Drink Up Me Hearties Yo Oh [Heath & Jojo & Salem-neko]

Il titube. Il ne sait pas par quel miracle il tient encore debout. Il a laissé Martell retrouver ses appartements un peu plus tôt -beaucoup plus tôt ?. Il n'a plus la notion du temps. Deux bouteilles de gin vides étaient couchées sur le bar à côté de lui quand il avait pris la troisième à la main, laissé un tas de gallions pour le patron et quitté les Trois Balais avec une démarche approximative. Il a traversé le village sorcier avec une lenteur décuplée par les pas qu'il faisait en plus pour parcourir un chemin pourtant rectiligne. Du haut de ses jambes immenses et de ses chaussures à plateforme, il semblait pouvoir choir à chaque seconde, chaque nouveau pas encore plus bancale que le précédent. Pourtant, il ne faisait presque pas de bruit. Pas de gargarismes avinés, pas de hurlements ni de rires intempestifs. Non pas qu'il parvienne à garder une quelconque forme de dignité, mais plutôt parce que s'il ouvrait la bouche, il risquait de rendre le contenu de son estomac et Merlin sait quoi d'autre. Pourtant, quelques éclats d'hilarité lui monte parfois dans la gorge, mais il se contente de pouffer en reniflant inélégamment avant de poursuivre sa route, comme s'il n'était pas capable de décoller son pied du sol et de renâcler convenablement ses glaviots simultanément.

Le chemin jusqu'au portail du château fut laborieux mais le pire était à venir. Heathcliff devait encore traverser le parc, entrer dans le hall et commencer son périple silencieux dans les couloirs de l'école pour trouver ses appartements. Sans atterrir par mégarde chez Ophélia -ce qui signerait son arrêt de mort- ni s'égarer jusqu'au dortoir des Serdaigles. Mais la quantité astronomique d'alcool qu'il avait ingurgité avait au moins eu le mérite de chasser de son esprit tout ce qui le hantait à son arrivée dans le pub. Béni soit le gin qu'il porte encore à ses lèvres, aggravant son état -s'il était encore possible de l'aggraver. Il éclate d'un rire gras et ne peut refréner son fou rire qui vient de ses entrailles. Chaque secousse de son larynx est si forte qu'il ne tient plus debout. Au milieu du parc, il se tord, se plie en deux en cherchant son air pour ne pas s'asphyxier entre deux éclats de rire particulièrement inquiétants. Le maquillage de son visage coule en lui donnant l'air d'un clown psychopathe venant de commettre un meurtre odieux.

Et s'imaginer avec un marteau géant à poursuivre des inconnus dans la rue pour les terrifier ne fit qu'accroître son hilarité et le faire tomber par terre. Il faisait tant de bruit que c'était un miracle que Zephÿr, le garde-chasse, ne soit pas encore sorti de sa cabane pour venir voir ce qui se passait. C'est là qu'il se rend compte qu'il a dépassé la cabane depuis longtemps et qu'il se trouve proche des serres derrière le château. Il a parcouru plus de chemin qu'il ne l'aurait cru, et par il ne savait quel prodige. Car il est à présent complètement incapable de se remettre sur ses jambes. Roulant sur le dos, chaque mouvement infructueux ne fait que décupler son rire. Son ventre lui fait mal de tellement rigoler, ses abdo presque tétanisés. Il groupe à demi ses jambes sur son abdomen, battant des pieds allègrement comme un dégénéré -ou un enfant. Il n'arrive plus à reprendre son souffle, par terre sur la pelouse, perdu dans un fou rire dont il ne parvient même pas à se rappeler l'origine. Il n'entend rien, ne voit plus rien, ses paumes frottant ses yeux de manière désordonnée, accentuant le ridicule de son visage aux coulures de khôl.

La bouteille de gin toujours dans sa paume, il la porte à ses lèvres et a le malheur d'essayer de boire sans se redresser. Sa gorgée ressort de sa bouche aussi vite qu'elle y est entrée, et en recrachant, tout l'alcool coule sur ses yeux. Il braille comme un damné, de douleur et parce qu'il est aveugle -non pas qu'il soit capable d'un grand discernement avant cela. Il se roule sur le ventre, se frotte la figure dans l'herbe pour s'essuyer en gueulant des insanités d'un autre âge. Finalement, à force de papillonner des paupières, il récupère une vision trouble. Le menton dans la pelouse, il voit une ombre passer devant lui. Un chat noir ! Avec une force venue d'outre tombe, il bondit sur ses pieds, ne lâchant pas sa précieuse bouteille de gin débouchée à présent qu'il a perdu le liège quelque part dans le parc, et se met à poursuivre le félin en courant en zigzag. Ce qui devait arriver arriva quand il se prit les pieds dans une racine et que du haut de ses semelles compensées, il tombe et s'étale de tout son long. Frustré et endolori, il reste à taper du point sur le sol en pleurant, beuglant comme un perdu.

"NON MINOU REVIENT !!! PETIT PETIT PETIT JE VAIS TE DONNER DU LAIIIIIT. REVIENT MINOUUUUUUUUUUUUU"

Faire une tour et sortir, voilà qui promettait d’être reposant. Du moins, Salem le croyait. Il avait un peu de mal à se faire à son nouveau boulot, surtout sur le point de supporter des élèves de tout âge et de tout horizon avec l’apparition de l’épidémie. Mais, il avait tout de même trouvé un bon point. Les élèves venant de Durmstrang lui donnait des nouvelles de cette école où il avait passé son enfance et, ça ne pouvait que lui faire plaisir d’entendre que ça n’avait pas changé. Mais, il n’y trouvait pas de justifications ou même une bonne raison de rester à errer dans les couloirs. Le chat avait envie de prendre l’air, de sortir de l’enceinte du château. C’est pour cette raison qu’il était sorti en direction de Pré-au-Lard en demandant à Gabriel de l’accompagner. Lui qui avait insisté pour le guider dans l’école afin d’éviter de s’y perdre comme l’autre soir. Un brin collant ce collègue mais, sympathique. Il lui rappelait un peu sa fille avec ses tendances excentriques pour se détacher des autres. Il lui faisait penser à un frère ou, dans certaines situations plus cocasses, un petit-ami. Brr, rien que cette pensée le faisait frissonner et Salem s’était recroquevillé sur lui-même. Le chemin avait été long mais, ils avaient fini par arriver à destination. Moment où d’ailleurs, son collègue l’avait abandonné. Le voilà livré à lui-même dans un village qu’il connaissait tout juste. Un petit moment de stress avant que Salem ne décide de mettre les pieds l’un devant l’autre. Mais rien ne semblait l’intéressait. Il n’aimait pas les sucreries et autre alors, pas questions de rentrer chez Honeydukes. Il n’avait pas spécialement envie de boire un verre donc même les Trois Balais ne semblaient pas l’intéresser. Haussant les épaules, il n’avait qu’à se promener en ville.
Ses pas l’avaient amené jusqu’à la Cabane Hurlante où il ne pouvait s’empêcher d’avoir un petit sourire sadique aux lèvres. La bêtise de ce mythe l’amusait tellement. Le professeur avait troqué son corps d’hommes pour celui de l’animal afin de profiter de la souplesse du chat et de la discrétion pour aller se percher sur une branche et buller tranquillement. Chose qu’il n’aurait pas pu faire au château puisqu’il y a toujours un petit malin pour lui tirer sur la queue quand il se repose ou bien le bousculer. Moment excessivement agaçant d’ailleurs. Si bien que le plus souvent, il ne contrôle pas tout et des griffes viennent claquer les joues des plus aventureux.

Cela dit, il commençait à se faire tard et il ne pouvait rester ici indéfiniment. Le chat noir était alors descendu de son perchoir pour reprendre le chemin inverse. Sauf que voilà, il s’était encore perdu. La faute à la nuit qui tombait et aussi, que son ami n’est pas été foutu de lui indiquer la route du retour avant de l’abandonner. Des feulements discrets et agacés étaient sortis de la bouche du chat. Ce genre de réaction qui laissait donc penser qu’il y avait un être humain sous cette peau. Pendant près d’une heure, il a tourné et retourné toutes les possibilités. Il était épuisé à gambader un peu partout pour retrouver sa route. Un petit miaulement triste s’était échappé de sa bouche. A l’aide pensait-il tandis qu’il avait réduit le pas de courses de sa marche pour une démarche plus tranquille, plus calme et convenant plus à l’impression d’errance qu’il avait. Jusqu’à ce qu’il reconnaisse un des autres professeurs de l’école. En même temps, vu la grandeur et le look de celui-ci, on ne peut pas le louper ni même l’oublier. Salem s’était mis à le suivre discrètement en se disant qu’il allait sûrement finir par rentrer. Et ça n’avait pas manqué bien que la situation fût totalement ridicule. Il l’avait vu s’écrouler comme un arbre mort. Le chat avait les yeux ronds en voyant un tel spectacle. Est-ce qu’il devait l’aider ? Ou pas ? La question était tranchée dès lors que ledit professeur avait vu le chat noir et semblait revenir d’entre les morts. Avec sa tête de clown digne des meilleurs films d’horreur en plus, les poils du chat s’étaient dressés d’un coup et Salem préférait largement l’option fuite en voyant un taré pareil lui courir après.

