let's take a drink of heaven (Emérence)

wishin' I could see the machinations, understand the toil of expectations. in your mind.
emérence & moa

Une douleur qui cogne, qui fait si mal. Moa pose une main sur son front : elle appuie. Le goût de l'hémoglobine ferreuse ne quitte pas le fond de sa gorge - souvenirs. Ses yeux se plissent dans un témoignage poignant de douleur. Depuis quelques jours sujette à de violents maux de tête, elle a vainement tenté au début de calmer les carillons de son encéphale. Puis, elle a abandonné l'idée. Ces manifestations sont fréquentes, depuis l'accident. Tenaces, elles la poursuivent ; ils la poursuivent, les démons. À dire vrai, la Gryffondor semble s'y habituer, petit à petit même si les crises sont de plus en plus violentes. Elle devient plus tolérante, n'a plus l'impression de sentir son crâne scié en deux à chaque énième crise et pourtant... Cette mémoire qui lui revient petit à petit l'effraie.

Une fois la douleur devenue moins lancinante, son regard se perd un instant au loin, à travers les fenêtres fraîchement lavées de la salle commune. Un calme plat. Ce monde qui s'est mis en pause mais qui lorsqu'il tourne ne l'attend pas. À l'extérieur du château, le vent d'un hiver qui s'en va cogne contre les carreaux du dortoir. Une bise légère fait frétiller le gazon qui surplombe le château. Autrefois, elle aurait rêvé d'aventures, de longues chevauchées dans des contrées lointaines, loin, loin du château. Elle rêvait de visiter les Indes et l'Amérique aussi. Aujourd'hui, derrière ces vitres ternes, elle ne voit qu'un abîme qui la terrorise. Un néant au sein duquel elle n'a plus sa place depuis longtemps.

Les images se mélangent dans un méli-mélo déroutant. Un vertige. Sa vue se trouble - et l'angoisse ! Ah ça, l'angoisse ! L'angoisse qu'un seul regard ne suffise à la perdre dans l'étendue infinie qui se joue derrière les fenêtres de Poudlard. Moa se redresse. Doucement, elle quitte le canapé dans lequel elle s'était enfoncée quelques dizaines de minutes auparavant pour se diriger vers la salle de bains. L'eau qu'elle jette sur son visage lui fait un bien fou. Finalement, sa vue redevient nette, son coeur ralentit, et l'air ne semble plus lui manquer. Elle respire un grand coup pour calmer les tremblements légers de sa main, témoins malheureux d'une crise de panique évitée de justesse.

Peu à peu, la Bulgare retrouve ses esprits, sa conscience renoue avec sa clarté. Rejoignant ses affaires, elle saisit un petit bloc notes duquel elle déchire grossièrement une feuille. Elle griffonne quelques mots:

Hey,

Me rejoindrais-tu en haut de la tour d'astronomie ?

À toute, xoxo.

Moa.

Soigneusement, elle dépose la feuille sur le cousin du lit voisin du sien. Moa ne sait pas si Emerence verra ce mot, si elle saura la rejoindre à temps. Elle ne s’en soucie pas, pas vraiment. Si l'étendue du monde terrestre fait naître en elle d'horribles angoisses, le monde céleste à cette agréable tendance à la calmer. La sorcière a toujours trouvé une certaine sérénité dans l'alignement des astres, dans la lumière qu'ils dégagent. Elle enfile donc un gros pull par dessus son jeans, un pull aux couleurs de Godric Gryffondor.

Une à une, elle gravit les marches qui la mènent en haut de la vertigineuse tour d’astronomie. Elle s’encouble une fois, se rattrape en posant une main sur la rambarde. La brunette a toujours fait preuve d’une maladresse hésitante, maladresse qui lui a causé bien des soucis par le passé lorsqu’elle s’écorchait les genoux où lorsqu’elles trouait ses jolis pantalons. Aujourd’hui, elle l’a apprivoisée ; du moins sait-elle vivre avec, en connaissance de cause.

Arrivée à la porte de la plus haute tour du château, un sourire mutin se dessine sur les lèvres de Moa. Elle sait bien que l’accès y est interdit en dehors des heures de cours d’Astronomie. Et pourtant…et pourtant, des heures se sont écoulées durant ses longues contemplations. Elle s’installe en tailleur devant une fenêtre et regarde le néant sous ses pieds. Son appel crée un vide en elle, une délicieuse sensation de cœur qui chute dans le bas des chaussettes. Elle ressent – elle vit. Ses yeux se ferment un instant et c’est à ce moment-là seulement qu’elle entend la porte s’ouvrir.
Emérence a-t-elle eu le mot de son amie ?

CODE BY MAY.

