Quand les murs s’effondrent… (Ft. Jamarah)

Quelle journée épuisante. Lourde et épuisante. Depuis la Marche Blanche, il avait cette ambiance si lourde dans le château, cela rendait les cours difficiles, surtout avec les élèves qui ne semblaient pas avoir la tête aux potions… Elle ne tentait pas de forcer les choses non plus, leur donnant des tâches plus simples et avec plus de temps. Sarah voulait être compréhensive, elle ne voulait pas faire comme si tout cela n’était pas réel, que tout cela méritait que l’on passe vite par-dessus. Non…La jeune femme n’était pas comme ça et la potioniste voulait laisser un peu de temps à ses élèves et aussi à elle-même. Parce qu’elle aussi avait la tête perdue depuis cet évènement. Elle pensait aux mesures prises en place et tentait de voir comment elle pouvait parler avec ses élèves, eux qui posaient tellement de questions…

Elle n’avait pas eu le cœur de rester des heures dans sa salle de classe ce soir-là, elle préféra aller dans ses appartements pour réfléchir, pour tenter de se changer les idées aussi. La jeune femme se permit même un verre ou deux de vin rouge qu’elle gardait bien scellé dans ses affaires. Elle tenta de lire, mais après 10 minutes sur le même livre elle se résigna. Il fallait être positif. Un pilier pour tous les élèves qui devaient sentir le besoin de s’accrocher à quelque chose. Sarah pouvait se mettre en tête qu’il fallait qu’elle tienne se rôle. Finalement, elle se permit un très long bain bouillant moussant avant de finalement aller se terrer au creux de son livre, le regard rivé sur la fenêtre qui laissait voir le ciel. Elle ne sut pas trop combien de temps cela prit pour s’endormir, mais elle ne dormait pas depuis longtemps quand du bruit la fit se redresser d’un coup dans son lit. Passant une main sur ses yeux, elle se demanda si ce n’était pas un cau-…Un autre bruit témoigna bien qu’il se passait quelque chose dans son petit chez soi. Avait-elle verrouillée la porte? Elle tentait de prendre soin de le faire normalement, mais visiblement, elle avait omis ce soir.

Un nouveau bruit la fit repousser ses couvertures, le froid venant briser un moment la peau de ses bras découverts tandis qu’elle déposait ses pieds sur le sol tout aussi froid. Étrangement, elle n’était pas inquiète. Parce que bon, c’était vraiment très bruyant, on ne tentait clairement pas de lui voler quelque chose, ou encore de s’en prendre à elle. L’idée qu’un élève vienne mettre ses trucs à l’envers effleura un moment son esprit, mais c’était très peu probable… ou peu intelligent quand même. Peut-être aussi qu’elle était un brin endormi et que cela diminuait sa méfiance. Elle prit quand même soin de prendre sa baguette parce que bon… elle était endormie, mais avait encore un minimum d’instinct de survie.

Elle avançait lentement vers la source du bruit, voulant garder l’oreille aux aguets, mais rapidement son approche subtile se modifia quand elle vit une silhouette dont elle devint rapidement le contour et avec la faible lumière qui éclairait son salon, elle reconnut rapidement James. James?! Abaissant sa baguette de suite, elle fut un petit moment aussi interdite que lui en le regardant. C’est lui qui avait fait tout ce bruit? Il put voir de la surprise dans son regard, mais il n’avait aucune colère. Elle brisa enfin le silence en s’avançant vers lui.

‘’James? Qu’est-ce que tu fais ici? Est-ce que tout va bien?’’

Sa voix résonnait d’une inquiétude non dissimulée, après tout, c’était quand même étrange de le voir ! Enfin, une partie de ses questions furent répondues quand elle s’avança vers lui pour poser une main compatissante sur son épaule…bon, il ne sentait pas le fond de bouteilles d’alcool, mais disons que l’alcool, ça une odeur particulière et comme il a bu plus que deux ou trois verres….elle en devinant les effluves.

‘’Est-ce que tu as bu? Tu veux t’asseoir un moment peut-être?’’

