lonely like castaways (ethan)

À force de me tordre le cou dans le seul et unique but de découvrir le visage de la personne qui vient d’entrer, je me rends compte qu’il s’agit de la personne certainement la moins apte à venir me filer un coup de main. Mes grimaces s’évanouissent pour laisser place à un visage parfaitement neutre, mon regard se teintant cependant d’un mélange de colère et de tristesse. Évidemment, il fallait que ce soit Ethan. Évidemment, il fallait que ce soit celui qui me déteste certainement le plus depuis les événements de la Grande Bataille. Évidemment, il fallait que ce soit mon soit-disant meilleur ami mais qui est trop borné pour me donner ne serait-ce qu’une minute pour lui parler et m’excuser. Levant les yeux au ciel, je détourne mon regard et essaie de me relever, en vain. Mes jambes sont tendues et figées, impossible donc de me remettre debout. Je regarde ma baguette qui traîne au sol un peu plus loin et, à l’aide d’un accio informulé -le but n’étant pas de me ridiculiser davantage devant Ethan-, j’essaie de l’amener à moi. Elle ne bouge cependant pas d’un milimètre. Je me rappelle alors des paroles de mon professeur de sortilèges nous mettant en garde sur la difficulté à exercer des sorts sans l’aide de sa baguette. Super. Donc je suis dans une sacrée galère. Je me vois déjà demander de l’aide à Ethan et grimace rien qu’à l’idée de devoir m’abaisser à ce niveau. Cependant, sans m’y attendre, ma baguette finit par rouler jusqu’à moi. Un rapide regard vers mon "ami" me fait comprendre qu’il l’a faite bouger sans que j’aie à le supplier.  
– « Merci. », marmonné-je en le regardant à nouveau.
En réponse, je n’ai droit qu’à un regard méprisant. Je serre les dents et le regarde qui me passe devant sans me porter aucune attention supplémentaire. Quel imbécile. Lui et sa foutue tête de pioche… ça commence à me courir sur le potiron. Je tends le bras afin de récupérer ma baguette et dois me tortiller encore une fois, car, bien évidemment, cela aurait trop coûté à Ethan de la faire rouler afin que je puisse la récupérer facilement.
– « On est capable de lancer un sortilège de mort, mais même pas de se défendre à ce que je vois. »
Il prononce ces mots au moment-même où mes doigts se referment sur ma baguette. Est-il seulement sérieux ? Évoquer le sort que ma baguette a craché pour tuer deux étudiants ce soir-là ? Il se rabaisse vraiment à ce niveau ? Je serre les poings, me retenant de l’envoyer balader.
– « Si c’est pour jouer les abrutis, je t’en prie, la porte est juste derrière toi. »
Ma voix s’est montrée froide. Jusqu’à ce jour, j’ai toujours plus ou moins su garder mon calme face à lui, peu importe ce qu’il pouvait me dire comme atrocités. Mais aujourd’hui n’est vraiment pas le jour où il faut me chercher des noises. Agacé, je m’assieds et tends ma baguette vers mes jambes tout en formulant à voix basse :
– « Finite incantatem. »
Mes mollets et mes cuisses finissent enfin par retrouver leur indépendance, à mon plus grand soulagement. Je me redresse sans plus attendre, époussetant mes vêtements salis suite à mon escapade contre le sol. Je constate alors que mon ami d’enfance me tourne le dos, occupé à regarder je ne sais quoi dans un livre. C’est ça, Prewett, ignore-moi, comme d’habitude. Je marmonne un « Merci. » entre mes dents serrées et me rapproche de la porte avec la ferme intention de quitter cette salle au plus vite. Il ne me reste plus qu’à faire le tour du château pour retrouver mes affaires. Cependant, au moment de poser ma main sur la poignée, je me fige. Je reste plusieurs secondes silencieux. Mon rythme cardiaque s’accélère. Je finis par me retourner, posant mon regard sur le dos du Gryffondor.
