Loathing. Unadulterated loathing ~ Hippolyte

Beau et peut-être encore jeune homme qui travaille comme professeur de vol depuis maintenant près d'un an ans. Il est né à Paris en ce beau jour qu'était le 8 décembre 1969 en tant que sang mêlé ; à présent il vit à Londres. Lors de son passage à Beauxbâtons, son niveau scolaire était moyen. Il est plutôt intelligent, distingué et charmeur mais aussi élitiste, névrosé et superficiel. Lorsque les dinosaures vivaient encore, il s'est procurée une baguette faite en bois de pommier, mesurant 29 centimètres et contenant du crin de licorne. Avec cette baguette, il lui est possible de créer un patronus - le sien prend la forme d'un chat Persan. La vision qu'il a eu face au miroir du risèd : sa mère lui remet le trophée de la Coupe du monde de Quidditch et l'embrasse sur le front. Mais la vie n'est jamais entièrement rose, la preuve avec les épouvantards. Son père, terrible, imposant, le pointant du doigt dans un fou rire terrible, dans son cas.

ϟ  Quel est votre opinion sur l'épidémie ? Comme la plupart de mes concitoyens, que ce soit en France ou en Angleterre, j'ai tendance à penser qu'un problème d'une telle envergure est l'affaire de nos dirigeants politiques. Encore une fois, ceux-ci font preuve d'une incroyable incompétence et risquent à tout moment de laisser s'installer un climat de peur collective. Ils n'ont rien appris de leurs erreurs passées, telle est mon opinion - que vous pouvez d'ailleurs retrouver dans mon interview en page 4 de la Gazette du mois d'octobre dernier. J'espère néanmoins que cette crise sera passagère - bien que l'idée d'un monde sans magie ne saurait m'affecter outre mesure en tant que sang-mêlé. Surtout, j'ai assez à faire avec mes névroses quotidiennes et mon hypocondrie pour ajouter de nouvelles angoisses.

ϟ Que pensez-vous du nouveau directeur de Poudlard ?  Ni du bien, ni du mal. Les plus médisants - ou clairvoyants - diront que m'avoir embauché à Poudlard relève de l'inconscience même sinon du mépris total pour le corps professoral. A mes yeux, Monsieur le directeur sait reconnaître le talent lorsqu'il se présente à lui. Point. Quant à mes rapports avec lui, je préfère qu'ils demeurent au point mort comme ils l'ont toujours été. Un bon directeur est un directeur absent. Et pour les plus pédagogues d'entre vous, non, je n'ai pas soigné mon problème avec l'autorité.  

ϟ Le partenariat magique entre les écoles est-il une bonne chose ?  Tout échange est une bonne chose (c'est - encore - ce que je disais lors de mon interview !). Et quel plaisir pour moi que de retrouver des têtes françaises et d'enseigner l'art du balais volant à nos amis de l'Est. On a pu me reprocher bien des choses, notamment ma superficialité et mon élitisme, mais personne ne pourra m'accuser de ne pas être ouvert d'esprit.  

ϟ Quel était votre camp lors de la Grande Bataille ? Je ne reviendrai pas sur le cas de mon père que je préfère enterrer dans mes souvenirs. Sachez simplement que j'ai su m'engager à ma manière. J'avoue avoir tardé à réagir, car ma carrière internationale ne me permettait pas de trop m'exposer sur le sujet. En France à ce moment-là, j'ai simplement décidé de ne plus participer à aucune représentation publique en Grande-Bretagne orchestrée par le Ministère ou la presse officielle. Sous les conseils de ma chère mère, peu avant sa disparition, j'ai par ailleurs posé pour une campagne de publicité destinée au monde sorcier, entouré de deux Moldues en exil à Paris. C'était notre forme de révolte à nous.

- Mes références ?
- Oui, je vous prie. Et un curriculum vitae également.
- Je suis désolé, mon agent ne m’a jamais parlé de choses pareilles ! Mais ne perdons pas notre temps Monsieur le directeur. Je suis Hippolyte Charlebois, cela devrait amplement vous suffire. J’aimerais commencer dans deux semaines, pas avant, le temps de faire venir quelques affaires et d’organiser mon agenda, vous comprendrez.
- Vous n’avez jamais passé d’entretien d’embauche, je me trompe ?

