Cela faisait un mois et quatre jours. Un mois et quatre jours qu’il avait reçu la lettre, un mois et quatre jours jours qu’il était coincé ici. Un mois et quatre jours jours qu’il ne dormait pratiquement plus et mangeait à peine. Suite aux tests effectués l'année scolaire précédente, un dossier médical a été monté afin d'évaluer votre état de santé. Grâce à ces tests, les médicomages ont pu déceler chez vous des symptômes indiquant que vous êtes possiblement contaminé par l'épidémie. N’importe quoi. Le seul test qu’il avait eu le temps d’accomplir avait été celui du patronus et il l’avait parfaitement matérialisé. Non, non. Sa présence ici n’était pas due aux tests. Ils avaient dû le surveiller d’une autre manière. Ils avaient dû voir que sa baguette ne réagissait plus comme il le voulait. Ils devaient probablement espionner chaque personne vivant dans ce foutu collège. Comme si sentir son pouvoir lui échapper n’était pas encore assez terrifiant, il fallait qu’on l’enferme, qu’on l’étudie. Et les seules lettres qu’il pouvait échanger avec sa famille étaient des mots où il lui fallait faire croire que tout allait au mieux. Jamais Moïra ne lui avait autant manqué. Son seul réconfort étant que, à Beauxbâtons au moins, sa jumelle ne risquait pas de subir de tels traitements.
Comme chaque matin, il entendit ses compagnons de cellule commencer à s’agiter. Thomas essayait de faire bonne figure devant eux, malgré les différences évidentes entre les trois détenus. Zephÿr Rosenberg, le garde de chasse, un colérique. Et pire, Maddox Berkeley, un né-moldu insipide qui avait séduit Oktavia par un quelconque miracle. Dès qu’il le pouvait, durant les repas, Berkeley se collait à la fiancée de Thomas comme pour marquer son territoire. Comme pour essayer de le rendre jaloux. Comme s’il aurait pu le rendre jaloux. Le serpent ne disait rien. Qu’aurait-il pu dire ? Il s’était affiché tout l’été aux côtés de Bella. Il n’avait aucun droit de reprocher quoique ce soit à Oktavia. Si ce n’était ses goûts douteux en matière d’homme. Car avoir l’air dégoûté en apprenant ses fiançailles avec un de La Rivière pour ensuite se coller à un type aussi banal que ce Maddox… c’était incompréhensible. Pas qu’il soit méchant ou particulièrement moche, l’aiglon. Mais il ne semblait pas non plus dôle et ne possédait pas le minimum légal de charisme. Il avait l’air un peu perdu, un peu timide, un peu peureux. Thomas se contentait donc de lui offrir une politesse froide pour éviter d’envenimer inutilement les choses mais il ne comprenait pas beaucoup l’intérêt que son amie pouvait porter à ce garçon. Il ne le lui avait pas demandé. Il ne parlait pratiquement pas avec Oktavia, il ne parlait pratiquement avec personne. C'est qu'il avait l'impression de devenir fou et avait besoin d’être seul pour assimiler ce qui était en train de lui arriver. La simple privation d’air frais aurait suffi à le rendre fou, lui qui avait vécu sa vie au bord de la mer ou dans l’air sauvage des Pyrénées. Sauf qu’évidemment, c’était le moindre de ses problèmes. Il était en train de devenir un cramcol. Le karma, lui aurait dit Bella, si elle avait été plus vicieuse. Pire, l’épidémie avait des conséquences plus inquiétantes que la simple perte de pouvoir – qui le paralysait pourtant déjà. Les tests physiques et les faiblesses des plus atteints le prouvaient bien ; il y avait une réelle atteinte sur la santé physique des victimes. Sans parler des disparitions inquiétantes qui dataient de l’année passée et qui n’avaient encore aucune explication mais étaient certainement reliée à cette pandémie qui se répandait peu à peu dans le monde sorcier. Si le serpent avait réussi à s’interdire de penser à ces constatations terrifiantes lors qu’il était encore en liberté, il avait tout le temps de ressasser ses pires pensées désormais. Il se plongeait dans ses cours pour s’empêcher de perdre peu à peu la raison mais la vérité est que la folie menaçait à chaque instant d’exploser. Il avait parfois l’impression que les murs voulaient se rapprocher pour l'étouffer, que l’air devenait irrespirable, qu’il allait mourir ici, que la magie et tous ses souvenirs disparaîtraient jusqu’à effacer complètement son identité. Ses cauchemars n’avaient aucun sens, aucune image ne se dessinait derrière ses paupières fermées. Lui qui avait si souvent rêvé de son frère baignant dans son sang, désormais il ne rêvait que de sentiments confus, d’oppression, de terreur. Il se réveillait en sueur avec l’impression de ne pas avoir dormi. Et, lorsqu’il se levait, il faisait semblant que tout allait bien. Car s’il devait admettre aux autres l’étau qui lui enserrait sa poitrine, il deviendrait tellement plus réel qu’il en mourrait probablement.
