A cet instant précis, fort de toutes les lectures morbides qu'il eut englouti jusque là, Yuri avait déjà senti l'air de ses poumons se vider en une houle sereine. Les premières gouttes d'eau s'y immiscèrent alors, amorce de ce qu'il était venu chercher ; las cependant, son corps réagissant mécaniquement à la lutte pour la vie, s'ébroua et le hâta de sortir la tête hors de l'eau. Le jeune homme aspira de grandes bouffées d'air salvatrices, aussi envieux d'être bien vivant mais frustré d'avoir échoué son entreprise. Persuadé du fait que l'expérience de mort imminente n'était autre chose que la mise en inertie d'un corps, il en avait oublié l'essentiel : il lui fallait vivre pour ramener Anatoly. Aussi n'arrivait-il pas à accéder aux portes du faux suicide ; impérieux mais pas assez constant dans sa démarche, Yuri avait décidé ce soir sur un coup de tête de tenter l'expérience. Son ignorance en la matière lui eut été fatal : loin de ressembler à un macchabée, sa poitrine se soulevait avec vigueur à chaque inspiration. Au loin, un gloussement qui se voulait séducteur se fit entendre. Mimi Geignarde se hâta près de Yuri, le rejoignant dans le bain des préfets et provoquant de surcroît un hoquet de surprise au jeune garçon qui rassembla tout autour de lui le surplus de mousse qui put couvrir sa nudité. « Cinquante six secondes, ce n'est pas si mal. » « Qu'est-ce que tu fiches ici ? » « TOI qu'est-ce que tu fiches ici. » Le fantôme s'était montré menaçant, réagissant mal aux remarques abrasives, avant de retrouver un timbre mielleux et des yeux de biche. « Tu es dans la salle de bain des préfets, c'est interdit pour les simples élèves. » Haussement d'épaules sous le regard interrogateur du slave qui, pour la première fois depuis son arrivée à Poudlard, faisait la connaissance avec Mimi Geignarde. Il n'avait guère eut besoin de lui demander son nom ; Yuri avait dores et déjà été prévenu des quelques spectres hantant les lieux, et le portrait du fantôme de la jeune fille aux lunettes rondes et à la susceptibilité exacerbée qu'on lui avait dressé ne pouvait prétendre à la confusion. « Mais si c'est bien mourir ici que tu veux, je peux t'aider. » Nouveaux gloussements encourageant le russe à amasser toujours plus de mousse à ses côtés. « Comme ça tu me tiendras compagnie. » « Je ne veux pas mourir. » argua le concerné sous les geignements vexés de Mimi. Indifférent à son manège, Yuri déclama derechef : « Je testais... quelque chose. » « Oh oui bien sûr, tout le monde s'en fiche de Mimi car tous les garçons de Poudlard préfèrent les VIVANTES ! » Et dans un cri strident, Mimi lui tourna le dos avec hâte afin de s'enfuir, bien vite retenue par l'appel du jeune homme soudain intrigué. « Attends ! » L'on parvenait sans difficulté à retrouver sur ses lèvres opalines les mécanismes de la curiosité mal placée : elles se pinçaient soudain, comme une réaction à ses épaules contrites. Mimi se stoppa, entre minauderies et agacement, avant de tendre l'oreille. « Pourquoi toi, tu es revenue ici ? Pourquoi certains de les morts reviennent comme fantôme, et d'autres pas ? » Le fantôme se figea, marqua une pause glacée. Puis recouvra sa bonne humeur incisive sous prétexte que Yuri lui eut posé la question avec un fort accent, et dans une tournure de phrase à l'anglaise moyennement compréhensible – pour autant il eut suffit de faire fonctionner ses synapses pour comprendre où Dragoslav voulait en venir, mais Mimi en décida autrement afin de se faufiler. « Je n'ai pas compris la question, je ne parle pas le russe. » Et la concernée de disparaître en un cri frustré sous le soupir las de Yuri.