Vous voyez un peu les films d’aventures où les héros sont dans un tunnel avec une vieille pierre qui roule derrière eux pour les écraser ? Bah là, c’était la même vision pour le chat qui se faisait poursuivre par un géant qui braillait et gueuler. De base, quand il est humain, cet homme est immense alors là, du haut de ses pauvres centimètres au garrot, c’était pire. Il courrait en zigzag comme s’il avait le diable aux fesses et il avait réussi à le semer lorsque celui-ci s’était vautré de nouveau à une marche. Un petit élan de fierté, le torse de chat bombé mais, très vite gâché par les complaintes de celui-ci. Il ne savait pas s’il devait être triste pour lui ou bien terriblement gêné. Mais, dans tous les cas, ces deux facteurs revenaient à la même décision : faire marche arrière pour retourner le voir. Peut-être qu’il serra calmé ? Le chat était ressortit de l’ombre, soulagé de voir que Johannes était présent. Bon, il lui avait sauvé la mise, c’était à son tour. Salem était venu au côté de son vieil ami, se frottant contre sa jambe pour signaler sa présence avant que les pattes du chat noir ne viennent se poser sur la tête d’Heathcliff. Il était fortement tenté de planter ses griffes après la frayeur qu’il venait d’avoir mais, non. Ça n’arrangera rien de toute manière.

A plat ventre, cherchant du regard le pelage noir et brillant du petit chat, il semble nager dans l'herbe en gesticulant de façon dé-coordonnée. La pauvre bête s'est enfuie plus loin alors qu'il est tombé et ses suppliques n'y font rien, le félin reste hors de portée. C'est pourtant bien un miaulement qui attire l'attention de l'alchimiste ivre mort, mais dans la direction opposé. Il tourne la tête brusquement, sans toutefois vouloir quitter des yeux le joli petit chat noir, ce qui lui donne l'air ridicule d'un décérébré qui hoche frénétiquement la tête à droite et à gauche. Du château, est venu le concierge, Johannes Rosenberg qui porte un petit chat blanc sur l'épaule. C'est lui qui s'est manifesté en miaulant devant le raffut d'Heathcliff. Mais l'homme aviné n'analyse pas encore parfaitement la situation. Même si Johannes lui parle, au début, il ne le voit pas, ne l'entend pas. Il pointe ostensiblement le chat blanc du doigt et se met à beugler.

"NON ! NON SI JOLI PETIT MINOU. Pourquoi t'as changé d'couleur ? T'as pas l'droit d'changer d'couleur. C'est moche le blanc. REDEVIENS NOIR TOUT DE SUITE SINON ... SINON ..."

Mais la menace surréaliste n'eut pas de fin. Tel un phoque échoué sur la banquise, il se débat avec sa vue qui refuse de faire la mise au point et son esprit qui tourne et boule dans un vertige sans fin. Il a envie de vomir. Il cligne plusieurs fois des paupières en fixant le chat blanc, plissant les yeux pour s'assurer qu'il change bien de couleur avant que ... Le petit chat noir arrive de l'autre côté et grimpe avec souplesse sur lui. Fou de joie, le professeur hurle et attrape approximativement le félin par le ventre avant de rouler sur le dos et de le tenir à bout de bras au dessus de lui. Son abdomen pend, sa queue entre ses pattes arrières, les oreilles passablement rebroussées en arrière. Heathcliff ne contient pas sa joie et s'extasie à voix haute.

"OWIIII MINOU ! Tu es revenu, tu es redevenu tout noir ! J'aime pas le blanc. J'te donnerais ... tiens, j'vais t'donner du gin, tu vas voir, c'est sacrément bon !"

Mais alors qu'il réalise qu'il a lâché sa précieuse bouteille et qu'il se redresse assis avec brusquerie pour la chercher à tâtons autour de lui, le félin noir posé sur son épaule, il hurle à nouveau. Johannes s'est approché et accroupit et il porte sur son épaule le même chat blanc. Heathcliff en perd son latin. Il fixe tantôt le chat dans ses bras, noir, tantôt celui dans ceux du concierge, blanc. Ainsi donc y avait-il deux chats ! Il se frappe violemment le front avec le plat de la main en éclatant à nouveau de rire. Il n'est pourtant toujours pas capable de se mettre debout. Il glisse sa paume dans le cou de Johannes et laisse ses doigts se perdre dans ses mèches crépues. Il tangue dangereusement, adoptant d'étranges oscillations pour stabiliser tant bien que mal le vertige dans sa boite crânienne. Il a les yeux brillants et fou quand il tire sur son cou, déséquilibrant le pauvre concierge.

"Rosenberge, regarde, REGARDE ! J'ai trouvé un chat ! OH MAIS ... MAIS TES CHEVEUX SONT TELLEMENT DOUX !!!!! Mais, tu as trouvé un chat aussi ? Il est blanc, il est très moche. Je l'aime pas. Regarde, REGARDE !!! Le mien est tellement beau. MINOU !"

Salem était abattu par le ridicule de la situation. Couché à plat ventre, il était venu caché son visage entre ses pattes pour exprimer cette honte. Il n'avait rien fais de mal, c'était l'autre enseignant qui était terriblement ridicule. L'arrivée de Johannes dans les environs avait quelque peu rassuré Salem. Enfin en visage familier et sympathique ! Qui ne braillait pas surtout, point très important. Le chat noir était resté un moment à fixer l'autre chat blanc avec une folle envie de lui chercher un peu des noises. Mais, son collègue enseignant l'avait légèrement grugé sur ce point là. Le voilà à beugler de nouveau, criant au scandale qu'il était devenu blanc et qu'il devait reprendre la couleur noire tout de suite sinon … Sinon rien, il allait imiter le phoque échoué sur sa banquise et basta. La menace était terrifiante, le chat noir revenant à pas de velours à proximité de celui-ci pour qu'il se décide à se calmer. Signalant sa présence en se frottant à la jambe du concierge, Salem sentait le stress de son ami félin dans les bras de celui-ci. Il avait miaulé à l'intention du chat blanc pour lui signaler que tout allait bien. Entre chats, ils peuvent se comprendre dirons nous. Ou pas, parce que le pauvre continuait de trembler. Le noir s'était retourné alors, dévisageant ce professeur ivre de haut en bas. Mouai, ça pouvait se comprendre qu'il continuait de trembler face à un … taré pareil. Et c'est lui qu'on traite de fou ?! À côté de cet énergumène, il se sentait en parfaite santé mentale. Salem avait espéré qu'il se calme en grimpant sur son épaule à deux mètres et des poussières. Trop haut, il avait failli se louper en plus tellement que cette ''branche'' était haut perchée. Mais bon, après une petite manœuvre de rattrapage et un appui sur un des bras, il avait réussi à atteindre l'épaule. Un soupir s'échappa des babines du chat, épuisé.
Salem était censé se reposer ce soir pour oublier ces élèves braillards et idiots. À la place, le voilà dénaturé de son humanité pour être réduit aux simples animales de compagnies à savoir : un chat. Chat qui avait des mimiques bien humaines et qui, pourtant, ne semblait pas sollicité le tic chez son ami d'enfance. Cela pouvait se comprendre, il n'était pas au courant. Personne n'était au courant pour son Animagus dans l'école. L'image que cette magie soit illégale était toujours encrée dans sa tête malgré le rappel du Ministère anglais sur ce don. Tant qu'il était déclaré, il était légal. Mais non, ça ne rentrait pas dans la tête de l'allemand.

Effondré sur l'épaule, au bout de sa vie, Salem était pourtant loin de tout repos puisque le voilà entre deux grosses paluches façons Simba du Roi Lion. Le chat était terrorisé mais, comme lui dire. Il n'avait pas de langue ni le don de paroles sous cette peau alors, il pouvait seulement faire une tête de six pied de long en baissant les oreilles et en remuant les pattes arrières dans le vide comme si ça pourrait l'aider à s'en sortir. La parole, elle pouvait seulement s'exprimer dans des miaulements intempestifs et sans aucuns contrôle. Salem ne pouvait qu'attendre que ça se calme. Jusqu'à ce que l'autre demeuré lui propose du Gin. Est-ce qu'il a une tronche d'alcoolique ce chat/humain/professeur ?! Les secousses avaient fini par se stopper et Salem pouvait reprendre ses esprits. Il avait envie de vomir, voilà. Pas à cause d'une saturation d'alcool dans son estomac mais plutôt, à force d'avoir été secoué comme un prunier. Il n'a jamais été grand amateur des manèges à sensations. Mais alors celui-là, il valait le détour bien que ça soit un peu de sa faute s'il était malade maintenant. Quelle idée aussi de faire demi-tour, il aurait mieux fait de le laisser faire une brasse coulée dans l'herbe. Il a décidément trop bon cœur. Salem suivait à peine la conversation entre les deux hommes, bien trop occupé à retrouver ses esprits en vacillant un peu sur l'épaule du géant professeur. Le chat noir avait même manqué de tomber lorsque celui-ci s'était rendu compte de sa bêtise, totalement hilare. C'est bon signe, cela prouve d'une certaine manière qu'il n'est pas totalement débile. Sauf que voilà, le chat était un peu dans la même position que Mufasa cette fois-ci au moment de sa mort, les griffes plantées dans le tissu pour éviter de tomber. Quelle soirée de merde ! Il était excessivement agacé par ce cirque, bien plus quand le voilà de nouveau à perdre ses pattes avant avant parce que l'autre le tenait encore comme une loque pour le montrer au concierge. Comme ça il est moche, ce chat blanc ? Il est très beau ! Et moins porteur de poisse comme lui. Mythe et légende du chat noir, malheur et autre, il fait le frisson des superstitieux quand ils le voient passer.

