1er Septembre 1999 Banquet de la rentrée Très Grande Salle, Poudlard, Écosse
Le voyage en train avait été solitaire, puisque la plupart des élèves de Durmstrang se rendaient à Poudlard via portoloin. Moi, je m'étais retrouvée à Londres depuis des jours déjà, sous le toit de ma mère. Ainsi, je m'étais retrouvée à parcourir la Grande-Bretagne au complet via un train peuplé d'Anglais qui m'étaient inconnus. Je n'avais pas envie de les voir, je n'avais pas envie de socialiser. Je fis mine de ne pas comprendre l'anglais lorsqu'ils s'adressèrent à moi, les envoyant pêtre en ukrainnien. Je savais que les jumeaux Yordanov étaient dans le train, mais j'avais préféré me terrer dans mon coin, plutôt que de partir à leur recherche. Ainsi, je passai des heures à observer le paysage, silencieuse. Une fois arrivée, c'était la pagaille. Il y avait des élèves qui venaient de partout, via portoloin ou en transplanant. Les langues étrangères s'élevaient dans une cacophonie envahissante. Je grognai légèrement. M'installant sur l'un des chariots tirés par des sombrals, que je ne manquai pas de caresser sur mon passage, je tentai de rejoindre mes confrères slaves. Je montai dans un calèche où je retrouvai Lou et quelques autres élèves plus âgés de Durmstrang. Ces derniers se faisaient bien locaces, alors que je me faisais silencieuse, adossée au devant du carosse, Lou face à moi. Toutes deux passions inapperçues, car j'ignorais ce qui se déroulait autour de moi. La joie se lisait dans les paroles et dans les regards regards des autres. Ces derniers ne voyaient certainement pas les créatures qui nous tiraient, à voir leur enthousiasme. Une dernière personne, étrangère, entra dans le carosse avant qu'il ne prenne la route. Nous étions bien serrés et je pouvais entendre toutes les conversations, blasée. D'un coup j'entendis de l'ukrainien qui attira mon attention. À ma connaissance, aucun d'entre eux n'était d'Ukraine. C'était l'étranger. Je haussai un sourcil, puis soupirai. S'il avait envie de se donner en spectacle, je n'avais pas trop envie de l'encourager.
☾ ☾ ☾
Nous étions tous réunis dans la salle, à attendre debout pour se faire répartir. La file était longue, ce qui annonçait que cela prendrait beaucoup de temps. Avec Lou, j'avais rejoint Kamen et Yassen, qui étaient à l'écart avec d'autres élèves de Durmstrang. Quelques noms défilèrent, tandis que j'observais la salle sans trop m'en préoccuper. Toutefois, un nom attira mon attention. Ariel Krushnic. Rapidement, je tournai la tête vers l'avant, voyant une sorcière de mon âge sortir du troupeau d'élèves de Beauxbâtons. Ma bouche s'ouvrit d'incompréhension pour un instant. Lou m'offrit un regard de questionnement, ce auquel je répondis de mon incompréhension. La famille Krushnic n'était pas connue pour être répandue, et je n'étais certainement pas au courant qu'il y avait d'autre descendants que moi ou ma tante Innya. Apparement, cet oncle que mon père avait dévoré devant mes yeux avait une fille française. Quel bonheur ! Je soupirai. Et Innya, elle était au courant ? Elle nous l'avait caché ? Mais à quoi elle pensait ? Les élèves avaient continué à défiler avant que le nom de Krushnic ne se fasse nommer à nouveau. Encore une fois, ce n'était point moi.
«сучий син»
Ces mots s'échappèrent d'entre mes lèvres sans que je ne le réalise. Si la plupart de ceux qui m'entouraient ne parlaient pas ukrainien, les mots étaient assez semblables au Russe pour qu'ils en comprennent le sens. Quelques regards offusqués se tournèrent sur moi. Je fronçai les sourcils. L'étranger qui s'était joint à notre carrosse plus tôt se nommait Skye Krushnic. Pas surprenant alors qu'il parle Ukrainien. Ceci-dit, cela ne fit que confirmer qu'il s'agissait bien de la descendance de Mikhail Krushnic, frère de Mischa. Les deux autres Krushnics installés, mon tour vint enfin. J'étais la dernière sur la liste, merci à mon nom commençant par un Z. Alors que je montais vers l'avant et m'installai pour être répartie, je jetai un regard au dit Skye. Serpentard. Peu importait ce que cela voulait dire, je me dirigeai vers la table de ma maison sans le lâcher du regard. Pourquoi lui plus qu'Ariel ? Dur à dire. Quelque chose chez lui me dérangait. Une fois le banquet servi, je m'emparai d'un peu de nourriture, puis, bout de pain à la main, je me levai pour me rendre à la table des Gryffondor. Bousculant l'un d'entre eux pour m'offrir une place aux côtés de Skye, je m'installai. Je montrai les dents à l'élèves qui se plaignait de mon arrivée brusque, avant de tourner le dos pour faire face à ce qui me semblait être mon cousin.
« Mikhailovich, n'est-ce pas ?»
Je m'adressai à lui en ukrainien, sachant très bien qu'il savait le parler. Les britanniques n'utilisaient pas de noms patronymiques, les Français non plus d'ailleurs. J'avais pris une chance cherchant à confirmer ce que je croyais. Un rictus de forma sur mon visage, à demi déconcertée et fâchée. Pourquoi ne connaissais-je pas son existance ? Connaissait-il la mienne ?
