Oxamen ✞ Every time I rise, I see you falling

Je suis épuisée. Probablement le changement de climat, au royaume-uni j'ai l'impression qu'il fait gris tous le temps et que les jours de beau temps peuvent se compter sur une main. Pas étonnant que les Anglais soient tous maladivement pâles, les pauvres bougres manquent de soleil. Et puis c'est quoi cette drôle de manie qu'ont les Britanniques d'engager une conversation en parlant de la météo ?! Il n'y a rien à dire c'est toujours pareil. It's cloudy today, isn't it? C'est probablement leur manière à eux de dire bonjour poliment.

La nourriture à Poudlard me déstabilise aussi. C'est absolument infâme ! Qui peut bien aimer le corned beef ? Le bortsch me manque... Qui mange des saucisses et des flageolets au petit déjeuner ? C'est absurde. Je tuerai pour avoir du kacha le matin... Encore heureux, les anglais sont friands de thé. Au moins un point positif. Mais leur Jelly ? Je ne m'y ferais jamais je crois, c'est repoussant. Depuis la rentrée, j'ai déjà dû perdre un ou deux kilos, si bien que j'ai du rétrécir mon uniforme à l'aide d'un sortilège pour que ma jupe arrête de glisser en permanence.

La vie à Poudlard est monotone. J'ai écrit à Annushka et Elizaveta pour avoir de leurs nouvelles. Elles m'ont dit qu'il y a un nouveau professeur de potions à Durmstrang, un jeune assez charmant vraisemblablement qui a remplacé la vieille harpie qui est enfin partie à la retraite. J'ose à peine imaginer son âge, puisqu'elle a enseigné à mes parents quand ils étaient jeunes, et qu'elle était déjà vieille et aigrie d'après père. Ici, le professeurs sont dans l'ensemble plus sympathiques qu'à mon ancienne école. Mais à cause de leur gentillesse, je trouve que les élèves Anglais manquent de discipline. Les Français eux, sont bien plus polis. Finalement, je crois que je les aime bien ces mangeurs de grenouilles. Du moins, je les préfère aux Anglais. Au moins, les élèves de Beauxbâtons sont très respectueux des professeurs.

J'ai du mal aussi, à m'habituer à tous ces sorciers d'origine impure. Je n'en ai jamais fréquentés, hormis le bâtard. Mais lui ? Ah, je suis habituée à force. Et au moins je peux continuer à lui faire du mal ici. Si je m'en prend à un autre élève, il serait capable d'aller se plaindre aux professeurs. Que ça devait être plaisant ici durant la guerre... J'aurais bien volontiers aidé les Carrow dans leurs tortures. A Drumstrang, c'est un châtiment courant réservé aux élèves récalcitrants ou indisciplinés. ça forge le caractère d'après moi, si vous me posez la question !

Après ma journée de cours, j'ai fait mes devoirs dans le calme de la bibliothèque, pour être tranquille ce week end et pouvoir profiter de mon temps libre pour me détendre un peu. Comment ? Je l'ignore encore. Mais je trouverai bien quelque chose d'amusant et de distrayant à faire. Peut-être que je devrais me renseigner sur les clubs de l'école ? Une activité extra scolaire, ça fait toujours bien sur un bulletin et ça fait croire au monde entier que vous êtes sociable et impliquée dans la vie de l'école.

Les canapés en cuir de ma nouvelle salle commune sont confortables. Si confortables même ! A Poudlard, le mobilier est bien plus chic qu'à Durmstrang où c'était très rudimentaire. Peu à peu, la salle commune s'est vidée. Et je ne m'en suis même pas aperçue. Quand j'ouvre les yeux, il est visiblement tard. Les braises de la cheminée sont à peine rougeoyantes, la pénombre est quasi totale dans le nid des vipères. Je me frotte les yeux, et me redresse vivement en voyant Kamen un parchemin à la main. Frénétiquement, je tâte ma chemise. La lettre d'Anka n'y est plus, c'est mon petit frère qui l'a entre les mains. Je me redresse d'un bond, et tente de la lui arracher des mains. Mais maintenant, ce petit con est plus grand que moi. Putain de grande perche et putain de pubertée !!