Ainsi caché dans un voile d’obscurité, le directeur de Poudlard avait l’air d’un parrain d’une mafia redoutable. Ou d’un de ces directeurs publicitaires surpuissants qu’Hippolyte avait souvent côtoyés, tous devenus accro à la mise en scène dégoulinante d’argent et d’intimidation. Le joueur de Quidditch n’avait pas la moindre idée de ce qu’il fichait là, enlacé par un fauteuil trop moelleux, au milieu d’un bureau où résonnait le léger tintinnabulement d’un curieux mécanisme. Yvan, tu me le paieras. Son agent avait dû tomber sur la tête lorsqu’il lui avait décroché ce rendez-vous. Depuis quand Hippolyte Ambroise Charlebois, champion de Quidditch, ancien journaliste et mannequin international, à la modestie aussi prononcée que son goût pour les chocolats pralinés, devait-il se présenter ? La guerre avait-elle à ce point embrouillé l’esprit de ceux qui l’entouraient ?

Perdu entre l’idée de claquer la porte de ce directeur décidément trop indélicat et son désir enfantin d’imaginer quelle tête pouvait bien avoir ce drôle de type (jusqu’à présent, il s’était convaincu que le directeur était un homme aux mains boudinées, avec une calvitie sur le haut du crâne et un nœud de cravate défait), Hippolyte entendit la voix de son interlocuteur percer le silence.

- Expliquez-moi, dans ce cas, pourquoi vous, Hippolyte Charlebois, avez décidé de rejoindre le personnel d’un établissement scolaire ?

Une clope. Il lui fallait une clope. Tout de suite. A défaut d’être convaincant, il aurait au moins une meilleure prestance. « Pourquoi », il demandait. Une question qu’Hippolyte avait passé son enfance à poser mais à laquelle il détestait lui-même répondre, trop habitué à ce qu’on lui obéisse aveuglement. Avait-t-il déjà rappelé qu'il était Hippolyte Charlebois ?

- Il se trouve que je vieillis et…
- Vous avez trente et un ans. Ce n’est pas ce que j’appelle « vieillir », Monsieur Charlebois.
- Dans votre monde, sans doute, mais sachez que dans le mien, je suis à deux doigts de devenir un senior. Je cherche donc une situation plus stable et à transmettre mon savoir aux nouvelles générations. Excusez-moi, mais je déteste que l’on m’interrompe. Je vous remercie. Donc. Ni vous ni moi ne pouvons nier que ce serait une chance incroyable pour les élèves de bénéficier de l’expérience d’un joueur d’envergure, n’est-ce pas ? Quant à mes origines françaises, celles-ci sont une aubaine dans un contexte comme celui-ci, où vous accueillez un peu « d’exotisme » en vos murs. Mon agent vous aurait dit toutes ces choses s’il avait fait son travail.

Trente minutes plus tard, Hippolyte et son ego surdimensionné se retrouvèrent dans le parc de Poudlard où les volutes de fumée grisâtre tournoyaient autour de sa cigarette. Au loin, les anneaux du stade de Quidditch n’attendaient plus que lui.

ϟ Ton pseudo : Applewhite. ϟ Ton âge : 24 ans. ϟ Ton avis sur mumblemumps : Horrible ! C'est pour ça que je me suis inscris d'ailleurs ! (En vrai j'adôôôôôre le design bravo   ). ϟ Le mot de la fin : T'as une tâche.

La Maison Charlebois est située au cœur de Paris où fourmillent ses milliers d’habitants. Derrière son grand portail, l’hôtel particulier a l’air d’une forteresse imprenable. Une forteresse qui crée des sous-vêtements hors de prix pour les vendre au plus offrant. « J’ai travaillé aussi dur qu’un autre pour me hisser au sommet du soutien-gorge et du caleçon », répète sans arrêt Edouard Charlebois, un mètre quatre-vingt et une paire de lunettes rectangulaires au bout du nez. Hippolyte l’imagine en train d’escalader une armature de soutien-gorge et pouffe de rire. Edouard lui donne régulièrement un cours magistral sur les sous-vêtements – coefficient dix. Le père et le fils déambulent alors dans l’atelier, où des petites mains et de grosses machines s’acharnent pour offrir aux mondes sorcier et moldu les meilleurs dessous possibles estampillés « Maison Charlebois », en lettres d’or. Même les ampoules électriques semblent avoir une forme de slip.