Lui labourer le visage … En voilà une bonne idée. Salem remerciait mentalement Johannes d'être le plus intelligent des deux, offrant même un bon point dans sa tête à son ami d'enfance. Le chat noire avait un petit regard vicelard pendant quelques secondes mais, la totale incapacité d'user de ses griffes pour refaire le portrait à son collègue. Il en avait marre, terriblement marre. Alors aux grands maux, les grands remèdes. Peut-être que s'il lui montre, il allait comprendre qu'il faisait fausse route ? Salem avait fini par troquer sa peau de chat pour sa peau d'homme, toujours tenu par le professeur d'alchimie. Il avait une tête légèrement boudeuse, le regard assassin et surtout, la parole. « Bon, vous me lâchez maintenant ou bien faut que je vous foute un coup de pieds dans les couilles pour que vous comprenez ? ». Les bras croisées, ses pieds cherchant le sol désespérément pour redescendre, est-ce qu'il réussirait à le convaincre malgré que ses oreilles de chat n'est pas disparu et demeuraient encore sur sa tête ? Et oui, il a encore quelques petits progrès à faire pour la transformation sans baguette mais, pour le moment, Salem ne se rendait même pas compte de sa boulette puisqu'il était trop occupé à vouloir retrouver le plancher des vaches.

Il n'en peut plus de caresser la fourrure soyeuse du petit chat noir qui a élu résidence sur son épaule. Il a abandonné l'idée de lui donner du gin puisque de toute façon, il ne retrouve pas sa bouteille et qu'il n'est pas capable de se lever pour aller la chercher. Il a à moitié mis par terre le concierge qui essaye de le calmer et de temporiser, voyant ce que l'alchimiste ivre ne voyait pas : que le chat noir n'avait pas, mais alors pas du tout envie d'être ainsi secoué dans tous les sens. Et si son collègue se rend compte qu'il ne vaut mieux pas mettre un félin en colère, Heathcliff a surtout l'impression d'avoir trouvé un ami en peluche qu'il ne veut plus lâcher. Il frotte doucement son visage contre les poils du dos du chat alors que Rosenberge, le ton bas, l'incite à prendre ses distances et à se méfier de ses griffes. Mais autant parler à un nouveau-né venant de s'extirper du vagin maternel, ça aurait sans doute plus d'impact. Le professeur a lâché le concierge, réalisant que la fourrure du chat était plus douce que sa touffe de cheveux et surtout moins emmêlée. Il caresse gentiment -mais comme un bourrin- le flanc de l'animal quand il le sent trembler contre lui.

Il ignore les tentatives de Johannes d'attraper le chat en pivotant frénétiquement de gauche à droite tout en secouant la pauvre bête qui tremblait de plus belle. Mais finalement, dans un pop sonore, le chat se transforme ... en homme ? Heathcliff a un mouvement de recul alors qu'il tient encore ce qui fut le chat noir par sous ce qui était ses pattes avant, à présent ses bras. Il a un hurlement suraigu à en glacer le sang en le lâchant brusquement, laissant choir l'homme complètement nu dans l'herbe. Basculant en arrière, l'alchimiste manque de faire une roulade si imparfaite qu'il se retrouve avec des touffes de gazon mélangés à ses mèches corbeaux. Il fixe alors son précieux petit chat, puis Rosenberge, avant de réaliser qu'il s'agissait d'un autre de ses collègues au nom allemand imprononçable, le professeur de Défense, Angelman. La cabriole surprise d'Heathcliff l'a tellement retourné qu'il reste quelques secondes le regard dans le vague, complètement sous le choc, avant de se tourner vers le concierge encore à genoux près de lui.

Comme un relent impétueux de l'âme qu'on ne peut contenir même en serrant les dents, l'alchimiste vomit son gin en un jet puissant et translucide, vestige d'un contenu stomacal strictement liquide. Le pauvre concierge se retrouve les cuisses trempées et son petit chat blanc moche a déjà détalé pour se mettre à l'abris. Pendant un instant où le monde semble tourner dans le sens anti-horaire, Heathcliff fixe avec l'air hagard, tantôt le professeur de Défense complètement à poil, tantôt le concierge couvert de vomis. Il se remet à rire en plaquant ses paumes sur ses joues, les pressant l'une contre l'autre en se donnant l'air d'un héros de film d'horreur moldu (SCREAM) et déforme passablement sa voix. Il pointe du doigt son collègue de défense et se remet à hurler comme un veau.

"ANGELMAN !!! MAIS QU'EST CE QUE TU FAIS ICI ?? C'est toi qui a mangé mon joli petit chat ? Il était juste là et POUFFFFF il a disparu. Mais, MAIS !! Pourquoi t'es à poil ? OMG ROSENBERGE j'ai peur y a Angelman qui t'a suivi complètement à poil. Tu devrais t'en fuir. EMMÈNES-MOI AVEC TOI, ME LAISSE PAS AVEC LUI, J'AI PEUR !"

Toujours plus incohérent, Heathcliff se précipite sur son collègue et s'accroche à lui en montant à califourchon sur ses genoux comme pour s'éloigner d'Angelman, l'écrasant sensiblement au passage, le cuir de son pantalon ne faisant qu'étaler la tâche de vomis qui souillait déjà le pauvre concierge.

Bordel de cul de babouin, c'était quoi ce délire soudain ? Salem n'en pouvait plus de cette énergumène qui se promenait complètement ivre. Ça ne tiendrait qu'à lui, il aurait déjà filé pour dénoncer son comportement totalement irresponsable auprès du directeur. Un professeur soul, un directeur de maison en plus ! En train de se comportement comme un enfant à qui on aurait enlevé son jouet. Mais le pire était à venir pour le pauvre chat qu'avait rien demandé de plus que de trouver quelqu'un pour le guider jusqu'au château. La prochaine fois, il se contentera de pioncer sur place et d'attendre qu'on vienne le chercher ! Le chat noir avait repris son corps d'homme à un tout petit détail près : il était nu comme un ver. Il avait encore oublié ce détail. Ou alors, il avait oublié de fusionner ses vêtements avec sa peau lors de sa transformation et ses affaires sont restées près de la Cabane Hurlante à tous les coups. Malaise totale, digne de toutes les railleries possibles. Mais, il remerciera plus tard les deux hommes de ne faire aucun commentaire … Ah non, autant pour le narrateur, il a parlé trop vite. Salerm avait eu le droit à un cri suraiguë de la part du soûlé avant d'être lâché comme une loque par terre. Réception : 0/10, il n'était plus un chat alors au lieu de retomber sur ses pattes, il était plutôt retombé sur ses fesses. Une petite grimace de douleur, Salem se demandait encore pourquoi il se retenait de lui coller un poing dans la figure. Peut-être parce qu'il était totalement dépassé et qu'il avait envie de hurler pour la honte qu'il se payait à cause de cet abrutit irresponsable. Un peu plus et, il allait se mettre à pleurer. Elle en avait pris un coup quand même sa fierté, il fallait comprendre.
Mais voir son collègue vomir sur le pauvre concierge lui avait donné un haut de cœur. Le calme en toutes circonstances, c'est bien ça qu'on avait dit lors des présentations ? Il se pourrait qu'il ne l'ait pas toujours en toutes circonstances. C'était totalement dégouttant et il plaignait sincèrement Johannes pour ça. Et intérieurement, il remerciait le bon dieu pour que ça ne soit pas tombé sur lui. À la guerre comme à la guerre il avait envie de dire mais franchement, il avait eu sa dose pour la soirée. Salem bouillonne de rage, seul le froid qui le frappait l'empêchait de s'enflammer. Parce que mine de rien, à poil dehors par ces températures, il avait de quoi se les geler. Le professeur de défense foudroyait du regard l'autre grand dadet qui riait de plus belle. Ah non ! Non-non-non ! Il est où le respect, il est mort, c'est ça ? « ENGELMANN ! ET C'ÉTAIT MOI LE CHAT, CONNARD ! ». Dans le même élan, Salem s'était relevé pour aller décoller une droite à son collègue cuit comme un pochtron. Ne serait-ce que pour lui faire rabaisser ce doigt pointé vers lui.