La Grande Salle de Poudlard était bondée. Les premières années piaillaient d’impatience et des langues venues de toute l’Europe formaient un brouhaha incompréhensible. Les anciens de Poudlard étaient assis aux tables de leur Maison et regardaient l’énorme masse d’étudiants qui devraient passer sous le Choixpeau. Ils avaient l’air démoralisés devant le temps que ça prendrait. Skye se sentait plutôt bien dans cette foule. L’angoisse qu’il avait ressenti en arrivant à Pré-au-Lard, quelques heures au part avant, avait disparu pendant le trajet en carrosse. En sortant, il avait enfin trouvé la force d’aller saluer des amis et ils se tenaient désormais ensemble, attendant la répartition. Cela prit une éternité. Skye en profita pour admirer la Grande Salle. De lourdes colonnes s’élevaient vers le plafond et se perdaient au milieu d’étoiles. C’est en voyant ce genre de spectacle que Skye se rappelait de la beauté de la magie. Et il se sentait bien.
Ariel passa dans les premiers, bien évidemment. Elle avança d’un air digne et s’assit avec un large sourire. Elle trouva le regard de son frère. Skye leva le pouce et lui sourit d’un air rassurant. Lorsqu’elle fut répartie, il applaudit bruyamment et sentit une bouffée d’amour devant son air d’excitation. Puis, il regarda les élèves défiler en attendant son tour. Il espérait atterrir à Gryffondor. C’était la Maison qui ressemblait le plus à l’Ecurie des Orchidées. Il savait que sa loyauté et sa détermination pouvaient cependant l’envoyer à Poufsouffle tandis que son côté studieux le dirigerait vers Serdaigle. Mais pas Serpentard. Il n’était pas de ceux qui croyaient que tous les serpents étaient de mauvaises personnes mais il était assez honnête avec lui-même pour se rendre compte qu’il n’y aurait pas sa place. Lorsqu’enfin son tour arriva, il ne fut pas déçu. Gryffondor. Heureux, il se dirigea vers la table des griffons d’où il assista à la fin de la répartition. Il ne restait plus que quelques élèves. Finalement, cette journée avait tenu ses promesses. C’était une bonne journée.
« Zoya Krushnic »
Skye se figea. Il leva les yeux vers la jeune fille qui se dirigeait d’un pas noble vers le Choixpeau. Zoya. Sa cousine. Comment n’y avait-il pas pensé plutôt ? Bien sûr que la fille de Misha avait décidé de faire l’échange ici, qu’aurait-elle était faire à Beauxbâtons où l’on appelait les maisons des « écuries » et où elles portaient des noms de fleurs. Skye se maudit de ne pas y avoir pensé plutôt pour trouver une manière de réagir, voilà qu’il se retrouvait figé sur place. Son cerveau était en ébullition. Le griffon tentait de se calmer mais la dernière fois qu’il avait entendu parler de ce côté-là de la famille Krushnic c’était à l’annonce de la mort de son père. Sans savoir pourquoi, il était persuadé qu’ils étaient responsable. Mais il fallait qu’il se calme, Zoya n’avait probablement rien à faire dans l’histoire. Elle monta sur la tabouret et tourna sa tête vers l’assemblée. Skye reconnu la fille maussade et silencieuse qui avait partagé son carrosse tout à l’heure. Elle lui avait semblé méprisante et hargneuse à l’époque et son avis n’était pas en passe de s’améliorer. Alors que le Choixpeau allait être posé sur sa tête, Zoya bougea imperceptiblement. Elle le trouva du regard. Elle le défiait silencieusement. Skye lui rendit son regard abandonnant toute idée de lier une relation positive avec sa cousine. Il sut la réponse du Choixpeau avant même qu’elle ne soit énoncée à haute voix. Serpentard. Zoya se leva, le dos raide, et se dirigea vers la table des serpents sans le lâcher du regard. Il soutint son regard sans ciller, la mâchoire contractée. C’était quoi son problème, à celle-là ? Pourquoi le regardait-elle lui et non pas Ariel ? Une fois qu’elle fut assise au milieu de serpent Skye la perdit de vue. Il jeta un coup d’œil à sa sœur, au loin, qui le regardait avec surprise et un peu de panique. Elle n’avait visiblement pas perdu une miette de la bataille de regard qui avait opposé son frère et sa cousine. Les idées se précipitaient dans le crane du griffon. Pourquoi ressentait-il tellement de mépris envers Zoya ? Pourquoi l’avait-elle dévisagé ? Pouvait-elle lui apporter des réponses par rapport à la mort de son père ? Skye inspira pour se calmer et, une fois le banquet servit, tenta d’avaler quelques pommes de terres rissolées. Mais Zoya en avait décidé autrement. Bousculant le griffon qui se tenait à ses côtés, ignorant son cri de protestation, elle s’assit aux côtés de Skye et lui fit face. Le sorcier ne put s’empêcher de remarquer qu’elle avait pris de la nourriture avec elle, ce qui montrait le sens de ses priorités. Enfin, elle lui demanda d’un ton acerbe s’il était bien le fils de Mikhaïl. Elle s’était adressé en ukrainien. Cette question lui apprenait deux choses : Zoya connaissait Mikhaïl au moins de nom et, par contre, elle ne connaissait pas son existence à lui. Ce qui donnait l’avantage au griffon qui connaissait le nom de Zoya et savait qu’elle avait été enlevée par Kirill en tant que bébé. C’était la seule chose qu’il savait mais vu l’agressivité de sa cousine, il comptait bien montrer sa position de force le plus rapidement possible. Ignorant la question de la Serpentard, il parla d’un ton froid.
« Voici donc la célèbre Zoya qui s’est faite enlever par son propre grand-père… »
Ne lui laissant pas le temps de répondre, il décida de mettre directement les pieds dans le plat.