« Rends moi ça tout de suite Kamen ou je t'arraches les yeux pour te les faire bouffer ! »

Kamen porta l'allumette qu'il venait de craquer à ses lèvres, et souffla pour éteindre la flamme obsolète qui avait commencée à brûler le bâton qui lui donnait la vie. Il répéta ce geste encore trois fois, avant de se rendre compte que sa boîte d'allumettes serait bientôt vide. Cependant, ces gestes répétés l'aidaient à réfléchir. En seulement un mois, Poudlard était devenu un lieu plein de tensions. Entre l'apparition de Dumbledore au banquet de rentrée, la recherche de la pierre de résurrection, les étrangers et ses propres soucis, Kamen ne savait plus où donner de la tête. Il sentait que ses épaules d'héritier supportaient trop de charge, mais il ne pouvait pas se plaindre.  Cette nuit encore, le bulgare avait quitté la salle commune très tard, il sentait que les esprits commençaient à s'agiter. Le professeur de Durmstrang qui n'avait pas réussi son sort lors de la cérémonie de répartition, Kamen le connaissait. C'était un puissant sorcier, et le fait que sa baguette n'ait pas exécuté le sort qu'il avait lancé le surprenait. Quelque chose ne tournait pas rond, et les gens commençaient à parler.  Kamen tenait tant bien que mal d’apaiser les tensions, mais lui même ne pouvait pas garder son sang-froid éternellement. Surtout que toute sa famille était à Poudlard, et il ignorait encore si c'était une bonne chose. Pourtant, il n'avait pas le choix, si il flanchait, ce serait le chaos. Même si dans son combat, Kamen se sentait seul, il savait qu'il avait encore quelques personnes sur qui compter, son frère en faisait partie.

Une nouvelle allumette s'écrasa au sol alors qu'il était assis dans un des canapés qui étaient disposés à l'entrée du dortoir, dans une espèce d'anti-chambre. Il était trop tard pour que d'autres élèves lui tiennent compagnie, et il préférait cela. La solitude lui permettait de réfléchir. Il avait regardé tout le monde aller se coucher, alors qu'une fête avait eu lieu dans la salle commune ce soir là. Pour célébrer l'arrivée des étudiants étrangers. Les anglais étaient plutôt accueillants finalement, Kamen imaginait que si ça avait été à Durmstrang qu'avait eu lieu l'échange, les choses auraient été bien différents. Les bulgares seraient sans doute beaucoup moins bienveillants. Kamen entendit un bruit de porte et il rangea aussitôt son paquet d'allumettes. Il était temps qu'il aille se coucher. C'est alors qu'il vit que le feu n'était toujours pas éteint dans la salle commune en bas des escaliers. Il décida d'aller observer les crépitements et de s'assurer que rien ne risquait de brûler, même si il existait certainement des sortilèges pour contenir les incendies à Poudlard. C'était en fait un prétexte pour s'éloigner. Une fois devant la cheminée, Kamen se détendit. Il s'imagina un instant devant la cheminée du manoir familial quand il était plus jeune, mais un mauvais souvenir refaisait surface. Heureusement, à ce moment là, il entendit un espèce de ronflement. Sans un bruit, il se retourna pour voir qui était l'intrus et fut soulagé en remarquant que ce n'était qu'Oxana. Une tête connue. Sa sœur ne semblait pas s'habituer à Poudlard, aux anglais, à la nourriture et à l'école. Elle était une bulgare, une vraie, et elle était venue à Poudlard simplement parce qu'elle n'avait pas le choix de venir. Elle semblait si paisible quand elle dormait, et pourtant c'était une personne si énigmatique. Kamen et elle ne s'entendaient plus comme avant, comme quand elle décidait de tout et qu'il obéissait. Maintenant, le jeune homme avait grandi et prenait ses propres décisions, enfin il essayait. Il voulait surtout s'éloigner des pratiques malsaines de son ainée envers Zahari le bâtard. Mais au fond, elle lui manquait. En la regardant, il remarqua qu'un papier dépassait de son décolleté. Curieux, il s'approcha en silence, et essaya de deviner ce que pouvait être cette note. Un devoir ? Oxana n'était pas du genre à planquer ses cours dans son soutien-gorge. Puis, il distingua quelques mots : « À ma très chère Oxana.. » C'était sans doute une lettre. Une lettre de qui ? Poussé par la curiosité, Kamen attrapa habilement le parchemin, et essaya de déchiffrer le sens de la lettre. Quand il l'ouvrit, il remarqua que ce n'était que des banalités qui étaient dites sur le papier. Il soupira. Pourquoi Oxana cacherait-elle une lettre qui n'avait pas l'air importante ? À ce moment là, sa sœur se réveilla. Il n'eut pas le temps de cacher la lettre ou de s'enfuir, que déjà elle bondissait. « Rends moi ça tout de suite Kamen ou je t'arraches les yeux pour te les faire bouffer ! »