Voilà, la limite de tolérance avait été dépassé pour Salem qui crevait de honte intérieurement. Il n'avait qu'une envie, c'était de se re-transformer, retourner chercher ses vêtements et aller attendre que Gabriel vienne le chercher. Peut-être qu'il aurait un éclair de génie du genre Tiens, j'crois que j'ai oublié quelqu'un. Son collègue n'avait pas l'air d'avoir vacillé d'un pouce. Il est beau le Heathcliff tiens mais, ça n'empêche pas Salem de se montrer particulièrement vexé. Même quand celui-ci était venu s'étaler dans son propre vomi, accroché au concierge. Écœurant, il essayait de relativiser en se disant qu'il avait vu bien pire. Comme Nagini qui mange un cadavre par exemple. Non-non, il ne fallait pas penser à ces choses dégoûtantes sinon, il allait rendre le peu qu'il avait réussi à avaler dans la journée. Une pensée agréable, une pensée agréable … Mais, il restait tout de même en tenue d'Adam et ça, c'est tout sauf retrouver de l'aisance ! Même s'il essayait de passer outre le spectacle qui se déroulait à côté de lui, il était difficile de se concentrer avec un grand con braillard à côté. Heureusement pour lui, Johannes avait tout de même eu pitié de son ami pour lui faire apparaître de quoi se vêtir. Salem boudait tout de même mais, il n'avait rien contre des vêtements. « Merci et, sans commentaires sinon j'te change en ver de terre. » fit-il tout en enfilant les vêtements trop grands. Il avait facilement dix centimètres en plus aux niveaux des manches et du bas de pantalon... Il l'avait fais exprès, c'est ça ? De toutes façons, il n'allait pas relevé ce détail, c'est bien le dernier qui lui venait à l'esprit pour le moment.
Maintenant qu'il avait quelques choses sur le dos, le professeur avait retrouvé sa contenance et il avait arrêté de se rouler en boule dans un coin pour cacher le strict minimum. Le sourire sadique ne se prêtait pas vraiment avec ce qu'il avait sur la tête pour son retour à la normale raté mais, il en disait long. « On a qu'à l'abandonner ici, prévenir le Directeur de son irresponsabilité et il se ferra renvoyer, qu'est-ce que t'en dis ? ». C'était du sarcasme, Salem n'étant pas assez cruel pour faire ce genre de choses. Quoi que, vu la honte qu'il s'était mangé dans la figure, ça serait un bon retour des choses...

Il entend vaguement le concierge lui dire que tout va bien mais c'est le professeur de Défense qui bondit sur lui pour lui décrocher une droite magistrale en pleine tronche qui vient contre-carrer sa bonne volonté. Difficile pour Heathcliff de se laisser convaincre que tout va bien. Trop stupéfait pour réaliser ce qu'il vient de se passer, il reste quelques secondes bloqué, sur les genoux de Johannes qui le retient un peu pour ne pas qu'il tombe tout en fournissant des vêtements à Angelman. C'était moi le chat, connard. Entre deux errances de ses pensées, et avec la douleur qui le vrille le crâne après le coup, l'alchimiste comprend à demi les paroles de son collègue de Défense. C'était moi le chat. Le reste de la phrase était plutôt clair, mais le début. En se massant la mâchoire douloureusement, toujours à moitié cramponner à Rosenberge qui l'avait reposer par terre en maintenant ses épaules, Heathcliff s'éclaire d'une lumière de génie. Mais c'est bien sur ! Il se remet à sautiller bien que les paumes du concierge impriment toujours une pression sur son torse.

"ANIMAGUUUUUUUUUUUUUUUUUS. TU ES UN ANIMAGUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUS. MAIS C'EST TROP COOL CA MAIS ... HEY MAIS, C'EST TOI QUI M'A FRAPPE !!!"

Sans doute maintenant qu'il ne voit plus drôle, l'alchimiste ivre est capable de comprendre que le chat qu'il a poursuivi, l'homme nu qui l'a frappé et le professeur de Défense qui vocifère l'idée de l'abandonner là et d'aller prévenir les autorités compétentes, ne sont qu'un seul et même individu. Il sent que ses forces l'abandonne, la partie euphorique de la cuite laissant place à l'apathie et à la mollesse annonciatrice au mieux du sommeil amnésique, au pire du coma. Heathcliff n'a ni la force de se venger du coup de poing, ni de comprendre quoi que ce soit d'autre venant de l'un des deux sorciers allemands. La douleur dans sa tête se décuple, et son vertige tourne à présent à l'anarchie. Il se sent lourd, chaque membre pourtant inactif, incapable à remuer. Ses entrailles s'activent encore et il a le temps de se pencher pour n'asperger personne à présent qu'il vomit une deuxième fois. La sueur commence a perlé à son front de s'être ainsi agité, les relents nauséabonds de son dégueulis lui lève le coeur. Sa tête cogne du pouls à ses tempes, sa gorge brûle de la bile qui coule encore à ses lèvres.

Il ne se voit pas, mais son teint blêmit encore plus qu'il n'est possible sous sa couche épaisse de maquillage. Il arrive à mobiliser son bras jusqu'à sa bouche pour s'essuyer d'un geste approximatif qui laisse une traînée rouge sur son avant-bras, avant qu'il ne retombe mollement sur l'herbe dans un bruit sourd. L'alcool a cessé de le stimuler et à présent que l'adrénaline l'a épuisé, il se sent incapable de se tenir encore assis. Sa respiration ralentit, son rythme cardiaque aussi. Au loin, de son regard perdu dans le vide, il aperçoit le chat blanc sur une branche qui scrute la scène avec circonspection. Et puis c'est le trou noir. Sa conscience disjoncte et son esprit sombre dans les limbes au moment où sa tête heurte brutalement le sol dans un craquement inquiétant.

Quoi ? Salem a beau être calme, ça reste tout de même quelqu'un qui a un minimum de fierté à défendre. Et hormis avoir eu des ascenseurs émotionnelles ce soir, il n'y avait pas gagné grand chose. Plutôt perdu pour tout dire. Alors, se venger lui paraissait être une douce utopie bien qu'il avait très vite regretté intérieurement d'avoir laisser sa rage intérieur exploser et suggérer un triste sort pour Hearthcliff. En plus de lui coller une baigne. Oui, c'est exact, il est ivre mort. Enfin du moins, ivre, c'était une certitude mais mort, ça serait préférable d'éviter. Alors quand Johannes avait exprimer son refus catégoriques, Salem avait levé les yeux au ciel, croisant les bras avec ses manches qui pendouillent. De loin, on aurait cru qu'il était coincé dans une camisole. Ça pourrait bien être le cas sous peu si cette soirée continue dans la folie avec laquelle elle avait commencé. « Il se sera sûrement vautré dans un autre coin et vue le litre d'alcool, il dormira pendant trois jours au moins. Pas de quoi paniquer... Bon d'accord, je disais ça pour plaisanter. ». Ou pas. Il n'en savait rien en faites mais la petite voix dans sa tête lui disait qu'il aurait bien aimé. Jusqu'à ce qu'après ce silence d'outre-tombe, le pochtron se remette à gueuler. Salem avait laissé s'échapper un cris de surpris digne d'une bonne femme. Ce qui, au passage, lui avait retiré toute virilité mais bon, il a été à poil il n'y a même pas cinq minute, il n'est plus vraiment à ça près. Les yeux ronds comme des billes, il fixait son collègue enseignant débiter sa joie avant qu'il ne redescende sur terre et qu'il ne fasse référence à son coup de poing. Salem avait un sourire bien gêné, les yeux toujours aussi rond comme des billes et il se frottait l'arrière du crâne comme un débile en récitant sa prière parce qu'il s'attendait à s'en prendre plein la tronche. « Ahem, oui c'est possible, je suis désolé à ce propos, ça m'a... échappé ? ».
La phrase du plus petit des trois s'était ralentit en voyant qu'il tombait de nouveau malgré tous les efforts de Johannes pour le maintenir assis. Bon au moins, avant sa chute, il avait eu la gentillesse de ne pas vomir de nouveau sur ses collègues. Et à entendre le craquement de son crâne à sa chute, le teint de Salem s'était pâlit d'un coup avec ses yeux qui étaient ronds comme des billes. La panique montait en lui, pensant que c'était à cause de son coup de poing qu'il venait de tuer son camarade. Oui-oui, tué, il était déjà en train de l'enterrer. Voulant ronger ses ongles, ses mains étaient enfouis dans les manches de son pull de fortune tandis qu'il était en train de baliser. « Merde ! Merde ! Merde ! J'AI TUE HEATHCLIFF ! » Et le voilà partit dans sa paranoïa. Salem tournait en rond nerveusement tandis que Johannes faisait de son mieux pour soigner le tronc d'arbre qui s'était écroulé un peu plus tôt.