La sortie du bain se fit sous une intense réflexion, retraçant l'échange bref mais pittoresque qu'il eut avec l'ectoplasme des lieux. Et, comme il séchait ses cheveux bruns avec vigueur d'une main puis d'une serviette, Yuri se remémora au bon souvenir de Cassandre dont la principale activité était encore de se mettre en danger. Les deux jeunes gens aimaient tout autant à se lancer dans de grands sujets philosophiques dont la mort fut leur thème de prédilection, sans pour autant plonger dans des idées suicidaires. C'est ainsi que vers vingt-trois heures passées, Yuri se lança dans l'entreprise de retrouver son amie au beau milieu d'un immense château.
~*~
Espérant la trouver au sein de la salle commune des lions, et quand bien même il n'y fut as le bienvenu, Yuri s'y était dirigé à grands pas avant d'être éculé par le tableau de la Grosse Dame. « Le mot de passe ? » clamait-elle de son outrecuidance de diva. « Je ne l'ai pas, je veux juste voir Cassandre. » « Vous le pourrez. Après m'avoir donné le mot de passe. » Soupir exaspéré. Le jeune homme tenta sans y croire : « Matriochka. » Et le tableau de s'ouvrir, lui révélant un passage sous ses yeux surpris. Néanmoins une silhouette apparut dans l'embrasure, faisant bien vite comprendre au jeune homme que son mot de passe aléatoire n'avait été en rien salvateur. « Qu'est-ce que tu fais là ? » Un jeune lion d'environ seize ans, la tignasse blonde et l'oeil vert, toisa le blason serpentin de Yuri. Il tiqua quelques instants avant de reconnaître Dragoslav, lui dont la Maison n'avait jamais été prétexte à quelconque compétition. « Je viens voir Cassandre Blackwood, elle est là ? » « Elle est près du feu. » Ayant abaissé la garde, le Gryffondor tourna derechef les talons afin de retourner dans sa salle commune. « C'est pour un rendez-vous ? Attends je vais la chercher. » Yuri n'eut guère le temps de renchérir lorsque la porte se ferma devant lui... avant de s'ouvrir à nouveau quelques secondes après, révélant la silhouette de Cassandre. Face à sa mine interrogative, le russe ne perdit guère de temps. « Qu'est-ce que tu vois, quand tu es persuadée être en train de mourir ? » Anatoly avait-il vu le visage de Yuri devant ses yeux avant de rendre son dernier soupir ? La hantise de ses souvenirs lui rongeant l'esprit et la lucidité, Dragoslav ne sut retenir sa question pourtant délicate. Et l'on put voir dans l'éclat de son œil cuivré, toute l'impatience lui tiraillant le cœur.
« death and how to survive it » ▬▬▬▬▬▬ yuri & cassandre ▬▬▬▬▬▬
L'ambiance était électrique dans la salle commune ce soir là. Cassandre ignorait combien de verres d'alcool elle avait pu ingurgiter, mais elle était encore capable de marcher droit, ce qui n'était pas négligeable. Elle venait de commencer une danse endiablée avec Orion, son ex, quand Maverick lui rappela qu'il lui devait une revanche. En effet, la semaine précédente, Maverick avait passé la soirée à jouer avec Cassandre aux échecs version sorcier. Le jeune Flint était très doué avec les pièces, mais il avait malheureusement du mal à se rappeler des coups de son adversaire, ce qui avait donné l'avantage à Cassandre. Passer du temps avec le dealer faisait du bien à Cassie. Même si celui-ci était peu fréquentable, disait-on, elle se rendait compte que ça l'aidait beaucoup à faire son deuil. Le deuil de ceux qui avaient disparus, qui hantaient encore et toujours ses pensées. Alors qu'elle sentait que son gosier réclamait à boire, elle laissa quelques instants son partenaire de danse, en lui annonçant qu'elle retournait se chercher à boire. Une fois que la pinte lui fut servie, elle prit quelques gorgées, avant de décider de s'assoir près