Il avait l'habitude de l'agressivité de sa sœur, mais il n'avait pas l'intention de lui rendre la lettre. Pas tout de suite. Il leva la lettre en l'air, très haut, de sorte qu'elle ne puisse pas l'attraper. « Dis moi d'abord ce qu'elle contient! Pourquoi tu y tiens tant ?» Leur première dispute allait sans doute réveiller tout Poudlard, mais Kamen ne voulait pas céder, il ne pouvait pas redevenir le petit toutou qu'il avait été si longtemps.

Quel petit con. Ou plutôt, quel grand con. C'est bien ça le problème. Je pourrais monter sur la table basse histoire d'y arriver mais ça lui ferait trop plaisir de me voir me démener ainsi. Je boue de rage à l'intérieur. S'il n'était pas mon petit frère, je lui aurais déjà mis le visage dans les braises de la cheminée.

Cette lettre est à moi. J'ai horreur que l'on touche à mes affaires. Même quand nous étions petits et que nous prenions notre bain tous les trois, car sinon nous refusions de nous laver si nous n'étions pas ensemble, quand je choisissait un jouet les jumeaux n'avaient pas le droit d'y toucher sous peine de risquer la noyade. Je suis comme ça, je ne partage pas. Jamais.
Pour lui c'est une simple lettre tout ce qu'il y a de plus banale, Anka l'a enchantée avant de me l'envoyer pour que ça ne tombe pas entre de mauvaises mains. C'est un simple sortilège d'illusion, quelque chose de basique mais tout de même efficace. J'ose à peine imaginer ce que père m'aurait fait si il avait pu lire ce que contenait réellement cette lettre...
Quand on aime quelqu'un, quand c'est un amour interdit et jugé contre nature, il vaut mieux le cacher pour être tranquille.

Une fille homo. Une fille qui n'aime pas les hommes. C'est déjà bien assez compliqué de trouver un bon parti. Alors si en plus il y a un problème... Quoi qu'il arrive, père essayera de me marier de force. Mais ça, je le jure sur ma propre vie : ça n'arrivera jamais. Je ne me laisserai pas faire. Je suis bien trop orgueilleuse pour ça. S'il savait, il m'aurait probablement fait regretter ma décision d'aimer une autre femme. S'il savait, père m'aurait marié précipitamment pour s'assurer que je ne diverge pas plus de la norme, pour que mon mari m'en fasse passer l'envie.

Je dois me calmer, sinon ça risque d'encourager Kamen à tout faire pour me pousser jusqu'à la crise d'hystérie. Autant dire que je préfère éviter d'en arriver là. Je sais de quoi je suis capable et je n'ai pas envie de lui faire du mal. Du moins, pas tout de suite. Pas ce soir. Je prend une grande inspiration et passe une main dans mes cheveux blancs.

« Tu n'a pas à toucher à mes affaires. Tu n'as pas non plus à te servir, encore moins quand c'est dans mon soutien gorge. »

Je relève mes yeux ambrés vers son visage. Kamen n'est plus un petit garçon, et j'en viens à regretter nôtre enfance où tout était plus facile. Son esprit jeune et facilement malléable me manque. Mais tout ça ? C'est de la faute d'Ilia. La garce qui nous sert de sœur ainée lui a retourner le cerveau. Et un jour, quand le moment sera venu je me vengerai d'Ilia. Et Kamen reviendra, je ferais en sorte qu'il n'ait pas le choix.

« Cette lettre, c'est la dernière qu'Anka m'a envoyée avant de mourir. »

Anka ? il l'a connue. Au même titre qu'Annushka et Elizaveta. Toutes les quatre, nous étions inséparables à Durmstrang même si nous n'étions pas toutes dans la même fratrie. Jumeau numéro un sait que nous étions amies. Comme tout le reste de l'école. Jamais l'une sans les trois autres. Ou du moins, c'est ce que tout le monde croit puisque Anka et moi nous nous isolions parfois afin d'être seulement deux. Mais ça personne de vivant mis à part moi ne le sait. Et les morts ? Ils ne parlent pas.

« Rends là moi s'il te plaît, j'y tiens c'est important pour moi. »

J'ai beau être polie, mon ton reste autoritaire et froid. Kamen a intérêt à obéir s'il ne veut pas réveiller la bête.

Son premier instinct était de fuir à toutes jambes et de se retirer dans son dortoir. Déclencher la colère de sa sœur était tout ce qu'il redoutait. Il ignorait ce qu'il lui avait pris de toucher à cette lettre, mais maintenant il n'avait plus le choix. Quelque chose en Oxana lui faisait perdre tout son sang froid, et si il l’évitait comme la peste il y avait une raison. Une confrontation n’était pas une bonne idée, pas en ce moment. Le poison empirait, il prenait plus possession de lui chaque jour. La semaine précédente, il avait pu sentir le fer remplir les veines d’un élève dans un couloir, et par instinct, il s’était arrêté. Le temps d’un battement de cœur, il avait eu envie d’arracher son artère. Il savait que c’était la démence, au fin fond de lui, qui commençait à prendre le pas. Il ne savait pas comment l’arrêter, et si elle il honnête envers lui-même, ça le terrifiait. Si Oxamen le poussait à bout, et qu’il n’arrivait pas à se contrôler, il ne voulait pas y penser. Mais l’imbécile de reine des glaces n’allait pas abandonner. Peut-être qu’il fallait couper les ponts une bonne fois pour toutes, lui dire qu’ils ne devaient plus se considérer comme frère et soeur. « Tu n'a pas à toucher à mes affaires. Tu n'as pas non plus à te servir, encore moins quand c'est dans mon soutien gorge. » Elle essayait de se détendre, du moins c'est l'impression que Kamen avait. En y réfléchissant, elle avait raison, Kamen ne pouvait plus se permettre ce genre de geste envers sa sœur. En arrivant à Poudlard, il s'était promis de l'approcher le moins possible, parce qu'il savait à quel point elle était toxique pour lui. Mais au final, il ne pouvait pas s'empêcher d'être près d'elle. C'était sa sœur, son sang. « Cette lettre, c'est la dernière qu'Anka m'a envoyée avant de mourir. » Kamen ne dit mot, et pourtant il compatit intérieurement au chagrin de sa sœur. Anka était sans aucun doute la meilleure amie d'Oxana à Durmstrang. Elle devrait être présente, ici, et étudier avec elle. Mais elle était morte, et Oxana avait mis du temps à s'en remettre. S'en était-elle vraiment remise d'ailleurs ? Kamen se sentait con, il n'avait plus envie de jouer. « Rends là moi s'il te plaît, j'y tiens c'est important pour moi. » La menace plane dans la voix d'Oxana, et Kamen ne veut pas lui faire du mal. Elle ne mérite pas ça malgré tout ce qu'elle a pu faire. Il se souvient encore quand elle lui criait dessus, pour qu'il torture Zahari lui aussi. La pression qu'elle lui mettait était insupportable. Maintenant, Kamen pouvait résister, mais ce soir, cela ne valait pas le coup. Oxana avait besoin de cette lettre, aussi futile soit-elle. Kamen se radoucit, et avec un peu de courage il prit une grande inspiration et tendit la lettre vers sa sœur. Malgré toute l'amertume qu'il avait pour elle, l'amour gagnait. Il murmura : « Je suis désolé ». Puis, il attendit qu'elle récupère son bien.

Mon frère n'est pas aussi bête qu'il en a l'air. Il me rend ma lettre, et va même jusqu'à s'excuser. Je la récupère et baisse les yeux un instant, restant silencieuse. Devoir en parler m'a fait du mal mais ça ? Je ne l'avouerai surement jamais, même si je ne peux malgré moi retenir une larme ma joue pâle. Je m'empresse de l'essuyer rageusement d'un revers de manche et de relever mes yeux encore humides vers mon cadet :
« Tu ne peux pas comprendre. »

Il n’a jamais eu mal comme moi. La vie est douce pour lui et même ses potions ne le font pas autant souffrir. Parce que ce n’est pas réel. Parce qu’après un certain temps le poison fini par disparaître. Moi ? Le décès d’Anka me hantera toute ma vie. Les effets secondaires qui empoisonnent mes veines sont permanents, et rien ne pourra jamais me sauver. Le temps m’apaisera probablement, mais je n’oublierai jamais.

« Tu aurais tout aussi mal que moi si Yassen partais. »

Malgré le remord que j’éprouve en vers Kamen, je ne lui souhaite pas de vivre une chose pareille. Il est mon frère, mon petit frère. Il est de mon sang et malgré sa trahison je ne peux pas m’empêcher de l’aimer aussi fort qu’au premier jour. Lentement, je m’approche de lui et l’enlace. Les démonstrations d’affection ? Elles sont rares dans notre famille, c’est ce qui les rend infiniment plus précieuses. Ma tête blonde contre son torse, je le serre dans mes bras. Il n’est plus un petit garçon et ça aussi, ça me fait de la peine. Je l’ai perdu et mon souhait le plus fort serait de le retrouver. Que nous soyons de nouveau tous les trois, comme avant. Comme au début. Je ne me rappelle pas de ma vie sans eux, j’étais bien trop jeune pour en avoir le moindre souvenir. Alors quand il est parti, je n’ai pas compris. Pourquoi ? Qu’est-ce que Ilia a de plus que moi ?! Elle est notre sœur, elle est une Yordanov. Du moins en apparence, car dans les faits elle me fait tout autant honte que Zahari le bâtard.

« Pourquoi ? »

Incompréhension. Je devrais peut être me montrer plus précise dans mon interrogation mais j’en suis incapable. Alors, je me contente de le fixer. Espérant naïvement qu’il me comprenne. Pourquoi tu t’es éloigné de moi Kamen ? Pourquoi à tes yeux, Ilia est une meilleur sœur que moi ?...

Quand Oxana récupère sa lettre, Kamen voit dans ses yeux un profond soulagement mélangé à une immense tristesse. Kamen déteste faire du mal à ses proches. Même si la famille est quelque chose de compliqué pour lui, il déteste voir ceux qu'il aime souffrir. Il préfère souffrir à leur place. C'est pour cela qu'il ne peut pas s'empêcher de s'empoisonner. Pour éviter d'empoisonner les autres. Mais il avait fait du mal à Oxana et il en avait bien conscience. L'enfant rebelle s'en voulait, et hésitait entre la culpabilité et la joie de vaincre. Il pouvait enfin se faire entendre face à sa grande sœur. « Tu ne peux pas comprendre. » Elle était catégorique, mais Kamen ne pouvait pas lui en vouloir. Même si Oxana ne lui a jamais vraiment parlé d'Anka, à la mort de la sorcière, il l'avait vu dévasté. « Tu aurais tout aussi mal que moi si Yassen partait. » Les paroles de sa sœur le touchèrent en plein cœur. Il ne pouvait pas s'imaginer sans son frère, son jumeau, sa moitié. Une vie sans lui serait impossible. Ils avaient grandis ensemble. Ils avaient soufferts ensemble. Yassen savait tout de lui, et il savait tout de Yassen. Ils étaient indissociables, et Kamen préférait mourir plutôt que d'être séparé de son frère. Alors elle se trompait. Il pouvait comprendre, il pouvait imaginer la douleur de la jeune femme. Mais il aurait tant aimé qu'elle puisse passer à autre chose, ici, à Poudlard. C'est là qu'elle avança vers lui, et l'enlaça. Comme une enveloppe, Kamen était soudain en sécurité dans les bras de sa grande sœur, ou c'était plutôt elle qui était protégé par la carrure de son frère. Le vert et argent lui rendit son étreinte. Surpris au début ; il ne voulait pas gâcher ce rare moment d'amour. Les démonstrations n'étaient pas le genre des Yordanov. Il ne se souvenait pas si son père lui avait une seule fois fais un câlin, et les bisous du soir de leur mère était presque un lointain souvenir. Avec Oxana, ils avaient toujours été proches, mais depuis quelques années maintenant, tout avait été rompu. Alors maintenant qu'il était proche d'elle, son corps contre lui, ses bras autour de ses épaules, il pouvait souffler. Il appréciait le moment car il ignorait si il durerait. Mais l'instant était inoubliable. « Pourquoi ? » D'une petite voix, elle lui posa cette question si étrange et pourtant si lourde en reproche, que Kamen eut du mal à la digérer. Il ne voulait pas l'entendre. Il resserra son étreinte, pour que sa sœur se taise, pour que tout ne soit pas gâché. Mais la grenade avait été dégoupillé, les rouages étaient en marche. Elle lui en voulait, comme il lui en voulait, comme ils s'en voulaient tous dans cette famille. Et Kamen ne supportait pas toute cette culpabilité, cette rancoeur. Fallait-il que la tempête explose à nouveau ? Le garçon soupira. Il s'écarta en silence de sa grande sœur et s'adossa contre le canapé. En passant une main dans ses cheveux, il essaya de gagner un peu de temps. Il décida d'éviter le sujet et de changer le cours de la conversation. C'était le mieux qu'il pouvait faire. « Tu t'habitues bien à Poudlard, toi ? » Une question banale qui le sauverait de la tornade Oxana.