C'est quoi la formule ? Quelle formule ? Ah ! Celle pour soigner. Salem aurait bien aidé mais, sa baguette serait comme qui dirait resté avec ses vêtements à la Cabane Hurlante. Pratique. Du coup, il pouvait simplement se pencher au-dessus de Johannes qui voulait soigner ce pauvre bougre. « Qu'est-ce qu'est quoi ?! Extrapoles ! » La panique, ça semble contagieux chez ces cons-là. Mais, au bout de quelques secondes d'intenses recherches, le concierge avait fini par trouver la bonne formule et soigner la fracture du soûlard. Un soupir de soulagement avait traversé les lèvres de Salem. Un râle même serait plus exact vu sa tête penchée en arrière. Salem avait redirigé son regard vers Johannes à sa remarque, légèrement boudeur sans pour autant redresser sa tête. « Gruger de quoi, je faisais que me défendre. Images toi à ma place aussi en train de te faire courser par un psychopathe à la tête de clown. Il m'a fait mal en me lâcher en plus cet abrutit... » Ronchon ? Oui, un peu. Il ne voyait pas les comptes qu'il devra rendre à la direction si jamais ils apprennent ce petit incident. De toutes façons, ils ne sont pas obligés de l'apprendre.
Et donc, le meilleur moyen pour, c'est d'effacer les preuves. À commencer par raccompagner M.Lovecuite à ses appartements. « Prêtes-moi ta baguette s'il te plait, je compte pas le porter. » fit Salem en tendant la main vers Johannes. À moins qu'il l'ait définitivement greffer sur sa main, c'était au tour de Salem de lui donner un coup de main.

Un silence que Salem s'efforçait de briser. Ne serait-ce que pour briser la coquille glaciale qui venait de se former. Il était très reconnaissant à Johannes de l'avoir non seulement habillé mais en plus, d'avoir soigné Heathcliff de sa bêtise. La bêtise de Salem bien sûr. Parce que le professeur de défense continuait à croire que c'était de sa faute s'il venait de s'écrouler. C'était peut-être le cas. C'était sûrement le cas même. Mais, pour ce qui est de la bêtise de son collègue enseignant, il avait bien peur qu'aucuns sortilèges ne soignent la sienne. Cependant, il était temps de rentrer et étant donné l'état assommé du joyeux gueulard, Salem avait estimé que c'était le moment ou jamais de le bouger d'ici. Sauf que, hors de questions de le porter et sans sa baguette, utiliser le sortilège de lévitation n'allait pas être de la tarte. C'est pour ça qu'il attendait auprès de Johannes après lui avoir demandé poliment sa baguette, main tendue vers celui-ci qui l'assassinait du regard. Ce n'est pas ce qui allait faire vaciller l'Animagus cela dit. Franchement pour ce soir, il avait eu tellement de frayeur que Johannes pourrait s'enflammer par colère, il ne réagirait pas plus que ça. « Je l'ai sûrement laissé à la Cabane Hurlante avec mes affaires. Mais, j'irais la chercher dès que ce type sera dans sa chambre, promit ! ». Il fit signe en pliant et dépliant  ses doigts vers la paume de sa main pour que son meilleur ami se décide à la lui donner. Chose qu'il fit au bout d'un moment tout en lui disant de faire attention. Capricieuse la baguette ? C'est ce qu'on va voir.
Il a déjà réussi à maîtriser Zephÿr une fois, c'est pas une baguette qui allait lui faire la leçon. Puis même, Johannes s'en chargeait déjà à merveille en réitérant qu'il allait être dans le caca si ce petit incident montait jusqu'aux oreilles de la direction. « Ça devrait le faire. C'est une sortilège de première année que je veux faire. » Petit moment  de doute tout de même dans le regard de Salem qui avait dévié vers ladite baguette. Elle allait pas lui faire de plan foireux, hein ? Ça commence à bien faire le manque de respect. Ce n'est qu'en essayant qu'il le sera et dans un geste fluide, il prononça « Wingardium Leviosa ». Un petit picotement le prit dans la main, signe que ce n'était définitivement pas sa baguette mais, Heathcliff lévitait à présent au-dessus du sol. Ce qui était le but premier de cette manœuvre et donc en soit, une victoire.

Le soucis de force et de comment ramener un homme ivre mort dans sa chambre réglé, Salem s'assurait tout de même de regarder si le professeur assommé suivait bien derrière. Pour le moment, ça allait et en voyant que le calme était revenu parmi les membres du personnels, Salem avait de nouveau ce sourire d'un homme serein. Il se concentrait avant-tout sous les potentielles paires de yeux qui pouvaient se promener encore dans les couloirs à cette heure-ci. De toutes façons, s'il en croise une, il la colle direct. C'est bon au bout d'un moment, ça commence à bien faire les gamineries. Il ne cachait pas son épuisement de cette soirée, ayant hâte de retrouver son lit. Puis, en entendant la remarque, il n'avait pas pu s'empêcher de jeter un œil à la tenue de Johannes, grimaçant un peu de dégoût en voyant celle-ci. « Te laver et te changer aussi. Il ne t'a pas loupé sur ce coup-là. Mais bon, relativise et dis-toi que tu vas pouvoir prendre un bon bain chaud avec cette mésaventure ». Le rêve de tout chat qui se respecte. La propreté ! Rien qu'à l'idée de prendre un bain, Salem s'était mit à ronronner, la tête penchée en arrière à s'imaginer en train de buller dans de l'eau chaude. Euh … Il faisait une rechute, rien de bien méchant. De toutes façons, tant qu'il arrivait à maintenant le sortilège de lévitation et de ne pas laisser le corps de Lovecraft s'écrouler par terre, c'était un bon point, non ? Puis, au bout d'un moment, il avait fini par arrêter, reprenant son sérieux. La marche était longue. S'il était sur ses quatre pattes, il aurait mis moins de temps à retourner à la Cabane pour récupérer ses affaires et ensuite monter dans sa chambre. En passant par le bain quand même. Puis, Salem tourna la tête vers le concierge tout aussi épuisé, l'air incrédule. Un air qui se changeait petit à petit pour une moue sincère. « Je suis désolé, pour tout ça. Merci beaucoup de ton aide ». Voilà, on lui avait arraché de la gorge ses remerciements mais, il avait fini par les dire.

Salem n'était pas un chien -dans tous les sens du terme d'ailleurs- donc, il était normal qu'au bout d'un moment, les remerciements finissent pas lui traverser la bouche. Les pensées ailleurs et la concentration pleinement sur le sortilège, il était en train de s'inquiéter pour sa baguette. Et si on lui avait piqué ses affaires ? Pire encore, et si c'était une vieille pleine d'herpès ? Ah ! Il en avait eu un frisson rien que d'y penser, l'envie de vomir reprenant le dessus. Pourquoi il avait fallu qu'il pense à ça dans un moment aussi honnête et charmant et … Quel idiot. Salem avait l'occasion de renouer les liens avec Johannes depuis le temps et tout ce qu'il arrivait à trouver, c'était de penser à une vieille chouette hideuse. Et encore, hideuse était un mot faible contrairement au faciès qui venait de lui traverser l'esprit. À quoi venait-il de penser déjà ? Petit malin qui avait déjà effacé sa mémoire. La fatigue venait le guetter, la preuve avec ce bâillement venu des tréfonds des enfers qu'il avait couvert avec la manche ballante de son pull. Si bien qu'il ne faisait plus vraiment attention à ce qui se passait autour de lui. Il se contentait simplement de suivre naturellement le concierge. Allez savoir pourquoi, il devait être convaincu que ce brave Johannes connaissait le château mieux que lui. Chose qui ne l'étonnerait pas d'ailleurs. Jusqu'à un léger petit imprévu. Si Salem n'avait pas fais attention au changement de hauteur et de position alors qu'il n'avait pas foutu un pied après l'autre, il ne l'avait remarqué que lorsque la belle au bois dormant s'était retrouvé à planer dans le vide au lieu d'être derrière lui et que les tableaux accrochés aux murs aient changé.
Légèrement déséquilibré, Salem ne s'attendait pas vraiment à un tel changement de direction. Si bien qu'il s'était emmêlé les pinceaux avec ses centimètres en trop et qu'il s'était vautré dans les marches. Parfait, la prochaine fois, ça serait bien qu'on lui envois un hiboux quand le château à décider de troller Johannes. Cependant, il tenait encore la baguette tendue vers le ciel. « J'ai pas lâché ma concentration ! C'est quoi ce caprice ? » demanda hasardeusement le chat qui n'avait pas encore eu le plaisir de goûter aux escaliers farceurs de Poudlard.
Se relevant tout de même après quelques minutes de secousses, Salem avait laissé Johannes ramener Heathcliff au-dessus des marches. Il préférait largement regarder autour de lui pour essayer de repérer à peu près où il se trouvait. Il n'en avait aucune foutue idée en vérité et le chat s'était légèrement crispé en entendant la question du concierge, les poils de ses oreilles de chat s'hérissant sur sa tête. Bon euh... C'est qu'il fallait faire un minimum bonne figure. Salem avait très vite retiré ce visage de garçon perdu pour revêtir celui serein et sur de lui comme il le faisait au quotidien. « Bien sûr ! Tu me prend pour qui ? C'est … par là ! » Oui-oui, il y avait eu tout de même un petit temps d'hésitation tout de même. Le doigt pointé dans la direction totalement opposée, le professeur avait ouvert la marche, donnant un coup de baguette pour que son collègue endormi suive sans que Johannes ait besoin de tirer dessus comme un chien en laisse qui se laisserait traîner.