du feu. Elle regardait les flammes, plonger dans ses pensées, et concentrer sur sa cigarette magique. Elle ne remarqua pas que la fête était terminée. Le calme était revenu en quelques heures dans la salle commune. Depuis plusieurs jours, les élèves profitaient du maximum de liberté qu'ils leur restaient. Les nouveaux décrets avaient un goût d'emprisonnement, et certains avaient peur de revenir à la même ambiance qu'au temps des Carrow. Pour Cassandre qui n'avait pas été là lors de l'année où Voldemort était au pouvoir, cela ressemblait plutôt à l'atmosphère et aux règles qu'il y avait eu lors de l'ouverture de la chambre des secrets par Ginny Weasley. Mais elle comprenait que cela fasse peur. Elle-même avait peur. Ils pouvaient au moins se réjouir de ne pas avoir de séances de torture. Les Carrow eux, ne s'en étaient pas privés. Elle somnolait sur son fauteuil, essayant de comprendre pourquoi toutes ses règles apparaissaient d'un coup, quand elle vit un garçon s'approcher d'elle timidement. Il était plus jeune. « Désolé, y'a quelqu'un qui t'attend dehors... » Puis, le garçon s'éloigna et retourna à la table où il était en train d'étudier. Cassandre était surprise qu'il soit encore debout à cette heure, et encore plus surprise que quelqu'un la demande à l'extérieur de la salle commune. Ce n'était surement pas un Gryffondor, sinon il serait venu directement lui parler. La jeune femme se leva, tenant toujours sa cigarette en main, puis s'échappa de son quartier général en passant par le tableau de la Grosse Dame. C'est là qu'elle vit Dragoslav. Yuri et elle s'étaient rencontrés par hasard, mais ils s'étaient bien trouvés. Le jeune slave avait les cheveux mouillés, et les yeux écarquillés, on aurait dit qu'il était prêt à se jeter sur elle. Une lueur brillait dans ses pupilles, et avant même que Cassandre puisse lui dire bonsoir, il s'empressa de parler : « Qu'est-ce que tu vois, quand tu es persuadée être en train de mourir ? » Cassandre cracha sa fumée et toussa. Pour être surprise, elle l'était. Elle regarda à droite et à gauche du couloir, espérant que personne n'était présent pour voir qu'elle fumait quelque chose d'illégal, et qu'un Serpentard était hors de son dortoir à cette heure là. Avant de répondre, elle le fusilla du regard et l'attrapa par les épaules « Pas ici idiot ! » Elle ignorait quelles étaient les rondes des professeurs et des Aurors, mais par les temps qui couraient, elle n'avait aucune envie de s'attirer des ennuis plus que nécessaire. Elle avait bien compris que les nouveaux décrets risqueraient de la renvoyer si elle ne les respectait pas. Elle tira Yuri par le bras, et l'emmena jusqu'au bout du couloir. La salle de divination était ouverte, et contenait une petite réserve, où ils seraient tranquilles pour discuter. Une fois certaine qu'ils ne seraient pas dérangés, Cassandre reporta son attention sur le slave. Après quelques secondes, elle le regarda elle aussi, avec des yeux très excités : « Tu as senti quelque chose ? » demanda-t-elle. Si il venait lui poser ce genre de questions aussi tard, c'était qu'il s'était passé quelque chose. Elle s'imagina plein de choses et l'excitation montait de plus en plus. La mort les fascinait tous les deux. Elle, parce qu'elle était persuadée que la mort pouvait l'aider à provoquer des visions de l'avenir. Lui, parce que ça faisait partie de lui. « Je ne sais pas trop comment expliquer cela. Souvent, j'ai l'impression de sortir de mon corps. Je vois une faible lumière, pas le genre de lumière qu'ils décrivent dans les livres, plutôt quelque chose de très petit. » Elle plissa les yeux pour se concentrer, pour être sûre de ne pas raconter de bêtises.