Handicapés des sentiments. Attardés d'un point de vue émotionel. Il faut probablement blâmer notre éduation, quasi dépourvue de toute tendresse parentale. Maman s'occupait du bâtard et d'Ilya, les couvrant d'amour. Les jumeaux et moi étions avec papa, ignorés par nôtre mère et éduqués sévèrement pour faire briller le nom des Yordanov contrairement à nos deux aînés jugés imparfaits et indignes.

Plutôt que de nous attarder sur les futilités que sont les sentiments, mon frère me demande si je m’habitue bien à Poudlard. J'esquisse un sourire torve, perdant mes prunelles sur le feu mourant dans l'âtre de la cheminée que je m'empresse de raviver d'un coup de baguette.

« C'est étrange de fréquenter des impurs. »

Fierté du sang, porter son patronyme et son patrimoine fièrement, préserver cet héritage à tout prix. Les occidentaux sont plus tolérants que les slaves, sans doute à cause de leur climat moins rude que le nôtre. La magie ne devrait pas être enseignée au premier venu, cet art ancestral ne devrait être réservé qu'aux enfants des vieilles lignées prestigieuses. La mixité sociale, quelle connerie.

« Poudlard fais du bien à ma ligne, la nourriture des Anglais est tellement mauvaise que j'ai perdu du poids depuis la rentrée. »

Je soupire longuement, repensant avec nostalgie à notre ancienne école qui me manque tant. Poudlard est un endroit étrange, l'adaptation est difficile. Les Britaniques commencent peu à peu à cesser de regarder les élèves étrangers avec insistance, ils s'habituent doucement mais sûrement à nôtre présence maintenant que l'attrait de la nouveauté commence à se faner.

« Les Anglais aiment l'exotisme, un garçon de Serdaigle qui joue dans l'équipe de Quidditch m'a invitée à sortir. J'ai dis non. Je crois qu'il aimait juste mon accent et mes cheveux blancs, c'est exotique ça le change des rouquines Britaniques. »

Les hommes... Quelle plaie. Rien que d'imaginer les mains d'un mâle sur ma taille je suis prise de nausées. J'espère que Kamen sera assez malin pour ne pas sortir avec la première jolie fille venue, qu'il fera attention au rang de cette dernière pour ne pas nous déshonorer. De toute manière, il y a peu de chances qu'il choisisse lui-même son épouse, père s'en occupera pour s'assurer que l'union soit digne de l'héritier légitime. Du moins, de l'un des deux héritiers. Yassen aussi connaîtra le même destin amoureux. Une fille de sang pur, à qui il faudra faire un garçon pour que le nom perdure. Du moins, c'est comme ça que les choses devraient se passer dans la logique des choses. Mais ça n'arrivera pas. Tout simplement parce que j'ai d'autres plans en tête.

Celui qui croit naïvement que je ne suis qu'une jolie petite blonde à l'aspect frêle est un idiot. L'avantage, c'est que personne ne me soupçonne d'être mauvaise, ma véritable nature rares sont ceux qui la connaisse réellement.