La soirée commençait à être longue, très longue, trop longue même. D'autant plus que depuis qu'à défaut d'avoir eu des vêtements de secours, il n'avait pas de chaussures. Heureusement qu'il n'était pas frileux des pieds. Yannick Noah pourrait être jaloux n'empêche. Il lui manquait plus que le pétard à la bouche et il aurait fais un parfait hippie dans cet accoutrement. Est-ce qu'il s'en rendait compte ? Qu'il tournait en rond ? Visiblement non puisqu'il était trop fier de lui sur le moment pour avoir la bonne idée de le faire. Est-ce que quelqu'un allait s'en rendre compte ? Il serait préférable parce qu'au bout d'un moment, ils allaient finir par arriver à la Tour d'Astronomie, très loin des appartements après moult détour. Salem avait fini par s'arrêter face à un tableau cela dit, l'analysant avec un air totalement sérieux. C'est ce qui était risible d'ailleurs. « C'est drôle, j'ai comme une impression de déjà vu. ». Normal quand cela fait la troisième fois qu'il passe dans le même couloir. C'était peut-être pas une bonne idée de le laisser prendre la tête de la marche quand on connaît son sens médiocre de l’orientation.

Une douleur. Fulgurante. Aiguë. Qui frappe l'intérieur de son crâne avec une force frénétique qui le déboussole. Le poussant à ouvrir les yeux brusquement. Bien qu'il fasse nuit dans le château, le fonctionnement de ses rétines après son évanouissement lui provoque une violente secousse dans la tête qui lui broie le cerveau dans un étau. Une migraine hors du commun commence à s'installer, confortablement invitée par le gin qui avait fait son nid dans le crâne du professeur. Heathcliff reprend subitement conscience dans un sursaut heureusement muet. Il voit le ballet des escaliers au dessus de lui et sent son corps tellement léger. Comme s'il volait. Comme si ... Mais parbleu oui ! Comme s'il lévitait dans les airs. Le geste brusque et désordonné de panique de chaque membre à la fois rompt le sortilège et il s'écrase lamentablement dans les escaliers dans un bruit sonore que sa large carcasse ne risquait pas d'amoindrir. Étourdi mais bien moins mal en point que lorsqu'il avait perdu connaissance dans le parc, il connecte un peu mieux ses neurones entre eux. Il n'avait pas encore récupéré son état normal, mais l'ivresse hystérique avait laissée place à un état de mal, vaseux, nauséeux et instable qu'il regretterait encore plus amèrement le lendemain.

Il réussit péniblement à se remettre sur ses pieds quand il remarque que Johannes et Salem le fixent tout deux comme un revenant, l'air complètement hagard. Le concierge dégageait une odeur insoutenable, le professeur de Défense était vêtu d'oripeaux trois fois trop grandes pour sa petite taille, pieds nus, tenant une baguette pour deux avec tout deux l'air d'être complètement perdus. Heathcliff les fixe d'un air dubitatif et sa langue est terriblement pâteuse, avec un amer goût de bile et de gin, quand il s'exprime enfin, n'articulant pas aussi bien qu'il l'aurait voulu.

"Rosenberg ? Engelmann ? Mais qu'est c'que vous foutez là ? Merlin tout puissant mais Rosenberg, tu te laves jamais ? Je sais que tu aimes les créatures magiques et les trucs crades mais sérieux mec, tu schlingues là ! Et toi Salem ? T'as plus d'habits dans ta penderie ou tu t'es reconvertis dans la mendicité ? Et morte-couille, qu'est ce qu'on fout en plein milieu du sixième étage en pleine nuit. Pourquoi j'suis là d'ailleurs. Oh putain d'm ..."

Car la mémoire lui revient à mesure qu'il parle avec une intonation et un phrasé très différent de lorsqu'il est sobre, mais tout de même plus cohérent qu'en début de soirée. Il revoit James Martell, les bouteilles de Gin couchées aux Trois Balais, son retour par le parc. Et puis le trou noir. Il ne se rappelle qu'avoir poursuivi un chat, en sorte d'Alice au Pays des Merveilles pour félins et grand type morbide aviné. Il se prend la tête entre ses mains pour essayer de faire le point sur ses souvenirs. Quand est-ce qu'il avait commencé à perde le fil au juste ? Il n'était pas capable de s'en rappeler, comme si une immense nappe de brouillard recouvrait un pan entier de sa mémoire. En passant devant un tableau familier, il croise une fenêtre et son reflet le fait frémir d'horreur. Heureusement qu'il plaque par réflexe ses paumes sur sa bouche, sans quoi il aurait surement hurlé. Il avait l'air tout droit sorti d'une machine à essorer le linge moldue. Son visage au maquillage délavé faisait concurrence à ses cheveux corbeaux plein de feuilles et de touffes de gazon, avec pour finir le tableau, une large tache de sang sur le col de sa chemise. C'est avec panique qu'il se tourne vers ses deux compagnons du soir, la voix tremblante.

"Les gars putain ... qu'est c'qu'il s'est passé ?"

Il aurait dû décliner et rester dans ses appartements. C’est ce qu’il se répétait sans cesse pour pouvoir se consoler de sa propre bêtise. Celle d’avoir accepté une sortie foireuse parce qu’il s’était non seulement faire abandonner par ledit gars qui l’avait harceler pour qu’il sorte de sa chambre mais en plus, parce qu’il se retrouvait comme un mendiant dans les couloirs à promener le corps d’un mec qui ne sera sans doute pas reconnaissant ni même conscient du taux de conneries qu’il aura atteint et que sa soirée était loin d’être fini. Salem s’était retourné lentement pour regarder Johannes avec cet air totalement incrédule et désolé à la fois. Oui, il n’en avait aucune idée. Mais, vraiment aucunes. Contraint d’avouer, le professeur n’avait rien dis. Il s’était contenté d’hausser les épaules avec un air faussement innocent. Avant qu’il n’entende le corps de l’autre enseignant s’écrouler. Ça ne venait pas de lui, promis. Quoi que, le doute était accordé tout de même puisqu’il regardait sa baguette comme si celle-ci lui avait joué un mauvais tour. Ça pourr ait être le cas mais, il était certain d’avoir réussi à maintenir le sort. Résultat, Salem était légèrement effrayé. Non seulement, ils s’étaient perdus à cause de lui mais en plus, il n’était pas foutu de maintenir un sort de première année avec une baguette autre que la sienne. Sans plus tarder, il l’avait rendu à Johannes sans demandait son reste pour rendre ladite baguette à son propriétaire. « Je suis désolé, j’étais pourtant sûr que… ». Que rien. Ce n’était pas de sa faute mais belle et bien celle du cadavre qui avait fini par s’animer.
De nouveau calme avec le temps de répit que l’inconscience d’Heathcliff lui avait offert, Salem regardait la scène sans réelle inquiétude. Quoi que, vu la tirade de celui-ci, il se demandait pourquoi il était toujours là au lieu de lui sauter à la gorge pour le faire taire. C’est bien la première fois qu’il voit un cas aussi horripilant. Légèrement à cran, Salem n’avait même plus la force de s’énerver. Il se sentait ballonner à cause de la situation, les mains sur le ventre. La honte lui donnait mal à l’estomac et l’auteur principal en rajouter une couche.

Il n’avait pas envie de venir en aide à Mister Lovecuite. Pas même lorsque Johannes s’énervait petit à petit. Il en avait mis du temps mais, il avait fini par craquer aussi. Salem s’était adossé à un mur en attendant que la tempête passe. Ça ne répondait pas vraiment à la question de l’autre idiot. Quoi que, s’il était vraiment redevenu normal, il allait peut-être comprendre. Soupirant discrètement, il avait l’impression d’avoir été embauché à Poudlard pour faire office de tampon lors d’engueulade. Ça faisait la deuxième fois quand même, mine de rien. Du coup, le chat avait fini par se redresser pour rejoindre les deux hommes, les bras croisés avec –encore une fois- cette impression de camisole à cause de ses manches trop longues. Et pour y avoir passé, il peut vous dire que c’est tout sauf agréable. « J’ai jamais vu quelqu’un d’aussi gonfler. TOUT CA, C’EST DE VOTRE FAUTE ! C’est bon ? Vous êtes de nouveau conscient ? Je voudrais m’assurer de ne pas parler à un demeuré cuité jusqu’à l’os gueulard qui se donne un malin plaisir à foutre la honte aux autres. Grosso modo, vous m’avez pourchassé jusqu’au château où Johannes vous a trouvé complètement bourré à pleurer parce que vous vouliez un chat. Sauf que ledit chat que vous avez poursuivi, c’était moi et que vous avez vomi sur ce pauvre Jo’ qu’avait rien demandé avant de faire une rechute, de vous écrouler en arrière et de vous fissurer le crâne. C’est encore Jo’ qui vous a soigné et j’ai utilisé le sortilège de lévitation pour vous ramener dans votre chambre. AI-JE HOMIS UN SEUL DETAIL ?! ». Fatigue plus colère plus humiliation, il y avait de quoi largement faire péter les plombs à Salem qui, non suffisant de se retrouver pourchasser puis à poil dehors, se retrouve traiter de mendiant à cause de sa tenue de secours.
Il n’en pouvait plus. Il n’avait qu’une envie, c’était d’abandonner ce gars ici et le laisser se débrouiller. Est-ce qu’il allait s’en sortir vivant s’il faisait ça ? Pas sûr mais bon, arrivait à ce stade, ce n’était plus son problème. Il avait bien voulu faire un effort avec lui mais, trop c’est trop. Salem ne voulait cependant pas abandonner Johannes face à un idiot pareil. Seul bon point qu’il avait trouvé : Heathcliff reprenait conscience. Et la bonne cette fois-ci. Pas celle du clown qui gueulait dans le parc du château.