« Comment connais-tu le nom de mon père ? Tu l’as rencontré ? »
Skye observa attentivement la réaction de sa cousine. Mikhaïl lui avait dit qu’il se tenait éloigné de cette branche de sa famille et qu’il n’avait jamais rencontré sa nièce. Lui avait-il menti ? Qu’est-ce que Zoya savait de la mort de son père ?
Son silence me confirma une chose : je ne l'aimais pas. Déjà, je savais que je ne pourrais pas le sentir. Voilà le cliché - que je ne connaissais pas encore mais qui allait venir - de la rivalité entre Serpentard et Gryffondor. Bien-sûr qu'il était chez les rouge et or, il me semblait bien insouciant et stupidement téméraire. Lorsqu'il reprit la parole, ma mâchoire se crispa. Naturellement, je lui aurais répondu avec violence. De quoi se mêlait-il ? Il se croyait si intelligent à connaitre mon histoire, alors que je ne connaissais point la sienne ? D'un simple mouvement de bras, je lui aurais décoré l'oeil de jolies ecchymoses violacées. Sauf que je ne flanchai pas, car c'était ce qu'il voulait. Il voulait prendre le dessus, ce que je ne lui laisserais pas. J'étais en rogne, déjà, après une seule phrase sortie d'entre ses lèvres, mais il ne gagnerait pas. Il devait être faible. C'était un Krushnic, après tout, son calme n'était qu'en équilibre fragile. Je devais le tester, tâter le terrain pour trouver ce qui le ferait réagir sans me compromettre moi-même. Que savait-il de moi ? Était-ce tout, ou connaissait-il ma condition ? Après tout, son père était mort sous mes yeux. Connaissait-il cette histoire. Je fronçai les sourcils.
« Comment connais-tu le nom de mon père ? Tu l’as rencontré ? »
Il ne savait pas. Un sourire se traça légèrement sur mon visage à ces mots. Je pris quelques secondes avant de répondre, me délectant de cette découverte. Non pas que l'histoire de ma rencontre avec son père me plaisait, au contraire elle hantait mes rêves et me faisait détester encore plus le mien, j'aimais qu'il ne saches pas. Ce qu'il connaissait de moi, ce n'était rien. La seule chose que ce kidnapping avait causé dans ma vie, c'était d'avoir ma tante qui me le rappelait sans cesse. D'ailleurs, j'aurais bien espéré être débarassée d'elle, mais je pu voir qu'Innya s'était rendue en Écosse elle aussi, puisqu'elle était présentement assise à la table des professeurs. Sans la regarder, je pouvais savoir qu'elle n'était pas trop à l'aise face à ma rencontre avec Skye. Après tout, elle me l'avait caché. Je tournai les yeux une brève seconde pour la regarder, avant de revenir à Skye.
« Tu n'as aucune idée, n'est-ce pas ? »
Je n'avais pas l'intention de lui révéler quoi que ce soit, c'était trop risqué pour mon propre bien-être, et surtout, ça me permettait d'avoir le contrôle sur lui. S'il me faisait chier, il ne saurait rien. À mon avis, les choses allaient se dérouler ainsi. Il avait cet air qui me faisait croire que nous n'allions jamais nous entendre. C'était sûrement mieux ainsi, car il est bien connu que ceux qui entourent les Krushnic n'ont jamais une belle vie. Alors à quoi bon décupler le tout en jumelant deux êtres maudits ? Mon sourire ne s'effaça point.
« Une chose est sûre, c'est que ton père était lâche, et surtout bien plus faible que le mien. Je me doute bien que ceci a été transmi à leur progéniture... »
Je le regardai de haut en bas. Je laissais sous-entendre bien des choses, principalement sur le fait que je n'aurais pas peur de m'en prendre à lui s'il m'importunait, et que j'avais bien l'intention de gagner. Et puis, il y avait le fait que mon père avait tué le sien. À le regarder, je pouvais reconnaitre son père. Je voyais les yeux de la bête au travers de ceux du griffon. L'image me revint en tête, et pourtant, je ne fus pas effrayée. Dans cette histoire, ce n'était pas Mikhail qui m'avait fait peur, puisqu'il m'avait transmi cette malédiction. En fait, je le comprenais. Pendant un instant, je me questionnai à savoir si Skye était lui-même lycan. À vue de nez, il ne l'était pas. Il ne dégagait pas cette odeur canine caractéristique de ceux qui portaient la malédiction. Au contraire, il me semblait porter l'odeur d'un félin, ce qui me répugnait.
Il avait touché un point sensible. La mâchoire serrée, Zoya semblait avoir du mal à se contenir . Elle était de toute évidence prête à répliquer à armes égales mais le griffons n’avait pas peur. Il n’avait rien à perdre, rien à dévoiler. Il était prêt à raconter toute son histoire à sa cousine, qu’est-ce que ça pouvait bien changer ? Innya était déjà au courant au sujet d’Alice, Ariel et lui. Ce qui voulait dire que Mischa aussi. Ce n’était pas le fait de mettre Zoya au courant qui allait leur faire courir un danger. Skye n’avait rien à perdre mais il pouvait en apprendre. De plus, l’agressivité de Zoya ne pouvait dire qu’une chose : Skye l’importunait. Et il désirait bien savoir pourquoi. Lorsqu’il demanda à sa cousine si elle connaissait son père, elle sourit. Elle ne répondit pas tout de suite à la question, visiblement satisfaite. Une faible nausée prit Skye à la gorge en même temps que la panthère, à l’intérieur de lui, désirait ouvrir le ventre de cette insolente. Pourquoi donc semblait-elle si satisfaite qu’il ne soit pas au courant de ce qu’elle savait de son père ? Lorsqu’elle demanda avec mépris si Skye n’avait vraiment aucune idée de la situation, le griffon dû se mordre la joue pour éviter de lui sauter à la gorge. Le cœur de la panthère battait furieusement dans sa poitrine, hargneuse, elle désirait être libérée. Skye s’efforça de décrypter le visage de sa cousine. Et il tenta de se calmer. Sa question et son sourire ne voulaient rien dire. Elle pouvait tout à fait bluffer. Il ne fallait pas qu’il tombe dans le piège de la fureur.