« Les cours ici ont au moins l'avantage d'être intéréssants. J'aime beaucoup l'enseignante en potions. »

Avec Oxana, la tendresse ne dure jamais longtemps. Elle ne met pas longtemps à répondre à la question de Kamen, d'un coup de baguette elle rallume d'abord le feu, mais s'empresse de lancer : « C'est étrange de fréquenter des impurs. » La vipère. On ne peut pas lui en vouloir, elle a été élevée comme ça Oxana. Il faut la comprendre. Mais Kamen ne la comprend pas. La pureté du sang a toujours été un sujet sensible à la maison, et même à Durmstrang, mais lui refuse de se raisonner à détester les sangs impurs. Qu'ont-ils de moins purs qu'eux finalement ? Au fond, même Kamen n'est pas sûr d'avoir un sang si pur, avec tous les poisons qu'il ingurgite, le danger est bien présent, et son âme se trouve encore plus touchée que son sang. Kamen ne veut pas partir sur ce sujet avec sa sœur, il n'a pas envie qu'une fois encore, leur désaccords les mènent à se haïr. Car oui, à force de toujours se contredire, ils ne partagent plus grand chose, s'éloignent, se détestent, se déchirent. Oxana a sans doute compris le message, car elle change de sujet. Et pour une fois, Kamen est d'accord avec elle. « Poudlard fais du bien à ma ligne, la nourriture des Anglais est tellement mauvaise que j'ai perdu du poids depuis la rentrée. » Kamen éclate de rire, un rire nerveux, mais sincère tout de même. Lui aussi a du mal à s'habituer à la nourriture des occidentaux. À vrai dire, il est un fervent gourmand, et il n'est pas du tout rassasié à Poudlard. Il a déjà pensé à aller voler dans les cuisines, peut-être cela pourrait-il être une bonne idée de sortie qu'il pourrait partager avec sa grande sœur d'ailleurs. « Les Anglais aiment l'exotisme, un garçon de Serdaigle qui joue dans l'équipe de Quidditch m'a invitée à sortir. J'ai dis non. Je crois qu'il aimait juste mon accent et mes cheveux blancs, c'est exotique ça le change des rouquines Britaniques. » Kamen rougit et espère que sa sœur ne le remarque pas. Il a lui-même rencontré une rouquine britannique, une jeune serdaigle qui l'a complètement chamboulé, mais ça il ne l'avouera jamais. Dans tous les cas, il n'est pas surpris du succès de sa sœur, Oxana a toujours été magnifique. Même à Durmstrang, elle ne manquait jamais de recaler certains garçons, ils étaient tous à ses pieds. Oxana, la belle reine. Déchue de son trône. « Les cours ici ont au moins l'avantage d'être intéréssants. J'aime beaucoup l'enseignante en potions. » Kamen est soulagé d'apprendre que sa sœur n'a pas abandonné les cours. Tous les deux ont toujours été un minimum assidus à Durmstrang, et Kamen l'est un peu plus à Poudlard. Il est passionné par l'enseignement anglais, qui est bien différent de l'enseignement à Durmstrang. « C'est vrai que les cours sont sympa, il y a moins de pratique, mais les profs sont tous intéressants ! Tu as pris occlumancie comme option aussi ? » Si c'était le cas, ils partageraient au moins un cours, ce qui leur permettrait de se rapprocher un peu. « Pour la bouffe, il faut qu'on demande à père de nous envoyer des hiboux pour nous permettre de survivre, tu ne crois pas ? » Il aurait aimé qu'elle rigole avec lui, qu'elle soit un peu plus insouciante, mais Oxana n'est pas comme ça. Elle ne se livre pas. Jamais. Il ignore ce qu'il se passe dans la tête de sa sœur, mais il aimerait qu'elle sache qu'il sera là si elle a besoin, malgré tout ce qu'il s'est passé. Après tout, si elle a gardé cette lettre aussi près d'elle, c'est que quelque chose la hante. Elle n'en parlera pas aujourd'hui, mais un jour ou l'autre, Kamen saura tout. « Dis... tu as entendu parler de cette pierre de résurrection ? » Kamen sent la fatigue venir, il commence à bailler, mais n'a pas envie de remonter se coucher tout de suite. Les tensions semblent apaisées, autant en profiter.