Before the morning sun, when life was lonely ◐ Cassadona

Parfois, tout semble épuisant, inutile. Se lever, manger, apprendre… Pourtant, s’il y a bien une chose que Bell adore, c’est bien la découverte. Mais aujourd’hui, alors qu’elle laisse son gruau s’écouler de sa cuillère pour retourner dans son assiette, Belladona n’est vraiment pas d’humeur. La tête posée sur sa paume, elle est dans ses pensées, amorphe, ce qui n’est… Véritablement pas elle. Quel est l’intérêt d’être revenue à Poudlard si c’est pour subir à nouveaux les bizarreries, l’angoisse et les règles inutiles ? Belladona n’aime pas du tout ce qui est en train de se passer. Elle sent les muscles se tendre, les sourires forcés, la peur. Elle a appris à la reconnaître, et aujourd’hui, elle la sent comme une effluve soumise, comme un relent que l’on n’arrive pas encore tout à fait à identifier. Mais elle, elle la connait cette puanteur. Belladona renifle bruyamment alors que sa tête manque de tomber sur la table. Il faut qu’elle se bouge. Elle souffle un coup et porte sa cuillère à sa bouche, bien décidée à se reprendre en main. Moins ruminer, pour agir plus, voilà.

Mais ça, c’est sans compter sur un de ses camarades rouge et or bien trop excité qui se vautre sur le banc juste à côté d’elle et se cogne violemment dans son coude. Du gruau plein son tee-shirt, elle se retourne d’un bloc, excédée. « Mais putain, Matt ! Fais gaffe, merde !
- Oh, ça va princesse, c’est rien. » L’autre prend une serviette et essuie grossièrement, étalant plus la tache qu’autre chose. « Contente ? » Bell lui adresse un sourire forcé, une grimace dissimulant à peine le fond de sa pensée: quel con. Quel con, et ce n’est vraiment pas son jour. Elle souffle un coup et pointe sa baguette sur sa tache avant de lâcher d’une voix clairement blasée « Recurvite. » Elle agite sa baguette, la frappe contre sa jambe. Elle sait bien qu'il est interdit de faire de la magie en dehors des salles de classe, mais c'est pas un petit sortilège à la con qui va créer des problème, quand même ? Satanée magie qui n’en fait qu’à sa tête ! Alors qu’une boule se forme au creux de son ventre, elle réitère son incantation : « Recurvite ! Ouf, la tâche commence déjà à disparaitre.
- Tu vois t’étais prête à m’embrouiller alors qu’en un tour de baguette c’est disparu !
- Oh, lâche moi. »

Elle lui tourne délibérément le dos alors qu’il lui adresse un regard incrédule. En tant normal, elle aurait surement commencé un bataille de nourriture au lieu de juste râler. Matt hausse les épaules et se détourne, elle sera sûrement de meilleure humeur plus tard.
Bell, elle, n’en est pas sûre. Elle l’a senti, ce matin, en posant le pied sur la dalle froide de son dortoir, que ça allait être une mauvaise journée. Elle attrape la carafe de jus d’orange et s’en verse un bon verre tout en parcourant la salle des yeux. Des éclats de rire retentissent alors que des chuchotements forment une toile de fond. Tout pourrait sembler normal, mais… Rien ne l’est.

Au loin, Bella aperçoit Cassandre. Par habitude, elle lève le bras et l’agite dans sa direction, jusqu’à retenir son attention ; Même si rien n’est plus comme avant, Cass reste Cass. Tout est compliqué cette année, mais aujourd’hui, Bell a juste envie de retrouver son amie, sa Cassie.
 