Mais sa cousine n’en avait pas fini. Elle cherchait visiblement à le faire sortir de ses gonds et il vit à sa tête qu’elle s’apprêtait à cracher son venin. Lâche et impuissant. C’est de ça qu’elle traitait Mikhail, Ariel et lui. Skye marqua une seconde de surprise devant la réplique de Zoya. Lâche et impuissant ? Il ne put s’empêcher de s’esclaffer doucement avant de secouer la tête avec consternation. C’était ça, sa super insulte ? Elle n’avait pas du connaître Mikhail bien longtemps pour le traiter de lâche et n’avait aucune idée de qui était Skye si elle croyait pouvoir le blesser ainsi. Seule la vérité blesse et il savait bien que ni lui, ni cette tête brûlée d’Ariel n’étaient lâche. Zoya venait de faire un coup d’épée dans l’eau. Quant à la puissance… Mikhail s’était battu toute sa vie pour tourner le dos à la magie noire et à son attrait pour la puissance. Il en avait fait sa fierté et avait inculqué cette valeur de compassion et de modestie à son fils. Ne pas avoir pour objectif de vie d’être tout puissant était un trait d’honneur pour le griffon. Zoya ne pouvait pas avoir tapé plus mal. Il ne prit pas la peine de lui expliquer pourquoi, elle n’était probablement pas capable d’envisager que la puissance nétait pas une fin en soit. Cependant la comparaison de force entre Mischa et Mikhail résonnait encore dans la tête du griffon. Son père était mort en Europe de l’est et sa propre famille n’avait pas voulu donner d’explication. Skye ne serait pas étonné d’apprendre que son propre frère ait tué Mikhail. Pas étonné, mais furieux.
« Ne pas être capable d’assumer le passé, c’est ça que j’appelle de la lâcheté. Sa propre sœur, son propre frère ont été trop lâches pour venir avouer ce qui s’est passé à ses enfants. Et toi, Zoya, c’est de ça que tu parles quand tu dis que je n’ai aucune idée ? Toi aussi, tu es trop lâche pour dire la vérité ? »
Skye s’était légèrement penché vers Zoya pendant sa tirade. La question était rhétorique, il savait qu’elle ne répondrait pas. Mais il désirait voir sa réaction. Connaissait-elle son père d’avant ou d’après sa mort ? Il n’était pas même sûr que Zoya ne bluffe pas en sous-entendant qu’elle savait ce qui s’était passé et il était bien décider à ne pas tomber dans le panneau et garder son sang-froid. Tentant de réfléchir, il constata que jamais sa cousine ne répondrait à ses questions sans rien en échange.
« Je ne sais pas trop ce que tu viens faire ici. » Il désigna la table des Gryffondors d’un geste de la main. Les griffons ne comprenaient rien à la discussion mais ils n’en avaient pas besoin pour déchiffrer le ton hargneux. Et ils semblaient tous prêts à se jeter sur la vipère. « Vu ton attitude, je n’ai pas l’impression que ce soit pour tisser des liens familiaux ou répondre à mes questions. Je ne sais pas ce que j’ai fait pour te gêner mais, je t’en prie, si je t’irrite tu peux partir. Si tu as des questions à poser, j’y répondrai si tu réponds aux miennes. »
Effectivement, je n'avais nullement envie de faire ami-ami avec lui, bien qu'il portait mon nom maudit. Peut-être même que ce nom était la raison pour laquelle je ne pouvais le sentir. Toute ma vie, j'avais cru que la descendance Krushnic allait prendre fin avec moi. Une famille de sang-purs disparue. Sauf que lui se tenait là, homme et surtout, vivant. Était-il sang-pur ? Impossible à dire, puisque je ne connaissais pas la branche féminine de sa famille. L'état de son sang, en fait, je m'en foutais. Ça ne voulait rien dire pour moi. Je devais le détester, parce qu'à cause de lui, la noirceur de la famille allait se perpétuer. Mais était-ce réellement mon problème ? Je haussai un sourcil.
« J'avais une question, tu y as répondu. Contrairement à toi, tu ne me sers plus à rien. Tu n'as rien à me donner, et je ne te donnerai pas ce que tu cherches. Oui, ton père était lâche et surtout sans répartie. Un voyage, comme ça, en soir de pleine lune ! Quel idiot. Le reste de la famille ne voulait probablement pas briser ton pauvre petit coeur. »
Peut-être comprendrait-il que je connaissais la nature de son père. Ou peut-être croirait-il que je pensais que son père avait été tué par un lycan, tout simplement. Ma dernière phrase s'était faite moqueuse. Il croyait vraiment que cacher la vérité sur la mort de son père était lâche ? S'il savait, il aurait certainement préféré être dans la situation actuelle, dans l'inconnu. Il porterait probablement un regard différent sur moi. Il porterait probablement un regard qui me dégoûterait encore plus : de la pitié. Un goût amer monta à ma gorge. Pourquoi les gens devaient avoir pitié de ceux qui partageaient ma condition ? Je n'avais pas honte de ce que j'étais, au contraire, j'en étais heureuse. Le problème était que je ne supportais pas l'idiotie des autres, de ceux qui ne comprennaient pas. Oui, des gens étaient mort à cause de cette malédiction. Oui, un jour, j'allais dévorer quelqu'un. Tôt ou tard, ce serait le cas. J'étais une bête et j'y étais destinée. Qui étais-je pour aller à l'encontre de ce destin ? Mikhail Krushnic avait donné sa vie pour m'offrir cette condition, pour faire de moi une créature lunaire. Je n'avais pas d'aversion pour lui, outre le fait qu'il était de ceux qui n'assumaient pas leur état. Skye, pour sa part, ne semblait pas comprendre qu'il ne s'en sortirait pas. Il ne semblait pas comprendre qu'il était condamné, de toute manière. La lâcheté n'était probablement pas le bon terme, mais aucun autre me venait en tête.