– « Sérieusement, Ethan... », commencé-je en glissant mes mains dans mes poches. « Tu vas te décider à m’écouter ? T’en a pas marre d’être juste… con ? »
Évidemment, par « con », je veux dire borné. Cela va bientôt faire deux ans que la Grande Bataille a eu lieu. Deux ans que je fais mon possible pour l’atteindre, pour lui parler, lui expliquer ma version des faits. Deux ans à essayer d’obtenir son pardon sans qu’il ne deigne m’accorder un peu de son temps.
– « Parce que moi, j’en ai marre. »
Marre de cette situation. Marre d’être un paria dans l’endroit que je considère comme mon chez-moi. Marre que mon "meilleur ami" me prenne pour un traître alors que je n’ai été qu’une marionnette. Marre qu’il alimente encore et encore la culpabilité qui me ronge depuis trop longtemps déjà…

Malgré la distance qui nous sépare, je peux sentir jusqu’ici le flot d’émotions qui s’empare d’Ethan au moment de m’entendre parler. Je le connais par cœur, et je pourrais décrire, yeux fermés, l’expression que prend son regard lorsqu’il sent la colère monter en lui, comme maintenant.
– « Admettons que je t’écoute, d’accord ? Qu’est-ce que j’y gagnerais ? »
Je lève les yeux au ciel avec exagération et pousse un soupir las. Nous y revoilà… L’éternel discours avec ses « Admettons que je t’écoute… ». Et si on arrêtait d’admettre et qu’on passait aux actes, Ethan ? Et si tu te décidais à vraiment m’écouter ?
– « Quoique tu dises, quoique tu fasses, ça ne ramènera pas Dolly. Elle est morte, Levy. Elle est morte. Tu comprends ça ?  »
Ses paroles ont l’effet d’une lame de couteau contre mon cœur. Si je comprends ? Il est sérieux ?
– « Parce que tu crois que je ne le sais pas ? Je tenais à elle, Ethan. Je l’ai perdue, moi aussi. », réponds-je en fronçant les sourcils.
Je ne le lâche pas du regard. Je vois les larmes qui prennent d’assaut ses iris verts. Le voir dans un tel état me fait mal. Peut-être plus mal encore que ses paroles. La mort de Dawn a été douloureuse pour moi. Je sais qu’elle est encore insoutenable aujourd’hui pour son frère aîné.
– « Pourquoi tu n’as pas tenu ta promesse ? Pourquoi tu ne l’as pas protégée ? Hein ? DIS-MOI ! »
Sa voix déborde de colère et de souffrance. Il m’en veut du plus profond de son être. Non pas que je ne le savais pas déjà, il s’est montré plutôt clair à ce propos ces deux dernières années. Mais j’étais loin de m’imaginer qu’il me tenait pour responsable de la mort de sa sœur. Certes, je pensais bien qu’il devait m’en vouloir pour ça également. Mais là, c’est comme s’il m’accusait d’être celui qui a lancé le sort de mort contre Dawn. J’ai tué cette nuit-là, certes. Mais pas Dawn. Pas sa sœur.
– « J’ai essayé ! », m’exclamé-je presque aussi fort que lui.
Je nous revois, dans le couloir du premier étage, les Mangemorts nous entourant et la main de Dawn serrant si fort la mienne. Mon cœur tambourine violemment dans ma poitrine. Je sens un multitude d’émotions se mélanger en moi : de la colère, de la douleur, de la culpabilité… Elles m’attaquent et me font perdre mes moyens. Et le fait de voir Ethan au bord des larmes n’arrangent rien à tout ça.
– « Prouve-moi que tu es sincère alors ! Que tu n’es pas comme ce salopard… »
Ce salopard. Erèbe Shafiq. Le meurtrier de Dawn Prewett. Le souffle court, je serre les poings. Mon visage se détend cependant, passant de la haine à la peine.