Les mots ne sont pas que des mots. Ils sont vivants et nous rendent vivants, ils nous rendent notre humanité et nous rappellent les sensations qu'on a pu oublier auparavant. Les mots sont des trésors précieux qu'il faut garder en mémoire, pour ensuite pouvoir les raconter, raconter des merveilleuses histoires pleines de mots qui pourront toucher les autres. Mais les mots peuvent blesser. Cassandre était une femme blessé. Et pour guérir ses blessures, elle avait petit à petit pris l'habitude de les noyer dans l'alcool. Elle y noyait à la fois ses peines, ses larmes et sa colère. Une colère si grande qu'elle lui était impossible de l'exprimer. Elle la contrôlait parfois, faisait d'elle un pantin, une marionnette dont elle seule pouvait être maître. Depuis plusieurs jours, son lieu fétiche s'était trouvé être les vieux couloirs de Poudlard, détruits et interdits au public. Bien sûr les années passées elle adorait venir passer du bon temps dans les couloirs, bravant les règles, mais cette année c'était devenu son refuge. Les tableaux étaient finalement presque de bonne compagnie..  En attendant, le soleil lui fit signe qu'il était temps qu'elle s'en aille. Elle avait passé la nuit hors de son dortoir, échappant aux Aurors, échappant au concierge. Elle avait passé son temps à penser, et repenser. Elle réfléchissait à sa dernière rencontre avec Azarov, dans la Tour d'Astronomie. Elle repensait à cette foutue marche blanche, et à ce crétin de Directeur. Elle repensait à Yuri, et la passion qu'ils partageaient pour les mystères de la mort. Mais surtout, elle pensait à ce qu'elle allait se mettre sous la dent. Tant pis si elle n'était pas présentable, elle se fichait pas mal des remarques que lui feront les élèves.

Quand elle pénétra dans la Grande Salle, les conversations allaient bon train. Elle allait se diriger vers sa place habituelle, pas loin de Pandore, quand quelqu'un lui fit signe. Elle reconnut la chevelure blonde décoiffée de sa meilleure amie. Billie lui afficha un sourire enjoué, mais elle avait les traits tirés, et semblait de mauvaise humeur. Cassandre se dirigea vers elle pour prendre place en face d'elle. Elle se servit du café, alors qu'elle remarquait qu'une tache semblait persister sur le haut de sa camarade Gryffondor. Elle ne dit rien. Les choses étaient compliquées entre elles depuis le début de l'année, et Cassandre ne savait pas comment crever l'abcès. Il était évident que Billie lui en voulait pour quelque chose, mais quoi ? Les deux inséparables n'étaient pas aussi proches qu'avant. Cassandre était d'ailleurs agacée de voir sa meilleure amie traîner avec Lionel Lemaire, un français qui pétait plus haut que son cul, complètement inintéressant. Elle lui aurait fait bouffé ses badges et chaînes décoratives de son uniforme lors de la marche blanche. Cassandre soupira, après tout, si Billie lui avait fait signe de la rejoindre, c'était déjà une bonne chose. « Alors, la journée commence mal ? » Elle croqua un bout de pain qu'elle avait recouvert de confiture. Puis, elle jeta un œil à la table des professeurs. Ceux-ci semblaient beaucoup plus tendus depuis la marche blanche, et les nouvelles règles du directeur. Cassandre inspecta le paysage, elle remarqua que deux Aurors se tenaient près de la porte d'entrée, deux autres faisaient des allers et retours entre les tables. Ils étaient fliqués comme en l'an quarante ! « Non mais c'est dingue ! On a perdu toute liberté, tu ne trouves pas ? » lança-t-elle à Billie. Il était trop tard pour se rendre compte de sa gaffe. La situation n'était pas à plaindre, en comparaison à ce qu'avaient du vivre les écoliers sorciers lors de l'année où Rogue étaient directeurs. Elle mit sa main à sa bouche, mais il était trop tard, le mal était sorti.
 

© BLACK PUMPKIN

Rien n'était comme avant et lorsque Belladona aperçut la légère hésitation de son amie, elle sentie sa boule au ventre grandir imperceptiblement. Une simple habitude prise au fil des mois par sa meilleure amie, alors que Bell passait généralement sa main sur le crâne de son ami français accueilli par les rouges et or avant de s'asseoir à ses côtés. Elles s'éloignaient, imperceptiblement, creusant la tombe de leurs belles années qui ne cessait de s'élargir. Chacune prenait de nouvelles habitudes, prolongement de ces deux années qu'elles n'avaient pu passer l'une avec l'autre, de ces deux années qui formait un gouffre que Bella trouvait parfois infranchissable. Mais aujourd'hui, elle avait tendu la première corde, elle avait fait le premier pas... Elle espérait juste avoir la force de maintenir ses efforts et de ne pas laisser sa fragile construction s'écrouler.
Bell se mordit la lèvre alors que Cass se dirigeait vers elle. Il fallait dire que c'était sa faute, un peu, alors elle pouvait bien faire le premier pas.

