rowan&thea ⊹ i don't know you anymore

Assis sur les marches du grand escalier de marbre placé au centre du hall d’entrée, Rowan discutait avec un élève de Serpentard. Cet élève, qui s’appelait Zoran, venait à l’origine de Durmstrang. Il avait quelques années de moins que Rowan, mais ils avaient fini par discuter. Ils avaient quelques amis en commun. De temps en temps, quand ils se croisaient, le Gryffondor et le Serpentard prenaient le temps de se dire un peu plus qu’un simple bonjour. Leur sujet préféré, c’était de se plaindre de tous les sujets possibles et imaginables, et en particulier : les professeurs, les filles et les sangs-de-bourbe. Alors pour une fois qu’il avait une histoire rassemblant ses trois sujets à raconter, Rowan ne se fit pas prier : « Tu me crois si je te dis que la dernière fois, le professeur Abberline – mais si, tu sais, la prof d’études des runes, l’option que personne choisit – m’a convoqué dans son bureau ! » Ce jour-là, le professeur était venu le voir entre deux cours pour lui dire de passer plus tard la voir sans lui dire ce qu’elle lui voulait. Elle cherchait juste à le faire parler, à lui demander des explications sur sa nouvelle attitude. « Qu’est-ce qu’elle voulait ? » Le Serpentard était en train de réfléchir pour se rappeler qui était le professeur Abberline. Quand il s’en souvint, il eut un drôle de sourire aux lèvres. « Elle voulait juste "discuter". » Rowan laissa planer le doute sur ce qui s’était réellement passé, mais si Zoran le lui demandait, il ne lui mentirait pas. De toute façon, Zoran ne connaissait pas l’ancien Rowan, il ne se douterait donc pas qu’elle voulait le confronter sur son changement d’attitude. « Elle est bonne, non ? J’aurais dû prendre cette option… » Le Gryffondor sortit de sa poche son paquet de cigarettes et en sortit une pour la placer derrière son oreille. Il n’allait pas tarder à aller la fumer. Il rangea le paquet sans en proposer à Zoran. « Peut-être, mais c’est une sang-de-bourbe. » Dit le sang-pur avec un faux air dégoûté. Sauver les apparences, c’était le plus important. Il se fichait à présent de passer pour un gros connard et un macho. Il n’était pas à Poudlard pour se faire des amis. Zoran semblait préoccupé. Il regarda un peu plus loin derrière Rowan. Ce dernier l’interrogea du regard.

« Mec, y’a une meuf qui te regarde. Peut-être qu’elle veut "discuter", elle aussi. Elle est bonne. » Zoran lâcha son sourire le plus séducteur. Rowan se retourna et effectivement, une fille le dévisageait : c’était Thea. Rowan et Thea se connaissaient depuis leur première année, ils avaient le même âge. Ils étaient amis avant. Ils s’entendaient bien. Ils faisaient des conneries ensemble. Mais ça, c’était avant. Thea était une née moldue et par conséquent, Rowan ne pouvait plus être ami avec elle. Il devait maintenant prétendre la détester, au même titre que les autres nés moldus, s’il ne voulait pas que ses parents s’en prennent à elle un jour. Ses parents finiraient sûrement par le savoir, s’il fréquentait des nés moldus. « Elle aussi, c’est une sang-de-bourbe. » Dit-il en faisant face à Thea. Elle était assez proche pour avoir entendu toute leur conversation, il ignorait depuis combien de temps elle était là. « Putain… »  Lâcha le Serpentard, comme s’il venait de trouver un ver dans une pomme qui paraissait pourtant bonne. Il fit signe à Zoran de partir et descendit les quelques marches qui le séparait de Thea jusqu’à arriver à sa hauteur. Ce n’était pas la première fois qu’il surprenait Thea en train de le dévisager sans venir lui parler. Ils avaient été amis, ils pouvaient être francs l’un envers l’autre. « Qu’est-ce qu’il y a, Thea ? Pourquoi tu me regardes comme ça ? » Si s’en prendre à ses amis avait été difficile au début de l’année, ce n'était aujourd’hui plus le cas. Sa réputation le précédait et tout le monde commençait à oublier celui qu’il était avant la guerre. Plus il portait ce masque de haine et plus il devenait ce connard que tout le monde détestait. Et d’ailleurs, Rowan n’était pas le seul à avoir changé. Il avait constaté qu’elle aussi, elle n’était plus la fille douce qu’elle était avant. Thea avait une lueur de sombre dans le regard. Il ne savait pas trop ce qui lui était arrivé, et il ne s’y était pas intéressé, mais une part de lui restait curieux. « T’as un problème avec moi ? Dis-le moi en face. » Comme à son habitude, Rowan cherchait la confrontation. Il était même étonné de ne pas l’avoir cherché avant avec elle. Peut-être que les vieux souvenirs de leur amitié brisée étaient trop douloureux à supporter. Mais il l’aimait bien, Thea, au fond. S’il agissait ainsi, c’était pour la protéger.