La gentille Sarah. Même un peu éméchée parce qu’elle dormait et dans son pantalon pyjama à carreaux et son t-shirt noir, elle restait aussi gentille et prête à aider. Cela la troublait tout de même un peu…James…elle ne l’avait jamais vu boire vraiment, lui qui était si calme et réfléchi. Bon, ça arrive à tout le monde de boire un peu trop! Elle aussi, ça lui arrivait parfois, mais il ne semblait pas avoir l’alcool joyeux comme on dit. Son regard restait braqué sur lui, encore une fois, aucunement fâchée de le voir en plein milieu de la nuit au milieu de son salon sans invitation.

Sarah restait devant James, la main posée sur son épaule dans une tentative maladroite de le soutenir dans une situation dont elle ne connaissait absolument rien. Dès qu’elle l’avait vu dans son salon, elle avait vu le brouillard de son sommeil coupé quitter son esprit et elle se sentait aussi réveillée qu’en pleine journée, comme alerte afin d’être présente pour James. Elle cherchait dans ses yeux des réponses, elle tentant de connecter des éléments dans son esprit pour l’aider à comprendre…bon, elle avait peut-être poser trop de questions d’un coup, ça lui avait échappé devant la présence de l’enseignant dans son salon. James commença par faire une tentative de réponse…bon, tentative parce qu’avec son niveau d’alcool dans le sang, composer des phrases complètes semblaient bien difficiles. Normalement, elle aurait eu un sourire, mais la détresse qu’elle semblait lire dans son regard l’en dissuada. Elle répondit répondit de suite cependant.

‘’Ce n’est pas grave, ça arrive, au moins tu es tombé chez moi, non?’’

Tentative bien maladroite de vouloir le rendre plus à l’aise dans son erreur. Bien maladroit réalisait-elle après seulement quelques secondes quand elle vit son regard changer, quand elle vit cette larme couler sur sa joue. Elle sentit de suite son cœur se serrer…James, si fort et qui semblait si brisé en ce moment. Cela lui créait vraiment une douleur au creux de l’estomac, un besoin intense de lui venir en aide. Il avait quelque chose de tellement triste dans voir cet homme qui lui semblait si calme tomber ainsi à genoux devant elle. Ensuite il parla. Encore une fois, elle ne comprenait rien de ce qu’il racontait, il lui manquait des bouts à son histoire. Quelque part, elle se demanda si c’était à propos de sa fille. Lui était-il arrivée quelque chose de grave? De nouveau, son cœur se serra. Elle ne pouvait pas vraiment lui poser plus de question, elle ne voulait pas l’inonder de mots alors que visiblement il vivait une peine puissante. Le voir aussi en peine la rendit tout de suite triste, même si elle ne savait rien de ce qui se passait encore…à

Elle ne put que faire que ce qu’elle pouvait offrir en ce moment…pas des mots, il était trop perdu, il était encore un peu ailleurs dans sa tête, elle comprenait cela, elle avait déjà vécu cela…Elle rompit finalement la distance qu’il avait entre eux, comme dans un geste désespéré d’être là pour lui. Elle l’entoura de ses bras. Il était à genou, mais elle restait petite, elle n’eut besoin que de se pencher légèrement pour entourer son cou de ses bras en le serrant contre elle. C’était une drôle de réaction peut-être…mais que pouvait-elle faire d’autres, elle trouvait cela insoutenable de le voir tomber comme ça en larme, elle tentait dont simplement de le soutenir, de le retenir…Elle avait croisé un bref instant son regard avant de s’avancer et elle n’aimait pas ce qu’elle voyait dans ses yeux brillants de larmes, cette tristesse, ce sentiment que l’on ressent parfois quand on a de la peine devant quelqu’un d’autre…mais ils étaient amis. Elle voulait lui montrer, lui faire savoir qu’elle était une amie sur qui il pouvait se fier, une épaule sur laquelle il pouvait pleurer et qui ne jugerait jamais.

‘’Je suis là, James…(encore une fois, c’était maladroit, dit avec une voix faible comme ils étaient près l’un de l’autre, inutile de crier) Je ne sais pas ce qui se passe, mais tu sais que tu peux me parler d’accord…’’

Oui, c’était des mots qu’elle utilisait finalement, parce qu’elle ne pouvait pas que lui faire un câlin et attendre, parce qu’elle devait mettre en mot sa présence pour lui, aussi maladroit et malhabile que cela pouvait être. En plus, ils étaient dans son salon, au milieu de la nuit, elle pouvait l’écouter autant qu’il en avait besoin et être présente aussi longtemps qu’il en avait besoin.