Cette journée-là avait été semblable à toutes les autres. Mais tout le monde savait. C’était le jour des sorties et des entrées de nouvelles personnes en quarantaine. Tout le monde avait croisé les doigts pour être de ceux qui seraient libérés. Thomas, lui, n’espérait plus. Il savait qu’il était malade, il savait que les Aurors et médicomages savaient. Tout le monde savait. Il ne sortirait pas. D’autres étaient sortis, des places s’étaient libérées. Et le serpent avait fini par recevoir une note de la part des Aurors ; il était bougé de cachot. Fini sa cohabitation avec le mec qui rêvait de se taper sa fiancée et avec le tapé de jardinier ; il partait rejoindre Oktavia. Il l’avait annoncé avec une certaine satisfaction à Maddox, se plaisant à imaginer ce que le Serdaigle pouvait penser de cette nouvelle. Rien de bien, probablement. La vérité, c’est que Thomas n’en était pas beaucoup plus heureux. Il n’avait aucune idée de comment ça allait se passer. La présence d’une amie aurait dû le réjouir, pourtant. Sauf que ce n’était pas le cas. Il s’était comporté comme un con avant d’être lui-même enfermé, ils n’en avaient pas parlé depuis. De son côté, Oktavia restait collée à son petit copain. Ce qui n’avait plus d’importance. S’ils perdaient tous les deux leurs pouvoirs, le serpent doutait que leurs parents se fatiguent à les marier. Quoiqu’il en soit, il n’avait pas envie de devoir s’expliquer avec elle, il n’en avait pas la force. Avoir une amie, ça demandait de pouvoir se confier à elle. De vouloir se confier à elle. Or, il ne voulait pas parler. Mettre des mots sur ses sentiments ne pourrait servir qu’à rendre les choses réelles, qu’à le pousser vers la folie.