« Alors, la journée commence mal ? » Belladona jeta un regard entendu à Matt, son camarade, qui se contenta de hausser les épaules, avec un sourire. Elle soupira, remit une des nombreuses mèches rebelles de ses cheveux en place et balança gentiment son coude dans les cotes de son voisin. « Elle aurait pu mieux commencer... » Elle jeta un regard entendu à Cassie, la tâche de gruau encore clairement visible. « Et puis avec cette satané magie qui en fait qu'à sa tête, c'est carrément la galère. Hier soir, j'ai du passer, genre... Au moins vingt minutes dans les escaliers ! Ils étaient devenus fous, à bouger dans tous les sens... Une vraie cata. » Bella sourit à Cassandra, essayant de toute ses forces d'être elle, d'être cette Bella, d'avant, la bavarde qui n'en voulait à personne, la jeune fille insouciante qui n'avait d'autre préoccupation que satisfaire les attentes démesurées de sa génitrice.
Mais aujourd'hui, tout était matière à problème. Les escaliers se prenaient pour des manèges et les baguettes devenaient capricieuse. Belladona savait que Cassie pensait comme elle ; elle suivit son regard et elle détailla un auror posté près de la porte d'entrée, sa cuillère dans la bouche.

« Non mais c'est dingue ! On a perdu toute liberté, tu ne trouves pas ? » La jeune gryffondor sentit un filet humide et glacé caresser son épiderme, le long de sa boursouflure. Elle se retourna lentement vers cette femme en devenir, assise en face d'elle, et une fois de plus elle eu l'impression qu'elle était à des années lumières de là. La cuillère dans la bouche, le manche frôlant le bout de son nez, la scène aurait pu être comique s'il n'y avait eu ce fugace éclair de douleur dans ce regard noisette. Elle déglutit et sortie l'ustensile en métal d'entre ses lèvres. Elle tenta d'afficher un sourire qui se voulait bienveillant, l'air de dire "Ne t'inquiètes pas, tout va bien". Et pourtant, une fois de plus, Cass était totalement à côté de ses pompes. « Disons que ça pourrait être pire... »

« Tu me passes le bacon, s'teuplait ? » Pour se donner contenance, pour changer de sujet. Se raccrocher au quotidien rassurant.
Elle déposa deux bonnes lamelles de viande dans son assiette et reposa le plat sur la table, remerciant son amie d'un sourire. « Mais et toi, alors, t'était où cette nuit ? » Elle baissa la voix, s'avançant sur le banc, s’immisçant dans la confidence « Il me semble que ton lit est resté bien vie... » Elle sourit, avide de sentir ce lien qui les unissait autrefois, encore une fois, rien qu'une fois.

 

Cassandre regarda Belladona. Elle partageait un coup d'oeil complice avec son ami Gryffondor. Cassandre en pourrait presque être jalouse, avant, c'était elle que Billie regardait ainsi. Mais c'était avant que les choses ne se compliquent entre elles. Avant que Cassie ne quitte Poudlard. Avant que la guerre éclate. Désormais, elles devaient essayer de reconstruire leur amitié, de refermer les plaies, comme les ouvriers du ministère essayaient de réparer le château. « Elle aurait pu mieux commencer... Et puis avec cette satané magie qui en fait qu'à sa tête, c'est carrément la galère. Hier soir, j'ai du passer, genre... Au moins vingt minutes dans les escaliers ! Ils étaient devenus fous, à bouger dans tous les sens... Une vraie cata. »  Billie souriait. Et ce sourire était adressé à Cassandre. La jeune fille aux cheveux colorés n'en pouvait être qu'heureuse. Elle eut envie d'éclater de rire, imaginant très bien la scène. Les escaliers n'en faisaient qu'à leur tête, ce n'était pas nouveau, mais ils étaient encore plus capricieux que d'habitude et ça c'était insupportable. Déjà que Cassandre n'était pas une pro pour être pile à l'heure, elle arrivait encore plus en retard à cause de la magie qui perdait tout son sens. Mais encore une fois, le petit moment de complicité s'éteignit aussi vite qu'il était arrivé. Belladonna se tendit quand Cassandre grogna. « Disons que ça pourrait être pire... »  La froideur de Billie donna un frisson à Cassandre. Les choses ne pourraient pas être comme avant, à quoi bon essayer ? Cassandre lui passa le plat de bacon qui sentait bon, les elfes avaient toujours le don de donner encore plus faim à Cassandre.