– « Il s’en est sorti en racontant des bobards. Il est libre aujourd’hui. Libre de faire ce qu’il veut, libre de ses mouvements et a encore toute la vie devant lui. Cet homme me dégoûte. Lui, et tous ces satanés complices. Qu’ils crèvent. Tous. »
Je sais tout ça. Je sais que cet assassin a réussi à s’en sortir. Mon père m’a tout raconté lorsqu’il est rentré de son audience, hors de lui. Je me rappelle encore l’avoir entendu, tard le soir, se plaindre auprès de ma mère comme quoi la justice n’avait rien de juste en libérant ce genre de personnes et en détruisant la vie d’innocents comme moi… Déstabilisé, je détourne mon regard un instant et humecte mes lèvres. En temps normal, si notre amitié n’avait pas été aussi chaotique qu’elle ne l’est actuellement, je me serais rapproché de lui et aurais trouvé les mots pour le soutenir, sans aucune difficulté. Mais là, c’est comme si l’on m’avait lancé un sortilège de mutisme. J’ai la gorge sèche et n’ai aucune idée des paroles à prononcer. Tout se mélange dans ma tête, à un tel point que le silence plâne autour de nous, pesant et menaçant.
Au moment de relever les yeux, je constate qu’Ethan a tourné la tête. Je ressens sa douleur et c’est insuportable. Finalement, je me décide à m’éloigner de la porte et me rapproche de quelques pas. Je prends tout de même soin de laisser une distance plus que raisonnable entre nous. Je n’ai aucune envie de forcer les choses et de le braquer plus qu’il ne l’est à l’ordinaire.
– « Je suis désolé, Ethan. », commencé-je d’une voix calme. « Désolé, pour tout. »
Il le sait. Il l’a déjà entendu un nombre incalulable de fois, en plus de l’avoir lu -j’ose espérer- dans toutes les lettres que je lui ai écrite en espérant pouvoir me racheter. Mais je le répète. Je le répéterai ad vitam aeternam si cela pouvait permettre à mon ami de comprendre et d’accepter.
– « J’aimerais pouvoir arrêter ce type et qu’il passe le reste de ses jours à Azkaban. »
Je donnerais toute ma vie pour arrêter les personnes responsables de toutes ces atrocités et qui ont réussi à s’en sortir
– « J’aimerais pouvoir remonter le temps et l’empêcher de tuer Dawn. »
Mon regard ne le lâche pas, mais ma voix se montre plus faiblarde. Les tremblements qui la secoue reflètent la culpabilité qui me ronge, malgré le fait que je ne sois en réalité aucunement responsable de ce qu’il s’est passé.
– « J’aimerais ne jamais avoir tué Penny... », continué-je alors que des larmes naissent dans mon regard.
Le visage de Pénélope apparaît dans mon esprit. Je revois son sourire, bien vite remplacé par l’expression de terreur qui l’a envahie lorsque le Mangemort m’a ordonné de la tuer. Je revois la lividité de ses traits au moment où son corps sans vie est tombé au sol. Je déglutis pour ravaler mes larmes et me pince les lèvres.
– « Tu me demandes de te prouver que je suis sincère. S’il le faut, j’avalerais encore une fois du veritaserum pour que tu comprennes et me pardonnes. »
Mais encore, est-ce que cela suffirait ? Ethan semble tellement en colère contre moi… J’ai parfois l’impression que jamais je ne parviendrai à me racheter auprès de lui. Il me donne l’impression d’être encore plus fautif que le Seigneur des Ténèbres. Comme si c’était moi qui avait orchestré l’attaque et avait tué de mes mains tous ces innocents.
– « J’ai commis des erreurs… d’affreuses erreurs. Et je dois vivre avec leurs conséquences. », continué-je afin de lui faire comprendre que ma culpabilité est le prix à payer pour moi, pour les atrocités que j’ai commises. « Mais s’il y a une chose que je peux te promettre, Ethan, c’est que… Ce n’était pas moi. »
Dawn l’a dit elle-même avant de mourir. Elle a tenté d’avertir son frère, de lui faire comprendre que son meilleur ami n’était pas lui-même. Mais elle a été assassinée avant qu’Ethan ait pu réellement comprendre ce qu’il se passait me concernant. Cela a suffi à le faire me haïr de toute son âme.