On ne connait jamais à 100% une personne. Pas nécessairement à cause de secrets, mais parfois on ne peut pas deviner la réaction d’une personne face à un évènement ou d’autres situations de la vie. Sarah qui pouvait avoir le luxe de dire qu’elle connaissait bien James ne l’avait jamais vu dans un état pareil. En réalité, elle avait l’impression de ne pas beaucoup le connaître. Pas parce qu’il était dans un état différent de d’habitude, mais parce qu’elle, elle ne savait pas comment agir avec lui pour l’aider. Quelque part, elle s’en voulait de ne pas savoir quoi faire, de ne pas savoir comment bien dire les choses. C’était sans mettre beaucoup sur les épaules d’un coup. Elle ne ressentait pas de pitié envers lui ou même de dégoût, loin de là! Elle le voyait vulnérable comme elle ne l’avait jamais vu, mais cela ne changeait en rien ce qu’elle pensait de lui. Au contraire.

Elle sentit son étreinte lui être retournée dans une tentative maladroit de le consoler au moins par des gestes. Sa réaction la rassura un peu, il répondait à ses gestes, acceptait un peu son soutien d’une certaine façon. Elle ne recula pas lorsqu’il s’excusa et elle n’eut pas envie de le convaincre encore une fois verbalement que ça ne la dérangeait pas du tout qu’il soit là. Elle resserra un peu plus son étreinte, sans l’étouffer naturellement, mais juste pour lui faire comprendre que tout allait bien. Sarah ne voulait pas qu’il s’excuse, elle voulait seulement qu’il se sente mieux! Et si le silence et une étreinte pouvaient l’aider, he bien elle le garderait dans ses bras dans la pénombre de son salon aussi longtemps qu’il en avait besoin. Elle avait fermé les yeux, elle avait calmé sa respiration, comme si elle espérait qu’il calquerait la sienne involontairement.

Elle ouvrit lentement ses yeux quand il se mit à parler et qu’elle sentit sa main prendre la sienne. Main qu’elle accepta et serra avec compassion. Ses paroles résonnèrent en elle sans créer le moindre écho d’inquiétude. Non, James, elle le connaissait un minimum. Un gros minimum même et elle ne pouvait pas l’imaginer faire quelque chose qui briserait leur relation. La tête qui se recule un peu pour pouvoir rencontrer ce regard triste, perdue, de la douleur et brillant par l’alcool et par une peur qu’elle ne comprenait pas du tout. Son regard à elle restait pourtant brillant de patience et d’une gentillesse qui lui appartenait bien. Sarah ne s’habituerait pas de le voir triste ainsi. C’était même pire que de la tristesse…il semblait anéanti. Alors elle réagit comme elle savait le faire.

‘’Tu sais quoi…Je pense que tu devrais dormir un peu et demain, on en parlera d’accord? Une bonne nuit de sommeil, ça aide toujours…’’

Disait-elle encore avec cette maladresse toute douce alors qu’elle se relevait doucement en ne lâchant pas sa main et en l’aidant de son autre pour qu’il se lève aussi. Elle reprit la parole tout aussi doucement et bas, puisqu’ils étaient quand même qu’eux deux dans son salon et assez près.

‘’Tu peux dormir ici, je pense que c’est mieux, aller, on y va…’’

Disait-elle en ayant un très faible sourire qui vint ourler ses lèvres alors qu’elle l’aidait du mieux qu’elle pouvait pour l’emmener à sa chambre sans qu’il se prenne les pieds encore une fois dans un meuble. Naturellement, son lit était défait puisqu’elle y était couché tout à l’heure, les draps étaient déjà ouverts et elle le fit s’asseoir sur son lit pour lui permettre de se mettre au lit. Elle n’avait pas encore lâché sa main, comme si elle attendait plutôt que ça vienne de lui, comme il en avait besoin. Sarah, de sa main libre, repoussa une mèche de ses propres cheveux derrière son oreille, conservant son sourire en lui disant.

