Shall we challenge ourselves? ♦ James

J’avais attendu le week-end avec une certaine impatience. Je ne savais réellement pourquoi, car, au fond, je n’étais plus à l’école depuis quelques années et, les fins de semaines n’avaient plus vraiment la même signification maintenant. De plus, mon stage était loin d’être le plus épuisant du monde. Même rédiger mon rapport chaque soir ne relevait pas de la corvée. C’était presque trop simple finalement. En y réfléchissant mieux, c’était peut-être d’avoir mis la main sur ce vieux grimoire qui m’avait fait attendre le samedi avec envie. Lors d’une escapade, une énième, je devais l’avouer, à la grande bibliothèque de Poudlard, j’avais déniché un ouvrage des plus intriguant. Celui contenait en ses pages de vieux sortilèges, dont j’étais certaine que l’utilité me viendrait. Je rêvais de voyage, de partir dans des contrées lointaines explorer de vieilles criques protégées par d’anciennes formules presque oubliées. Ainsi, consulter le vieux livre m’était paru comme une évidence.

Le temps était parfait. Le soleil était présent, sans éblouir. Une légère bise rendait les entraînements en extérieur bien plus agréable. Il faisait bon, mais certainement pas assez chaud pour que beaucoup d’élèves souhaitent s’aventurer trop loin dans le large parc du château. Ainsi, je savais que je serai tranquille et cela me plaisait. Epaules recouvertes de ma robe de sorcier, large grimoire dans les bras, je marchais d’un pas décidé en direction des extérieurs. Je longeais le lac dont la noirceur laissait place aux reflets des nuages. Un beau tableau, pensais-je, continuant ma marche sans m’arrêter un instant. Chaque pas foulé sur ce sol me rappelait à quel point tout ici était si différent de là-bas. Les paysages me rendaient parfois mélancoliques d’un passé que je détestais pourtant de tout mon être. C’était étrange. J’avouais avoir bien du mal à me comprendre. J’avais le mal du pays, de temps à autre, alors qu’au final, je ne voulais pas vraiment retourner chez moi.

Enfin, je trouvais un coin convenable. Derrière quelques arbres fins, j’ouvris mon livre et le feuilletai avec attention. J’étais totalement plongée dans mon étude, et aucun bruit alentour n’aurait pu m’en détacher. Je faisais partie de ces gens, qui, sans doute grâce à beaucoup de chance, pouvaient se fermer dans une bulle hermétique pour se concentrer. Je faisais très facilement abstraction des détails alentours ; des discussions lointaines, des encouragements venant du terrain de Quidditch que le vent amenait vers moi, ou encore du chant des oiseaux préparant l’arrivée du froid avec entrain.
Je décidai de concentrer mon entraînement sur les sorts non-dits, avant d’attaquer un sortilège non maîtrisé. J’appréciais grandement de pouvoir mouvoir ma baguette, d’effectuer une action avec celle-ci sans que la personne en face de moi n’en sache rien. L’effet de surprise provoqué était un véritable plaisir. Rapidement, j’avais appris à maîtriser cet art, pensant augmenter mes notes, polir mon image. Je n’étais pas certaine que cela avait eu l’effet escompté au final, tant mes parents avaient ignorés la différence. Toutefois, j’espérais qu’un jour je recevrai le digne retour pour tant de temps passé à m’exercer. Je lâchai doucement le grimoire, et le laissai flotter à mes côtés. Diviser ma concentration était un défi difficile. Effectuer plusieurs tâches magiques en même temps était fatiguant, mais, j’étais suffisamment bornée et ambitieuse pour m’y atteler avec attention. Alors que l’ouvrage maintenait sa posture, j’agitai avec agilité ma baguette d’une direction opposée afin de faire venir plusieurs objets à moi. Une branche. Une écharpe abandonnée, et même quelques feuilles de cours griffonnées que l’humidité avait rendues illisibles. Je décidai de réduire le premier, de brûler le second et de créer un autre objet avec le troisième. Le tout, sans que mon ouvrage ne chute sur le sol. Prenant une grande inspiration, je m’attelai au premier sort sans grande difficulté. Puis, une fois le second terminé, je sentis le grimoire perdre de la hauteur. Je fermai les yeux, essayant du mieux possible de me concentrer quand un bruit de pas non loin de moi coupa ma concentration d’une traite. Le feu perdit brutalement de la vigueur, le grimoire chuta en un bruit sourd sur l’herbe en-dessous de lui et je fis volte-face pour regarder dans les yeux le fâcheux personnage qui venait de pénétrer dans ma bulle.