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Consumed by the shadows
Mer 22 Mar - 10:50
L'arrivée fracassante de la demoiselle laissa dans son sillage une taquinerie légère à laquelle Yuri répondit par un regard levé au ciel. Si l'impatience du garçon le plongeait dans l'indiscrétion, Cassandre faisait preuve d'autant de manque de réserve en brandissant ainsi une cigarette déjà bien entamée. Et tandis que la demoiselle le tirait vers la salle de divination – Yuri avait néanmoins retiré son bras d'un geste vif ; la froideur russe en étendard il ne savait faire toujours preuve de douceur – le Serpentard glanait en son crâne mille et une réflexions et inquiétudes. L'excitation pressante, avoir la sensation de toucher du bout des doigts ce qu'il recherchait d'une part, et la raison implacable mais malvenue d'autre part, le déstabilisait quelque peu. Longtemps, pour ceux qui néanmoins connaissaient le projet fou de Yuri de ressusciter Anatoly, on lui avait suggéré avec force d'aller de l'avant. Il avait essayé, quelques fois. Mais à chacune de ses faibles avancées, le jeune homme tentait de trouver son ami dans chaque personne qu'il croisait. La quête était vaine, et la douleur sans fin. Ce soir peut-être, pouvait-il au moins éclaircir quelques pans du mystère. « Tu as senti quelque chose ? » Yuri soupira légèrement, de dépit. Secouant la tête négativement non sans ressentir une frustration oppressante pour ses poumons. La folie de son entreprise l'amenait jusqu'à des terrains dangereux, quitte à risquer sa vie pour mieux y parvenir. Mais en dépit de son attrait pour la mort, il se devait de vivre pour Anatoly. Du moins, le temps de le retrouver. Qui sait s'il ne deviendrait pas fou, à la vue de son ami tombant en lambeaux et sans le moindre ersatz d'humanité ? « Je ne sais pas trop comment expliquer cela. Souvent, j'ai l'impression de sortir de mon corps. Je vois une faible lumière, pas le genre de lumière qu'ils décrivent dans les livres, plutôt quelque chose de très petit. » Le quidam marqua une pause, son regard accrochant quelques boules de cristal entreposées sur le bureau sans pour autant y faire attention et, comme il aurait du d'avantage se soucier de sa jeune amie, s'embourba dans un égoïsme altruiste et murmura pour lui ses réflexions : « Je ne pense pas que ce soit aussi serein quand on meurt dans la douleur. » Yuri fronça les sourcils, traçant une barre de concentration sur son front d'opale, et vint à réfléchir quelques instants de plus. Il aurait du s'enquérir de l'état de santé de Cassandre, la décourager de se mettre ainsi en danger, lui crier que la vie regorgeait de bien plus de mystères qu'un état de léthargie. Mais Yuri n'en pensait pas un mot, la confortait au contraire dans ses morbides entreprises. Cassandre était magnifique lorsqu'elle flirtait avec la mort ; quant à lui, cela l'arrangeait bien de la savoir moribonde. « Et tu n'as jamais eu comme des flashs de ton passé ? Des regrets ? Des visages aimants, des souvenirs heureux, des parfums familiers, des sourires, des mots... » Sa gorge se serra un instant. Chacune de ses palabres lui miroitait autant de vestiges du passé le rendant nostalgique. « Je suppose que tout ça, c'est l'apanage des vivants. » Un autre murmure de réflexion, laissant entrevoir une once de désappointement ; les morts n'avaient plus la mémoire du cœur et Yuri prenait soudain conscience que sa quête interminable n'allait bien sûr que dans un sens. Anatoly ne l'attendait plus. Ce qui, en réalité, était une idée qui ne décourageait guère le slave pour autant.
Son regard fauve toisa de nouveau les boules de cristal et, comme il se remémora sa question avortée sur les fantômes destinée à Mimi, eut une idée bancale : « Une fille comme toi doit bien avoir des facilités en divination, pas vrai ? » Bref sourire ourlant sa lippe. Même s'ils venaient à faillir, même s'ils ne savaient guère ce qu'ils cherchaient vraiment, le binôme aurait tenté quelque chose ; porté par la soif intarissable de percer les mystères de l'insondable.