Mai 2000 - 7h15
Hall D'entrée - Poudlard


Thea était d’humeur massacrante. Comme chaque fois durant les deux semaines qui suivaient la pleine lune, elle oscillait entre des périodes de dépression et des périodes de haine insoutenable. Devant tout le monde, elle mettait ses sautes d’humeurs sur le compte de ses transformations, s’épanchant sur les douleurs physiques que cela engendrait et la souffrance morale qu’elle ressentait en permanence. Elles avaient bon dos, ses transformations. La vérité, c’est que l’idée de devoir attendre encore un mois avant de pouvoir se transformer la mettait dans un état de nerf difficile à gérer. Au début, elle parvenait encore à se canaliser mais, désormais, elle passait de la crise de larmes aux hurlements haineux en quelques secondes. Le masque était de plus en plus difficile à maintenir en place. Sa colère commençait à effriter le mensonge et sa tristesse avait un goût de culpabilité de plus en plus prononcé. Un jour, le vernis exploserait et tous la verrait telle qu’elle était réellement, telle qu’elle était devenue. Un monstre assoiffé de sang, hanté par le fantôme de l’être aimé, animé par l’instinct de vengeance et par la haine de la quasi-totalité de la race humaine. Mais pour l’instant, elle tentait encore de donner le change. Ainsi, elle s’était habillée en hâte, énervée par les bavardages des filles de son dortoir. Elle se fichait de leurs histoires de cœur, de famille ou d’amitié. Elles étaient si puériles, si insignifiantes … Thea envisagea un instant de laisser exploser sa colère et sa frustration sur elles mais se ravisa. Elle devait garder le contrôle. Ainsi, elle descendit les étages, tentant de faire abstraction de ce qui l’entourait. Un rien pouvait tout déclencher … elle le savait. Il suffisait de si peu de chose, un rire ou un regard, pour faire plonger son esprit malade dans la folie, pour lâcher les rênes et laisser toute cette colère qui bouillonnait en elle s’évacuer une bonne fois pour toute. Mais il était trop tôt pour ça. Il fallait qu’elle prenne l’air. C’était le seul moyen qu’elle avait trouvé pour calmer ses moments de colère intense ou de tristesse extrême. Seulement, elle fut interrompue dans sa fuite. Elle descendait en hâte les escaliers de marbres, dépassant Rowan qui, en grande discussion avec un camarade, ne la remarqua même pas. En revanche, elle entendit très distinctement sa voix venimeuse :

- Peut-être, clamait-il sans aucune honte, [/i]mais c’est une sang-de-bourbe.[/i]

Thea manqua de trébucher. Elle devrait pourtant avoir pris l’habitude, désormais. Depuis la guerre, Rowan n’était plus celui qu’il était. Il était devenu aussi hautain et haineux que tout héritier de sang-pur de base. Il était devenu un parfait petit con aux airs supérieurs. Et ça, Thea ne parvenait pas à s’y habituer. L’image qu’il lui renvoyait jurait tellement avec celle qu’elle conservait de leurs années d’insouciance. Avant que la guerre ne leur passe dessus et broie leur cœur. Elle n’aurait peut-être pas dû lui en vouloir. Elle aurait peut-être pu comprendre. Mais elle n’avait pas envie de comprendre. Elle avait simplement envie de le haïr. Elle s’arrêta un peu plus loin, légèrement en retrait. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle restait là. Habituellement, elle fuyait Rowan. Jusque-là, les souvenirs de leur amitié l’avait retenu de lui coller son poing dans la figure. Pourtant, ce jour-là, la colère était si forte, si intense. Elle pouvait très bien la déverser sur Rowan, après tout. D’où elle était, elle entendit parfaitement la suite de la conversation des deux garçons. Elle osa une grimace de dégoût devant le commentaire déplacé du nouvel ami de Rowan, qui semblait aussi idiot que détestable selon elle. Mais ce qui la mit hors d’elle, c’est la réponse de son ancien ami :

- Elle aussi, c’est une sang de bourbe.