« Professeur Martell. »

Mon regard ne put cacher ma surprise de le croiser ici, et je me contentai de le saluer sans faire de remarque clinquante. Non pas que l’envie m’en manquait, mais, il restait un enseignant. Je n’avais eu l’occasion de lui parler. Je l’avais simplement croisé, çà et là. Il m’avait été rapidement présenté lors de mon arrivée à Poudlard pour mon stage, rien de plus. Je l’imaginais déjà poursuivre son chemin, mais, il semblait finalement qu’il n’en serait rien…

Sans doute utiliser un sort présentant quelques flammes n’avait pas été la meilleure des idées. A sa présentation d’excuse, j’en vins à penser que peut-être il était venu par ici en pensant aux mauvaises actions d’un quelconque élève. Au final, c’était parfaitement logique. La prochaine fois, peut-être que j’irais prendre place dans une vieille salle abandonnée pour m’entrainer. Ou, mieux encore, aller trouver la fameuse salle sur demande dont je n’avais encore eu le temps de dégoter. Plus le temps passerait, et plus la météo ferait des siennes ; ainsi, les occasions ne manqueraient pas pour moi afin que je puisse mettre la main dessus et y passer des journées entières en dehors du travail. Je pouvais tout aussi bien m’entrainer dans mon petit appartement, mais, ce dernier avait déjà deux pans de murs recouverts de piles d’ouvrages… C’était bien trop dangereux.

« Ce n’est rien. »

Répondis-je alors, en me baissant pour ramasser le large grimoire. J’en époussetai délicatement la couverture, quelques petites feuilles mortes ayant pris place dans les vieilles rainures du cuir sombre. Je ne pouvais détacher mon regard des pages épaisses jaunies par le temps. Mes doigts parcoururent la bord de l’une d’elle, filant là où l’encre avait dessiné les incantations d’un fil épais qui faisait voir au plus pointilleux un léger relief. « Vous… Vous vous intéressez à ces sortilèges ? » A cette question, je relevai les yeux vers le professeur. Puis, reposai à nouveau mon regard sur le large livre avant de lui répondre en le regardant une nouvelle fois.

« Oui. Je pense qu’ils sauront m’être utiles, le moment venu. »

J’esquissai un sourire, sans en dire d’avantage. Il y avait dans l’ouvrage bien des sortilèges qui n’étaient plus, ou peu utilisés de nos jours. C’était ce qui me plaisait. Apprendre les mots oubliés, savoir que je suis une des rares à m’en souvenir me procurait un sentiment bien plaisant. Je ne savais quand j’aurais l’occasion de m’en servir, tant certains étaient singuliers. Toutefois, je gardais avec un fervent optimisme l’espoir que cela arriverait un jour.
J’écoutais ce que l’enseignant disait alors. M’expliquant son astuce pour parvenir à diviser sa magie avec équilibre. Je ne pouvais m’empêcher d’être sceptique, même si, au fond de moi-même j’inscrivais ses paroles dans un coin de mon esprit avec une grande minutie. J’avais beaucoup appris seule, et je ne pouvais empêcher une certaine moue face à des explications qui se voulaient bienveillantes. Cependant, je fis l’effort de l’écouter. Un souvenir. Un souvenir suffisamment positif pour qu’il détende, mais sans non plus trop l’être pour ne pas perturber son subconscient.