« Mais et toi, alors, t'était où cette nuit ? » demanda Belladonna en se servant quelques tranches du succulent bacon fumé. « Il me semble que ton lit est resté bien vie... » Et cette fois-ci, Billie lui offrit un joli sourire, complice. Parce qu'au fond, Billie savait où allait Cassie lors de ses échappées nocturnes. Elles le faisaient ensemble autrefois. Lors du tournoi des Trois Sorciers, elles étaient allés espionner quelques slaves sur le lac. Le souvenir était à la fois si précieux et si douloureux. Ça lui manquait tellement à Cassandre, de pouvoir s'enfuir avec sa meilleure amie. Elle aimerait retenter l'expérience, rien qu'une fois, et la lueur dans le regard de Billie lui disait qu'elle aussi. « Comme d'habitude, enfin je vais un peu partout... J'ai eu une longue conversation avec certains tableaux qui trouvent que les étrangers ne prennent pas assez le temps de les regarder. Si tu veux mon avis, ils sont vexés, parce que les étrangers ne sont pas aussi polis que nous pour les écouter parler pendant des heures. » Un regard complice, une flamme qui renaît doucement de ses cendres. Comme si elles étaient deux plumes d'un même phénix. Comme si elles étaient aussi liées que des jumelles. Parce que leur amitié vivra. « Je t'ai manqué ? » plaisanta-t-elle. Mais derrière la blague, il y avait une part de vérité. Il fallait qu'elle dise oui.
 

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« Mais et toi, alors, t'étais où cette nuit ? ... Il me semble que ton lit est resté bien vide... » Une phrase toute simple, qui pourrait presque paraître innocente et qui pourtant était lourde de sens. Avant, Belladona n'aurait même pas eu à poser cette question, même juste pour rire, même juste pour vérifier. À vrai dire, son lit aurait même probablement été jumeau de celui de sa copine, vide et défait. Billie & Cassie avaient passé tellement de temps loin de leurs dortoirs, s'accompagnant mutuellement lors de leurs insomnies respectives. Les paroles murmurées de son amie résonnaient encore dans ses oreilles « Hééé, Billie... Réveille toi... Allez quoi, sois sympa, c'est moi qui t'aie accompagnée l'autre fois... ». Belladona se levait à chaque fois, des grognements pleins la bouche, parfois, tout comme Cassandre le faisait pour elle.
Elles n'avaient pas besoin de raison, parce que c'étaient elles leurs suffisait.

Mais, aujourd'hui, Belladona en aurait pleuré si Cassandre avait finalement brisé leur rituel, si elles étaient si éloignées que Belladona n'était même plus capable de prédire l'itinéraire des ballades nocturnes de sa Cassie. Pourtant, son cœur se serra tout de même. Elles ne se réveillaient plus la nuit... Sa place aurait dû être avec elle.
Pourtant, elle affichait un sourire, pâle reflet des méandres de ses sentiments. Elle essayait d'afficher ce qu'elle voulait retrouver, ce qu'elle voulait recréer et elle espérait au fond d'elle même ne pas juste prendre à une affreuse pièce de théâtre particulièrement mauvaise.

« Comme d'habitude, enfin je vais un peu partout... J'ai eu une longue conversation avec certains tableaux qui trouvent que les étrangers ne prennent pas assez le temps de les regarder. Si tu veux mon avis, ils sont vexés, parce que les étrangers ne sont pas aussi polis que nous pour les écouter parler pendant des heures. » Belladona ricana et manqua de cracher un bout de bacon. Les tableaux, à Poudlard, étaient une réelle attraction. Belladona aimait d'ailleurs tout particulièrement celui de Circé, figure emblématique de la Grèce antique qu'elle avait eu plaisir à retrouver dans ce château, lors de sa première année. Même si la jeune Gryffondor S'était tout de suite sentie à Poudlard comme chez elle, quelques repères ne faisaient pas de mal. Son bacon ravalé, elle rebondit d'ailleurs sur une autre anecdote. « Et, tu te souviens de la fois ou le Chevalier du Cadogan a pas voulu nous laisser entrer dans la tour parce qu'on ne voulait pas le défier en duel ? Il est pas resté longtemps celui là ; Ils se rendent pas compte de la chance qu'ils ont, la plupart des tableaux sont franchement pas chiants ! » Elle lança un regard entendu à sa copine. Vraiment, tant que vous n'aviez pas échangé avec Siiiiiir du Cadogan, vous ne saviez pas ce que pouvait être un tableau excessif. Elle avala une gorgée de jus de citrouille.