« Tu te crois malin, n'est-ce pas ? Tu te crois moins lâche que le reste de la famille ? Tu crois que tu vas faire une belle vie ? Tu es aveugle, mon cher. Tu n'es rien, et tu vas certainement finir comme ton père. »
D'un mouvement sec, je mangeai ce qui me restait de pain. Sa position plutôt offensive ne me fit point reculer, au contraire, me donna envie de prendre les dessus, de lui fouttre mon poing sur la gueule s'il tentait de prendre le dessus sur moi. Je n'en avais rien à faire des autres rouges et ors qui m'entouraient. S'ils décidaient de défendre le Français, je pouvais tous les faire exploser d'un coup de baguette. Et ils auraient été ceux qui l'avaient cherchés. Prête à me relever, je me retournai, avec une forte envie de lui montrer les dents pour lui faire comprendre que je ne l'accepterais pas comme membre de ma famille. Je lui ferais comprendre qu'il me dérangeait. Bien plus encore, j'avais envie de le provoquer, de le tester. Personne ne comprennait nos dires, et donc s'ils était colérique, il serait celui qui prendrait le blâme. Qu'il soit plus âgé que moi, qu'il étudie en Sécurité magique n'auraient jamais été quelque chose pour me faire reculer. En tant qu'élèves de Beauxbâtons, je savais qu'il avait dû avoir une éducation de qualité douteuse. Sa carrure n'avaient rien pour m'impressionner. Je savais très certainement mieux me battre que lui.
« Au fait, tu sais que tu pue le chat mouillé ? Tu tiens ça de ta mère ? »
Inconsciemment, un rictus se forma sur mes lèvres, laissant voir le début de mes dents. Si la lune avait été croissante, j'aurais probablement laissé échappé un grognement. Pour l'instant, j'étais plutôt calme. Ma provocation portait un très subtil message, qu'il ne comprendrait peut-être pas. S'il sentait le chat mouillé, ça ne venait certainement pas de son père canin.
Le début de la tirade de Zoya tira un regard exaspéré à Skye. Si elle croyait l’énerver en disant qu’il ne lui servait à rien, qu’elle avait obtenu des réponses mais ne lui en donnerait pas, elle se fourrait le doigt dans l’œil jusqu'au coude. Si sa question concernait le père de Skye, elle aurait obtenu la réponse de toute façon, elle n’avait pas besoin de lui. N’avait jamais eu besoin de lui. Et si, comme le griffon le soupçonnait, la branche ukrainienne des Krushnic était impliquée dans la mort de son père, il ne faisait aucun doute que jamais il n’obtiendrait de réponse de cette jeune fille. Hargneuse et visiblement pleine de colère, elle mourrait avant de dévoiler quoique ce soit. Sauf s’il réussissait à l’énerver assez pour qu’elle dise quelque chose sans le vouloir. Mais Skye savait qu’il était lui-même trop impulsif pour réussir ce genre de manipulations. Il lui faudrait essayer ça plus tard, lorsqu'il aurait retrouvé un minimum de sang froid et après avoir pris le temps de réfléchir à la question. Le début de la tirade de Zoya tira un regard exaspéré à Skye. Mais la suite le figea. Un rictus amer se forma sur ses lèvres. Elle savait qu’il était mort un soir de pleine lune. Et le jugeait stupide pour cette même raison. Soit elle croyait qu’il s’était fait tuer par un loup-garou, soit elle savait qu’il en était un. Dans tous les cas, elle en savait beaucoup sur la mort de Mikhaïl. Plus aucun doute n’était permis, si Zoya connaissait peut-être une semi-vérité, Mischa et Innya connaissaient parfaitement la condition de lycan de leur frère et ils savaient donc comment il était mort. Sinon ils n'auraient pas parlé de la pleine lune à Zoya. Le Gryffondor grinça des dents. Il était coincé à Poudlard pour deux ans encore mais à cet instant, il se promit de devenir le meilleur Auror possible et d’enquêter sur la mort de son père du côté de sa famille. Il ne resterait pas les bras ballants comme l’avait fait sa mère. Il irait en ukraine, il détruirait cette famille maudite s’il le fallait. Mais il ne laisserait pas la mort de son père impunie.
Skye ne répondit pas à sa cousine, il n’avait rien envie de lui dire, juste envie de lui sauter à la gorge. Elle continua donc, se moquant de sa volonté de rester hors de la malédiction, lui prédisant un avenir aussi maudit que le reste. Il ricanna. Il ne tenta même pas de lui expliquer qu’être maudit ne voulait pas dire qu’on ne pouvait pas se battre pour son âme. Que son âme ne lui appartenait qu’à lui et que quelque malheur qui lui tomberait dessus, il l’affronterait toujours avec le même courage. À quoi bon aurait servi un tel discours, cette vipère n’était pas apte de comprendre un seul de ces concepts. Dédaigneux, il la regarda avaler la fin de son pain.