‘’Je vais être dans le salon si tu as besoin de quoi que ce soit d’accord?’’

Son regard clair restait sur lui en attendant une réponse ou une réaction. Elle ne voulait pas l’abandonner là comme ça, mais elle était convaincue que dormir était la meilleure solution pour le moment. Elle restait donc là, debout devant lui, attendant son accord pour le laisser se reposer un peu. La potioniste se disait qu’avec l’alcool, il s’endormirait bien vite, non?

Décidément Sarah avait un côté maternel qui ressortait beaucoup depuis qu’elle était enseignante à Poudlard. C’était peut-être son âge aussi. Peut-être beaucoup de choses finalement la rendaient de la sorte, mais tout cela lui semblait naturel. Naturel d’aider son ami et d’être là pour lui. En réalité, elle se sentait bien maladroite dans son approche, il fallait dire qu’il la prenait un peu au dépourvu également, mais rien de grave. Rien que Sarah ne pardonnerait pas, enfin, qu’elle n’allait pas avoir à pardonner, parce que dès le départ, il n’avait rien à pardonner. Dormir lui semblait la meilleure idée, surtout pour James. Il avait encore pas mal d’alcool dans le sang et dormir lui permettrait au moins de décanter un peu le pauvre…

Elle sentait qu’il s’accrochait à sa main, peut-être pour ne pas tomber, peut-être pour ne pas se prendre encore une fois dans un meuble, mais cela venait un peu la pincer au cœur, comme si elle sentait que c’était plus qu’une simple précaution pour ne pas tomber encore une fois. La potioniste lança un coup d’œil en coin à James. Bien sûr, elle ne l’avait jamais vue de la sorte, ce qui donnait beaucoup plus d’impact à ce qui devait être arrivé. Elle allait savoir demain. Oui, elle ne poserait pas de question ce soir. Elle lui parlait, mais elle avait l’impression qu’il l’écoutait à demi, qu’il avait leurs mains qui créaient le contact et…c’était tout. Mais un peu de repos lui ferait le plus grand bien et c’est ce qu’elle lui dictait gentiment de faire avant de vouloir prendre congé vers le salon, pourtant il la retint. Encore cette main qui revenait se saisir de la sienne. Le regard clair de la jeune femme se déposa de nouveau vers James alors qu’elle entendait un non murmurer. Elle fut surprise ensuite de sa demande. Rester avec lui? Ce regard, ce mouvement, elle n’avait aucune résistance en ce moment. Jamais elle ne pourrait le quitter s’il lui demandait de la sorte, s’il avait dans ce regard cet éclat suppliant qui lui fit encore une fois de la peine. Une tristesse étrange considérant qu’elle ne savait pas ce qui se passait, mais elle était triste de le savoir triste. Il n’avait aucune arrière-pensée dans tout ça et elle le savait parfaitement. Elle répondit tout bas, dans un murmure délicat :

‘’D’accord…’’

En ne faisant que suivre les commandes gestuelles de James. Elle le rejoignit dans le lit, sans lâcher sa main, en exerçant même une petite pression pour lui témoigner qu’elle était là et que là, elle ne le lâcherait pas. Elle le lâcherait seulement s’il lui demande. Même s’il n’avait rien de plus dans ce geste, elle se demanda quand même la dernière fois qu’elle avait dormi avec un homme…une bonne éternité en réalité. Elle chassa ses pensées. La potioniste non plus n’avait pas d’arrière-pensée, mais dormir avec quelqu’un, c’était agréable, c’était confortable. Comme si elle comprenait qu’il avait besoin de sa présence, de son contact, Sarah se lova contre lui, l’entourant d’un bras, la couverture à demi sur eux, mais elle n’en avait pas besoin. Son visage vint se loger entre ses omoplates, le front contre sa nuque. Sarah ne ressentit pas le besoin de parler, juste de le serrer un peu contre elle, de le réconforter de cette façon. Elle sentait sa respiration dans son dos, même son cœur battre et elle tenta de rendre sa respiration calme pour qu’il puisse la calquer à la sienne. Elle ne faisait que penser à ce qui pouvait le rendre ainsi, à ce qui pouvait autant détruire son si solide James. Au bout d’un temps, elle ferma les yeux finalement, s’abandonnant au fait qu’elle allait sans doute en savoir plus demain. Elle ne tenta pas non plus de bouger, juste de continuer de le garder contre elle, même si elle eut l’impression que c’était elle qui était toute contre lui, elle était si petite dans son dos. Et malgré cette situation, malgré cette nuit qui serait peut-être tortueuse pour James et un matin possiblement exécrable, là, tout de suite, la potioniste avait l’impression d’être ou il fallait, ou plutôt…que James était tombé là où il devait être.