Il n’avait pas le choix, cependant. Il empaqueta ses maigres possessions dans un petit sac et adressa un au revoir poli à ses anciens compagnons de dortoir. Il avait beau ne pas les apprécier, ils avaient vécu ensemble une étape difficile de leur vie. Que Thomas le veuille ou non, ils étaient lié d’une certaine manière. Le serpent quitta son cachot sous la surveillance d’un Auror qui l’escorta jusqu’à sa nouvelle demeure. Un autre cachot, exactement semblable au précédent. L’Auror ouvrit la porte et fit entrer Thomas. Oktavia releva la tête en le voyant entrer et le Serpentard s’efforça de sourire pour la saluer. Ses traits n’étaient plus habitués à ce genre d’exercice, on aurait probablement dit qu’il lui lançait un rictus brisé. L’Auror referma la porte, sans un mot, et laissa les deux fiancés seul à seul. Thomas avisa le lit qui devait être le sien et s’avança en silence vers lui. Il déposa ses affaires dessus avant de s’asseoir sur le matelas. Ou plutôt, de se laisser tomber dessus. Il soupira avant de reporter son attention vers son amie. Il leva les bras dans un geste fataliste. « Je suis ton nouveau compagnon de cellule. » Dans d’autres circonstances, il aurait tenté un trait d’humour. J’espère que tu ne ronfles pas. Ou alors, faut qu’on arrête de faire chambre à part, ça se passe généralement après le mariage ces conneries. Dans ces circonstances, il avait juste envie de se coucher sur le lit et de ne plus jamais bouger. « Désolé pour toi que ce ne soit pas Maddox. » Il se laissa tomber sur son matelas et détailla avec attention le plafond. Il ne savait pas pourquoi il avait lancé cette pique d’un air blasé. Pourquoi était-il si amer alors qu’il n’avait aucune raison d’être jaloux ? Peut-être bien que son statut de fiancé à Oktavia était la dernière chose qui le raccrochait à son statut de sang pur. Peut-être bien que ça lui faisait mal de penser ça et qu’il lui fallait donc adopter une attitude passive-agressive pour garder la face.
BLACK PUMPKIN
Oktavia Silaïeva
Consumed by the shadows
Maison/Métier : serdaigle ϟ deuxième année de gisis en médecine magique Célébrité : Barbara Palvin Pseudo : MONAZ•HOPE Âge : 31 Parchemins : 2216 Gallions : 564 Date d'inscription : 28/02/2017
Les minutes s’écoulaient en silence. L’aiglonne n’avait pas réagit à ses propos et à son entrée. Tant mieux. Thomas ne demandait rien d’autre que du calme. Les yeux rivés sur le plafond, il étudiait attentivement les lézardes qui s’y dessinaient. Il avait fait pareil avec le plafond de son ancien cachot qu’il connaissait désormais par cœur. C’était toujours mieux que de penser à sa situation actuelle. Oktavia ne lui laissa que quelques minutes de répit, cependant. Du coin d’œil, il pouvait voir qu’elle l’observait. Il se demandait si elle était fâchée du comportement qu’il avait eu avant son propre enfermement. Le seul point de soulagement était qu’il savait qu’Oktavia n’était pas du genre à déterrer la hache de guerre et lancer les hostilités. C’était une autruche qui plantait sa tête dans le sol en espérant ne pas être impactée par ce qui pouvait bien se passer autour d’elle. Il la vit se lever et se diriger vers lui. Il fit en sorte de rester impassible mais il avait envie de se tourner vers le mur, de mettre son oreiller sur sa tête et d’échapper à la discussion. Il n’en fit rien. Malgré les événements des derniers mois, malgré leurs fiançailles et le manque de ses visites, elle restait son amie. Il ne pouvait pas la repousser aussi facilement. Au moins pour continuer de faire croire qu’il était un bon ami. Trouver une excuse pour ne pas être venue le visiter, garder de bons contacts. En somme, rester fidèle à l’image qu’il tentait de se donner : une personne sociable et ouverte.
Elle s’était assise sur le bord de son lit, souriante. Thomas ne lui retourna pas son sourire, c’en était trop pour lui. Il en était incapable. La nausée qui ne le quittait plus depuis qu’il avait constaté la baisse de ses pouvoirs le rendait trop malade. « Tu es certainement le meilleur choix qu’ils aient pu faire pour moi... » Il plissa les yeux. Un instant, il avait cru qu’elle parlait du choix de leurs parents. Un instant, il était redevenu lui-même. Bien sûr que je suis le meilleur choix de fiancé pour une fille dont le père a déshonoré la famille. Puis il avait compris qu’elle faisait probablement allusion à sa remarque précédente à propos de Maddox. Il haussa des épaules, peu enclin à discuter sur le sujet. Il n’était pas sûr que le fait qu’elle se retrouve enfermée avec son fiancé amer et déprimé soit la meilleure chose pour Oktavia. « Après tout c’est un bon test pour notre couple, de partager aussi tôt la même chambre, pousse toi un peu. » Thomas glissa son regard vers les yeux d’Oktavia pour tenter de discerner ce qu’elle pensait. C’était la première fois qu’elle blaguait au sujet de leurs fiançailles. Et cela reflétait parfaitement le genre de blagues qu’il aurait pu lui dire s’il s’était sentit plus en forme. Il réussit à grimacer un sourire et se dandina un peu pour se pousser et faire de la place à son amie. « En plus c’est pas comme si mon idiot de fiancé c’était intéressé à moi avant qu’il soit enfermé ici... » Son faible sourire disparu. Elle rigolait. Elle n’était pas une autruche, finalement. Elle s’avançait bien sur les terres du conflit, avec prudence et douceur, mais elle s’y avançait sans nul doute.