– « J’ai beau me sentir coupable, passer mes jours et mes nuits à m’en vouloir pour tout ce qu’il s’est passé... Cela ne change rien au fait que je n’y suis pour rien. »
Je dois puiser au plus profond de moi pour prononcer ces paroles. La culpabilité est devenue ma meilleure amie. Je suis le premier à me tenir pour responsable des meurtres que j’ai commis ainsi que pour celui de Dawn. Dire que je n’y suis pour rien me demande donc un effort presque surhumain. Je peine vraiment à m’en convaincre moi-même, mais c’est un fait : je n’étais pas responsable de mes actes.
– « Tu sais que j’étais sous imperium. Tu le sais, autant que moi. », terminé-je d’une voix basse, fixant toujours le jeune homme de mes yeux brillants.

Cette discussion me donne le tournis. Lui demander pardon pour la énième fois est épuisant. Cependant, cette fois-ci est différente de toutes mes précédentes tentatives. Jamais il n’a écouté ce que j’essayais de lui faire comprendre. Aujourd’hui, il me laisse parler. Je ne sais pas quel effet auront mes paroles ou s’il en croira ne serait-ce qu’une partie. Il m’écoute, c’est un progrès. Mais à entendre et voir ses réactions, j’ai l’impression de foncer tête baissée dans un mur de briques inviolable. Je suis fatigué. Fatigué de tout faire pour me racheter auprès de lui alors que je ne suis pas le vrai coupable dans cette histoire. Fatigué de recevoir des reproches et de savoir qu’il me méprise pour des actes dont je n’étais pas le vrai acteur. Pourtant, je continue de m’excuser, encouragé par un espoir infime qui persiste au fond de mon cœur. Notre amitié ne peut pas se terminer comme ça, pas après toutes ces années. Une petite voix tente de m’en convaincre, bien qu’elle s’affaiblisse jour après jour.
Ses yeux trouvent finalement les miens. Ils sont troublés de larmes, des larmes que je ne l’ai jamais vu verser étant donné qu’il m’a banni de sa vie depuis cette nuit funeste. Je ressens sa douleur, je la comprends et la partage. Il a perdu une sœur, j’ai perdu une amie avec Dawn. J’ai perdu celle que j’aimais. J’ai perdu l’amitié d’Ethan. J’ai tout perdu durant cette bataille.
– « Je le sais. Mais ce n’est pas ce qui me met en rogne. »
Je fronce les sourcils. Qu’entend-il par là ?
– « Je croyais dur comme fer que si j’échouais dans mon rôle de grand frère, tu parviendrais à reprendre la relève. Tu étais comme un modèle pour moi, à me dire que si j’arrivais à t’égaler, alors je mettais toutes les chances de mon côté pour réaliser mon rêve. »
Il n’a jamais caché cela. Depuis que nous sommes enfants, il a marché sur mes traces. Et j’ai toujours tout fait pour tenter d’être le meilleur modèle possible pour lui. Je ne crois pas avoir failli à cette tâche. Jusqu’à cette nuit. Je me sens coupable de ce qui est arrivé, coupable de l’avoir déçu, coupable de l’avoir trahi. Mais une fois de plus, rien de tout cela n’est de ma faute. J’essaie moi-même de m’en convaincre lorsque la culpabilité me ronge. Ce n’est pas de ma faute.
– « Et en te voyant là… J’ai l’impression de me recevoir mon impuissance dans la gueule, et mon échec rire de moi. »
Un rire ironique passe la barrière de mes lèvres alors que je détourne mon regard. Il me reproche ses propres erreurs ? C’est ce qu’il essaie de me faire comprendre ? Ce n’est pas assez de me faire porter le chapeau pour la mort de sa sœur ?