Sarah plongea dans une espèce de sommeil étrange, vaporeux un peu. Se réveillant à demi lorsque James était secoué de sursaut, sans vraiment se réveiller vraiment, Sarah ne faisait que le serrer davantage ou plonger son visage dans son dos, pour lui témoigner bien involontairement qu’elle était là. Elle ne suivait plus vraiment le temps qui passait, elle se rendormait à chaque fois avant que la nuit ne les emporte réellement jusqu’au petit matin. Sarah ne pouvait pas vraiment le ressentir parce qu’elle dormait, mais elle était bien. Un long et profond sommeil quand l’on se sent en sécurité. Elle avait l’habitude de dormir seule, lovée souvent contre des tonnes d’oreiller enrobée dans ses couvertures, mais là, c’était quelque chose qui dégageait de la chaleur qui l’entourait, qui la protégeait du froid mordant de la matinée.

Elle sentait le sommeil vouloir s’étirer doucement, mais son cerveau reprendre lentement connaissance du monde qui l’entourait. Des bras qui l’entouraient, de ce contact réconfortant…elle conserva les yeux fermés alors que les fils se reliaient dans sa tête. Non, elle n’était pas seule. Elle ne souvenait plus, rapidement comme ça, la dernière fois qu’elle avait dormi dans les bras d’un homme…parce qu’elle n’avait aucun doute. Elle était menue dans des bras qui lui semblaient bien masculins, une odeur particulière…puis la soirée lui revint. Elle n’avait pas bu elle, donc la mémoire lui revint rapidement. Juste le temps à ses méninges de se dégourdir du sommeil. Ils avaient bougé durant leur sommeil pour se retrouver ainsi…parce qu’à son souvenir, c’était elle qui était contre son dos, mais là, elle était contre son torse, bien blotti même dans ses bras. Elle sentit son cœur battre plus rapidement d’un coup, sentant une petite gêne monter en elle. Pas contre lui, loin de là ! Disons juste que bon…James c’était un grand frère, il la connaissait depuis une bonne éternité… Avant d’ouvrir les yeux, avant de prendre pleine conscience de leur position, elle s’attarda un moment à leur position…leurs jambes entremêlées, son corps contre le sien, ses mains à la hauteur de son torse. Elle déglutit difficilement puis finit par ouvrir tranquillement les yeux. Son regard si clair et brillant en ce matin parcourut rapidement ce qu’elle pouvait percevoir de son point de vue. Encore embué du sommeil, Sarah croisa le regard de James. Le rouge lui monta aux joues. Rien de trop intense, peut-être même de vraiment visible parce qu’il n’avait que de faibles rayons d’un jeune soleil qui se glissaient entre les rideaux de sa fenêtre.

Il était réveillé et c’était peut-être ce qui la gêna un peu. Extirpant doucement, lentement même ses jambes d’entre les siennes en reculant un peu. Pour prendre une petite distance, elle ne l’avait jamais vu d’aussi près, jamais de cette façon. Elle n’osait pas le regarder trop longtemps dans les yeux. Un faible sourire gêné venant sur ses lèvres alors qu’elle murmurait un petit et bien maladroit.

‘’Tu…tu as bien dormi…?’’