« death and how to survive it » ▬▬▬▬▬▬ yuri & cassandre ▬▬▬▬▬▬
« Je ne pense pas que ce soit aussi serein quand on meurt dans la douleur. » Cassandre fronce les sourcils. Où veut-il en venir ? De quelle douleur parle-t-il ? Cassandre a plusieurs fois tenté de se donner la mors, de diverses manières. Souvent en partant en quête d'expériences dangereuses, en volant autour du saule Cogneur en balai par exemple, mais d'autres fois de manière plus profonde, plus grave. Elle en gardait d'ailleurs les traces. Les cicatrices sur ses bras qu'elle cachait comme elle pouvait en étaient la preuve. Et dans les deux cas, la souffrance était réelle, le mal-être aussi. C'était de la douleur, physique, psychologique, morale, imatérielle, mais de la douleur quand même. De quelle douleur parlait Yuri ? « Et tu n'as jamais eu comme des flashs de ton passé ? Des regrets ? Des visages aimants, des souvenirs heureux, des parfums familiers, des sourires, des mots... » Cassandre hésite. Elle ne pouvait pas lui parler de la seule vision qu'elle avait eu pour l'instant. De Keith, le frère de Pandore. Elle ne pouvait pas lui dire qu'elle l'avait vu en prenant Pandore dans ses bras. Il était mort, il faisait partie du passé, et elle était sensée voir l'avenir. Elle soupire. Elle savait que ses dons de divination n'étaient pas fiables. La plupart du temps, Cassandre ne voit rien. Du flou, du néant. Mais elle persiste à essayer de voir, de sentir. La vision qu'elle a eu de Keith n'a fait que l'encourager à continuer. Elle aurait aimé parlé de cette vision avec sa famille, mais elle avait peur qu'on la prenne pour une folle. Elle n'en avait parlé à personne, même pas à sa meilleure amie, et elle n'allait certainement pas se confier à Yuri. Il était obsédé par la mort, et si elle lui disait qu'elle avait vu un mort dans ses visions, il risquerait de devenir fou. « Je suppose que tout ça, c'est l'apanage des vivants. » Il n'avait pas tord, et Cassandre ne pouvait rien dire.
Il y eut une minute de silence pendant laquelle Cassandre se demandait ce que Yuri attendait d'elle. Il était venu la chercher à une heure tardive, alors que la plupart des coins du château étaient surveillés, et il semblait perdu dans ses pensées. Quel était donc son but ? Une nouvelle question donna à Cassandre un petit indice. « Une fille comme toi doit bien avoir des facilités en divination, pas vrai ? » Cassandre le toisa. Elle n'avait aucune envie de lui parler de ses talents de medium. Sa réputation n'était plus à faire, du moins la réputation de sa famille. Les Blackwood avaient résolus différentes affaires, enfermés des criminels à Azkaban, et de bonnes relations au ministère. Cassandre était sensée porter le don familial, mais son troisième œil peinait à se manifester. Hors de question d'affirmer ses faiblesses, de les avouer, alors qu'elle se sentait toucher quelque chose. « Je me débrouille.. Mais si tu veux que je lise l'avenir dans une boule de cristal, même pas en rêve. » Un sourire malicieux se dessine sur ses lèvres. Elle a observé Yuri loucher sur les objets arrondis posés sur l'étagère, mais elle ne s'occupe pas de ce genre de méthodes. Ce n'est pas son truc. Elle le sentait impatient, irrité presque, et elle se demandait pourquoi il était dans cet état. « Pourquoi tu ne me dis pas ce qui t'amène vraiment vers moi ? Ce n'est pas simplement parce que mes beaux yeux te manquaient j'imagine. » Encore une fois, Cassandre utilise l'humour, le sarcasme. Mais elle prend soin de garder un semblant de sérieux. Elle se demande vraiment ce qu'il se passe dans la tête du slave.
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Consumed by the shadows
Ven 21 Avr - 14:25
Ils avaient en eux la quiétude inusitée des vivants se sentant à leur place dans l'antre de la faucheuse. La lionne et le serpent, unis par les affres de la mort, de ses parfums âcres et moribonds, sans jamais plier l'échine face à la peur – ordre naturel des choses pour quiconque n'a guère la sagesse de Platon ou tout autre rhétoricien ne craignant pas le chaos de l'après vie. Paradoxalement, Yuri possédait en son sein une forte appétence pour la vie, vivant la sienne comme un aboutissement à sa quête absolue (celle de réveiller Anatoly), si bien que l'on put considérer comme déplacé cette ambition dévorante de vivre à la place d'un défunt. Cassandre quant à elle, se mouvait comme la brume ; impalpable et fugitive, elle se faisait protéiforme. Inconstante, elle oscillait sans cesse entre la vie et la mort. Et à ce titre côtoyer Yuri s'avérait sans doute nocif pour sa pleine santé mentale ; le russe la rabrouait sans cesse aux pieds de Cerbère, friand de ses expériences et des conversations mortifères qu'ils pouvaient partager. Ce soir en était la preuve et, tandis qu'elle vint lui refuser sa requête, voilà que le ténébreux poussa un soupir glacé. « Je me débrouille.. Mais si tu veux que je lise l'avenir dans une boule de cristal, même pas en rêve. » La frustration pourtant ne l'assaillait pas. Il avait en lui cette confiance absolue griffant ses entrailles et déchirant ses chairs ; persuadé de la bonne réalisation de ses desseins morbides, Yuri n'avait jamais envisagé quelque échec qu'il soit. Et cela s'avérait dangereux pour le garçon ; ne pas ramener Anatoly à la vie pourrait lui être fatal. « Tant pis. » Le timbre grave et suave de sa voix se tapissait dans l'ombre, échauffant l'atmosphère rendue polaire par leurs propos aussi glacés que les murs des tombeaux. « Je connais déjà mon avenir, de toutes façons. » Il en était persuadé. La résurrection de son ami était, seule, la vision qu'il entrevoyait de son avenir. Tout le reste n'était que fioritures et brefs ornements ; Yuri n'entrevoyait ni sa vie professionnelle, ni son épanouissement personnel ou même – et pourquoi pas – quelconque affaire de cœur pouvant faire rentrer la lumière dans sa vie. Il ne voyait qu'Anatoly, preuve ultime de son aveuglement malsain et de sa santé mentale qui, peut-être, irait en s'amenuisant.