Thea voyait rouge. Rouge sang. Rouge mort. Jusque-là, elle n’avait encore jamais entendu Rowan l’insulter, elle, de sang de bourbe. Elle hésita à se précipiter en face de lui pour lui hurler dessus mais elle n’en eut pas besoin. Rowan congédia son ami et, d’une démarche assurée, presque provocante, se dirigea vers elle. Elle observa son visage, où autrefois il était si simple de trouver un sourire, et n’y trouva que de la haine et du mépris. Elle lui renvoya son regard, les yeux noircis par les braises de la guerre et les flammes de la vengeance.

- Qu’est-ce qu’il y a, Théa ? Pourquoi tu me regardes comme ça ? lança-t-il d’un ton brusque. T’as un problème avec moi ? Dis-le moi en face.

Thea haussa les sourcils, se demandant sincèrement pourquoi il venait à la confrontation. Il devait bien se douter du problème. Il devait bien imaginer que son amie née-moldue n’appréciait pas de l’entendre l’insulter de sang-de-bourbe. Mais il voulait l’entendre le dire ? Qu’à cela ne tienne. Thea repoussa une mèche de cheveux blonds derrière son oreille. Elle avait à peine pris le temps de se coiffer, ce matin-là, et ses cheveux semblaient vouloir à tout prix tomber devant son visage.

- Ce n’est pas contre tes principes, d’adresser la paroles à une sang-de-bourbe, comme tu dis ? Je ne sais pas à quoi tu joues, mais le rôle de petit connard condescendant fier de son sang, c’est dépassé, tu sais ? C’était bon pendant la guerre, si ça pouvait te permettre de sauver ton joli petit cul. Mais maintenant, c’est de très mauvais goût.  

Elle avait eu envie de lui hurler dessus, de le frapper, de laisser toute la colère déborder. Mais elle s’était contentée d’un ton sarcastique, avec un touche de haine et une pointe de dégoût.

Sang-de-bourbe, une expression que Rowan n’avait jamais utilisée avant la rentrée. Une expression qu’il avait pourtant déjà entendu de nombreuses fois dans la bouche de ses parents et de ses sœurs. Une expression qui était naturellement utilisée chez les Moore pour désigner les nés-moldus. Avant, il s’énervait quand il entendait cette insulte qu’il jugeait injuste. En dehors de sa famille, il faisait ravaler leurs mots à ceux qui les prononçaient. Il s’était déjà énervé contre ses sœurs à ce sujet. Pourtant aujourd’hui, il utilisait cette expression comme s’il l’avait employée toute sa vie. Quand Rowan croisa le regard noir de Thea, il comprit immédiatement qu’elle n’avait pas aimé entendre une nouvelle fois ces mots sortir de ses lèvres. Il avait compris rien qu’à son regard qu’elle se sentait insultée. La vérité fait mal. Qu’il utilise l’expression sang-de-bourbe ou non, elle restait une née-moldue. Rowan était étonné qu’elle ne soit pas venue vers lui plus tôt, connaissant son fort caractère. Ceux avec qui Rowan était ami avant avaient tous eux un moment où ils s’étaient énervés contre lui, mais Thea l’avait évité. Elle aussi avait changé, depuis la fin de la guerre. Sachant très bien qu’à la distance où elle était, elle pouvait l’entendre, Rowan venait de l’insulter en pleine face. Et puis, il s’approcha. Il provoquait. Il cherchait la bagarre. Il savait qu’elle allait réagir. Il savait qu’elle cesserait de l’éviter à partir du moment où il s’en prendrait directement à elle. Cet instant était venu. Arrivé face à elle, il la dévisagea avant de lui demander ce qu’elle avait et si elle avait un problème avec lui, l’incitant à lui dire ce qu’elle retenait au fond de sa gorge. Thea parut surprise pendant quelques secondes. Elle pensait peut-être qu’il allait la laisser le défier du regard sans venir vers elle ? Elle le connaissait mal si c’était le cas. Depuis son retour à Poudlard, Rowan se servait de n’importe quel prétexte pour venir provoquer les autres. Le Gryffondor attendait la réponse de celle qui était anciennement son amie. « Ce n’est pas contre tes principes, d’adresser la parole à une sang-de-bourbe, comme tu dis ? Je ne sais pas à quoi tu joues, mais le rôle de petit connard condescendant fier de son sang, c’est dépassé, tu sais ? C’était bon pendant la guerre, si ça pouvait te permettre de sauver ton joli petit cul. Mais maintenant, c’est de très mauvais goût. » Dit-elle d’un ton sarcastique. Rowan se mit à sourire. A fond dans son rôle depuis la rentrée en septembre, il avait fini par devenir tout ce qu’il détestait par le passé. C’était tellement plus facile de se cacher sous cette apparence plutôt que d’affronter la réalité, plutôt que de se battre contre les véritables responsables, ses parents. Pour l’instant, il continuerait à jouer le rôle du "petit connard condescendant fier de son sang" jusqu’à ce qu’il n’en ait plus besoin. Le brun fit un pas de plus vers Thea, cherchant à l’intimider même s’il savait qu’elle était forte et que ce n’était pas lui qui lui ferait peur. Rowan resta à quelques centimètres d’elle, sachant très bien qu’elle pourrait l’atteindre si l’envie lui prenait de le frapper.