« Bien, alors essayons. »

Alors, je lui tournai doucement le dos. La main sous la tranche du livre, je glissais petit à petit celle-ci au rebord du cuir piqué jusqu’à ce qu’il flotte de lui-même à une bonne hauteur du sol. D’un premier mouvement de baguette, je m’attelai à la branche. D’un second, l’écharpe s’illumina d’une belle flamme verte dont une douce odeur de lavande s’échappa. Enfin, d’un troisième, les feuilles se rassemblèrent afin de former un joli oiseau de papier, sur lequel des plumes commençaient doucement à apparaître. Je gardais un regard droit et concentré sur chacun des objets. Faire le vide dans mon esprit n’était pas chose aisée. Mais, je pris soin de trouver un souvenir agréable et doux. Je choisis ce belle après-midi d’été, lorsque j’avais cinq ans. Ma mère était dans le jardin, et Zahari était avec nous. Nous étions seulement tous les trois, car notre père était parti en déplacement pour la journée. Une après-midi paisible, tendre et paisible. Je pris une longue et silencieuse inspiration, terminant mon bel oiseau dont le plumage bleuté jurait avec la verdure du sol. Celui-ci battit un peu des ailes, et fila un court instant dans l’air. Je rendis alors sa forme à la branche, éteignis le feu, et reposa ma main sous le grimoire. Alors que je commandais au petit oiseau d’aller sur l’épaule de l’homme en face de moi, j’esquissai un nouveau sourire.

« Seriez-vous prêt à essayer ? »

Je lui tendis alors l’ouvrage des deux mains, un air un peu malicieux dans les yeux. J’avais toujours su apprécier les enseignants à l’ouvrage. Je savais qu’il saurait sans grande difficulté effectuer ce que je venais de faire. Je ne doutais pas non plus du fait qu’il puisse faire mieux. Mais, je voulais le voir de mes propres yeux.

Je ressentis un plaisir étrange à le voir accepter ma proposition. Les enseignants étaient souvent vus comme ayant peu d’attrait ou de temps pour se laisser aller, mais, monsieur Martell faisait là une belle exception. Je fus surprise de ma propre réaction, de mon propre sourire à le voir prendre le large ouvrage et commencer son œuvre. Je ne savais réellement pourquoi. J’avais dans l’habitude de m’entrainer toute seule, depuis tant d’années que je ne m’étais jamais posé la question de si c’était bien de le faire à plusieurs. A Durmstrang, j’étais souvent dans mon coin. J’avais bien des camarades de classe, mais, peu d’amis avec lesquels je pouvais défier ma sorcellerie. Et puis, avec l’arrivée d’Oxana dans les couloirs, cela avait été bien compliqué de trouver un endroit où j’aurais pu pratiquer sans risquer que la situation se retourne contre moi.

Je le regardai faire avec attention. Les bras croisés sous ma poitrine, j’examinai ses faits et gestes. La façon dont il tenait sa baguette. Les mouvements singuliers de son poignet pour jeter ses sorts. Un même sort a beau être connu de tous, chacun à sa petite façon de le faire prendre vie. Comme une même lettre prend une forme différente selon l’écriture de chacun, un mouvement de baguette variait lui aussi, aussi infime que cela pouvait paraitre. Je laissais mes cheveux voler à la bise, laissant les feuilles tournoyer autour de nous. L’automne avait commencé à en rougir quelques-unes, ce qui rendait la scène presque poétique. J’en venais à me demander ce qu’il réservait ensuite, lorsqu’un balai vint à nous accompagné de son sceau. J’arquai un sourcil, curieuse de voir ce qu’il allait faire avec ceux-ci. La scène sortie tout droit d’un livre pour enfant prenait forme sous mes yeux, et je ne pouvais empêcher un large sourire de se peindre sur mon visage face à celle-ci.

« Bravo, c’était très inventif, je dois l’avouer. »

J’alliai geste et parole, en l’applaudissant doucement. Son rire était communicatif, et je ne pus retenir le mien de venir discrètement me joindre au sien. J’étais ravie d’avoir pu partager un tel moment ; aussi court avait-il pu être.