Il aurait dû culpabiliser. D’autant plus qu’il était le pire des hypocrites. Alors que quand Dimka venait le visiter et transmettait les bons vœux de Blaise, Thomas demandait qu’il lui transmette ses bons souhaits que Blaise aille se faire foutre, Thomas était bien conscient qu’il avait eu le même comportement envers Oktavia que Blaise envers lui. Pourtant il était furieux envers son frate. Il avait rarement ressentit autant de haine. Hypocrite. Au fond de lui, il savait qu’il l’était. Mais il réussissait à se trouver des excuses. Il réussissait à se convaincre qu’il avait eu de bonnes raisons de ne pas aller voir son amie. Lorsqu’elle avait été enfermée, il était en train de constater la diminution de ses pouvoirs. Il était paniqué et l’idée de descendre dans les cachots pour visiter quelqu’un le rendait fou. Il avait l’impression de se rendre dans un piège géant, de se livrer lui-même à l’enfer qu’était la quarantaine. C’était la première raison qui l’avait empêché d’aller voir Oktavia. La deuxième étant qu’il n’avait pu s’empêcher de ressentir un peu d’espoir lorsqu’elle s’était fait enfermer. Si elle était malade, si elle perdait ses pouvoirs, leurs fiançailles seraient annulées. Jamais ses parents ne voudraient le faire épouser une sorte de néo-cracmolle. Cette joie malsaine qu’il avait ressentie, il en avait bien évidemment eu honte. Il avait voulu la cacher à son amie. Il se serait sentit encore plus misérable d’aller la voir, de lui exprimer à quel point il était désolé, pour en réalité se sentir libéré d’un poids. Alors il n’était pas descendu la visiter, c’était la deuxième raison. Seule la première était avouable. « Ton fiancé se rendait compte qu’il était atteint de l’épidémie. Il devait être terrifié par la maladie et la quarantaine… si tu y arrives, tu devrais essayer de lui pardonner, c’est pas un mauvais gars tu sais. » Il continuait de fixer le plafond avec intensité. Il sentait le poids d’Oktavia qui creusait un petit peu le matelas. Un instant, il se demanda s’il réussirait à ne rien tenter durant les nuits qu’ils passeraient ensemble. Elle était magnifique, elle lui avait été promise et il n’avait pas baisé depuis une éternité. Il ferma les yeux et s’efforça de visualiser les traits de Bella. C’était sa chaleur à elle dont il rêvait la nuit. Il soupira. « Je suis pas le meilleur choix. Je suis même pas un bon ami. » Il se positionna sur le côté, se redressa légèrement en posant son coude sur le matelas et sa tête sur sa main. « J’aurais fini par venir te voir, tu sais. Quand j’aurais accepté que je finirais de toute façon par atterrir dans ce trou. Désolé d’avoir eu si peur. » Il mentait. Il mentait bien mais ça n’en restait pas moins un mensonge. Lorsqu’il devait demander pardon de manière sincère, chaque mot était un effort qui lui arrachait la langue. Ici, il l’avait dit avec fluidité, sans y penser. Il voulait juste être un ami sympa. Ça passait par faire croire qu’il était désolé.
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