Qu'avait-il dit. Il se serrait sans doute mordu la langue et en aurait avalé un morceau s'il s'était douté de sa propre boulette. Déjà, il n'était pas totalement sobre, il sentait encore cette inhibition due à sa consommation de gin qui le rendait beaucoup plus dépravé que d'ordinaire en public. Sa tête semblait fracassée en deux et il sentait son pouls cogner à ses tempes avec force alors qu'il cherchait désespérément quelques bribes de souvenirs dans sa caboche. Ses premiers pas sont laborieux et il tangue encore sur ses chaussures à plateforme. Il regarde un moment ses mains, son visage à travers le reflet d'une fenêtre et ses vêtements. Il est couvert d'herbes et de terre, de touffes de poils de chat et il sent fort le gin aussi. En posant à nouveau ses yeux sur Johannes et Salem, il réalise alors combien il vient de mettre les deux pieds dans le plat. Non seulement il avait parlé sans réfléchir mais en plus, il était responsable d'absolument tout ce qui venait de le faire rire sur ses deux comparses de la soirée.

Progressivement, les idées se remettent en place. Il se rappelle sa solitude dans ses appartements, à penser à Valentine et à leur escapade en fôret. Il se rappelle être sorti pour se changer les idées et prendre l'air. Il se rappelle avoir trouver les Trois Balais pour boire dans une ambiance moins morose que sur son fauteuil de cuir. Il se rappelle avoir rencontrer James Martell, son collègue de Zoomagie, et d'avoir discuté avec lui. Il se rappelle qu'il est finalement allé se coucher et qu'Heathcliff a décidé de rester davantage. Il se rappelle les bouteilles de gin et de bourbon couchées sur le bar. Il se rappelle son retour approximatif dans le parc. Et puis c'est le trou noir. Mais il peut compter sur Salem pour lui remettre les idées en place. D'abord c'est Rosenberg qui s'est mis à lui hurler après, l'accusant d'être responsable de toute cette pagaille -ce dont bizarrement, il ne doutait plus à présent- et s'emportant sur son culot d'ainsi les railler quand ils avaient seulement cherché à l'aider. Et Engelmann de lui faire un topo sur ce qu'il avait oublié : la poursuite du chat noir, la chute dans l'herbe, les vomissements, la chute dans le coma et le retour laborieux jusque là où ils sont actuellement rendus.

Heathcliff se sent subitement vidé de sa substance, prit d'un sentiment de culpabilité énorme qui l'assaille avec une armée de remords. Encore imbibé, il se sent alors trembler de tous ses membres et est obligé de s'asseoir approximativement par terre pour ne pas tomber encore une fois. Repliant ses jambes sous lui comme une grande araignée mélancolique, tout son visage se crispe et il fond en larmes. Jamais il ne se serait comporter de la sorte s'il avait été sobre, et sans doute voudrait-il mieux pour lui qu'il prenne une potion d'amnésie en rentrant chez lui pour ne rien se rappeler de cette soirée. Du moins pour sa maigre dignité restante. Il pose la tête sur ses bras croisés et renifle plaintivement alors que la morve lui coule gentiment du nez. Il s'essuie dans sa manche et laisse les perles d'eau mouiller le tissu qui sent le gazon et la terre du lac. Il n'ose même pas lever la tête vers ses compagnons, trop honteux et coupable pour arriver à les regarder en face. Il se sentait comme le plus gros minable de la création, une loque pathétique même pas capable d'assumer ses propres conneries. Ce soir, il redevenait le même gamin rebelle qu'il était adolescent, auto-destructeur sans jamais se préoccuper des connaissances. Belle régression !

"J'suis désolé putain les gars ... Chui qu'une grosse bombabouse. Une merde d'Hippogriffe chiasseux. Un gros naze de première. Un abrutis doublé d'un crétin. Z'auriez du m'laisser crever dans mon vomi. D'façon, j'aurais manqué à personne. Personne m'aime. J'suis qu'une merde, j'ai rien fais d'ma vie. J'ai pas d'femme, mon seul gamin a même plus b'soin d'moi, et j'suis même pas foutu d'être un prof correct. J'mériterais crever seul dans un trou ..."

La tâche d'éclairer les lanternes d'un gars qui reprenait ses esprits après une bonne cuite était aussi agréable qu'un herpès. Non sérieusement, la situation était pénible, étouffante et la colère de Johannes ne faisait rien pour arranger les choses. Que pouvait-il ajouter de plus ? Après le débriefing de la soirée, Salem avait de nouveau croisé les bras en attendant la suite des événements. Il ne savait pas trop quoi penser mais ce qui était sûr, c'est qu'il n'avait pas apprécié se faire traiter de mendiant. Mais là encore, le calme qui avait plané le temps que Heathcliff retrouve ses esprits après la baffe mentale qu'il venait de se prendre avait permis à Salem d'oublier très vite ses petits travers linguistiques. Après tout, il n'oubliait pas que c'était un homme ivre qui était devant lui et donc, quelqu'un qui n'était pas conscient de ses actes et qui allait sûrement s'en mordre les doigts en y repensant le lendemain. Pour l'instant, ce que voyait le chat, c'était un enfant qui pleurait. Une triste araignée qui se repliait sur elle-même pour cacher sa tristesse. Ça serait mentir de dire qu'il n'avait pas de pincements au cœur en entendant la complainte de son collègue alchimiste mais, il était mitigé. Salem ne savait pas s'il le faisait exprès pour attendrir leurs colères et, si c'était le cas, s'il le faisait pour de bonnes intentions ou non. Mais pour le moment, ça ne l'avait motivé qu'un peu plus à le reconduire à ses appartements pour qu'il puisse aller se reposer et oublier cette vilaine soirée qui se résume à fiasco.
D'un pas prudent malgré tout, Salem s'était approché à son tour vers les deux hommes sans pour autant s'accroupir. C'était bien trop inconfortable comme position et puis, il y avait de quoi s'asseoir dans les couloirs, ça serait dommage de ne pas en profiter. Il écoutait d'une oreille attentive ce que disait Johannes pour réconforter Heathcliff et ne pouvait que le croire sur parole puisque ce n'était pas son genre d'écouter et d'espionner les autres pour en savoir plus. Mais, bizarrement, voir Jo' aussi … Gentil contrairement aux souvenirs qu'il avait de lui, ça avait donné un petit sourire en coin tristounet à Salem. Qu'est-ce qui s'était passé pendant son absence pour que ces deux-là changent du tout au tout ? Le moment n'était pas vraiment bien choisi pour poser ce genre de questions et le chat s'était contenté de garder le silence sur son perchoir.

« Euh … Nous ? » C'est la seule chose sur laquelle Salem venait de tiquer dans les propos de son ami d'enfance, ayant comme une légère hésitation quant à la suite des événements. Il était en train de l'embarquer pour ne pas être tout seul, c'est ça ? C'est ça ?! Ce n'était pas vraiment dans les projets du petit brun de devoir ramener quelqu'un. Il avait eu un petit moment d'espoir, espérant que maintenant que Lovecraft était réveillé, il allait être assez grand pour rentrer tout seul dans sa chambre. Mais non, non ! Johannes l'avait embarqué là-dedans. La compassion à l'égard de son collègue était très vite partit du coup pour une moue boudeuse venant de la part de l'homme-chat. Un peu plus et, il allait se mettre à feuler de mécontentement. Au lieu de ça, il avait simplement haussé les épaules. Il y avait un autre détail à régler maintenant. « Je veux bien t'aider à le ramener dans sa chambre mais, tu oublies que tu as fais confiance à mon formidable sens de l'orientation et qu'on est … Comment dire … Perdu ? ». Salem avait le regard insistant, les oreilles de chats dressés sur sa tête comme pour demander à Jo' par Légimencie la suite de son plan. Puis, en voyant qu'il n'y avait pas de réponse du côté du concierge, il avait porté son attention vers Heathcliff. « Est-ce que vous vous sentez suffisamment en forme et apte à nous indiquer le chemin Monsieur Lovecraft ? ». Ce n'était pas de la moquerie mais, de la politesse. Il ne connaissait pas spécialement ce professeur alors, il l'appelait par son nom de famille. Ce qui, en soit, paraissait tout à fait normal et discipliné.