« Merci beaucoup. Le compliment est à vous retourner. »

Cela aurait été bien hypocrite de ne pas lui rendre la pareille. J’étais sincère. « Voulez-vous en essayer un autre ? » Alors que je refermai le grimoire avec douceur, je posai à nouveau mon attention sur lui à sa question. J’étais surprise, mais non pas déplue par sa proposition. Je serrai un court instant le livre contre moi, réfléchissant pendant quelques secondes à son offre. Il n’y avait personne autour de nous. L’après-midi était encore loin d’être terminée. Il était donc tout à fait possible de s’amuser encore un peu. Le weekend terminé, nous n’en aurions plus l’occasion donc…

« Très bien. Essayons donc quelque chose de différent, voulez-vous ? »

J’esquissai un sourire, posant l’ouvrage dans l’herbe à mes pieds. Je m’assis en tailleur, juste à côté. Je cherchai un instant ce que je pourrais effectuer. Puis, décida de me laisser aller à mon imagination.

« Asseyez-vous donc, monsieur. »

D’un geste, j’attirai un tas de feuillage tombé çà et là autour de nous. L’amas prit forme rapidement sous l’homme, offrant un tabouret sur lequel il fut assis par une pression sur ses épaules faites par l’arbre situé juste derrière lui.  Je regardai le sol aux alentours, pointant un endroit, puis un autre avec ma baguette. Après quelques secondes d’attentes, des petites fleurs de saison arrivèrent vers nous, dansant en une ronde douce et jolie. Je les faisais tournoyer, encore et encore, dans un spectacle amusant. Elles terminèrent après quelques minutes, avec une belle révérence.

HRP:

Il avait ri, presque de bon cœur. Cela m’avait fait sourire, m’avait détendu. C’était étrange comme sensation, de se sentir finalement reposée avec une personne dont nous ne connaissions ni l’histoire, ni le fond de la pensée. Cela avait tendance à m’arriver régulièrement à Poudlard depuis mon arrivée. Cette école regorgeait-elle donc de tant de sorciers agréables et de bonnes compagnies ? Ou bien, était-ce moi qui prenais à présent mon courage à deux mains pour m’ouvrir un peu plus au monde. Je n’avais que vécu pour ma famille jusqu’à présent, et bien qu’encore jeune, le regret se faisait parfois ressentir. Prendre ses responsabilités à cœur, depuis tant d’années, m’avait sans doute fait vieillir plus rapidement que je ne l’aurais dû.

Ainsi, je prenais plaisir à imaginer ce que je pourrais créer ensuite de la pointe de ma baguette. Les sortilèges étaient fabuleux. Je décidai de donner la vie à un univers tendre, presque enfantin en sachant pertinemment que beaucoup aurait décidé de créer la mort et le désespoir avec leur fin objet de bois. J’en étais parfaitement capable aussi… Ce n’est pas comme si je ne l’avais pas déjà fait. Mais, cela, le professeur à mes côtés n’avait pas à le savoir. Il n’avait pas à connaitre chaque détail de ce passé que j’essayais tant bien que mal de laisser derrière moi, en sachant pertinemment que cela me serait impossible. Il était inscrit dans mes veines, dans mes souvenirs, dans mes passe-temps. C’en était désespérant.
Alors que je jouais avec mes petites plantes automnales, l’homme s’invita à la danse. J’esquissai de nombreux sourires alors qu’il ajoutait sa touche personnelle au spectacle. C’était plaisant, je devais l’avouer. Je ne savais pas combien de temps cela durerait, alors je profitai pleinement de l’instant. J’inscrivis dans ma mémoire ce partage, espérant par la même occasion que personne ne vienne nous déranger. La plupart des élèves de cette école ne me connaissait ni de Merlin, ni de Morgane. Je doutais donc que me voir jouer ainsi ne les intrigue. Toutefois, je doutais qu’il en soit de même pour la professeur Martell. Etrangement, il présentait là une facette que je n’avais jamais vu, ni dans la Salle des Professeurs, ni lors des repas et encore moins dans les couloirs.
« Votre professeur de sortilège a dû beaucoup s’amuser avec vous ! » dit-il alors, maintenant que nos sortilèges avaient pris fin. Je levai les yeux vers lui, incertaine de quoi répondre. Durmstrang et Poudlard étaient si différentes l’une de l’autre. J’avais bien évidemment eu de bons échanges avec certains de mes enseignants, mais, c’était malgré tout un école bien particulière…

« Si j’avais pu passer ma scolarité ici, je suis certaine que j’aurais pris bien plus de plaisir à perfectionner mon art. »

Répondis-je simplement. Si nous avions eu un âge plus proche, j’aurais très certainement apprécié l’avoir comme camarade de classe. J’avais bien eu quelques compagnons d’étude, avec qui j’avais entretenu de longues discussions dynamiques sur nos sujets d’études. Toutefois, je les avais perdus de vue pour la plupart. J’échangeais encore quelques hiboux avec d’autres, mais, de moins en moins. Etait-ce une des conséquences à devenir adulte ? Je ne savais pas trop.

