Abigaïl la regarda avec un air boudeur alors qu’elle faisait de grand effort pour mettre en désordre son uniforme trop bien lissé à son goût. «
Comment tu fais pour porter ça à longueur de journée ? Ça pique tellement qu'on dirait que j'ai des tiques... » se plaignit-elle en ignorant sagement sa réplique sur la maison qu’elle avait reçue Il n'y avait pas de fierté à avoir été choisi pour une maison où pour une autre... Et de toute façon, elle était connue comme étant la sœur de l'élève surdouée, il était où le mérite ? «
Pff. Arrête de pleurer, espèce de bébé ! » dit-elle en ébouriffant les cheveux de sa petite sœur, ce qui avait vraiment le don de l’agacer au plus haut point. Voulant changer de sujet, elle ouvrit sa chemise en peau de dragon pour voir son emploi du jour, mais avant même qu’elle ne puisse prendre connaissance de son horaire de cours, la main pâle de sa sœur en prit possession. Elle soupira et tenta de mettre un peu de travers son chapeau simplement pour énerver le personnel de l'école. L’éclat de rire cristallin qui s'échappa des lèvres de Rosalie ne présageait rien de bon et l’étudiante comprit rapidement pourquoi. «
Attend... tu te fous de moi ? Un cours d’étiquette et de bonnes manières ? » Un grognement plaintif franchit ses lèvres alors que la main de Rosalie se déposait sur son épaule en un signe faussement compréhensif. En fait, elle trouvait ça beaucoup trop drôle. «
Tu vas en avoir vachement besoin, si tu veux mon avis ! » Abigaïl la poussa de son banc et quitta la salle d'étude sous les éclats de rire de sa sœur... ce qui lui amena tout de même un petit sourire aimant envers celle-ci.
«
C’est absolument dégoûtant. Tu ne peux pas faire ça ! » Abigaïl jeta un regard irrité à sa petite sœur Charlotte. Quelque chose lui disait que son père lui avait demandé explicitement de garder un œil sur elle pendant son temps libre. Elle semblait prendre son rôle très au sérieux puisqu'elle la suivait pratiquement comme son ombre, ce qui occasionnait qu'elle ne voyait pratiquement plus Rosalie. La potion sur le bord des lèvres, elle cligna des yeux quelque fois pour illustrer son incompréhension. «
Peux pas quoi faire ? » dit-elle complètement confuse, la bouteille l'empêchant de parler clairement. «
Tu peux pas boire ça ! C’est interdit de goûter à des potions non vérifiées par un membre du personnel! » Abi jeta un regard à sa mixture et convint qu’il m’était pas très intelligent de la tester sur elle-même. «
Ouais, tu as bien raison... » dit-elle, songeuse, avant de porter la bouteille aux lèvres de la benjamine et de la forcer à boire. Cette dernière ouvrit la bouche pour se plaindre, mais aucun son ne franchit sa bouche. «
Aaaaah ! C’est plus agréable comme ça, non ? » se moqua-t-elle, l’imitant méchamment en ouvrant la bouche et en la fermant comme un poisson et heureuse de ne plus entendre sa voix nasillarde. Fulminante, Charlotte courut vers le château alors qu’Abigaïl, fière d’elle, s’amusa à faire des moulinets avec un bâton qu’elle avait trouvé sous un arbre. Elle ne devait pas oublier qu'elle avait un objectif bien en vue. D'ici quelques années, elle serait enfin libéré de son père.
Le livre dans lequel elle griffonne rapidement lui glisse des mains alors qu’une ombre masculine s’allonge devant elle. Du haut de ses 14 ans, elle n’a jamais vraiment porté attention à la gente masculine, bien trop occupé avec toutes les autres choses qu’elle a en tête. Il est quand même beau garçon, elle ne peut pas le nier, mais il a quelque chose dans le regard qui l’agace tout particulièrement. Il ne semblait pas certain de ce qu’il doit faire et s’il y a bien quelque chose qu’elle déteste, c’est les gens qui ne savent pas ce qu’ils veulent. Adossé à son arbre préféré, puisqu’il dégage des odeurs agréables, elle croise les bras contre sa poitrine avec ce regard qui veut absolument tout dire. «
Est-ce que tu vas parler ou je dois aller chercher les mots moi-même ? J’ai mieux à faire que te regarder. » Il rougit et elle est agacée de le voir comme ça. Il fait un pas vers elle, alors qu’elle soupire en se replaçant dans une position plus confortable. Elle sait qu’il est en dernière année, ce n’est pas la première fois qu’elle le croise dans les couloirs. «
Euh... Salut ? » Wow. «
Bravo, champion. Tu viens de pousser tes premiers balbutiements. » Il ne semble pas savoir quoi faire et, cette fois, elle trouve ça très drôle. «
Non, c’est pas ça. En fait, je voulais savoir si... » «
Si je voulais être ta petite amie ? Jamais dans cent ans. » Il semble surpris. «
Mais... Charlotte a dit que... » «
Charlotte est la pire des connes. N’oublie pas ça. » Elle en veut à sa sœur d’être aussi présente dans sa vie et de faire de faux espoirs à ce garçon. Parce qu’en même temps, elle lui donne un cœur de glace. Comment pourrait-elle aimé quelqu’un, un homme, en pensant à celui qui l’avait élevé. Elle se releva et prit son livre avant de partir la tête haute, sans un regard vers l’homme à qui elle avait brisé le cœur.