« Je ne vois pas pourquoi je ne t’adresserais pas la parole. Tu ne crois quand même pas que je te ferais le plaisir de t’ignorer ? » Le sorcier n’évitait pas les nés-moldus, au contraire, il les attaquait. Il s’en prenait à eux parce qu’ainsi, c’était eux qui finissaient par l’ignorer et il pouvait plus facilement les rayer de sa vie. Il se montrait alors plus odieux que jamais avec eux pour qu’ils n’aient plus envie de lui faire face, pour qu’ils n’aient plus l’ancien Rowan en tête, pour qu’ils acceptent que c’était mieux pour tout le monde qu’ils arrêtent de le fréquenter. Une nouvelle mèche blonde tomba devant les yeux de la Gryffondor. Rowan mit ses doigts dans les cheveux rebelles de Thea pour les dégager définitivement de son visage. Mais il ne les laissa pas assez longtemps pour qu’elle puisse le repousser. Repoussés en arrière, elle avait maintenant un petit air sexy. « T’aurais au moins pu te coiffer, en sautant du lit, et t’habiller un peu mieux. Je ne sais pas ce que Zoran t’a trouvé… » Rowan mentait, même sans être coiffée, elle restait très jolie. Seulement, le brun ne dit rien de plus à ce sujet. Et puis, il était censé avoir une petite-amie, Perséphone. Depuis janvier, ils sortaient ensemble. Du moins, aux yeux de tous. En réalité, ils formaient un faux couple pour que leurs parents arrêtent de vouloir les caser à tout prix avec un sang-pur. Rowan n’était pas de sang-pur, pas tout à fait, mais les parents de Perséphone le croyaient pour l’instant pur, ce qui arrangeait les deux élèves. Seulement, Rowan était encore loin de s’imaginer que cet accord allait bientôt voler en éclat quand ses parents lui annonceraient qu’ils lui avaient trouvé une fiancée. « De mauvais goût ou pas, une sang-de-bourbe reste une sang-de-bourbe. Je ne joue pas un rôle, j’ai simplement enfin compris ce que mes parents ont voulu m’enseigner pendant toutes ces années. Ils ont parfaitement raison. » Prononcer ces mots à voix haute lui donnait presque la nausée. Rowan détestait ses parents du plus profond de son être pour ce qu’ils avaient fait à Zoella et il finirait par leur faire payer. Il ne savait pas encore comment, mais il y parviendrait un jour. En attendant, il ne leur donnerait plus aucune raison de s’en prendre à ceux qu’il aimait. Il mettait fin à toutes ses amitiés avec des nés-moldus et autres relations qui pourraient coûter la vie de ses amis. Il se méfiait de ses parents. Et quand ils avoueraient ce qu’ils avaient fait, il se vengerait. Pour Zoella. Mais le jeune Moore devait d’abord trouver un moyen pour qu’ils ne puissent pas faire de mal à ceux qu’il aimait. Il sortit de ses pensées quand il vit Thea bouger en face de lui.