« Peut-être, peut-être que je finirai comme mon père. Mais vivre ma malédiction avec autant de dignité serait une fierté. Ce qui est sûr, c’est que toi aussi tu finiras comme ton père. »
Zoya s’était retourné un instant avant de lancer une nouvelle pique. Il sentait le chat mouillé. Skye haussa les sourcils. Quel genre d’insulte est-ce que c’était ? Pourtant, ça éveillait en lui quelque chose. Chat mouillé. Depuis tout à l’heure, il y avait cette odeur de chien mouillé dans l’air. Mais son odorat humain était tellement lamentable, il n’avait pas relevé. La panthère remua en lui, il n’autorisa pas la métamorphose complète mais son odorat se décupla soudain. L’odeur de canidé lui agressa les narines. Faible mais bien présente. Déconcerté, il cligna des yeux avant d’enfin répondre.
« Non, je tiens ça de mon père. » Il sourit avec ironie. « Et toi, de quel membre de la famille tiens-tu ce fumet de chien errant?»
Skye n’avait jamais senti un loup-garou avec ses narines d’once. Il ne pouvait donc soupçonner une seule seconde à quoi correspondait cette odeur répugnante. Il n’avait qu’une envie. Qu’elle parte. Il avait miraculeusement réussi à se calmer malgré l'entrée théâtrale de sa cousine. Il faut dire que même si Zoya lui portait sur les nerfs, elle avait tendance à taper à côté lorsqu’il s’agissait des insultes.
Il était futile. Je venais tout juste de le rencontrer et je comprenais déjà qu'il était puéril. Je comprenais déjà pourquoi il était chez les rouge et or. Son obstination à vouloir faire le bien, à vouloir combattre, était risible. Si, à son âge, il n'avait pas encore compris que ses aspirations étaient ridicules, cela viendrait rapidement. Il était un Krushnic, il ne s'en sortirait pas. Ses réactions me rendaient de plus en plus irritable. Au fond de moi, la bête hurlait. J'avais envie de lui faire comprendre qu'il n'était rien, qu'il était faible. J'avais envie de lui sauter au visage, le faire souffrir de mes crocs et de mes griffes, le rendre bête comme son père l'avait fait avec moi. Cette idée me plaisait autant qu'elle me déplaisait. À moins qu'Ariel ne soit lycan, j'étais la seule de la famille. Le soit-disant malheur qui m'attendait m'avait déjà frappé, j'étais une créature lunaire pour le reste de ma vie, et je m'en délectais. L'idée d'être l'unique lycanthrope de la famille me plaisait. Seulement, la rage en moi me donnait cette forte envie de lui faire comprendre qu'il n'était pas à l'abrit de ce qu'il appelait probablement "le mal". Ma mâchoire se serrait, mes poings se fermèrent. Si mes ongles avaient étés plus longs, ils auraient transpercés ma peau. Je m'efforçais de contenir la bête. Toutefois, cette idée laissait un goût en moi. un goût de m'en prendre à lui même sous ma forme humaine, le griffer de mes ongles, le mordre de mes dents, juste pour lui insuffler une brise de ma malédiction, sans pour autant qu'il ne puisse la chérir comme je le faisais. Je voulais voir cette rage bestiale l'envahir, cette faim violente le contrôler, sans qu'il ne puisse devenir animal. Ainsi, il comprendrait. Ainsi, il arrêterait de rêver à de beaux jours, car ils ne viendraient jamais.
Mon cousin se défendait avec un calme relativement poignant, mes provocations ne le faisant pas tilter. Découragée, j'écoutai sa lubie de vivre son mal avec dignité. Idiotie, rien de tel n'était plausible. J'allais bien rire, le jour où il tomberait en plein visage, vaincu. J'allais bien rire, le jour où il viendrait pleurer pour mon aide. Et je ne ferais que lui montrer les dents, et lui rappeler que je l'avais prévenu. Si mon instinct sauvage n'avait pas prit le dessus, la colère m'envahi violement lorsque le Français termina sa phrase.
« [...]toi aussi tu finiras comme ton père. »
Il avait osé. Cet imbécile avait osé me comparer avec l'homme que je détestais le plus au monde, avec celui qui me poussait un peu plus à chaque jour dans l'espoir de le détruire. Il répondit à mon autre question, et j'ignorai pour un instant sa dernière pique. Son insulte renvoyée, copiée de la mienne, ne m'avait point touchée. C'était ses paroles précédantes qui faisaient écho entre mes oreilles. Je bouillais, j'allais exploser. Sans y réfléchir, je me relevai sur mes pieds, avançai vers l'avant, et de mon poing droit, je lui envoyai un coup en plein visage. Avant qu'il ne puisse réagir, je plongeai ma main gauche dans ma poche pour y sortir ma baguette et la pointer sous sa gorge. Je pouvais sentir mon arme chauffer sous ma main, prête à jeter le premier sortilège de magie noire qui me passait par la tête.
« Ne me compare pas à mon père ! Tu mérites que je te fasse exploser cette salle gueule !»
Ironiquement, c'était la même rage de mon père qui m'avait poussée à l'attaquer, c'était le type de magie dont mon père était passionné avec laquelle je le menaçais, et c'était la force physique que mon père m'avait inculquée que j'avais utilisée pour le frapper. À ce moment, j'étais sans contredit la fille de Mischa Krushnic, de mes traits du visage, en passant par la noirceur de mes yeux jusqu'à la violence de mes pensées. Sauf que jamais je ne l'accepterais, jamais je ne l'aurais avoué. Autour de moi, les voix s'élevaient, les autres s'agitaient. Je ne brisai en aucun cas ma position, et encore moins le contact visuel que j'entretenais avec mon cousin.
