Les Gryffondor étaient merveilleux.
Il avait suffi qu’elle dise, au détour d’une conversation, qu’elle s’intéressait à la littérature moldue, et ils semblaient s’être tous passés le mot pour lui prêter quelques bouquins. Elle avait longuement hésité entre la littérature française que Skye lui avait laissé, ou la fantasy anglaise que Flynn lui avait recommandé, et sa curiosité naturelle avait repris le dessus. Comment les moldus voyaient-ils la magie ? Voyaient-ils des baguettes, ou de grands mouvements de main ? Elle aurait bien aimé commencer par les bouquins de Skye, pour lui faire plaisir, mais ceux de Flynn parlaient de magie. Elle n’avait pas pu résister à l’appel de la curiosité. Son livre en main, elle s’était posée dans un canapé de la salle commune, s’y lovant en ouvrant la première page, profitant agréablement de la chaleur du feu, toujours allumé en cette fin de mois de Mai. Elle se fichait bien du bazar qu’elle entendait autour d’elle. Les Gryffondor pouvaient discuter, rire, faire les fous, elle ne les entendait plus. Elle s’était plongée dans son livre, et le reste n’avait plus d’importance.
Le monde, autour d’elle, continuait pourtant de tourner. Flynn riait aux éclats dans un coin de la salle commune, un groupe de Gryffondor travaillait à une table, un autre était apparemment en train de se demander s’il pourrait passer ses ASPIC avec des objets interdits, et sans un bruit, Tesla, son chat de Nebelung, s’était créé une petite place confortable sur ses jambes dépliées. Par réflexe, elle avait passé sa main dans la douce fourrure de l’animal, qui avait doucement ronronné avant de pétrir sa jambe. Mais elle n’en avait cure. Son histoire continuait. L’apprenti du magicien découvrait ses pouvoirs, et s’il était brillant en théorie, il se révélait très mauvais en pratique. Il était amoureux de la fille du duc, qui ne lui accordait de regard que pour le taquiner un peu, riant de le voir rougir de la sorte. Classique. Ça aurait pu tourner en rond s’il n’y avait pas eu une guerre, contre des petits hommes venus d’un autre monde, débarquant dans leurs armures bariolées pour une raison obscure, qui s’avéra plus tard être le métal. Le commerce aurait été bien mieux, cela étant, mais chaque peuple a ses cultures, après tout.
Cependant, elle fut bien obligée de se détacher quelques minutes de son bouquin. C’était dur à dire, mais elle se sentait observée. Depuis sa première transformation d’animagus, elle avait appris à accepter l’idée que la conscience de la renarde frôlerait la sienne jusqu’à sa mort, et que parfois, elle ferait pression pour être entendue, quitte à s’imposer en cas de besoin. Un peu comme une conscience plus que présence, dotée des instincts animaux qui font défaut aux hommes. Elle s’en était accommodée, comme tous les animagus ayant réussi leur transformation. Et depuis quelques minutes, elle sentait la renarde toucher sa conscience avec délicatesse, pour la forcer à quitter sa bulle et se réintéresser au vrai monde. Tesla était parti. Depuis combien de temps ? Il lui semblait pourtant sentir la chaleur de son chat sur ses cuisses il y a encore quelques minutes de cela. Finalement, elle leva les yeux de son livre, et croisa le regard d’acier de Thea, une autre Gryffondor, qui, pour une raison qui lui échappait, semblait la fixer avec intérêt. Poliment, la russe esquissa un léger sourire, avant de replonger dans son livre.
Les rumeurs selon lesquelles Thea était une louve-garou ne l’inquiétaient pas. Si elle l’assumait, c’était tant mieux pour elle. D’un côté, il fallait avouer que ça la rendait un peu curieuse aussi. Quelle magie était mise en œuvre quand un loup-garou se transformait, et comment fse fait-il que la lycanthropie puisse se transmettre d’un individu à un autre d’une morsure durant la pleine lune ? Tout était du fait de l’influence de la lune, indubitablement. Mais pas que. Avec une pointe d’amusement, la rousse comprit qu’elle n’arriverait plus à s’intéresser à son livre. Pour aussi palpitant et intéressant qu’il soit, ce n’était pas tous les jours qu’elle avait la chance de pouvoir étudier un véritable loup-garou, en chair et en os, sans être immédiatement transformée en charpie. Peut-être qu’elle pourrait aussi lui demander si c’était elle qui l’avait attaquée dans la cabane hurlante. Ça lui donnerait enfin l’opportunité de s’excuser ; après tout, suivre un loup-garou un soir de pleine lune est quand même une bonne grosse idée de merde, hein. Finalement, elle baissa son livre, y coinçant un marque-page animé, et le posa sur la table pour s’intéresser à Thea, un léger sourire étirant ses lippes.
« Le bouquin t’intéresse ? C’est Flynn qui me l’a prêté. Il te le prêtera si tu le lui demandes, je pense. »A bien y repenser, c’était la première fois que les deux demoiselles avaient une vraie conversation. Elles s’étaient déjà parlé plus d’une fois, mais ça n’allait pas plus loin qu’un vague salut quand elles se croisaient dans la salle commune. Mais Thea était assise en face d’elle, et elle-même avait posé son livre, signe évident qu’elles allaient discuter. C’est fou comme elle avait changé depuis son arrivée à Poudlard. Discuter à des inconnus ne lui serait jamais venu à l’esprit avant, sa méfiance naturelle l’emportant sur sa sociabilisation. Qu’est-ce qui lui disait que ceux qui l’approchaient ne voulaient pas récupérer quelque chose d’elle, ou atteindre son frère à travers elle ? Mais elle était à Poudlard désormais, et huit mois à Gryffondor avaient fini par lui apprendre que les gens qui lui parlent veulent juste apprendre à la connaître et pas lui soutirer quelque chose… Enfin, en général.
« A moins que ce ne soit pas le bouquin qui t’intéresse ? »A nouveau, un léger sourire étendit ses fines lèvres. Gryffondor ou pas, elle ne pouvait pas totalement renier son éducation de Dragon de Durmstrang.
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