Yuri n'avait pas argué avec la morgue d'un jeune home blessé dans son ego ; il avait répondu à Cassandre d'un naturel déconcertant, sans aucun réquisitoire pour noircir sa réponse. Le silence des lieux pourtant entrecoupé de leurs brefs palabres le pesait soudain. Habituellement taciturne, Yuri n'hésita guère à se livrer à son amie sur fond d'un accent chantant, sentant bon la fraîcheur des steppes russes et l'air salin de la mer de Kara. « Pourquoi tu ne me dis pas ce qui t'amène vraiment vers moi ? Ce n'est pas simplement parce que mes beaux yeux te manquaient j'imagine. » Aucun trait expressif ne lissant son visage, sinon ses yeux noisettes s'assombrissant sous la question. Tranquillement, Yuri vint s'asseoir sur une des tables, le regard perdu entre ses pensées filandreuses et la réalité implacable. « Je fais toujours ce rêve. Mais il a l'air si réel. » Les plis de son front dessinèrent les vestiges d'une culpabilité enfouie, comme une préoccupation saisissant tout son être telles les serres d'un oiseau de proie. « Je le retrouve allongé au sol. Froid. Inerte. Une poupée de chiffon. Et alors que je réalise qu'il est mort, il se relève soudain, les bras désarticulés, la mâchoire fendue. Il me regarde.... » L'aveu est difficile mais pas douloureux. Seule sa culpabilité le ronge quand il entreprend enfin de lever la tête, afin de poser son regard absent quelque part sur les étagères. Le jeune homme est préoccupé, vaincu. Ce qu'il ressent est bien de l'apanage des vivants. Et ça le tue que son ami ne puisse plus le ressentir à son tour. « Il me regarde avec tant de colère dans le regard. Il me hait. Ses yeux sont exorbités. Il s'avance et il me dit... » Pause volontaire. La culpabilité est tenace. « 'C'est de ta faute. Tu devrais être mort à ma place' ...J'avais à peine quinze ans quand je l'ai retrouvé mort. » Yuri brisa le récit de ses cauchemars pour s'en retourner à la réalité. Livrant à Cassandre une petite partie de sa vie, habituellement si jalousement gardée. « C'était vraiment de ma faute, tu sais. Parfois la seule chose qui nous fait sentir vivant c'est aussi ce qui lentement nous tue. » Le ton solennel n'employa jamais le pathos. Seulement quelques remarques judicieuses. Pessimistes, mais lucides.