Le garçon essaie d’écouter son père mais rien n’y fait. Il rejette absolument tout ce qui vient de lui. Il tente pourtant de le contenter, car c’est ce qui se fait dans les grandes familles. Mais aucune de ses paroles et aucun de ses gestes n’est jamais acceptable. Une gifle part régulièrement, puis deux, puis trois, puis Hippolyte tombe par terre et son père le laisse à son triste sort jusqu’à la prochaine fois. « Ton fils est inadapté », répète-t-il à sa femme, Gaby. Ce n’est pas de sa faute s’il a des troubles obsessionnels compulsifs de propreté (la faute à la maniaquerie de son père qui lui a valu bien des claques). Ce n’est pas de sa faute s’il est incapable de s’intéresser aux finances de la Maison Charlebois. Ce n’est pas de sa faute s’il est un sorcier comme sa mère, même si « ça ne servira à rien pour reprendre l’entreprise familiale ». Il n'a pas oublié l'incendie provoqué accidentellement au sein de l'atelier après un coup un peu trop violent.

Sa mère, c’est une autre histoire. Elle aussi s’est hissée au sommet du soutien-gorge et du caleçon. Du haut de son piédestal, elle rayonne, elle étincelle. Elle est radieuse. Ancien mannequin, son visage est connu, même par le moins informé d’entre nous. Elle est engagée pour le droit des femmes. Hippolyte la regarde constamment ; elle est son modèle. Pourtant, elle ne voit rien et n’agit pas. Comme elle, son fils cache les bleus sur son visage. Comme elle, son fils connait la face noire d’Edouard Charlebois. Comme elle, son fils sait que les finances ne sont plus au beau fixe. La famille sauve la face et déménage de maison bourgeoise à maison bourgeoise, en nomade, dans des pièces toujours plus grandes où il faut casser, peindre, retaper, réparer, transformer jusqu’à réaliser que la vente de soutien-gorge ne suffira plus pour transformer un potiron dégarni en carrosse. Hippolyte décide de faire passer son père pour responsable de ces utopies. Sa mère prend également le pli et répète souvent que « si le chiffres d’affaires était meilleur, peut-être que… ». Elle ne finit jamais sa phrase.

Hippolyte assure quotidiennement le rôle d’héritier mâle lorsque ses professeurs lui demandent s’il est bien le fils Charlebois, un sourire admiratif tracé sur le visage. « Oui, c’est bien moi. » Dommage que ce titre honorifique ne lui ait jamais permis de dépasser la moyenne en mathématiques. Intérieurement, il jure qu’en grandissant, il réussira complètement. Pas à moitié, comme son père.


Ce n'est pas propre. Ce n'est pas propre. Pas propre. A quatre pattes sur le carrelage de la salle de bain, Hippolyte astique à s'en faire saigner le bout des doigts. Si son père découvre qu’il a brisé son flacon de parfum, c’en est fini de lui. Il croit déjà entendre ses pas de l’autre côté de la porte verrouillée. Il croit déjà entendre sa voix. « Ouvre ! Ouvre tout de suite ! Si tu n’ouvres pas immédiatement, tu ne vas pas t’en remettre ! Dépêche-toi ou je défonce cette foutue porte ! » Il fait couler de l’eau ; il prétextera une douche. Tout y passe : le lavabo, la baignoire, le sol, les murs, l'étagère. Gaby devra ordonner au majordome d'ouvrir de force la porte pour retrouver son fils endormi. Le carrelage n'aura jamais autant brillé que ce soir-là.