« Voilà un meuble bien confortable, merci. »

Souriais-je en m’asseyant sur la charmante chaise de fortune qu’il venait tout juste de confectionner. Nous étions à présent tout deux fort bien installés, là, dans ce large parc. Je laissais un instant mon regard vagabonder sur les alentours. Je ne savais si j’allais à nouveau jouer avec ma baguette. Pas tout de suite peut-être. Alors, je regardai, au loin la fin architecture du château se dessiner pendant qu’une légère bise commençait à faire surface. « Quel est votre sortilège préféré ? » Une question qui me prit de court. Coude sur le genou, menton sur la main, je réfléchissais pendant de longues secondes.

« C’est une question difficile. Protego est très certainement un sort important, qu’importe l’échelle de puissance utilisée. »

Oui. C’était un beau contre-sort. Qu’il soit prononcé contre un adversaire, contre cent ou pour protéger tout un bâtiment. Je savais qu’il avait été utilisé pour recouvrir Poudlard d’une barrière magique lors de la Bataille. Je l’avais entendu lors de discussions.

« Le sortilège oubliette est intéressant aussi. Utiliser avec parcimonie, je pense qu’il pourrait panser bien des plaies… »

Dis-je alors un peu plus gravement. J’étais de ces personnes qui souhaitaient garder tout en mémoire, le bon comme le mauvais. Mais, je pensais avec cela à ma mère. Si je pouvais lui retirer chaque mauvais souvenir, chaque douleur infligée, alors… alors peut-être qu’elle recouvrirait sa joie de vivre. C’était naïf de penser ainsi, mais, c’était ce qui me tenait encore en espoir.

La discussion filait naturellement. C’était agréable d’échanger sur un sujet aussi vaste et passionnant que les sortilèges, sur cette essence même qui faisait de nous des sorciers. Un court instant, je voulus dériver la conversation sur les rumeurs que j’avais entendues… Une, si je l’avais compris, épidémie… Des sorciers atteints d’une perte totale de magie. Pourquoi ? Pour combien de temps ? Y avait-il une cause ? Je n’en savais rien. Je ne savais même pas si les personnes au courant de tout cela en savaient quelque chose d’ailleurs. Etant donné que nous parlions de cela, j’avais eu envie d’amener le sujet. Puis, je m’étais résignée. Cela aurait assombrit de trop ce doux moment partagé. Et, je n’avais pas encore assez de preuves pour pouvoir les lancer aux nez des enseignants. Pas encore. Oui. Cela ne saurait tarder. J’étais extrêmement têtue, je saurais mener mon enquête.

Finalement, j’en vins à parler de mes sortilèges préférés. Protego. Oubliettes. Il y en avait bien d’autres. Cependant, ces deux-là furent les premiers à me venir en tête. Une réponse qu’il allait sans doute trouver un peu étrange. Toutefois, il ne jugea en rien, ce qui était agréable. « Un choix intéressant. » L’était-il réellement ? Ou bien, était-il si commun qu’il manquait horriblement d’originalité. Je me contentai d’esquisser un simple sourire à sa remarque, ne sachant réellement quoi ajouter de plus. J’aurais pu lui rendre la pareille. Lui demander à son tour quel était le sort qu’il appréciait le plus. En connaître même la raison. Mais, les mots ne parvinrent pas à passer la barrière de mes lèvres. Une partie de moi se retenait de trop en demander, de trop m’ouvrir à cet homme qui, bien que me semblant être de très bonne compagnie, m’était finalement bien inconnu.

