Des flashes. Dès qu’il ferme les yeux les images se découpent sur ses paupières. Fiévreux, il tente de se réveiller, d’échapper à ces cauchemars. Rien n’y fait. Il retombe dans un sommeil agité où le film de la nuit précédente se déroule. Une fourrure sombre. Des yeux de charbons qui sondent son âme. Des griffes sales qui lui déchirent le flanc. La douleur, les grognements, le cri de panique. Des crocs blancs qui luisent à la lumière de la lune. Le goût du sang. Le sang de la louve et son sang à lui. Ses griffes qui se plongent dans le muscle de l’adversaire. Ça crisse étrangement, comme un ongle sur un tableau noir. Ça hurle, ça se débat. Il se débat. Les canines ivoires ont traversé son pelage épais. Elles ont atteint la chair. Le blanc immaculé se tâche de pourpre. La douleur, la terreur. Le courage, aussi. Il ne peut pas l’abandonner. Pourtant, on s’acharne à le faire partir. Des griffes, encore. Des morsures, toujours. Enfin, ça s’arrête. _________
Skye se réveilla dans un sursaut. Ses draps, trempés de sa sueur, semblaient vouloir le retenir prisonnier. Des draps d’un blanc éblouissant, des draps d’hôpital. Ils auraient dû être rouge et or. Où était-il ? Skye se redressa et sa hanche protesta avec fureur. Merde. L’infirmerie. Les souvenirs affluaient enfin. Il s’était traîné à travers le château, avait réveillé Zirwya. Il avait perdu connaissance et, à son réveil, Ariel dormait à ses côtés sur une chaise en bois. Il l’avait forcé à rejoindre son dortoir. Elle non plus n’avait pas fermé l’œil de la nuit, il fallait qu’elle se repose. Ses plaies avaient été pansées. L’infirmière lui avait expliqué qu’avec les onguents et potions, il serait rapidement debout malgré les accès de fièvres qu'ils provoqueraient. Elle n’avait pas mentit sur la fièvre. Il était tombé dans un long sommeil délirant. D’après les rayons de soleil rougeâtres qui traversaient les vitres, il avait dû dormir toute la journée. Il y avait des fleurs et des messages sur son chevet. D’un geste las, Skye s’en saisit. Ariel était repassée le voir. D’autres amis avaient laissé des mots. Le nom de Katarina s'y trouvait aussi. Skye laissa tomber sa tête sur son oreiller avec lourdeur. Il déposa les messages de ses amis sur la table de nuit. Il détestait imaginer qu’ils s’étaient tous tenu à son chevet alors qu’il dormait. La honte, putain. Qu’est-ce qu’il allait bien pouvoir leur raconter ? Je me suis battu contre un loup-garou, mais tout va bien, no stress. À Kat, il dirait la vérité, bien entendu. Elle allait l’étrangler d’être sortit une nuit de pleine lune, surtout après sa propre attaque. Était-ce le même lycan qui les avait blessés ? Si seulement il pouvait lui dire la vérité à propos d’Ariel. Histoire d’éviter la crise d’hystérie. Pourtant, il ne s’était pas privé de paniquer quand elle lui avait raconté avoir été attaquée par un loup-garou.
De mauvaise humeur, il lança un regard autour de lui. L’infirmerie avait l’air pratiquement vide. Quelques jours plus tôt, après les événements de la Grande Salle, elle avait faillit déborder. S’asseyant avec lenteur sur le bord de son lit, Skye examina ses blessures. Ses plaies le faisaient encore souffrir mais d’ici à demain matin il devrait pouvoir sortir de l’infirmerie. Tant mieux. Si le loup-garou venait visiter les malades, il n’aurait aucun mal à savoir qui se cachait derrière la panthère des neiges de la nuit précédente. Ce qui souleva une question dans l’esprit embrumé du griffon. Était-il possible que le lycan se retrouve à l’infirmerie? Sans plus réfléchir, il se releva et parcouru la pièce d'un pas boiteux. Sa hanche hurlait de douleur mais il s’en moquait. Il n’y avait qu’une seule autre personne, à quelques lits de lui. Des boucles brunes, un carnet de croquis. Gabriel.
« Qu’est-ce qui t’amène ici ? »
Pas de bonjour, pas de sourire. Gabriel avait perdu ce privilège depuis l’année passée. Depuis qu’il avait remué cette chose si profondément en lui, puis était partit sans un mot. Depuis qu’il avait dessiné la forme animale de Katarina et semblait vouloir la faire chanter. Depuis qu’il venait de devenir un suspect au sujet de l'attaque de loup-garou.