hello, welcome home + (yathan)

Il marche dans les couloirs. Sa posture est droite et son pas est rapide. Aucune hésitation ne se fait pressentir chez le jeune homme, car il sait ce qu’il fait, il sait ce qu’il vient chercher. Plus que jamais auparavant, il sent son cœur battre dans sa poitrine, il sent son cœur battre dans sa poitrine comme il ne battra plus jamais dans celui de la femme qui était censée partager ses jours et ses nuits, son lit et sa vie. Il a oublié ce que cela faisait d’être vivant, mais pour elle, il s’en rappellerait, plus jamais il n’attenterait à sa propre vie.

C’était étrange la mort d’une personne, la réalisation que cette dernière ne serait plus jamais présente pour nous, que plus jamais, nous n’entendrions le son de sa voix. Il ne se souvient plus des derniers mots qu’il lui a dit, c’était probablement quelque chose de banal, comme lui prêter une plume ou une bouteille d’encre, lui demander son avis sur le meilleur cursus à suivre après la septième année. Yassen avait pensé entamer des études supérieures, mais maintenant, il en doutait de la pertinence.

Aussi étrange que cela ne puisse l’être, il ne se portait pas bien depuis la mort de Mérope. Quand il avait appris ses fiançailles avec cette dernière, il n’avait pas été particulièrement enchanté, il avait failli la tuer quand il l’avait rencontrée la première fois, il avait promis de lui rendre la vie infernale, lui qui avait été si furieux de se voir fiancé à un aussi mauvais parti quand son père avait la possibilité de lui trouver quelqu’un de meilleur. Être fiancé à la fille d’une veuve était une honte, mais pourtant, au fil des mois, il avait quand même appris à voir s’attacher ; ce n’était pas de l’amour qu’il avait ressenti, mais il ne pouvait pas le comprendre, il ne connaissait pas cette émotion qui faisait perdre la tête et battre le cœur. Il la confondait avec sa colère, avec sa propre rage.

Il arrive à la tour d’astronomie. Les lieux sont encore comme au premier jour, comme si la bataille était encore en cours. De pierres jonchent le sol, des craquelures se font voir dans les murs et les piliers alentours. De sa démarche souple, le jeune homme entre et aperçoit les boucles du lion, non loin de la fenêtre. Sa baguette est dans sa cape, mais le Bulgare ne la touche même pas, il a appris à vivre sans sa sorcellerie, il a appris à ne plus se reposer sur ses pouvoirs pour s’imposer. L’adrénaline l’envahit, tout comme la fureur, la satisfaction de celles qui précèdent un meurtre, mais il ne se laisse pas enterrer par ses émotions. La quarantaine lui avait appris à se contrôler : il pouvait boire un verre et se retrouver satisfait.

Il n’aurait aucune satisfaction jusqu’à la mort de cet homme.

« C’est charmant de te revoir ici. » formule-t-il d’un ton léger. « Comme quoi les coupables reviennent toujours sur les lieux de leur crime. » Il accentue bien le dernier mot alors qu’il avance en direction du brun. Un sourire se glisse sur ses lèvres fines du Bulgare. « Si tu avais entendu le cri de sa pauvre mère. »

Yassen baisse son regard vers le bas de la fenêtre, porte son attention sur l’herbe, les rochers, tout avait été nettoyé mais il avait encore l’impression de voir l’ichor de sa dulcinée sur chacune des pierres alentours. Même lui ne pouvait s’empêcher de trouver atroce cette mort, et c’était encore pire de penser que le coupable se trouvait tout juste à côté de lui, de penser que la personne responsable de ce suicide, qui avait poussé Mérope du haut de cette tour respirait, comme si elle le méritait encore.

La mère de Mérope était en dépression, elle avait hurlé en apprenant la mort de sa fille. Des membres de la famille de Yassen étaient parties la réconforter, mais le jeune homme doutait que la femme parvienne à vivre sans sa fille, et il savait qui blâmer. Dans sa tête, Ethan était le seul responsable de ce décès. Yassen avait contemplé le suicide, mais Ilia l’a sauvé. Ethan aurait dû être capable de faire de même.

« Je me demande si ta mère hurlera aussi quand j’en aurais fini avec toi. » Le timbre de voix de Yassen n’a pas changé, mais la lueur triste dans le fond de son regard laissait place à la folie. Mérope était la seule qui avait tenté d’éveiller de la douceur, de lui faire prendre conscience qu’il était un homme bien. Sans elle, il n'avait plus de limites.

Il pouvait dévorer le monde.

Hello, Welcome home

Mourir était aussi beau que cruel. Chacun naissait pour connaître un sort similaire, un sort qui comme les enchantements, les ensorcellements, pouvait être la plus belle chose au monde comme elle pouvait être la plus mauvaise, pour connaître une simple illusion qui se nommait la vie. Le passage sur cette terre, l’existence, pouvait faire rêver, amener son lot de bonheurs, mais pouvait aussi ne donner que son lot de malheurs. C’était une roulette russe, où chaque journée était une balle, où le barillet était un calendrier.