– « Tu sais quoi Ethan ? Va te faire foutre. »
Ces mots m’échappe sans que je ne puisse les contrôler. Je n’en peux plus. De lui, de ses accusations. J’en ai assez de me battre alors que lui a tout abandonné depuis le début. Comme un lâche. Je fronce les sourcils et reporte mon attention sur lui, agacé.
– « T’as aucune idée de ce qui s’est passé cette nuit-là. T’étais pas là. T’étais pas là quand j’ai dû sauver Dawn, quand j’ai dû la protéger face aux Mangemorts qui nous avaient encerclés. T’étais pas là. »
Je sais qu’il se battait ailleurs. Le château était à la merci de Voldemort et de ses sbires. Nous étions tous sur le champ de bataille, à défendre notre maison. Ethan était quelque part dans Poudlard. Mais il n’était pas avec nous. Il n’était pas avec sa sœur. Il ne l’a pas protégée, alors que j’ai tout fait pour tenter de la sauver de mon côté.
– « Par contre, pour me voir lancer des sorts à tout va en étant sous le contrôle de l’ennemi, là, t’étais là. Et t’es encore là pour me le rappeler et me cracher à la gueule. », continué-je sur un ton agressif.
Le cœur battant plus rapidement, je manque de souffle et dois marquer une pause. Je ne lâche pas le Gryffondor du regard. Mes yeux parlent pour moi et lui balance toute la douleur que je peux ressentir. Il voit mes actes comme une trahison. Mais son abandon relève de la même déloyauté selon moi.
– « Si tu veux pas comprendre que l’abruti dans l’histoire, c’est toi, alors je crois bien que notre amitié est définitivement enterrée. »
Prononcer ces mots me fait un mal de chien. Je n’ai pas pour habitude de renoncer en ce qui concerne mes amis. Mais je sais reconnaître une peine perdue lorsque l’une d’entre elle se dresse face à moi. Et Ethan semble définitivement imperméable à toutes mes excuses et explications.
Baissant les armes, je finis par me retourner et me rapproche de la porte. Inutile de m’attarder ici si c’est pour entendre des reproches répétitifs. Cependant, la voix d’Ethan résonne derrière moi, m’obligeant à me figer.
– « Tu sais, Dolly… Elle t’aimait. Beaucoup. Mais elle n’a jamais osé te le dire parce qu’elle avait peur de se faire jeter. »
Je reste immobile quelques secondes, pesant ses paroles. Je sais que Dawn tenait beaucoup à moi, tout comme je tenais beaucoup à elle. Nous avons grandi ensemble, et cela a créé des liens que je croyais imbrisables. Mais qu’entend-il par elle n’a jamais osé te le dire parce qu’elle avait peur de se faire jeter ? Sans comprendre, je me retourne et pose mes yeux sur lui. Les traits de mon visage se sont détendus, passant de la colère à l’incompréhension.
– « De quoi tu parles ? », demandé-je finalement, d’une voix beaucoup plus calme.  

Mes paroles sont sorties sans que je puisse les contrôler. Mais après tout, n’ai-je pas raison ? Il n’était pas avec nous. Je ne l’accuse pas d’être resté les bras croisés, car je sais qu’il s’est battu, tout comme moi. Mais il n’était pas à mes côtés et n’a donc pas pu voir que j’étais prêt à donner ma vie pour défendre sa sœur. Cette même sœur qu’il m’accuse d’avoir trahie. Comment peut-il me rendre coupable d’une talle chose ? Jamais je ne les aurai trahis, ni lui, ni Dawn. Il le sait. Je suis persuadé qu’il le sait tout au fond de lui, derrière la rancœur qu’il cultive à mon égard depuis plus de deux ans maintenant.
Les mots que je prononce, bien qu’emplis de vérité, font sortir le lion de ses gonds. Visiblement hors de lui, il se lève brusquement et manque de renverser sa chaise. Son poing s’abat une première fois sur le bureau de bois. Le bruit de l’impact résonne dans la salle vide. Je serre les poings et le regarde s’en prendre au mobilier tout en crachant des phrases venimeuses sur moi.