♛ Let's take a drink of heaven

wishin' I could see the machinations, understand the toil of expectations. in your mind. - @Moa Mateeva

Elle jeta son sac, épuisée, sur son lit. La salle commune se remplissait à mesure que la soirée s'avançait, cette douce soirée de début de printemps, tandis que le dortoir, lui, était désert. Emérence ne tarderait pas à rejoindre la salle pour profiter elle aussi des rires, pour s'incruster dans quelque discussion inintéressante qui aurait au moins le mérite de lui changer les idées pour quelques instants. C'était sans compter sur le bruit que fit son sac en se déposant lourdement sur le matelas. Comme le bruit d'une feuille froissée. Emérence s'empressa de pousser l'objet pour découvrir ainsi une note, posée là. Elle déplia soigneusement le papier qui venait de se faire écraser : un mot de Moa qui lui intimait de la rejoindre dans la tour d'astronomie. Emérence se rappela maintenant ne pas avoir croisé son amie dans la salle commune. Le dîner était déjà passé, leur temps libre se finissait - elle revenait justement de la bibliothèque. Elle voulait bien s'échapper, mais il faudrait faire attention à ne pas se faire prendre par les préfets. La jeune fille reprit en vitesse son sac qu'elle passa sur une épaule. Dans sa table de chevet, elle attrapa un vieux jeu de tarot - la tour d'astronomie était propice à ce genre de prédictions - et le glissa sans plus tarder à travers un trou qu'elle trouva dans le rabat de sa besace, elle descendit alors quatre à quatre les marches de la tour. A ce gryffondor qui la héla, elle répondit sans se retourner qu'elle avait oublié l'un de ses devoirs sur la table de la bibliothèque, ainsi Emérence passa à travers les mailles du filet et s'extirpa de la salle commune, bien curieuse de savoir pourquoi Moa voulait la rencontrer dans la tour d'astronomie, sûrement pour discuter et s'évader un peu.

Les couloirs de Poudlard étaient calmes et la jeune fille faisait son possible pour conserver ce silence, le moindre cliquetis pourrait alerter quelqu'un. Il y avait encore un léger brouhaha en fond, celui de la salle commune des gryffondors sûrement, ou peut-être des derniers retardataires qui ne tarderaient pas à se faire houspiller par Monsieur Rosenberg s'ils ne rejoignaient par rapidement leur maison. Elle pénétra enfin, ni vue, ni connue, dans l'escalier qui la mènerait tout droit vers les hauteurs d'un monde céleste qu'elle ne connaissait que trop bien car elle le rejoignait une à deux fois par semaine grâce au club d'astronomie dont elle faisait partie. C'était, pour elle aussi, un endroit ultime de ressources, et elle appréciait pouvoir passer des heures à observer les étoiles, à les comprendre, les intégrer. Elle était d'ailleurs ravie que leur directrice de maison fût également la professeure d'astronomie, elle avait ainsi l'occasion de pouvoir la croiser plus souvent et lui poser quelques questions. Délicatement, la lionne poussa la porte, s'attendant à tout de suite voir Moa. Ce fut bien le cas, cette dernière était assise en tailleur, face au vide, les cheveux dans le vent, comme illuminée par les derniers rayons du soleil qui se couchait à l'horizon. Elle ne désirait pas lui faire peur et que ça la précipitât droit dans une chute des plus vertigineuses, alors, Emérence insista sur le bruit de la porte pour qu'elle la prévînt gentiment de son arrivée puis la referma avec la même intention. La française s'avança vers son amie et s'assit à ses côtés. Elle savait qu'elles attendraient qu'il fît nuit noire pour pleinement profiter de la vue, mais cette luminosité était tout de même des plus agréables. Les beaux jours revenaient. « Que me vaut l'honneur d'être invitée à une observation de constellation ce soir ? » Car la demoiselle n'était pas dupe, ce n'était pas la première fois qu'elles se retrouvaient ainsi, toutes les deux, brisant le règlement pour atteindre une plénitude que seule cette tour savait leur donner. Emérence appréciait ce genre de moment lorsqu'elle était seule, mais c'était encore plus reposant quand elles étaient à deux. Ce n'était pas avec ses camarades du club qu'elle aurait pu passer un aussi agréable moment, et pour cause, sa relation conflictuelle avec Cassandre provoquait bien souvent une sorte de tension durant les sessions dont elle ne parvenait pas à se défaire. « Une journée difficile ? » elle chuchota presque à sa comparse, pour être sûre que l'envie de se retrouver dans leur havre de paix n'était pas due à un quelconque événement dont elle n'aurait pas été au courant. De même maison et de même année, elles se retrouvaient parfois avec les mêmes cours, mais pas toujours, selon leurs options et leurs goûts respectifs. Ainsi, il y avait parfois, le soir, des informations croustillantes à récupérer de la part de l'une et de l'autre.