17 ans qu’elle travaille dure pour ce moment. Dans sa grande robe de noble femme, sa mère la regarde, légèrement inquiète. «
Tu es magnifique, ma chérie. Mais je suis certaine que tu serais beaucoup plus belle dans l’une des robes de Rosalie. » Les tresses dans ses cheveux volent au vent alors qu’elle se retourne vers les deux membres de sa famille qu’elle aime le plus au monde. Rosalie, dans sa robe verte lime, est belle à couper le souffle. Elle ressemble comme deux gouttes d’eau à leur mère. «
On en a déjà parler, maman. Tu sais qu’Abi ne reviendra pas sur sa décision. » Avant que sa mère ne puisse dire la moindre chose, Abigaïl s’approcha d’elle et caressa doucement la joue bleuâtre de sa mère. Il y a maintenant quelques années que son père lève la main sur elle et il ne s’en cache pas. «
Je ne le fais pas seulement pour moi, maman. Je le fais surtout pour toi. » Marjorie a les larmes aux yeux, émue. Elle poussa un sanglot alors qu’Abi se tourne vers le miroir qui reflète son apparence. Son armure est magnifique et montre son haut rang dans l’armée. Ses cheveux libèrent son visage et elle trempe ses doigts dans la suie pour, d’un mouvement grossier, peinturer ses yeux en une marque de guerre... parce que oui, aujourd’hui, elle partait en guerre.
Les spectateurs ne disent plus rien alors que la grande armée se trouve aux pieds d’Abigaïl. Elle est à bout de souffle d’avoir combattu contre les hommes de son père. La sueur sur son visage lui donne l’impression d’être plus vivante que jamais. À ses pieds, les comédiens jouant les morts ne comprennent pas vraiment ce qui vient de se passer. Sur ordre du Roi Daniel, ils ont combattu sa fille devant toutes la population du village et des visiteurs, heureux d’assister à un combat. Mais, à leur plus grande surprise, elle était forte... trop forte. Sous les murmures, tout le monde veut parler à la grande guerrière, à celle qui vient de lui montrer qu’elle était des plus douées et efficaces du village. «
Silence ! » Plus aucun bruit. Autant du côté de la population du village fictif que des spectateurs. Tout le monde à tourner sa tête vers le roi. Abigaïl, elle, le regard depuis le début, sans dire un mot. «
Tu t’es bien battue, je te l’accorde, mais tu n’as pas l’étoffe d’un vrai guerrier. » Le murmure dans l’aire ouverte est plus bruyante qu’une volée de mouche. «
Personne ici n’est plus puissant que le roi lui-même. » Sans un mot, Abigaïl dégaina son épée, son regard toujours dans le sien. Lorsqu’elle ouvrit la bouche, le silence se fit de nouveau. «
C’est ce que j’attends depuis le début, votre Majesté. » Lorsqu’il arriva sur le cercle de combat, la population entière retint son souffle. Dans un cri de guerre à glacer le sang, Abigaïl se jeta sur son père. Accumulation de haine, de tristesse et de dégoût, c’était ce qui s’abattrait sur cet homme. Un dernier regard vers sa mère en larmes et elle comprit qu’elle était de son côté. Son épée s’abattit violement contre son bouclier en un tintement caractéristique du combat, ce qui enflamma son sang.