Bon, au moins, ils n’étaient plus aussi collés, elle voulait quand même avoir l’air naturel, il ne s’était rien passé et en dehors de ce réveil un peu gênant, elle ne trouvait rien de grave à la situation. Même le réveil, c’était gênant, mais pas assez pour dire que c’est grave tout de même…enfin…La potioniste ne voulait pas se lever en trombe, comme si elle avait peur ou autre chose. Et puis bon, faut se laisser une chance de se réveiller aussi non? Oui, voilà…c’était ce qu’il fallait faire. Elle ne savait pas non plus comment l’enseignant allait réagir. Il était vraiment ivre la veille, peut-être qu’il ne se souvenait pas de tout…Enfin, elle espérait quand même parce que se réveiller comme ça dans sa chambre, ça doit lui avoir fait très bizarre sinon!

Sarah avait parlé pour briser le silence, pour ne pas laisser cette gêne s’installer entre eux. Enfin, qu’elle ne s’installe pas trop bien en réalité, parce que peu importe, elle le serait un minimum gênante, cette situation. En réalité, quelque part, elle devait se sentir gênée d’avoir été si bien, de s’être blottie ainsi contre ses bras, d’avoir nouée ses jambes aux siennes à la recherche d’un contact chaleureux. Si en se couchant, ça avait été pour le consoler qu’elle eût appuyé son front contre son dos, durant la nuit, ça avait été la recherche de confort qui l’avait poussé à se lover ainsi contre lui. Heureusement, elle voyait cette même gêne un peu dans les yeux de James, ses mots lui semblèrent mystérieux sur le coup, comme s’il faisait référence à cette horrible chose qu’il n’avait pas osé dire la veille…
 
Sarah y pensait déjà, parce qu’elle s’inquiétait pour lui et elle se demandait bien ce qui pouvait peser autant sur les épaules solides de James. Elle n’était pas animée par une curiosité malsaine et elle était persuadée qu’il surestimait bien plus qu’il ne fallait cette chose horrible. Non, James était une bonne personne et ça, Sarah en était persuadée. La potioniste ne le quitta pas des yeux alors qu’il se redressait un peu, elle n’osant à peine bouger encore. L’observant bien malgré elle sous cet angle. Oui, il sentait l’alcool, mais pas à en avoir des nausées non plus quand même. Il était défraichi parce qu’il avait quand même dormi tout habillé, mais elle lui retrouvait son charme qui lui appartenait bien, qui le caractérisait si bien. Elle ne bougea pas non plus parce qu’il reprit la parole et c’est seulement quand il s’excusa et elle se redressa à son tour pour s’asseoir dans son lit, sans le quitter des yeux. La jeune femme chercha les bons mots à lui dire, elle ne le trouvait pas lamentable, loin de là et avant même qu’elle n’arrive à dire quoi que ce soit, il la remercia…Ouh la, il pensait qu’il pouvait partir comme ça ? Papillotant un peu des paupières, elle passa de son côté du lit pour venir s’asseoir à ses côtés, elle posa une main sur la sienne, comme pour l’arrêter dans sa tentative de se sauver, parce que c’était comme ça qu’elle percevait ses mots, partir le plus rapidement possible.
 
‘’Oui, tu as parlé un peu, mais on s’était dit qu’on se parlerait ce matin alors… avant de te sauver comme ça, laisse-moi au moins te préparer quelque chose pour ta migraine, d’accord ?’’
 
Elle lui sourit doucement, mais il avait dans sa voix quelque chose qui semblait dire qu’il ne pourrait pas s’en sortir comme ça. Elle serra doucement sa main avant de se lever du lit, visiblement plus en forme que lui. Sarah avait deviné pour sa migraine juste en repensant aux fois qu’elle avait bue autant que lui dans le passé, ce n’était pas une devin, disons juste une observatrice. Elle reprit la parole en se dirigeant vers la sortie de sa chambre.
 
‘’Tu viendras t’installer dans le salon si tu veux, ça ne va pas être long à te préparer comme potion miracle…’’
 
Elle avait mis un peu d’humour en parlant de potion miracle avant de le laisser un petit moment tout seul. Elle avait des questions, mais elle attendrait qu’il puisse au moins se lever de son lit avant de les lui poser. Elle s’activa alors dans un coin de ce qui lui servait comme salon. Elle n’avait pas tant de choses dans sa chambre, mais la base pour cette potion s’y trouvait et à l’aide de sa baguette, elle réussit à attirer rapidement les ingrédients à elle pour faire ledit mélange. Sarah gardait une oreille attentive à savoir quand James se lèverait tandis qu’elle s’activait près de son petit chaudron. Quand il gagna enfin la même pièce qu’elle, elle lui posa sa première question, en lui jetant un bref regard en biais.
 