« Je suis d’accord avec vous. Il est important d’ouvrir ses horizons afin d’en ouvrir son esprit. Chaque école a sa façon de faire et de penser, et expérimenter une méthode nouvelle ne peut qu’être bénéfique. »

Dis-je alors que le sujet retournait sur les écoles de magie. Chaque personne vivait bien évidemment la situation différemment. Zahari avait vu cela comme une opportunité pour changer, pour quitter à tout jamais sa vie d’avant. Alors qu’Oxana vivait cela comme une véritable aberration. Je ne savais pas de quelle façon j’aurais moi-même vécu cela si j’avais encore été scolarisé. Aurais-je apprécié ces changements ? Sans doute. La simple idée d’être dans un environnement où de nouveaux sujets pouvaient être appris me plaisait. Le point négatif, mais, qui restait un point positif malgré tout, était de vivre loin de la Bulgarie. Être loin de cette famille était aussi satisfaisant que c’en était inquiétant.

« Ce serait avec un grand plaisir ! Il est évident que nous avons encore beaucoup à nous montrer. »

Dis-je avec un rire. J’avais apprécié jouer ainsi avec lui. Jouer, car, au final nous avions, pendant un court instant été que deux enfants fort expérimentés qui s’amusent. Cela avait été agréable. Je ne pouvais le dénier. J’espérais que cela se reproduise. Et, s’il l’espérait également alors, cela ne saurait tarder. Je ne manquai pas d’idée sur le sujet.

J’acquiesçais simplement d’un signe de tête à sa remarque, sans rien ajouter de plus. J’espérais sincèrement que mes frères et Oxana finissent tous par voir cet échange de cette même façon. Poudlard avait bien des avantages. La Magie Noire n’y était, certes, pas tout à fait enseignée de la même manière mais il y avait bien plus que cela. Bien plus que du négatif, de la noirceur et des pas qui résonnent en couvrant à peine le bruit venant de la salle de torture. J’espérais ainsi voir le changement dans mes cadets. Je ne pourrais pas rester entre les murs de l’école pour très longtemps. Une année, c’était certain, mais après ? J’espérais de tout cœur qu’ils voient d’un bon côté l’opportunité d’avoir pu mettre les pieds dans une école aussi prestigieuse que celle-ci. J’espérais que les rencontres seraient bonnes. Savoir un enseignant tel que le Professeur Martell entre ces lieux était rassurant ; peut-être qu’au détour d’une conversation avec lui, ma petite fratrie saurait changer d’opinion.

Le temps était passé très rapidement. Cette petite rencontre m’avait permis d’oublier, un court instant, chaque souci qui rongeait mes nuits. Je m’étais alors souvenue que partager un moment, simple bien qu’un peu malicieux, avec une personne que nous connaissions à peine n’était pas négatif. Cela pouvait apporter beaucoup. Cela m’avait apporté du rire. Un rire sincère que je n’oublierai pas de sitôt. Mais aussi un bel échange, de belles paroles et l’idée que ma façon de penser n’était pas aussi étrange que ma famille voulait bien me le faire croire. Je me relevais de ma chaise de fortune, serrant le large grimoire contre ma poitrine et glissant ma baguette dans la poche de mon jean.
« Je vous remercie, Miss Yordanova pour ce moment passé avec vous, je pense qu’il est temps pour moi de retourner au château. » Il devait avoir bien des choses à faire, et j’esquissai un sourire à sa légère révérence. Je lui rendis par un signe de tête, avant de prendre parole.

« Merci à vous, professeur. Je suis certaine que nous aurons l’occasion de nous recroiser. »

J’ajustai le col de ma robe de sorcier, alors qu’une légère bise, dénuée de toute magie cette fois, commençait à souffler autour de nous. Le soleil commençait doucement à se cacher derrière quelques nuages, et je compris qu’il était temps de rentrer au chaud.

« Partez devant. Je pense aller rendre visite au Garde-Chasse avant que l’après-midi ne touche entièrement à sa fin. »

Je n’avais pas envie de retourner au château. Pas tout de suite. C’était bien trop tôt. Alors je lui dégottai mon plus beau des sourires, attendant patiemment qu’il tourne les talons. Une fois qu’il aurait fait quelques pas, je m’en irai dans le sens opposé pour aller jusqu’à la petite hutte que je connaissais que trop bien maintenant.

HRP: