You're the last of a dying breed - Ezechiel

J’avais l’impression que peu à peu je perdais la tête. Mon frère pouvait vous le certifier, je n’étais plus que l’ombre de la fille que j’étais avant. Avant, je faisais ce que je voulais quand je le voulais. Rien ne me semblait important mis à part mes envies. Il ne faut pas se méprendre. J’ai toujours été une fille sérieuse dans ses études. Tous les parents disent la même chose après tout : il faut avoir les meilleures notes possible pour s’ouvrir le plus de portes possible pour le futur. Par contre, à l’époque, le futur était une notion très floue dans mon esprit. Quand mon père est revenu dans nos vies, il nous a forcés, Skye et moi, à lire des tonnes de bouquins de magie pour nous préparer pour l’école, Beauxbâtons. Il mettait surtout l’accent sur la métamorphose à cause de notre historique familial, mais considérant que nous n’étions pas au courant, je n’ai pas pris ça au sérieux. Skye était tout l’inverse de moi, c’était lui le fils prodige. Je n’étais que la petite sœur frivole. Maintenant, j’étais revenue à son niveau, pour les mauvaises raisons, mais était-ce important ? Je ne le crois pas.

Maintenant, j’avais un but pour le futur, je voulais être médicomage. Je voulais aider les autres, empêcher autant que possible les sorciers de souffrir. Environ une fois tous les mois j’avais des douleurs terribles, et ici je ne parle pas de douleurs menstruelles. Un feu invisible me brulait de haut en bas alors le sang perlait sur ma peau si je n’allais pas me réfugier sous l’eau. Généralement, j’y arrivais, mais à la minute où je croisais quelqu’un dans les couloirs, je devais me cacher et attendre et cela me retardait pour éviter ces douleurs. C’était ce qui s’était produit le mois précédent avec Mila. Elle avait essayé de faire son boulot au mauvais moment, elle n’avait pas compris, je m’étais emportée, je n’avais pas pu gérer tout ça en même temps. Les brulures sur tout mon corps, la panique de la situation qui dérapait, les solutions n’arrivant pas, le stress de ne pas savoir ce qui allait se produire, si j’allais être révélée…j’avais complètement paniqué, je l’avais poussée et j’avais fui le château. Ce n’était pas moi ça…

C’est pour ça que je restais une bonne partie de mon temps seule. J’avais des amis, il ne faut pas se méprendre. Je n’étais pas un ermite tout de même. Par contre, les Pandore, Ethan, Niall et Freya de ce monde savaient où se situaient mes priorités et que je mettais la priorité sur mes études et ensuite sur le reste. Je m’amusais de temps en temps bien sûr. Mais la plupart du temps, les gens qui me cherchaient me trouvaient à la bibliothèque ou bien dans le parc à courir. Mon frère se foutait un peu de moi en disant que je voulais garder ma taille de guêpe. C’était plutôt pour garder ma tête en place. Le méchant sortait à ce moment-là. Peu importait, ce jour-là je me sentais bien. Je m’étais levée du bon pied, le soleil à l’extérieur était invitant et ça m’aidait toujours à me sentir bien. Le petit déjeuner avait été agréable en compagnie de Pandore. On a papoté tranquillement et ensuite, les choses sérieuses pouvaient commencer. J’étais remontée à mon dortoir chercher quelques livres pour étudier et faire un devoir sur l’éclablouille. Un jean, des baskets, un t-shirt gris et une veste de la même couleur. J’étais parée pour l’étude. Clairement, habillée comme ça je ne m’en allais pas au bal, mais pour moi, le confort valait plus que le look quand j’étudie. J’ai placé mon sac en cuir en bandoulière sur mon épaule, enlevé les cheveux coincés sous ma ganse de sac et je suis partie vers la bibliothèque.

Mes cheveux, libres sur mes épaules, me chatouillaient un peu le visage alors que je marchais dans les couloirs pour me rendre dans mon antre. Rendu sur place, j’ai salué la bibliothécaire qui m’a souri, comme à son habitude, et je suis allée m’installer à ma table habituelle près d’une fenêtre d’où je pouvais observer le lac. Parfois, je m’y plongeais mentalement pour prendre une pause et me rafraichir l’esprit. Cette routine me faisait du bien. Ma table, ma fenêtre. Mon sac sur la table, j’ai sorti quelques bouquins que je voulais lire avant de me lancer dans mon devoir. Je croyais très sincèrement que Maladies magiques et leurs remèdes fonctionnant la plupart du temps allait m’aider à écrire mon rouleau de parchemin. Je me suis donc lancée dans la lecture tranquille de mon livre. C’était franchement une bonne journée jusqu’à présent. De temps en temps j’en avais et j’en profitais le plus possible parce que, généralement, la merde n’était pas très loin derrière moi.

J’adorais le calme ambiant de la bibliothèque. Ça m’aidait à faire le vide dans ma tête, à tout placer en ordre pour pouvoir bien gérer mon quotidien. Il était facile de réfléchir, beaucoup plus facile. C’était avantageux autant pour mes études que pour le reste. Je pouvais planifier mes journées pour que tout concorde avec la lune. De cette façon, je ne prenais pas trop de retard à ces moments-là. J’étais K-O environ une à deux journées à me trainer partout, mais à ne rien faire. Ça peut paraitre con, mais nager toute la nuit et se métamorphoser comme ça grugeait énormément d’énergie. Dans ces moments-là j’avais le teint gris, des cernes sous les yeux et j’avais les traits tirés. Un vrai charme ambulant. Qui aurait pu me résister…pfff. De toute façon j’avais bien des choses à considérer et à gérer avant de penser aux garçons. Je n’osais pas trop y penser de toute façon. On ne m’avait jamais vraiment tourné autour depuis que j’étais à Poudlard. Je devais dégager une énergie bizarre qui repousse les autres. Qu’est-ce que j’en sais ? De toute façon, ce serait tellement compliqué. Comment expliquer à sa douce moitié qu’environ une fois par mois une queue remplace nos jambes et que je dois aller passer la nuit sous l’eau sous peine de souffrir horriblement? N’importe quel sorcier sain d’esprit partirait en courant loin de ça. Pourquoi avoir du compliqué quand on peut avoir du simple. Et je les comprendrais très bien.

C’est pourquoi je me concentrais sur mes études. Mon focus n’était que là-dessus. Pas vrai, sur mes études, mon état et demi poisson et sur mon frère. Avec toute l’aide qu’il me donnait, le support dont il faisait preuve, je lui devais toute mon attention. Je ne voulais pas qu’il gâche sa vie à cause de moi et j’essayais de lui faciliter la vie au possible. Il avait autre chose à faire que de paterner sa petite sœur qui s’était foutue dans la merde. J’adorais mon frère, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans lui. Il avait toujours été là et je savais que je pouvais compter sur lui jour et nuit. C’est comme ça que nous avions été élevés. Notre mère nous avait toujours dit que nous devions compter l’un sur l’autre en tout temps, nous avions toujours respecté ça. C’était à ça que ça servait la famille non ? Je disais ça, mais ma mère n’était pas encore au courant de la situation. J’avais plutôt peur de sa réaction. Elle était parfaitement au courant de la malédiction familiale, mais en avoir conscience et le vivre de près étaient deux choses très différentes. Je ne voulais pas la chambouler.

Je lisais donc mon bouquin depuis peu quand je me suis fait interrompre dans ma lecture. Un Serdaigle est venu s’installer directement devant moi. J’ai lâché un petit soupir, me demandant pourquoi il avait choisi de s’installer là. J’ai relevé les yeux pour voir à qui j’avais l’honneur. Assez grand, cheveux bruns un peu en bataille, jolis yeux…pas mal dans l’ensemble. Il a l’air passionnant ton bouquin. Joli sourire en plus. J’ai fait un petit sourire en regardant les livres qu’il avait emmenés avec lui. Des bouquins d’histoire politique et de trucs qui m’auraient probablement endormie en peu de temps. J’ai lâché un petit gloussement. Il n’avait pas tort, comparé à sa pile de bouquins, le mien était effectivement passionnant.

- T’as raison, c’est très intéressant. En le comparant à ta pile de livres, je peux comprendre pourquoi tu dis ça. Je te le prête si tu veux.

Une pause cognitive pouvait faire du bien dans le boulot. Le boulot en question n’était pas encore commencé, disons que j’accumulais de l’avance sur mes futures pauses. Ce n’était pas mon genre, mais il avait une bonne tête. J’avais vu ce sorcier à quelques reprises dans la salle commune, mais il ne faisait que passer. Il se tenait avec Dimka, alors je l’avais jugé de prime à bord. Tout le monde connaissait la réputation de Dimka…les filles à tout le moins. Ezechiel, si je me souvenais bien, ne semblait pas brasser beaucoup d’air en général. Plus concentré que son copain sur ses études au lieu des filles. En l’ayant devant moi, je pourrais me faire une tête sur lui.  Voir ce qu’il en était vraiment, un peu en tout cas.

Je ne le connaissais pas vraiment. Mais juste du côté de son allure, ce sorcier semblait très différent de son ami. Il ne semblait pas du genre à faire chanter les gens pour les forcer à coucher avec lui… Là vous allez me dire: Mais Ariel tu aurais pu dire non ! Effectivement, mais je n’aurais pas été plus avancée. Soit je couchais avec lui, soit il allait voir le directeur de Serdaigle pour lui raconter mes balades nocturnes. Je n’étais pas certaine qu’il avait compris de quoi il retournait réellement, mais il en savait assez pour me mettre dans la merde. Je ne savais pas comment Poudlard réagirait. On m’avait déjà parlé de Dumbledore et de son ouverture sur les autres, sa bienveillance et son envie d’aider ses élèves. Malheureusement pour moi, cette époque était révolue. Le nouveau directeur semblait être un pur inconnu, on ne le voyait jamais, on ne l’entendait que très peu. Il ne m’inspirait pas confiance et je ne me voyais pas vraiment aller le voir pour parler de mes problèmes. Je ne savais pas à quel point l’inclusion était dans son plan de match dans le château. Allais-je seulement avoir le droit de rester ici ? Je redoutais la réponse et c’est pourquoi je voulais garder mon problème secret. C’est pourquoi j’avais accepté, à mon plus grand désarroi, de me laisser dévierger par Dimka qui ne semblait seulement vouloir qu’un trou pour se vider. Je me sentais déjà merdique avant, lors de ces rencontres je me sentais au plus bas. J’essayais de ne pas trop lui montrer, de peur qu’il ne soit pas satisfait. Je jouais le jeu. En dedans, j’étais dans les bas-fonds. J’avais subi son petit jeu toute l’année précédente, mais dernièrement il m’avait laissée tranquille. L’univers avait probablement décidé que j’en avais assez bavé de côté là. Dans un autre contexte, il aurait probablement pu être un bon coup, mais vu les circonstances je ne pouvais pas le voir comme ça.

J’arrivais donc plus à relaxer durant mes temps libres. Temps libres que je passais généralement en solitaire ici. Ce jour-là était une exception. Il semblait plutôt studieux. En tout cas s’il ne l’était pas il jouait bien le jeu. Sa pile de grimoires était plutôt parlante. Et puis, je me souvenais l’avoir déjà croisé ici, mais sans y porter vraiment attention. Pourquoi l’aurais-je fait ? Je n’étais pas ce genre de fille là qui prenait toutes les occasions possibles pour draguer. J’avais trop l’air sérieuse pour ça, je crois. Ethan m’avait déjà dit que je pouvais franchement avoir une tête de déterrée quand je le voulais. Ce qu’il ne savait pas c’était que je ne le voulais pas, mais ça, c’était une autre histoire. Un gros plus pour lui par contre, il avait réussi à me faire sourire. Je sais pas trop, il avait une tête qui me plaisait bien. Pas l’air méchant du tout, quand même beau, des jolies pommettes. Le seul truc, son sourire un peu prétentieux précédent ses paroles. Ce serait avec joie que de lire votre ouvrage jeune demoiselle, mais, figurez-vous, que je l’ai déjà lu pour ma culture personnelle.  De plus, cette pile à lire n’est rien comparé à ce que je lis d’habitude. J’ai haussé un sourcil un peu surprise. Mais il jouait à quoi, il voulait faire une compétition de qui avait la plus grosse tête ? J’allais le laisser gagner si c’est ce qu’il voulait, ça ne m’intéressait pas trop. J’avais d’autres chats à fouetter que de voir qui avait la plus grosse baguette. Je me suis adossée à ma chaise, jugeant le brun assis devant moi. Quel était son but ? Un sourcil toujours relevé, je lui ai répondu.

- Ok…si c’est ce que tu veux, tu as gagné, tu es une tête et tu as une grande connaissance générale. Mais quand on parle à quelqu’un pour la première fois, on essaie de se la jouer un peu moins vantard. Si t’es là pour parader ta pile de grimoires tu peux aller voir ailleurs.

J’ai replongé mes yeux dans livre, faisant comprendre à Ezechiel que je n’avais pas trop envie de jouer à l’intellectuelle de service. Ok il avait une bonne culture générale, je le félicitais. Personnellement, ses livres d’histoire ne semblait pas très intéressants. Chacun son truc.

Depuis mon arrivée à Poudlard l’année dernière, j’ai vu toute sorte de choses que je n’aurais probablement jamais vues à Beauxbâtons. Des fantômes dans le château ? Jamais notre directrice n’aurait laissé ça se produire. Ce n’était clairement pas assez élégant. Il y en avait des pas trop mal, mais il y en avait un qui perdait presque sa tête de temps en temps, ce n’était pas un truc super agréable à voir. Il y en avait un aussi qui semblait couvert de taches, vu les formes et son allure, j’aurais dit que c’était du sang. Qui laissait ça dans son château ? Incroyable ces Anglais. Et l’autre esprit frappeur, c’était le pire de tous. Pourquoi laisser ce truc tout détruire dans le château ? Notre salle commune était passée à tabac à cause de lui il y a peu de temps, ça n’avait pas été la plus belle des soirées, ça, je peux vous le dire. Autrement le château n’était pas mal. C’était gris partout à cause de la pierre, pas une couleur hyper joviale, mais c’était bien. Il y avait bien des élèves que je n’appréciais pas, mais des cons il y en avait partout, le Royaume-Uni n’avait pas le monopole de la connerie, les Français aussi en avaient…malheureusement. Certes, j’avais atteint le sommet des idiots avec certaines personnes, Dimka de ma propre maison entre autres. En fait, il avait dépassé le stade de la connerie, il était cruel. Qui ferait ça ? Qui irait soudoyer quelqu’un pour du sexe. Ce conard… Il faisait passer l’envie d’avoir quelqu’un dans sa vie. Ça m’avait aidé à me sortir la tête des nuages en tout cas. Qui voudrait d’une sirène de toute façon. Je pouvais le remercier pour ça…non en fait non je ne le remercierais jamais.

Le sorcier devant moi semblait aussi être tout un numéro. Pas le même genre que son conard d’ami, il ne semblait pas méchant à la base. Vantard oui, mais pas méchant. L’effet restait à peu près le même, je n’étais pas en colère, mais un peu dégoutée. Qui parlait comme ça ? Un idiot ou quelqu’un qui ne réfléchit pas. Voyant ces lectures, je m’étais dit qu’il voulait se la péter, montrer qu’il avait du galon. Rien pour me plaire. J’ai dit ma façon de penser à Ezechiel et j’ai rapidement vu que ça ne lui faisait pas plaisir. Par contre, ce n’était pas de la colère que je voyais dans son visage, mais bien de la gêne et un brin de mal être. Un peu de fatigue aussi peut-être. À voir sa pile de bouquins, il devait travailler beaucoup durant la journée et le soir. Je le voyais souvent ici. Il semblait toujours très profondément ancré dans son travail. C’était plutôt une bonne chose. Ça montrait au moins qu’il y avait des sorciers studieux dans cette école de fous. Je ne pouvais m’empêcher de penser à son ami. Comment pouvait-il bien s’entendre avec un mec comme ça? C’était à rien y comprendre. Quels étaient les points communs entre eux deux ? Je pensais ça, mais je ne connaissais à peu près pas Ezechiel. Je le voyais dans la salle commune de temps en temps et à la bibliothèque, mais sinon il était un mystère.

Je ne pensais pas le renverser à ce point. Mon compagnon de table a soupiré et s’est passé une main sur le visage. Clairement ce n’était pas l’effet qu’il recherchait. Mais à quoi avait-il pensé ? J’ai laissé mon sourcil reprendre sa place normale et j’ai plutôt regardé le beau brun d’œil intrigué. Quel état son but à venir ici ? Il a ri et reprit la parole. Excuse-moi, je.. Je ne voulais pas te parler comme ça. Un sorcier qui s’excuse. Je n’en revenais tout simplement pas. Ce garçon était franchement exceptionnel. Étrange dans sa maladresse, mais exceptionnel. Moi et mes jugements rapides, ça allait me mener au mauvais endroit un jour. En fait, ça m’avait déjà menée au mauvais endroit. Mon manque de jugement avait fait de moi une sirène après tout. Je n’étais pas une référence dans le domaine. Le Serdaigle a passé une main dans sa chevelure, les ébouriffant d’une façon assez craquante, avant de reprendre la parole. Il avait franchement de beaux cheveux épais. Ça me donnait envie de les toucher. Une vraie folle à enfermer à Azkaban. À vrai dire, je ne sais pas parler aux filles, et ça fait bien rire mon meilleur ami. Je suis désolé, vraiment. Son petit sourire triste me faisait pitié un peu. J’avais été plutôt sèche avec lui.

Là c’était à moi de culpabiliser. Sur ce point je ressemblais beaucoup à mon frère. J’étais sèche assez souvent et je ne réfléchissais pas toujours avant d’agir. J’étais beaucoup moins tête brulée qu’avant, mais quand même. J’étais toujours rapide à répondre. Les gens peuvent bien dire ce qu’ils veulent, ils savent toujours ce que je pense. Dimka savait que je le considérais comme un conard. Très bien même. Il avait eu ce qu’il voulait toute l’année précédente, mais pas dans la joie et la bonne humeur. Je lui ai souri d’un air désolé il semblait vraiment culpabiliser pour la façon dont il avait parlé. C’était maladroit, mais ce n’était quand même pas la mer à boire. J’ai décroisé mes bras et je me suis redressée un peu sur ma chaise avant de prendre la parole en souriant un peu d’un air gêné.

-T’en fais pas. J’ai réagi un peu fort aussi, j’aurais dû te parler autrement. Faut que j’apprenne à réfléchir un peu avant de parler.

Plus je réfléchissais à ce qu’il me disait, plus je me rendais compte qu’il était venu là pour me parler en tant que fille. Pas en tant que collègue de maison, pas pour seulement partager la table. C’était franchement une première à Poudlard dans mon cas. Je me disais que j’avais une tête à faire peur les lendemains de pleine lune et que ça repoussait les autres. Je n’étais pas au sommet de ma popularité. J’avais des amis, mais rien de plus. J’étais satisfaite de mon sort. De toute façon, je m’étais déjà faite à l’idée que j’allais finir ma vie seule avec plusieurs chats. Jules n’allait être que le premier d’une longue lignée. Ne m’étant jamais ouvertement fait draguer, même si ce n’était peut-être pas une bonne idée, j’avais envie que ça se produise. Ça pouvait me changer de ma solitude habituelle à la bibliothèque. J’ai souri largement, essayant d’encourager le beau brun devant moi à ne pas culpabiliser. J’ai chuchoté pour ne pas déranger les autres autour.

- Reprenons du début tu veux ? On ne s’est jamais officiellement présenté. Je suis Ariel Krushnic. Et toi ?

J’ai reposé mon livre sur la table et ai souri à mon compagnon du moment. Il avait fondamentalement l’air gentil. Ça se voyait les gens qui ont un mauvais fond. Ce garçon ne pouvait pas avoir un mauvais fond, je n’y croyais absolument pas.

Ezechiel changeait du tout au tout mes projets pour la journée. Au départ, j’étais venue à la bibliothèque pour travailler sérieusement sur mes cours. La médecine c’est exigeant après tout. Ce n’est pas n’importe qui qui peut devenir médicomage. Je tenais à être dans l’élite pour pouvoir atteindre ce but. Le seul but qui me tenait encore les deux pieds ancrés dans le sol. Le but qui faisait que ma tête restait sur mes épaules et que je ne renonçais pas à rester à l’école. Avec mon état, en n’ayant pas eu de projet comme celui-là. Rien ne m’aurait motivé, j’aurais été probablement encore plus profondément dans ma dépression. Rien de diagnostiqué, mais je n’avais aucune difficulté à reconnaitre ce malêtre qui était autant chez les moldus que chez les sorciers. Presque toujours déprimé, rien qui ne me motive vraiment, plutôt solitaire, j’avais perdu du poids, j’avais de la difficulté à dormir…la dernière année et demie n’avait pas été la meilleure pour moi. Je me rattachais donc à la médecine. Mes études. Elles prenaient tout mon temps et m’empêchaient de trop réfléchir au reste. Le reste ne se résumait qu’en peu de mots : la pleine lune, mes transformations et mon avenir. Allais-je seulement pouvoir pratiquer la médecine dans mon état ? Je me disais que oui, mais j’essayais de noyer le poisson, je n’en avais aucune idée et j’allais finir par me retrouver face à la réponse, que je l’aime ou pas.

Là, devant moi se trouvait une distraction qui semblait agréable qui me changeait de ma routine habituelle. Me lever, manger, étudier ou aller en cours, manger, aller en cours ou étudier, manger et dormir. Quelques fois je voyais Freya ou Skye, mais de manière générale mes journées se déroulaient toujours de la même manière. En essayant de rattraper ma bourde, je m’étais présentée pour qu’on puisse partir notre rencontre sur une bonne base. Au moins, les choses seraient faites officiellement. C’était bien non ? Alors que je parlais, je voyais le visage du garçon devant moi se détendre un peu et un sourire vint se loger sur ses lèvres. Un très joli sourire, simple et calme. Il faisait du bien. En tout cas, il me faisait du bien. Il me donnait envie d’en savoir plus. Mon premier jugement sur le sorcier n’était probablement pas bon, encore une fois. En l’ayant vu avec Dimka, je m’étais dit que c’était un con. Les cons restent entre eux non ? Eh bien apparemment non. Je ne connais à peu près pas Ezechiel, mais je me disais qu’il ne l’était pas. Je n’en avais pas vraiment de preuve, mis à part sa maladresse du départ. Enchantée, mademoiselle Krushnic, moi s’est Ezechiel Avery. Je ne m’en étais pas rendu compte, mais depuis le départ nous n’avions pas chuchoté et là je chuchotais, j’avais probablement eu l’air idiote. C’est probablement pour ça que le Serdaigle m’avait répondu en chuchotant avec un air amusé. J’ai senti mes joues rougir un peu. Ça, c’était clairement nouveau.

Ezechiel s’est donc présenté formellement à voix basse et son nom de famille a sonné une cloche dans ma tête. Avery…n’était-ce pas le nom de famille de Nathaniel ? Quelles étaient les chances qu’ils soient dans la même famille? Eh merde. Au stade où j’en étais, ça n’avait aucune influence. Restait à voir plus loin…j’aviserais si c’était nécessaire. J’ai regardé la main du beau brun et j’ai tendu ma main pour la saisir. Sa main était douce, sa poigne ferme, agréable à tenir. Pas moite en plus, c’était encore mieux. Une poigne comme je les aimais, elle ne semblait pas vouloir m’écraser, c’était seulement ça que je trouvais important. Bien que moiteur absente soit un plus. J’ai levé mes yeux de nos mains qui se tenaient et les yeux d’Ezechiel sont venus chercher les miens. Une belle teinte noisette, un peu comme du caramel bien chaud. Pas une once de malice dans ses yeux. Comment pouvait-il apprécier une personne aussi exécrable de Dimka avec des yeux comme ça ? J’étais plongée dans les noisettes quand le chuchotement du Serdaigle m’en a sorti. Vu qu’il fait beau aujourd’hui, et que je n’ai plus vraiment envie de lire tous ces livres ennuyeux. Ça te dit de m’accompagner faire un tour sur les bords du lac ? Le lac, bien sûr. Mes yeux se sont tournés rapidement vers la fenêtre pour voir le lac bien noir qui se présentait à nous. Pourquoi pas? Je le connaissais de fond en comble ce lac, je n’avais plus rien à craindre de lui. Et puis, la température extérieure était vraiment magnifique. Le soleil était sorti de derrière les nuages et faisait scintiller la neige. Avec un manteau et un bonnet, nous serions très bien, j’en étais certaine. J’ai retourné mon regard vers le brun et je lui ai souri.

-Bonne idée, mes remèdes plus ou moins efficaces ne se sauveront pas.

J’ai refermé mon grimoire devant moi pour le ranger dans ma besace et j’ai continué à sourire niaisement à Ezechiel. Si seulement mon frère me voyait, il se foutrait royalement de moi. Ou bien il dirait que j’étais imprudente. Je n’en avais rien à faire. Pour une fois que je me sentais bien en faisant autre chose que des lectures, je voulais en profiter.

- On va chercher nos manteaux monsieur Avery ?

Alors que mon partenaire d’étude sans étudier allait porter ses bouquins à leur place dans les allées, j’ai écarté ma chaise de la table, mon sac face à moi et je me suis mise à regarder le sol sous mes pieds. J’entendais mon frère dans ma tête me dire que je devais être prudente. Que nous ne savions pas ce qui allait advenir de mon cas. Qu’est-ce que les gens allaient penser en apprenant ce que j’étais ? Je ne pouvais révéler ma situation à tout le monde, je devais rester prudente. Pour l’instant, ce que je faisais était encore raisonnable. Skye m’aurait dit que non. Il m’aurait dit qu’il savait quelles étaient les intentions d’Ezechiel ce jour-là et que ça n’était pas possible. Une autre petite voix dans ma tête aussi me disait que ce n’était pas possible. Par contre, si mon frère avait été devant moi à me dire ça, je l’aurais envoyé paitre. Je pouvais bien me changer les idées de temps à autre. Ce n’était pas une demande en mariage, seulement une balade au bord du lac. Skye m’aurait probablement dit qu’avant d’y avoir une demande en mariage, il devait y avoir une balade au bord du lac. Même les moments comme ça où j’étais heureuse, j’avais toujours une crainte en arrière-pensée. J’allais apprendre à connaitre Ezechiel et j’aviserai en sachant un peu plus ce qui se passait. Il avait beau m’inviter, il allait peut-être se rendre compte que j’étais bonne à enfermer ou bien qu’il trouvait mes bottines moches. Qu’est-ce que j’en savais?

Alors que j’ai entendu les pas du Serdaigle revenir vers moi, je lui ai demandé si nous allions chercher nos manteaux. C’était une façon de lui dire que je voulais aller le chercher. Pas vrai que j’allais me promener dehors avec seulement un tricot sur le dos. Je suis habituée à des températures beaucoup plus chaudes en France, le Royaume-Uni était beaucoup plus froid, très humide surtout. Bref, mon manteau était nécessaire. Allons-y Mademoiselle, j’ai hâte de profiter de ce beau temps avec vous ! Il m’a tendu sa main pour m’aider à me relever. Galant en plus ce Avery. Autant profiter pendant que ça passe, ça me plaisait bien. J’ai donc pris sa main qui était toujours aussi ferme que lors de nos présentations. Je lui ai souri, debout à ses côtés, réalisant qu’il était à peu près une tête de plus que moi. Mignon, grand, cheveux en bataille et mains ferment. Plusieurs attributs intéressants ici. Charmant…vraiment charmant ce sorcier. Ça me plaisait beaucoup. J’ai lâché sa main et je l’ai entrainé à ma suite pour sortir de la bibliothèque pour nous rendre dans la tour des Serdaigles pour s’équiper pour le plein air. Cette balade m’inspirait de plus en plus. J’étais convaincue que je n’allais pas regretter ma visite habituelle à la bibliothèque. C’est payant d’être studieuse. Malgré ma joie, j’avais toujours la voix de mon frère qui me disait d’être prudent. Oui Skye, j’allais être prudent, autant que faire se peut.