« death and how to survive it » ▬▬▬▬▬▬ yuri & cassandre ▬▬▬▬▬▬
Cassandre est fidèle à elle-même. Elle attend l'aventure, elle attend l'adrénaline, et avec Yuri, les deux ingrédients sont toujours réunis. Mais pourquoi est-il si mystérieux ce soir ? Pourquoi ne s'empresse-t-il pas de lui parler, de lui demander ce qu'il souhaite ? La fille aux cheveux bleus se demande ce que le Serpentard cache. Sa précipitation et son agacement ne trompent personne, et même quelqu'un sans aucun don de voyance aurait pu remarquer le ton froid et l'atmosphère pesante à venir. « Tant pis. Je connais déjà mon avenir, de toutes façons. » Cassandre penche la tête, elle ne comprend pas où il veut en venir. Si il ne veut pas connaître le futur, pourquoi l'a-t-il fait venir ? Pourquoi être venu le chercher en trombe dans sa salle commune ? Elle regarde le beau brun, prête à le suivre n'importe où, parce que les risques elle adore ça, elle en est accroc. Il ne fait même pas attention à sa plaisanterie, il lui échappe, et va s'assoir à une table, sans doute poussiéreuse. Il se pose là, pensif, et Cassandre le suit. Elle est pendue à ses lèvres, parce que la curiosité la ronge, l'obsède. Maintenant qu'elle est là, elle veut tout savoir. Mais quand Yuri commence à parler, elle cesse aussitôt de gesticuler. Elle se fige, car elle sent que le récit de son ami n'a rien à avoir avec une idée de génie. Ses yeux s'assombrissent et elle ne peut rien faire peur leur rendre un peu d'éclat. « Je fais toujours ce rêve. Mais il a l'air si réel. Je le retrouve allongé au sol. Froid. Inerte. Une poupée de chiffon. Et alors que je réalise qu'il est mort, il se relève soudain, les bras désarticulés, la mâchoire fendue. Il me regarde.... » Cassandre voit ce garçon. Elle le voit dans la pièce, une silhouette pâle, presque translucide. Elle imagine sa mâchoire fendue, le sang séché, elle ne ferme pas les yeux, elle ne détourne pas le regard, elle s'approche simplement de Yuri et effleure son épaule. Elle veut le réconforter, mais elle se ravise. Yuri est possédé par le regret. « Il me regarde avec tant de colère dans le regard. Il me hait. Ses yeux sont exorbités. Il s'avance et il me dit... . 'C'est de ta faute. Tu devrais être mort à ma place' ...J'avais à peine quinze ans quand je l'ai retrouvé mort. » Cassandre en est bouche bée.
Elle ne s'était pas attendue à ce que cette soirée prenne un tel tournant. Elle vient s'assoir sur le bureau voisin, et essaye de trouver les mots. Mais elle n'en a pas. Être confronté à la mort si jeune, cela ne devrait pas exister. Elle a eu de la chance, elle en est bien consciente. Elle a échappé à l'horreur des mangemorts avant la Guerre. Elle a connu la mort pendant la Bataille, mais avant cela, elle a eu la chance d'être vierge de toute souffrance. « C'était vraiment de ma faute, tu sais. Parfois la seule chose qui nous fait sentir vivant c'est aussi ce qui lentement nous tue. » Cassandre hoche la tête. La dernière phrase de Yuri résonne à ses oreilles. Elle la sent parcourir ses veines. Elle est la vérité de son existence. Cassandre veut à tout prix voir l'avenir, déclencher ses visions, c'est ce qui la rattache à la vie, mais c'est aussi la raison de ses souffrances, de ses scarifications, de ses expériences. « Je vois... Tu crois que c'est ta faute ? Mais comment aurais-tu pu être responsable de tout ça ? » Elle sait à quel point le sentiment de culpabilité peut détruire une personne, et elle ne veut pas voir le slave prendre ce chemin là. « Il est mort, mais il est peut-être toujours là... » Elle désigne le vide de la salle. Puis, elle vient poser sa main contre la poitrine de Yuri, à l'emplacement de son cœur. Elle ignore qui était ce garçon pour lui, mais sa perte l'a détruit. « On ne sait pas ce qu'il y a après, on aura beau essayer, le saura-t-on un jour ? » Soudain, Cassandre voit la pièce tourbilloner, le visage de Yuri est de plus en plus flou, et déformé. Après quelques secondes, le tournis s'arrête enfin, et elle retrouve Yuri dans la même pièce. Il parle avec quelqu'un, et cette personne est de dos. C'est un garçon. La silhouette. Avant que Cassandre ne puisse s'approcher, l'image disparaît. Quand elle revient au présent, elle respire avec difficulté. Une deuxième vision s'est déclenchée. « Ce n'est pas qu'un rêve, n'est-ce pas ? »
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