‘’Pour ce que tu as dit, tu as dit que si je savais je ne sais quoi, je ne te verrais plus de la même façon… (Elle pivota vers lui, attirant vers elle une coupe qui se trouvait dans une armoire de la pièce) Tu as été très vague en vrai…est-ce que c’est pour ça que tu as bu hier?...Pour cette chose que je ne sais pas?’’
 
Elle s’approcha de lui après avoir versé le contenu du chaudron dans la coupe. Ça semblait épais comme mélange, d’une couleur rosâtre, un peu comme de la purée de fraises. Elle lui tendit la coupe avant de finalement croiser réellement son regard depuis son oreille.
 
‘’Je ne veux pas t’obliger à me parler James, mais comme tu me dis toujours, tu peux tout me dire et … d’après ce que j’ai vu hier, ça pourrait te faire du bien, non? (Un nouveau sourire qui se voulait encourageant et doux) Tu ne changeras pas à mes yeux James…je ne veux pas que tu t’inquiètes pour ça…’’
 
Oui, elle en était bien certaine. À moins qu’il ait tué quelqu’un, mais encore là, ça ne lui ressemblait pas du tout. Elle ne se fit pas trop de scénario, préférant attendre que ça vienne de lui et espérant qu’elle l’ait convaincu qu’il ne devait pas avoir peur de lui parler.

On avait tous notre dose de soirées pour lesquelles on aimerait juste reculer un peu dans le temps. L’alcool c’est vachement traite parfois ! À voir la tête de James ce matin, elle se doutait qu’il devait penser la même chose, mais la potioniste était pas mal convaincue que ce n’était pas que la migraine et l’abus d’alcool qui lui donnait cet air… peut-être parce qu’elle le connaissait un peu, même si elle ne se souvenait pas l’avoir bu autant. Cependant, Sarah, elle, elle n’avait pas bu. Si lui gardait un souvenir vague et confus de ce qui s’était passé la veille, pas elle. C’était très limpide dans sa tête et oui, elle était curieuse. Curieuse de savoir ce qui tracassait ainsi son vieil ami. C’est peut-être pour ça qu’elle lui dit d’attendre, qu’elle trouva une bonne excuse pour le retenir. Elle ne voulait pas savoir que pour savoir non plus et puis bon, la potion qu’elle allait lui préparer faisait vraiment des miracles sur les lendemains de veille un peu trop intenses. Ça valait au moins la peine qu’il attende pour ça. Elle avait quitté sa pièce pour ne pas entendre de protestations, pour ne pas lui laisser la chance de penser la contredire en réalité !  Le laissant aussi prendre le temps de retrouver un peu ses esprits et le contrôle de ses jambes.

S’activant habilement, la tête à demi ailleurs, elle était revenue vers lui avec le fameux breuvage. Restant debout devant lui, peut-être qu’elle se sentait un brin nerveuse de savoir ce qui se passait ? Nerveuse ? Non, c’était étrange ce qui l’habitait comme sentiment, peut-être qu’elle craignait quelque chose de très grave, qu’est-ce qu’elle en savait après tout… Et puis, elle avait l’impression de mieux pouvoir s’exprimer en restant debout, comme pour chasser toute trace de sommeil qui pouvait encore embuer son cerveau. L’observant prendre sa première gorgée et comment il réagissait à ses mots. Elle fut heureuse de voir ses yeux, de sentir son regard vraiment dans le sien. Il avait une belle confiance entre eux, elle le savait et lui aussi. Est-ce que cette confidence dépassait ce qu’ils avaient ? À bien y penser, il n’aurait sans doute pas grand-chose que Sarah ne dirait pas à James. Elle ne voulait pas le déranger, mais quand il le fallait, elle se confiait sans gêne.