« Je t'ai manqué ? » Un silence, comme une poussière suspendue dans un rayon de soleil. Oui ? Non ? Parfois tout semble suspendu à un simple mot. Un son qui peut tout changer... Belladona lui répondit par un geste en lui envoyant son pied dans le tibia. Un signe, un geste de ralliement. C'était comme ça qu'elle s'étaient rencontrées, les deux griffonnes. Un balancement de pied mal géré, des paroles de mécontentement, un affrontement de volonté et de rires. Beaucoup de rires qui scellèrent une amitié qui s'était finalement développée dans les bleus aux tibias. Certains trouvaient ça bizarre, elles elles s'en fichaient. « Comme toujours. » Un sourire mensonger, qui laisse croire à une quelconque légèreté. Pourtant, Bell pèse ses mots, elle en pense chaque syllabe. C'est dur à dire, dur à exprimer, mais Cassandre, sa Cassie lui manquait terriblement. Peut-être que pour aujourd'hui cette purée noire qui échauffait le sang de la blonde se tiendrait tranquille ; peut-être que ce venin qui s'écoulait en elle, qui prenait naissance dans la boursouflure de son dos, peut-être qu'il resterait loin, la laissant libre. Libre d'aimer Cassandre malgré sa distance, malgré son incompréhension, malgré tout.

Elle laissa un temps mesuré, un espace de paix suspendue. Puis, elle ouvrit la bouche, parce qu'il fallait bien revenir à la réalité. « Et elle a quoi, Pandore ? Elle est cheloue un peu en ce moment, non ?»

 

Plusieurs émotions défilèrent dans les yeux de Belladona. Cassandre lisait en elle comme dans un livre ouvert, il en avait toujours été ainsi. Elles étaient le noyau d'un même fruit, et malheureusement ce noyau se divisait un peu plus chaque jour depuis quelques temps. Cassie aurait pu parier que Belladona pensait à la même chose qu'elle à ce moment là : à leurs escapades communes hors des dortoirs des filles. À leurs excursions à travers l'école et leurs idées farfelues. Tout cela lui manquait à elle aussi. Puis, la nostalgie laissa place au rire. Billie s'esclaffa en entendant Cassie se moquer des tableaux. « Et, tu te souviens de la fois ou le Chevalier du Cadogan a pas voulu nous laisser entrer dans la tour parce qu'on ne voulait pas le défier en duel ? Il est pas resté longtemps celui là ; Ils se rendent pas compte de la chance qu'ils ont, la plupart des tableaux sont franchement pas chiants ! »  Cassandre se souvenait parfaitement de cet épisode. C'était l'année où la Grosse Dame avait été agressé par Sirius Black, le prisonnier d'Azkaban qui s'était échappé. Au final, il n'était pas un criminel, et Cassandre aurait aimé pouvoir le rencontrer pour lui témoigner son soutien, mais il était mort avant... Elle se souvenait de ce moment où le chevalier du Cadogan avait été insupportable, et de la façon dont Billie l'avait envoyé paître. Elle revivrait ce moment autant de fois que possible ! Parce qu'avec Billie, elles avaient toujours su trouver le bonheur, le rire, dans les ténèbres. Et elles auraient pu le faire si Cassie avait été présente lorsque Rogue était directeur. Elle aurait pu soutenir Billie et faire comme toujours : voir la lumière dans le noir. Mais elle n'était pas revenue à Poudlard. Ses parents étaient activement recherchés par les mangemorts, ils auraient pu apporter de précieuses informations à Voldemort, et Cassandre s'était cachée avec eux. « Comme toujours. »  Cassandre regarda Billie avec beaucoup de tendresse. Et celle-ci lui répondit en lui donnant un coup de pied dans les jambes. Cassie eut envie d'éclater de rire. Elle avait l'impression qu'elles pourraient réussir à redevenir comme avant, à rire et être complices comme avant. Ce coup de pied était un signe. Alors que beaucoup aurait grogné, elle était aux anges. Elle rendit son sourire à Billie et continua de manger son bol de céréales.