Enfant, il était beau, souriant, déjà distingué. Adolescent, il est toujours beau, souriant, distingué, mais également hautain, narquois et intimidant. Il ne lui faut que quelques jours pour s’autoproclamer prince de l’Écurie de l’Orchidée, où il est suivi par une cour de pintades et écrase les insectes binoclards et têtes d’ampoule. Sportif accompli, son niveau scolaire reste tout à fait anodin mais qui pourrait l’en blâmer ? Il est Hippolyte Ambroise Charlebois. Il n’a besoin que du regard des autres. Un de ces foutus insectes a un jour l’idée de révéler la situation financière catastrophique de la Maison Charlebois. Avec sa cour, il décide de le faire taire et le coince dans un couloir partiellement éclairée : même dans la vengeance, sa vie est un cliché. Le gamin ne le fera plus jamais chanter et personne ne s'y risquera ; Hippolyte ne laissera pas la vermine gâcher son avenir glorieux.

Le chemin d’Hippolyte est tout tracé à sa sortie de l’école. Il commence une carrière de journaliste grâce au piston avantageux que lui confère son rang social. Son modèle ? Rita Skeeter. La seule, selon lui, qui a su comprendre les attentes du lectorat et aller sur le terrain. On le déteste pour sa gouaille et sa manie de mettre son nez partout. On le respecte pour ses éditos engagés en faveur du droit des femmes. Son expérience est toutefois brève ; sa mère l’attend à la Maison Charlebois où il devient mannequin, parallèlement à ses exploits sportifs. Ne le niez pas, vous connaissez son corps pour l’avoir vu placardé sur de grands panneaux publicitaires à droite à gauche. Sa mère le félicite. Son père se moque éperdument de tout ce qu’il pourrait entreprendre.

A cette réussite enivrante succéderont alcool, drogue et débauche. C’est un soir d’été. L’hôtel particulier des Charlebois est envahi par une horde de jeunes en quête de feux d’artifices improvisés. L’esprit embrumé, Hippolyte n’est jamais rassasié : un garçon ici, une fille par-là, deux hommes dans la chambre, puis deux hommes et une femme. Il n’entend pas le téléphone sonner. Une fois. Deux fois. Quinze fois. Ce n’est pas son agent qui lui propose une campagne publicitaire en Italie. Ce n’est pas l’atelier pour signaler un problème technique. Ce n’est pas la banque pour discuter des choses qui fâchent.

C’était Gaby. Hippolyte n’apprendra que le lendemain soir le décès de son père. Une crise cardiaque. « On n’a rien vu venir », répète-t-on à l’enterrement. Hippolyte n’a pas pleuré. Il a autre chose en tête depuis sa nomination comme poursuiveur pour l’équipe britannique des Faucons de Falmouth. « Remportons la victoire, mais si nous ne pouvons gagner, il y aura quelques crânes fêlés. » La philosophie idéale. Alors que la Maison Charlebois disparaît et que Gaby se voit assurée une retraite avantageuse reposant sur une notoriété hors normes – elle décèdera en pleine guerre noire, sans prévenir –, Hippolyte n’a plus qu’à traverser la Manche pour ce nouveau destin... avec un peu de drogue miraculeuse dans les poches pour se donner du courage.


La Gazette du sorcier
Octobre 1999

Alors que les Faucons de Falmouth ont récemment remporté une victoire en amical contre les Canons de Chudley, le poursuiveur Hippolyte Charlebois fait la une de la presse à scandale en s'affichant au bras du batteur Ernest Barclay. Une nouvelle idylle pour celui qui a su combiner sa carrière de sportif à celle de mannequin ? « Je ne reviendrai pas sur cette affaire. Mais pour faire taire les rumeurs, sachez que je suis aujourd’hui célibataire et que je compte le rester », a déclaré le principal intéressé qui n'a pas voulu se dévoiler davantage, bien que ses frasques aient régulièrement alimenté les potins depuis son adolescence dorée.

C'est la première fois que Charlebois s'exprime depuis le décès de sa mère, Gaby, l'ancien mannequin co-dirigeante de la Maison Charlebois et féministe engagée. Une femme qu'Hippolyte présente comme « un modèle et une inspiration ». Quant aux rumeurs sur son éventuel postulat en tant que professeur de vol à l'école de sorcellerie Poudlard, Charlebois reste silencieux et assure que nous serons informés de toute nouvelle orientation dans sa carrière le moment venu. Reste à savoir si les incessantes rumeurs sur une potentielle addiction à la drogue et des troubles obsessionnels compulsifs monteront aux oreilles du nouveau directeur...