Elle eut un petit pincement de tristesse au cœur quand il lui dit qu’elle ne savait pas ce qu’elle disait. C’était vraiment, mais seulement en partie. Peut-être était-elle trop optimiste, qu’elle surestimait James? Non…Elle le connaissait bien…oui, elle ne cessait de se répéter cela. Son plus vieil ami. Joignant ses mains devant elle en le voyant se lever, elle eut peur sur le coup, qu’il ne fasse que partir. Qu’il la laisse dans l’ignorance, mais il se remit à parler. À son grand soulagement. Ses mots lui semblèrent confus au départ, parce qu’elle ne savait rien, on le répétait souvent, mais elle ne savait rien. Le suivant des yeux, pivotant même un peu son corps pour ne pas le perdre des yeux, gardant sur son visage une certaine inquiétude, ses mains jouant entre elles et trahissaient commente elle se sentait.

Ensuite, elle sentit comme un poids tomber dans son estomac.  Emeline. Il put voir son regard s’aggrandir devant la surprise, ses lèvres s’entrouvrirent un peu dans la réalisation de ce qu’il voulait dire. Elle n’avait pas besoin d’un dessin pour comprendre ce qu’il voulait dire par faiblesse. C’était une élève, sans la connaître personnellement, elle savait que c’était une élève de James. Elle était majeure en réalité, c’est sûr que l’interdit existait de par la relation enseignant et professeur. Au fur et à mesure que James continuait de parler, le cerveau de Sarah alignait les points. Oui, c’était une élève. Avant. Avant qu’elle ne décède. Son regard le quittant, papillotant un peu en regardant un peu vers le sol. Elle entendait comme ses mots au lointain. Parce que sa tête liait le tout. Liait qu’il avait des sentiments pour elle, comment il lui parlait d’elle, elle sentait sa douleur dans ses mots et ça lui faisait de la peine.

Bien involontairement, elle comparait sa situation avec la sienne. Hélios, elle l’avait cru mort durant tellement d’année et elle se souvient de cette douleur qui avait vrillée son âme durant tellement longtemps, elle ne pouvait même pas imaginer comment cela devait être pire pour James. Ce n’était pas pareil, c’est sûr, il avait tout un contexte dans l’histoire de James qui rendait le tout tellement plus déchirant, tellement plus douloureux. Elle oublia que c’était un enseignant et qu’elle était une élève. Elle oublia qu’ils avaient passés par-dessus un interdit.

Elle était morte. Et lui vivait cette mort, il était en plein deuil de la femme qu’il aimait.

C’était ce qui vint le plus l’ébranler. Ce n’était pas une douleur que l’on devait vivre seul, c’était mal, c’était pire ! Lui ne pouvait pas en parler de par le fait que C’était son élève. Sentant un peu des larmes venir lui brûler un peu les yeux. Elle ne pleurait pas, mais elle comprenait sa douleur et s’imaginer James souffrir autant lui fit encore plus de peine. Sans rien dire de plus, elle ne fit que combler les pas qui les séparaient pour venir l’entourer de ses bras.  Ça ne ressemblait pas à l’accolade de la veille, là, elle voulait profondément le réconforter, elle voulait vraiment qu’il sente sa présence, qu’il sente qu’elle voulait partager sa douleur même si c’était impossible.  Le serrant un peu fort, elle sentit une boule d’émotion dans sa gorge. Directement, la mort d’Émeline ne l’affectait pas autant, c’était triste qu’une élève soit morte, c’était évident ! Mais indirectement, via James, elle se sentait triste pour lui.

Elle ne pensa pas une seconde à le sermonner parce que c’était une élève. Elle était morte ! Plus de raison de lui dire que c’était mal, il en avait pas besoin du tout. C’est pour ça qu’elle le serrait contre elle, parce qu’elle tentait vainement de le consoler de sa peine, elle ne sut pas combien de temps qu’elle restait contre lui, le souffle court, les yeux fermés avant qu’elle ne finisse enfin par dire, d’une voix faiblement enrouée et très basse de par leur proximité.

‘’Comment as-tu pu penser que ma vision de toi changerait… (C’était dit tout bas et après avoir déglutit difficilement, elle rajoutant) Je suis tellement désolée pour toi, James…’’

Et c’était sincère, du plus profond de son cœur, elle ne se voyait pas réagir différemment en toute honnêteté, c’était l’amie qui avait réagi, pas la collègue.