« Tu préfères ne pas savoir d'où mon odeur vient. J'ai une seule chose à te dire: n'oublie jamais que le chien bouffe le chat. »
Je montrai les dents avant de déserrer la poigne que j'avais créée à son encolure. Ma baguette me démangeait, mais je l'éloigner quelque peu, lentement, de mon ennemi. Je ne pouvais pas faire ça ici, au milieu de la Grande salle devant tous les autres. Déjà, je savais que j'allais me mériter une retenue, à peine le premier jour terminé. Reculant légèrement, je gardai les sourcils fronçé, aggressifs.
Il avait suffi d’un instant d’inattention, un seul. Zoya l’avait étourdit d’un coup de poing. Jamais Skye n’aurait pensé que la traiter de chien errant provoquerait cette réaction, il avait baissé la garde, détourné les yeux. Et reçu un poing dans la mâchoire. Le goût du sang emplit sa bouche et il plongea sa main dans sa poche à la recherche de sa baguette. Mais avant qu’il n’ait pu s’en saisir, Zoya lui pointa sa propre baguette sous le menton. Skye lui offrit un rictus rageur. La panthère hurlait dans sa tête, prête à bondir sur l’insolente qui osait la menacer. Skye contint tant bien que mal l’animal mais sa fureur lui brouillait la vue. Lorsque sa cousine lui cracha à la figure qu’il n’avait aucun droit de la comparer avec son père, un sourire sarcastique s’imprima sur la figure du Gryffondor. Ainsi donc c’était pour ça qu’elle pétait les plombs. Elle tentait de se persuader qu’elle était différente de son père en tapant quelqu’un et en le menaçant de sa baguette ? Zoya n’avait visiblement pas peur des contradictions. Skye soutint le regard de sa cousine, un rictus moqueur lui déformant les lèvres. Autour d’eux, les autres Gryffondors s’agitaient. Skye se demanda un instant ce qu’Ariel et Innya, apperçue pendant le Banquet, pouvaient bien penser de cette réunion familiale. Ariel devait probablement avoir déjà sa baguete sortie. D’ailleurs, les griffons aux alentours sortaient déjà leurs baguettes, loyaux à leur nouveau camarade dès les premières minutes. Cependant, Skye ne désirait aucune aide. Il attendait. Il attendait qu’elle relâche son attention, qu’elle baisse la garde. Mais la baguette de la vipère continuait de lui chatouiller le menton. Elle lui dit qu’il ne voulait pas connaître la provenance de son odeur mais que le chien bouffe le chat. Il ricana, provocateur, projetant vers sa cousine les petites gouttes de sang qui perlaient sur sa lèvre. Ainsi donc, elle admettait son odeur… Lorsqu’elle montra les dents, il ne fit plus aucun doute qu’elle était un animal sauvage. Son père lui avait-il inculqué les rudiments de l’animagie ? Ce n’était pas impossible. Mais c’était loin d’être impressionnant pour le griffon qui continuait d’observer les moindres gestes de Zoya, attendant le moment opportun. Elle desserra enfin sa poigne et baissa lentement sa baguette. Son air était toujours aussi agressif mais elle s’éloignait peu à peu. Skye aurait voulu pouvoir se contenir. Tout le monde avait vu la violence de Zoya, elle serait la seule punie. Mais son cœur battait à la chamade, son esprit bouillonnait. Il connaissait cette rage, cette haine. C’était celle que son père avait évoquée, celle qui caractérisait les Krushnic. Zoya avait sans doute raison, peut-être ne pouvait-il pas y échapper. Non, non…il ne devait pas penser comme ça. Il inspira un grand coup, tenta de se calmer. Sans succès. Zoya eut un coup d’œil sur le côté. Un millième de seconde à peine. Une ouverture. Skye sauta. Il donna un coup de tête puissant dans le menton de sa cousine dont les dents s'entrechoquèrent violemment. Elle recula de quelques pas, déstabilisée. Avant qu’elle n’ait pu reprendre ses esprits et son équilibre, il plongea sur elle. Ils trébuchèrent ensemble. Zoya tombant sur son dos, Skye au-dessus d’elle. Cette fois-ci, lui aussi tenait sa baguette en main. Et s’il n’avait pas appris la magie noire de Mischa, il avait appris à s’en protéger. Enfonçant son genou sur le torse de la Serpentard, il se pencha vers elle avec rage.
« Seuls les roquets sont aussi agressifs que toi. Et un chat de ma taille en bouffe au petit dej, des chiens comme toi. »
Il ne réfléchissait plus à ce qu'il disait, à ce que sa cousine pouvait en comprendre. Son esprit bouillait trop fortement. Zoya semblait sur le point de réussir à se dégager.
« Mais ne t’en fais pas, tu as été parfaite, ton père serait fier de toi. »
Elle avait montré son point sensible et il ne comptait pas se priver de l’utiliser contre elle. Il vit la baguette de Zoya se lever et se pointer en sa direction. Skye leva la sienne, menaçant. Avant qu''il ne comprenne quoique ce soit, il se sentit soulevé du sol. Il n’avait même pas vu le sortilège de Zoya. Avant d’apercevoir qu’elle s’envolait aussi dans la direction opposée. Ils firent un vol plané de plusieurs mètres avant d’atterrir lourdement sur le sol. Rageur, Skye tenta de se relever. Mais l’ombre d’un adulte l’en empêcha. Relevant les yeux, il découvrit le visage furieux d’Innya Krushnic. Il lui rendit son regard sans rien cacher de sa haine.