Qui sait quelle journée viendra nous tuer.

Yassen avait l’impression qu’une page de sa vie venait de se tourner. Il n’aurait pas su expliquer pourquoi il avait l’impression d’avoir confronté la mort. Tant de souvenirs lui manquaient, mais ceux de Mérope étaient encore clairs dans sa mémoire, allant de sa rencontre avec elle à son baiser, en passant par les moments bénins. Il n’avait jamais eu une haute estime des décédés. Il ne considérait que peu les morts, il ne pouvait pas aller devant une tombe pour déposer des fleurs, il ne pouvait pas prononcer des discours vains pour honorer une personne qui n’avait même pas été capable de vivre. Une partie de lui est contente d’être coincé dans cette école pour ne pas se rendre aux funérailles. Les vautours auraient été ravis de tourner autour de sa famille en rappelant que le benjamin avait perdu sa fiancée avant même de l’avoir marié. Cela ferait tellement plaisir au monde de savoir qu’il détruisait tout ce qu’il touchait.

Il constate avec amusement le visage rougi de son camarade, les joues collantes sur lesquelles les larmes avaient ruisselé. Yassen n’avait jamais vu un homme pleurer, mais il trouvait le spectacle fascinant, il devait l’admettre, il le regardait avec un mélange de contentement et de dédain. Il ne comprend pas la tristesse, il faut dire, Yassen, il a appris à conserver ses sentiments au plus profond de lui, à laisser le monde apprécier sa colère, faisant outre de ce que pouvaient ressentir les autres, se perdant dans le chaos, les plaisirs artificiels. Comme une fleur, la mort ouvrait grand ses pétales dans le creux de ses mains.

Ethan semble réellement touché par la mort de Mérope, mais il ne se retient pas pour répondre à Yassen, en lui disant qu’il pouvait repartir si c’était pour prononcer de telles paroles. Il continue en disant qu’il ne savait rien, qu’il n’avait pas à se la ramener et qu’il se fichait de ses menaces. Apparemment, il voulait la paix. Quel naïf de vouloir la paix quand il avait déclenché la guerre, mais en même temps, à quoi devait-il s’attendre de la part d’un imbécile de lion. Pourtant, il avait eu l’opportunité de sauver la jeune femme, il aurait pu lui tendre la main. Si Ethan voulait la paix, alors Yassen ne la voulait pas, il ne voulait pas que Mérope repose en paix, il la voulait en vie.

Malheureusement, même dans leur monde, les morts ne pouvaient pas revivre. Alors, à défaut, il fallait trouver une autre manière pour les contenter et dans l’environnement médiéval où avait grandi le brun, cela passait par le prix du sang, par la seule loi que suivait le jeune homme, la loi du talion. Pour chaque goutte du sang de Mérope qui avait coulé sur le sol, qui avait nourri l’herbe, une autre la remplacera.

D’un mouvement brusque, la main de Yassen entoure le cou d’Ethan, alors qu’il resserre la pression autour de ce dernier, sentant la carotide battre, comme elle ne battrait plus jamais dans le cou de Mérope. La sienne avait éclaté, en larmes, quelque part en bas de la tour d’astronomie, et peu importe si elles étaient effacées, leur marque resterait à jamais indélébile. « Non Prewett, non. » fait Yassen en secouant la tête, désapprobateur, resserrant son étau. Il n’avait pas fait ça depuis si longtemps, si les circonstances avaient meilleures, cela en aurait presque été vivifiant. « Tu penses vraiment que tu peux la tuer sans avoir des conséquences. Tu penses vraiment que tu es innocent. Tu ne l’es pas. » Yassen pousse Ethan contre le mur, toujours les doigts autour de son cou. Autour de lui, les vases explosent, se cassent, se brisent. Comme un enfant, il ne parvient plus à contrôler ses émotions, ses débordements de magie. Son visage est crispé par la haine et par la colère, il ne sait pas quoi faire de toute sa fureur. « Tu savais qu’elle allait faire le saut, mais tu n’as rien fait pour l’en empêcher. Tu l’as regardée mourir. Au fond, ça t’arrangeait qu’elle se foute en l’air. » Yassen prononce ses mots avec une diction impeccable, pour une personne aussi enragée, mais il tient à ce que son camarade le comprenne, qu’il garde ses mots en tête. « Tu n’es rien d’autre qu’un meurtrier. »

Hello, Welcome home

Il y a quelque chose de divin dans l’acte d’étranglement. Les doigts du jeune homme enlacent le cou de son camarade. Il appuierait un peu plus fort et il lui couperait le souffle. Qu’à cela ne tienne. Yassen resserre son étreinte en appréciant la sensation de la chair contre sa paume, en anticipant le plaisir de voir les bleus teinter cette peau blanche, en apparence, innocente, mais dont il connaissait tous les secrets. Il ne sait pas pourquoi Ethan a fait la bêtise de venir au sommet de cette tour, mais il connaît sa réputation : un borné, sociable et protecteur, mais qui avait une faiblesse, celle de se faire guider par ses émotions.

Yassen sait ce qui se trame dans l’esprit de son camarade. Il doit se demander pourquoi il le traite de meurtrier quand c’est lui qui est en train de l’étouffer, mais ce que les natifs oubliaient était que cela ne lui faisait rien de tuer. Des meurtres, il en avait tenté, des morts, il en avait planifié. Son plus grand regret, ce serait de ne jamais avoir pu faire la Grande Bataille. À penser qu’il se destinait à quelque chose de plus grand, celle de rappeler que personne ne lui ferait du mal et que personne ne l’atteindrait. Yassen était un dragon, brûler le monde, cela ne l’atteignait pas ; il n’était pas fait pour vivre sur terre.

Du haut de la tour d’astronomie, Ethan verrait enfin les étoiles.

Le jeune homme se débat et réussit à attraper sa baguette. Yassen la regarde du coin de l’œil, mais ne réagit pas, une erreur dont il se rend compte quand sa victime lui jette un sort, qui le repousse contre un mur, à l’extrémité de la pièce. Sa tête frappe la pierre alors qu’il s’écroule au sol. Des images lui reviennent. Il revoit des images de Durmstrang, des armes et des dagues, des lances et des poignards, il se revoit devant un groupe de jeunes hommes, il entend ses hurlements. Tout cela lui confirmait ses souvenirs du club de combat. Il était un combattant, un homme et un guerrier.

Quelque chose de chaud coule dans ses cheveux. Passant sa main derrière sa tête, le brun la ramène à son visage pour constater la présence d’un liquide chaud, rouge et poisseux. L’odeur suffirait à lui faire perdre ses moyens. Fermant les paupières, il se concentre pour garder le contrôle, pour se concentrer sur la raison de sa présence en ces lieux ; le faire souffrir, le faire payer, et les pas d’Ethan, ils sont distraits, mais ils ne le distraient pas, tout à fait. Le lionceau brandit sa baguette, mais s’assure de demeurer loin. Il fait bien. Il garde son calme en avisant son camarade qu’il n’avait pas envie de se battre, et qu’il n’était pas trop tard pour faire marche arrière. Yassen rit. Il se relève sur ses coudes. Il regarde son camarade de haut en bas.

« Tu trembles. » C’est l’observateur qui prend place. Yassen a une grande liste de défauts, mais il avait tellement formé de gens à l’art du combat qu’il était en mesure de lire leurs défauts. « Tu as peur. » Ce n’est pas une question, c’est une affirmation. Yassen se lève, même s’il sait que la baguette est toujours dirigée vers lui. « Tu devrais avoir peur. »

Il s’approche de son ennemi. Il sait qu’Ethan ne lui jettera pas le moindre sort. S’il voulait invoquer la légitime défense, il ne pouvait pas attaquer en premier. Même s’il voulait l’invoquer maintenant, il ne le pouvait pas, un trop grand laps de temps s’était écoulé depuis l’incident de la strangulation. De plus, le problème avec la légitime défense était qu’elle avait ses limites… Un peu trop fort et elle devenait une attaque.

« Je n'ai plus rien à perdre, mais t'étrangler était une erreur. Comparativement à toi, je ne suis pas un meurtrier. » Il sourit. Il monte sa main tatouée vers le visage d’Ethan, lui caressant la joue. « Je vais donc te laisser à moitié mort. »

Comme un animal, il agrippe les cheveux d’Ethan, le jette au sol, s’assurant que sa tête frappe bien le plancher, au passage. Il lui donne un coup de poing au visage, éraflant ses phalanges au passage. Profitant du moment pendant lequel le Prewett est hébété, il lui arrache sa baguette des mains, sans sort, sans rien, pour la jeter au loin, avant de se relever, passant la paume de sa main sur sa peau écorchée. « Je parie que tu te demandes comment je vais faire. » C’est un commentaire sans raison d’être, mais il s’amuse, Yassen. Cela faisait un bon moment qu’il ne s’était pas adonné à la torture. Les souvenirs de son demi-frère reviennent à la surface, mais il les chasse. Il regarde le jeune homme allongé devant lui. Son accent est à couper au couteau, alors qu'il continue. « C’est bien simple. Le corps humain compte 206 os. » Du bout du pied, il soulève le majeur de la main d’Ethan, de sorte à ce qu’il soit en position verticale par rapport au plancher. « Je vais t’en casser 103. » Le bout de sa botte glisse le long du majeur. Sans ménagement, il écrase le doigt, qui maintenant, cette fois, se trouve en position horizontale par rapport au sol. Le craquement se fait entendre.  

Ne bouge pas trop, Prewett.

Je pourrais perdre mon compte.

Hello, Welcome home