Il se sent soudain comme un moins que rien, une espèce de vieille loque à oublier dans un coin pour renier jusqu'à son existence même. Un rebut de ce qu'il aurait du être, de l'image qu'il devrait présenter. Un homme droit, mur et sage, un directeur de maison de Poudlard, un professeur compétent. Au lieu de ça, il se comportait toujours comme l'éternel adolescent rebelle, s'amusant à faire peur à ses concitoyens, comme s'il n'y avait que dans l'auto-destruction qu'il s'épanouissait. Et pouvait-on parler d'épanouissement. Il n'en était pas sur. Toute sa culpabilité à propos de Gowan ressortait alors à ce moment, toutes ses années qu'il avait perdu à ne pas voir grandir son fils. Il ne se souvenait même plus de la raison qui l'avait poussé à boire autant -et c'est tant mieux, sinon son état aurait été pire encore, à coup sûr. La tête dans les bras, il perçoit plus qu'il n'entend Johannes s'accroupir à côté de lui. Le concierge n'a pas l'âme rancunière car il est déjà entrain de le rassurer d'une voix douce. Heathcliff a l'impression qu'il s'adresse à lui comme à un enfant, mais mérite-t-il autre chose au vu de son comportement de ce soir ? Pas vraiment.

Il renifle un peu et relève la tête. Les mots de son collègue lui font quand même du bien. De l'entendre dire que ses élèves l'apprécient provoque une douce chaleur dans son ventre. Et il se souvient. Il se souvient subitement pourquoi il a voulu boire comme un trou ce soir. Et pourquoi il était aussi amer. Par quel miracle il arrive à se taire sur le sujet et à se focaliser sur les mots de Rosenberg, il n'en sait rien. Sans doute une barrière lucide quelque part dans son inconscient qui luttait contre sa prédisposition chronique à s'attirer des ennuis. Car si ses collègues pouvaient accepter de le ramasser ivre mort à pleurer sur son sort de vieux mâle célibataire endurci ayant raté sa vie, ils ne seraient surement pas aussi agréable s'ils savaient pour Valentine. Mais bizarrement, penser à elle le sort peu à peu de sa crise de larmes. Sans réfléchir -en même temps, il n'a pas beaucoup réfléchi ce soir- il se précipite sur Johannes pour le prendre dans ses bras en reniflant sur son épaule. Il le serre sans doute beaucoup trop fort, ses bras de géants s'enroulant autour de son cou comme un boa affamé.

"Merci Johannes, merci de t'occuper de moi comme ça. C'est tellement gentil ce que tu dis, tellement gentil ! Je te ferais un brownie quand je serais moins cuit. Un bon brownie au chocolat et aux noix de pécan avec de la crème fouettée et ... Diantre ! J'ai faim !"

Le gargouillis innommable qui monte depuis ses entrailles informe d'ailleurs tout le couloir sur le sujet. C'est vrai, il réalise à peine qu'il n'a rien mangé depuis le midi. Un nœud se forme dans son estomac quand la voix de Salem l'interrompt dans son étreinte au concierge pour lui demander s'il saurait les reconduire aux appartements. Avec une énergie sortie de nulle part, et s'appuyant largement sur les épaules du pauvre Rosenberg, Heathcliff se met debout et se tient pour la première fois un peu plus droit. Il tangue toujours, mais moins et son pas quand il se redresse semble plus assuré. Il regarde Salem avec un défi dans le regard, l'oeil torve mais brillant.

"Bien sur qu'je peux ! J'pourrais r'trouver le chemin les yeux fermés ! Suivez-moi les garçons !"

Il se met à marcher en faisant sans doute beaucoup trop de bruit, tirant sur la manche de Johannes pour s'accrocher à moitié à son bras. Même s'il était bien plus grand, Heathcliff se sentait rassurer de pouvoir s'appuyer sur quelqu'un de stable physiquement. Et puis, à voix basse, presque sur le ton d'un petit enfant faisant un caprice à sa mamie, il lui demande :

"Dis, Johannes, tu me feras des pâtes, quand on sera arrivé, s'il te plait ? Avec du fromage râpé et un oeuf et ..."

Pourquoi « intérêt » de rester dans le coin ? Non mais oh ! De base, il était censé rentrer à ses appartements pépère après être retourné chercher ses affaires. Et il ne compte pas demander de l'aide cette fois-ci. Oh ça non ! Si c'est pour être de nouveau pourchassé par un fou, ça sera sans lui. Le regard de Salem s'était assombrit, complètement blasé. Et s'il ne se retenait pas, il y aurait sûrement eu un torrent de noms d'oiseaux pour désigner son immense joie -ou pas- de participer à cet espèce de sauvetage improvisé. D'autant plus qu'il n'était pas doué pour réconforté donc, encore plus susceptible d'être ici pour simplement jouer le rôle de l'animal de compagnie. Se retenant de lever les yeux au ciel, il ne pouvait qu'écouter ce professeur laisser exploser sa joie de voir quelqu'un s'occuper de lui. Il n'est pas dans son état normal. Dis toi qu'il n'est pas dans son état normal … , Salem se répétait ces mots dans sa tête, les doigts appuyés contre son front. Il ne faisait qu'à moitié attention à ce qui se passait à côté de lui jusqu'à ce que les deux hommes se relèvent et ne décident à retourner à l'appartement pour satisfaire un appétit s'il avait bien suivi. Ou du moins, qu'Heathcliff satisfait son appétit à lui puisque Johannes avait plutôt besoin d'un bon bain pour se débarrasser de cette odeur bien trop présente depuis qu'il a été repeins de liquide vomitif. Salem avait remué son nez légèrement, c'est qu'elle piquait cette odeur à force mais, il ne fallait pas y penser pour éviter les hauts au cœur.
Ils semblaient tout deux de nouveau motivés à conquérir le château afin de retrouver leurs lits respectifs mais, le professeur de défense avait fais une remarque pertinente. Quitte à essayer de s'imposer et de pas être un fantôme, autant ouvrir la bouche pour dire quelque chose d’intelligent. Tapant dans ses mains, celles-ci n'avaient fais aucun bruit de collision à cause des manches trop grandes. Salem était ravit d'apprendre que Lovecraft allait pouvoir les guider dans cette immense château. Et, accessoirement, il se demandait pourquoi ils avaient réussi à atterrir au sixième. Sans doute la faute aux escaliers. Le chat avait laissé un gloussement s'échapper de ses lèvres en entendant la remarque de Jo' à propos des yeux fermés. Oui, c'était préférable d'éviter. Ne serait-ce que pour Hearthcliff ne se finisse pas avec une nouvelle chute fatale dans l'école.

Contraint de suivre, Salem avait entamé la marche sans réellement avoir envie. Les mains dans les poches, même celles-ci était décidément trop grande pour lui qu'il avait l'impression que son pantalon allait bouffer ses mains. Puis ses bras si jamais il n'était pas rassasié. Il écoutait d'une oreille à moitié attentive la demande de pâtes aux gruyères d'Heathcliff. Des trois, c'était sans doute lui qui était le plus irresponsable à l'instant T. Il avait envie de compléter la recette avec quelque chose comme de la mort-au-rat ou du cyanure mais, il n'était pas sûr que Johannes soit d'accord pour l'empoisonner afin de l'endormir définitivement. Oui, Salem devenait mauvais ce qui signifiait accessoirement qu'il boudait. Il boudait pour avoir été abandonné à Pré-au-Lard. Il boudait pour s'être fait pourchasser alors qu'il voulait juste retrouver son chemin -un peu comme maintenant en faites-. Et il boudait aussi parce que son seuil de sociabilité, aussi peu soit-il, avait été largement dépassé et qu'il n'avait plus qu'une envie, c'était de s'isoler pour retrouver son esprit tranquille. Il ne disait pas un mot, tout juste un peu d'attention sur ses deux collègues. Dont un qui ressemblait à un espèce de gros panda tout à plat. Pourtant, même si sa surveillance du coin de l’œil se faisait, il n'avait aucune envie de parler. Même aux remerciements de Johannes, il avait mis du temps à répondre, le regard au total opposé. Mince alors, c'était lui qui l'obligé depuis le début de rester après tout. Ou bien, Salem était définitivement trop gentil pour dire merde et se barrer en claquant la porte derrière lui. C'est d'ailleurs pour ça qu'il avait fini par regarder la loque sur son dos puis lui. Un soupir avait traversé la bouche du professeur. Il était fatigué et même avec toute la volonté du monde à vouloir le cacher, le sommeil trouvait toujours le moyen de signaler sa présence. « De rien mais, on ne peut pas dire que je sois vraiment très utile. », toujours l'air un peu boudeur, l'homme-chat avait fini par hausser les épaules et laisser son sourire revenir petit à petit timidement. Parce que oui, Salem savait sourire. C'était juste difficile de lui en faire décrocher un. Surtout dans de telles conditions.