Le silence était calme, apaisant. Cela faisait du bien de se retrouver, de savoir qu'elles pourraient toujours compter l'une sur l'autre. « Et elle a quoi, Pandore ? Elle est cheloue un peu en ce moment, non ? » Cassandre s'arrêta de croquer ses céréales. Elle ignorait comment apprendre à sa meilleure amie quelque chose qu'elle ne pouvait pas expliquer à voix haute. Parce que Cassandre était persuadée que Pandore n'était pas seule. C'était compliqué à expliquer, mais depuis quelques mois, Pandore avait totalement changé d'attitude envers la jeune medium. Elle parlait beaucoup de Keith, son jumeau disparu, c'était normal elle avait besoin d'en parler. Mais le jour où Cassandre avait pris Pandore dans ses bras, elle avait eu une vision. Une vision de Keith. Pour Cassandre, c'était impossible, Keith était mort, et les visions lui montraient le futur, pas le passé. Mais peut-être que le jeune garçon n'était pas tout à fait mort... Et ça elle le gardait pour elle pour l'instant, car elle n'était sûre de rien. « J'ai remarqué oui... Je ne sais pas du tout. Je crois qu'elle n'arrive pas à se remettre de la mort de Keith... Puis, elle a été nommée capitaine de l'équipe de Quidditch, elle doit avoir beaucoup de responsabilités... » Cassandre essayait de trouver des excuses. Elle aurait aimé parler d'autres choses. Mais il y avait tant de choses qu'elles avaient loupées, c'était trop compliqué pour tout rattraper d'un seul coup.
 

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« J'ai remarqué oui... Je ne sais pas du tout. Je crois qu'elle n'arrive pas à se remettre de la mort de Keith... Puis, elle a été nommée capitaine de l'équipe de Quidditch, elle doit avoir beaucoup de responsabilités... » Belladona savait bien que d'une certaine manière, elle mettait son nez là où elle n'aurait pas du. Bell avait toujours connu Pandore & Keith à Poudlard, après tout ils étaient de son année et de sa maison... Ils avaient partagé les réveils, les heures de classes interminables et, il fallait l'avouer, quelques heures de colle. Mais l'année dernière, les choses avaient changé. Il y avait eux... et les autres. Les rangs se resserraient, chacun prenant appuie sur l'autre. Il fallait croire que les coups durs divisaient ou rapprochaient réellement.
Belladona eut un pincement au cœur quand Cassandre évoqua Keith. Il lui manquait, parfois. Leur amitié avait été fugace, morte dans l'œuf. Durant cette année difficile, ils s'étaient serrés les coudes, tous les trois. Ils s'étaient battus, ils avaient défendu les bébés griffons, ils avaient ri, aussi, et c'était sûrement ce qui leurs avait fait le plus de bien.

Pourtant, quelque chose dans l'esprit de Belladona lui disait que Cassandre ne lui disait pas tout. Pandore avait été extrêmement affectée, et les mots étaient encore bien trop faibles, et certes cette nomination au poste de chef de l'équipe de quidditch représentait des responsabilités... Mais ce n'était pas ça, c'était autre chose. Parfois, la jeune fille restait longtemps, le regard dans le vide, ou poser sur Cassandre. Il y avait quelque chose.

Belladona haussa les épaules. Si Cassandre n'avait pas envie de lui répondre, c'était son droit après tout. Mais Bell ne pouvait s'empêcher de se dire qu'avant, Cass se serait penchée vers elle et elle lui aurait expliqué ce qu'elle avait derrière la tête, à demi mot. Belladona se passa la main dans les cheveux puis repoussa son assiette. Elle avait terminé son déjeuner.
Et le pire, dans tout cela, c'était de se rendre compte que, peut-être, elles n'avaient plus grand chose à se dire. Peut-être que, sans parler de la déception, du manque, des remords et des reproches, peut-être que c'était la fin, comme la descente lente d'un couple qui se réveillait un matin sans ne plus avoir rien à dire à la personne allongée à côté. Il ne leurs restait plus qu'à aborder les banalités. Comment ça va ? Bien et toi ? Oh, t'as vu Monsieur machin comment il était énervé ? Belladona en aurait chialé tellement c'était triste à mourir. Une belle histoire ne pouvait pas finir comme ça.

« On sèche Potion ? Il fait beau, on pourrait éviter les aurors et aller dire bonjour au calmar... »

Comme une dernière perche, pour sortir de cette routine enlisante.