«
Je peux savoir à quoi tu joues ? » hurla son père alors que l’écuyer d’Abi l’aidait à se défaire de son armure. Elle lui jeta un regard rempli d’incompréhension, comme si elle ne comprenait pas où il voulait en venir. «
Plaît-il ? » lui demanda-t-elle de ce timbre de voix froid et sans vie qu’elle utilisait lorsqu’elle s’adressait à son paternel. Sa mère frissonnait derrière lui, se demandant comment sa petite fille pourrait s’en sortir sans une égratignure. «
Ça ! Dehors ! Tu as agis comme une... » «
Idiote ? » répliqua-t-elle, dans une colère noire. «
C’est ça, papa ? Une idiote ? » L’homme garda le silence un moment, avant de faire un pas vers elle. Par le passé, elle aurait reculée, se serait recroquevillée en pleurant dans un coin, mais plus maintenant. Maintenant, elle était au-dessus de lui dans bien des cas... dans bien des domaines. «
Je peux te dire, dans des mots que tu comprendras, ce qui veut de se passer. Le roi est mort. » Un petit sourire victorieux apparut sur ses lèvres. «
Le roi est mort. Il a été vaincu et c’est moi, maintenant, la reine. » Il leva le bras pour la gifler, mais plusieurs membres de la communauté, présent durant toute la scène, intervinrent pour protéger leur nouvelle reine. «
Quitte ce village. Et si on voit le bout de ton nez, tu n’es pas mieux que mort. » Furieux, il quitta les lieux et Abigaïl congédia tout le monde en dehors de sa mère et sa sœur. Sa baguette à la main, elle la pointa à son visage qui se nettoya aussitôt. «
Ma chérie... » Le visage plein de bleu de son père lui revint en mémoire alors qu’elle regardait sa mère. Il l’avait mérité pour tout ce qu’il avait fait à sa douce maman. «
Il ne voudra pas que tu remettes les pieds à la maison, tu le sais ? » En riant, Abigaïl agita sa baguette en l’air et une montagne de bagages apparut derrière elle. «
Je sais bien... et j’étais bien préparée. » «
Tu savais que tu gagnerais, alors ? » «
Bien sûr que oui ! Je suis la digne fille de ma mère, après tout. »
«
C’est petit... petit et ça pue ! » Rosalie leva les yeux aux ciel, ne pouvant plus rien entendre qui sortait de la bouche de sa petite sœur. «
C’est ton premier appartement, tu ne peux pas trop en demandé. » Abigaïl plissa le nez, sa baguette s’agitant à droite et à gauche pour placer tout ce qu’elle aurait besoin pour bien vivre seule. «
Je ne comprends pas pourquoi tu restes par ici... » La brunette se tourna vers sa sœur, évitant les articles qui volaient dans tous les sens. «
Hein ? » «
À Carcassonne. » Quelque chose dans les yeux de sa sœur lui serraient le cœur. Pourquoi était-elle si triste ? «
Tu as perdu la tête ? J’ai les deux raisons les plus importantes au monde. Maman et toi ! » Elle voyait bien que cette petite attention la touchait énormément. Cependant, lorsqu’elle eut le dos tourné, le sourire d’Abigaïl se ternit légèrement. Elle venait de leur mentir. «
Venez manger avec moi, ce soir. Inaugurons cet appartement. »
Abigaïl avait les mains moites. Il était rare qu’elle n’ait pas la tête froide, mais elle savait pertinemment que ce souper allait se terminer dans les larmes et l’incompréhension. Lorsque l’on frappa à la porte, elle courut presque pour répondre. Sa mère, tout sourire et le visage rayonnant, se tenait devant elle avec des fleurs. Rosalie, elle, mâchait son chewing-gum comme une vache broute son herbe. Le repas se passa bien, sa mère heureuse de voir qu’Abigaïl savait se débrouiller dans la cuisine. Au moment du dessert, la brunette se jeta à l’eau. «
Je... je vais à Poudlard cette année. » La part de gâteau de sa mère resta suspendu entre sa bouche et la table. Rosalie, elle, la regardait avec les yeux exorbités. «
Ne dit pas de sottises, ma chérie. C’est impossible. » «
Je suis très sérieuse, maman. Je me suis proposée... et on m’a dit oui. » Le reste du repas se fit dans le silence. Sa mère s’endormit rapidement sur le sofa et, en caressant ses cheveux, Abigaïl jeta un regard à sa sœur. «
Je veux pas la laisser toute seule avec papa. » «
Elle ne sera pas toute seule. Je vais être là, moi. » Abigaïl ne trouva pas utile de répondre à ça. «
Tu as toujours été la plus forte d’entre nous. Celle qui voulait se battre pour vivre sa propre vie. Tu nous l’a bien montré, au village, cet été. » «
Tu seras une reine merveilleuse, en mon absence. » Le sourire de Rosalie en dit long sur sa jalousie et sa reconnaissance.