– « J’étais pas là, ok, mais tu crois que je faisais quoi ? Que je me prélassais autour d’une bièraubeurre peut-être ?! Laisse-moi rire ! »
Je lève les yeux au ciel en fulminant et le laisse déblatérer comme un fou furieux. Ses paroles nourrissent ma propre colère, particulièrement le discours qu’il tient à propos de son arbre généalogique. À vrai dire, ses mots me font du mal. Croit-il sincèrement que sa personne se résume à ses origines à mes yeux ? Mes ongles s’enfoncent dans mes paumes et je tremble. Je suis tellement furieux contre celui que j’ai toujours considéré comme un frère que je pourrais commettre un geste que je regretterai aussitôt. Cependant, je me contente de déverser ma haine dans de nouvelles paroles qui enchaînent celles d’Ethan alors que ce dernier n’a même pas fini de parler. Nos voix se mènent un combat sans merci, à se demander laquelle des deux lâchera la pire monstruosité. Je finis par lancer l’ultime bombe, la combinaison de mots fatals qui finit par nous faire taire tous les deux.
C’est à ce moment-là, à bout de souffle et poings serrés, le regard rivé dans celui du Gryffondor, que je me rends compte que des larmes brouillent ma vue. Les secondes passent, lourdes et douloureuses, sans que ni lui ni moi ne parvenions à détourner nos yeux. C’est finalement Ethan qui se décide à se rasseoir, me tournant le dos.
– « Très bien, on arrête là puisque je suis trop con pour toi. »
– « Parfait. », réponds-je aussitôt avant de tourner les talons dans le but de quitter la pièce.
Mais il prononce de nouvelles paroles qui m’obligent à me figer. Sans comprendre, je me retourne une dernière fois et le questionne d’une voix nettement plus posée, sujette même à un léger tressaillement. Mon cœur bat la chamade tandis que j’attends qu’il m’éclaire.
– « … Elle était amoureuse de toi. »
Sa confession me frappe tel le tonnerre. Dawn ? Amoureuse de moi ? Nous étions proche et je savais qu’elle cultivait une certaine admiration à mon égard. Mais au point d’être… amoureuse ? Abasourdi, je secoue légèrement la tête, comme pour remettre de l’ordre dans mes idées et me rendre compte qu’Ethan n’a pas réellement prononcé ces mots. Je n’ai cependant pas le temps d’y réfléchir davantage, car il me lance une ultime pique. Cette dernière m’anéantit.
– « Maintenant laisse-moi. Parce que si tu fais une réflexion déplacée sur ma sœur, je sens que je vais péter un plomb et plus répondre de moi. »

Mes lèvres s’entrouvrent mais aucun son ne sort. Je suis tellement blessé par ce qu’il vient de me dire que je ne parviens même pas à trouver les mots justes pour lui répondre.
– « Comment est-ce que tu peux croire que je serais capable de... »
Je sens une larme glisser contre ma joue et m’interromps aussitôt. Je l’efface d’un geste vif du poignet, foudroyant le dos d’Ethan du regard. Je suis à présent persuadé du fait qu’il n’y ait plus de retour en arrière. Notre amitié a définitivement été réduite en cendres.
– « Laisse tomber. », laché-je dans un soupir, déclarant forfait.
Je me retourne finalement et quitte la salle de classe sans demander mon reste. Claquant la porte derrière moi, je m’y adosse et ferme les yeux. Un soupir douloureux s’extirpe de mes narines. Je fronce mes sourcils à m’en fendre les paupières et tape l’arrière de mon crâne contre le bois dans un fracas sourd. Il me faut quelques secondes avant de pouvoir me mettre en marche, à la recherche des affaires que ces abrutis ont fait disparaître tout à l’heure. Le cœur lourd, je erre dans les couloirs durant plusieurs longues minutes, sans que jamais la douleur ne s’estompe. Je viens de perdre mon ami le plus cher, et je m’en voudrai pour le restant de mes jours.

The end