Speed Dating (Keir D. Lowe & Theresa Walter)

Il entend des ronflements. Des bruits de draps qui se froissent sous les corps qui se tournent dans leur sommeil. Des murmures, des gémissements. Parfois des mots. Il voit distinctement chaque détail au dessus de lui. Il voit, même de loin, les tâches de rousseur qui couvrent le visage du garçon à sa gauche, sa bouche entrouverte laissant de temps à autres échapper un mot qu'il n'arrive pas à comprendre sans contexte. Il voit la poussière accumulée sur le livre de chevet du camarade à sa droite, trahissant l'absence totale de lecture ces derniers jours, voire semaines. Quand il se lève, ses pieds nus se posant aussi silencieusement que possible sur le sol, sa respiration faible pour pouvoir entendre le moindre bruit qui ne viendrait pas de lui, il peut voir cette rougeur sur l'intérieur de son avant-bras, celle qui dénonce cette manie qu'il a depuis peu de frotter sa peau avec insistance quand son cœur s'emballe. Il entend encore les battements dans ses tempes, il les sent encore. Il ne pourra pas se rendormir.

Le Poufsouffle se change rapidement et attrape son pull, sa baguette qu'il glisse dans l'une de ses poches, ses chaussures et chaussettes avant de rejoindre la salle commune, vide de toute présence à l'exception de la sienne. Il se donne quelques minutes pour tout observer, passant son pull, laissant ses cheveux encore plus en désordre que celui que la nuit avait laissé. Puis, il s'échappe dans les couloirs, enfilant ses chaussures en même temps qu'il marche, la tâche manquant de le faire tomber au sol. Les images sont encore vives dans son esprit et il espère que faire un tour lui permettra de les effacer, même si le bruit de ses pas qui réverbe sur les murs en pierre lui fait prendre conscience du fait qu'il est absolument seul et que rien ne peut le distraire. Il hésite un instant à se diriger vers les cuisines, mais y renonce par peur de croiser un Auror qui n'apprécierait que peu qu'il s'y rende sans raisons. Le jaune et noir finit par grimper les escaliers pour se rendre au rez-de-chaussée, les premiers rayons du soleil le laissant comprendre qu'il pourra tout de même profiter d'un petit-déjeuner à cette heure en se rendant dans la Grande Salle. Ses pensées le ramènent constamment à ce cauchemar qui l'a tiré de cette nuit censée être réparatrice et sa main vient de nouveau chercher son autre bras, son pouce répétant ce va et vient incessant qui lui chauffe l'épiderme.

Keir remarque rapidement les portes ouvertes, et entend quasiment immédiatement la protestation qui s'échappe de la salle et le pousse à tirer sa baguette de sa poche, même s'il doute qu'elle lui soit très utile. Si son rythme de marche n'était déjà pas rapide, il ne fait que se ralentir à mesure qu'il approche, prudent. Trop prudent. L'odeur lui arrive avant l'image, et l’Écossais fronce le nez alors qu'il arrive derrière la jeune femme qui a lâché cette plainte. La main tenant sa baguette est toujours contre son flanc alors qu'il tente au mieux de ne pas céder à sa méfiance. A en croire ce qu'il voit, elle est victime, et non bourreau. Est-ce que ça va ? La question est simple, classique et pourtant, elle contient avec lui une multitude d'autres interrogations : qu'est-ce que c'est ? Comment est-ce arrivé ? Qui est responsable ? Qu'est-ce qu'elle fait là ? Est-ce qu'il risque quelque chose ? Il reste éloigné, ses yeux glissant sur ce qu'il voit de la salle depuis l'extérieur, ses pieds comme vissés au sol pour l'empêcher d'avancer et de se retrouver dans la même situation qu'elle.