Une seule fraction de seconde suffit à me faire perdre l'avantage. Erreur de débutant, j'aurais bien dû savoir qu'il ne se laisserait pas faire. Cet idiot se serait jeté à la gueule d'un dragon s'il en avait eu la chance, juste pour prouver son courage. Sa stupidité plutôt. Lorsqu'il me frappa, l'impact me coupa le souffle l'instant d'une seconde, et je perdis pied. Il ne manqua pas de se jeter sur moi comme une bête sauvage, alors que je sentais le sang remonter par mon nez, ou peut-être de ma bouche ? Malgré la situation, malgré l'avantage que le Français avait sur moi, je souriais. Après tout, j'avais réussi à le faire réagir, j'avais réussi à prouver qu'il n'était rien de plus que les autres Krushnic. J'imaginais déjà sa soeur se jeter sur moi pour le soutenir. Cette vision me fit même ricaner. Je voyais tous les autres Gryffondor autours prêts à se jeter sur moi comme si j'étais une bête dangereuse ou bien la fille de Voldemort. Tous prêts à sauver ce cher Skye qu'ils ne connaissaient même pas. De mon côté, si les Yassen et Helge pouvaient voir la salle, ils ne se seraient probablement jamais portés à mon secours, sachant très bien que je pouvais lui casser les deux jambes d'un seul mouvement, si je ne souhaitais. Ils ne m'avaient pas acceptés dans le club de duel pour rien, et ce malgré le fait que je sois une fille. S'il voulait prouver sa force, il devait le faire lui-même, ce qui n'allait pas arriver. Déjà, parce qu'il n'oserait pas aller trop loin, pas devant les autres. Ils ne voulait pas se faire associer avec ma branche de la famille. Ensuite, parce qu'il n'avait probablement pas la force de me vaincre. Oui, son coup avait été puissant, assez pour me déstabiliser, mais pas assez pour me faire peur. Il me menaçait de sa baguette, tandis que mon sourire ne voulait s'effacer. Ce dernier était un étrange mélange de rage, de haine, de satisfaction et de moquerie. J'avais déjà explosé lorsqu'il m'avait comparé à mon père. Il en rejoutait. Cette fois, je m'efforçai à ne pas me laisser emporter. Une fois la bagarre débutée, les mouvements impulsifs étaient le meilleur moyen de perdre. J'étais bien trop entraînée pour me laisser déjouer à nouveau par des provocations. La bête au fond de moi en disait autrement. Si j'en avais eu le contrôle, j'aurais sorti mes griffes et mes crocs pour le faire taire. Je n'avais pas ce luxe - chose à laquelle je souhaitais remédier d'ici peu - mais je n'allais pas me laisser vaincre aussi facilement. De ma main doite, je me redressai légèrement, question de stabiliser ma position lorsque je relevai ma baguette à son visage, prête à lui faire exploser le cerveau. Non, pas si facilement. J'étais prête à le faire devenir fou, à lui faire perdre la raison sous la douleur.
« Dommage que le tiens ne soit pas là pour être fier de toi, lui. »
Mon sourire s'élargit face à mon propre sarcasme. À écouter les histoires à propos de Mikhail, je savais bien qu'il avait été du genre à vouloir faire le bien, à vouloir vaincre la soit-disant noirceur qui l'habitait. Il avait bien échoué. Skye me semblait être le reflet parfait de ces histoires. Ô oui, il aurait été fier, s'il avait encore été en vie.
« Vas-y, montre-moi ce que tu sais faire. Prouve-moi que tu es un Krushnic ! »
Ma baguette chauffait entre mes mains, prête à déployer un sort que personne dans la salle ne serait prêt d'oublier. Je voulais simplement qu'il fasse le premier coup. Je voulais voir à quel point il était faible. Puis, je me sentie soulevée de terre. Était-ce tout ce qu'il savait faire ? Pitoyable. Lorsque j'atteris au sol, je vis que lui aussi, avait été projeté. Je haussai un sourcil. Il n'avait pas attaqué. Il avait fallu peu de temps à Innya pour s'interposer entre nous. Allait-elle être impartiale ? Dur à dire.
« Vous êtes sérieux !? Vous vous connaissez depuis dix minutes et vous êtes déjà en train de vous sauter à la gorge ? »
Elle s'était dirigée vers Skye avant moi. Elle ne serait pas impartiale. Satisfaite, je me relevai alors qu'elle indiquait au reste de la salle à porter leur attention ailleurs. Il fallu peu de temps pour que les Gryffondors agités se calment et que la soirée reprenne son cours. Notre tante agrippa le rouge et or tandis qu'elle me fit signe de la suivre. Je n'avais pas trop le choix. Elle nous fit sortir de la Grande salle, furieuse.
« Vous êtes pire que des enfants ! Skye, je ne sais pas ce que tu as pu lui dire pour la faire réagir ainsi, mais garde tes commentaires pour toi, la prochaine fois ! »
Son ton était plutôt agressif, chose que j'avais rarement vu chez elle. Non pas que je la voyais souvent, mais avec moi, elle était un peu moins agressive. Était-ce une de ses humeurs ? À voir sa manière d'agir avec lui, je compris qu'elle le connaissait déjà bel et bien, ce qui me rendit encore plus furieuse. Je serrai les dents et les poings.
« Et Zoya, je ne serai pas toujours là pour te protéger et ramasser derrière toi. Arrête ces conneries. Il est trop tôt pour que je vous retire des points, et de toute façon vous n'en avez rien à faire. Je vous revois en retenue demain soir, tous les deux! D'ici là, allez prendre l'air pour calmer vos ardeurs. »
La diplomatie incarnée, elle me fit décrocher un soupir. Elle nous pointa en direction de la sortie. San répondre quoi que ce soit, je lui montrai les dents, pour lui faire comprendre que je n'en avais rien à faire de ses commentaires. J'allais bouffer Skye. Pas ce soir, pas le lendemain, mais un jour, j'allais le déchiqueter de mes propres mains. Je me tournai vers ce dernier pour lui jeter un regard noir.
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