Il était perdu. Une corde nouée autour du cou. Les lierres du passé l'étranglaient chaque nuit. Écrasaient lourdement sa trachée. Un souffle court et irrégulier s'échappait. Des gouttes de sueur perlaient sur son front. Brûlant. Il était perdu dans les méandres de pâles souvenirs. L'amer, le fer. Ses prunelles de jais fixaient les ombres dansantes. Inconscient. Incontrôlable. Il avait embrassé la mort en affrontant un partisan. Un coup de colère. Son père était mort. Sa mère pourrissait dans une cellule miteuse d'Azkaban. Elle était morte. Enfermée pour avoir juré allégeance au mage noir. Ils avaient fui. Qentrys ne parvenait pas à se rappeler de ce qu'il s'était passé durant la bataille. Il se souvenait des corps gisant sur les dalles du château. De la profondeur des iris océans d'une jeune fille morte. Les yeux ouverts. Une larme caressant sa joue blanche et poussiéreuse. Il se souvenait d'une lumière verte, floue. Il pensait avoir entendu Blaise crier quelque chose. Néant. Il en avait conclu que Blaise l'avait sauvé. Ils avaient fui. Et soutenu par les Zabini, il était là.
Mémoire perdue. Ni les cauchemars, ni le temps n'avaient pu raviver ses souvenirs. Le jeune homme avait longuement réfléchi. Il devait trouver un poison qui lui permettrait de frôler un état de transe et de ressentir pareille douleur. Un remède à ses maux. Il savait qui était capable d'un tel résultat et en qui il avait confiance. Qentrys arpentait les rues sombres de Pré-au-Lard. Lucrezia Zabini. Ses boucles noiraudes. Une peau mate sucrée. Un corps qu'il ne se lassait pas d'admirer. Il resta prostré dans l'une des ruelles adjacentes. Il contempla le spectacle. Un regard noir. L'idiot succombait au charme ravageur de la princesse. Toujours un peu plus. Ils se quittèrent en quelques secondes, alors qu'elle triomphait encore de ce combat. Elle endormait les hommes d'une douce berceuse. Trop heureuse de cette mince victoire. Elle grandissait. Elle découvrait. Goûtait-elle à présent à ce que la magie faisait de plus sale ? Il soupira. Vile protecteur. Il ne pouvait en être autrement alors qu'il était redevable à Blaise et à sa mère. Il aurait pourtant préféré ne pas l'avoir croisée. Alors que Lucrezia dépassait la rue dans laquelle il se trouvait, il se lança derrière elle. Il posa sa main sur sa hanche. Délicieuse courbe qu'il redécouvrait. Il enveloppa le reste de son corps, faisant d'elle sa proie. Possessivité. Il regardait devant lui. « Qu'est-ce que tu fous avec cette merde ? » Un ton dur, sec. Ses doigts s'enfoncèrent lentement dans la peau de la jeune femme. La douleur n'était qu'un plaisir partagé à deux. Deux corps qui se brisent, se détruisent. Inflammable. Il possédait son corps comme elle possédait son âme. Avide de sentiments foireux. Pulsions charnelles. Un besoin irrépressible de l'avoir. Une limite infranchissable. A la vue de chaque passant. Il l'entraîna dans un coin où ils ne viendraient pas les chercher. La poussa contre un mur. Froid. Epais. Mort. Il se recula. C'était interdit. « J'crois pas que ton père t'y ait autorisée. » C'était des paroles en l'air. Aucune valeur. Il utilisait ses faiblesses. Il connaissait les Zabini depuis qu'il était môme. Qentrys avait cerné toutes les demi-mesures et les jeux de pouvoirs dans cette famille. Rouages rouillés. Les liens s'effritaient. Le père bouffait l'oxygène de ses gosses. Les uns étaient le reflet des autres. Anton de son père. Lucrezia de son frère.
Lucrezia. Un prénom claquant sur sa langue. Un chant de sirène envoûtant. Une princesse aux boucles noires dans lesquelles se reflétaient le plumage du corbeau. Un corps désirable qui lui appartenait. Elle était le rouage d'une impulsion qu'il contrôlait mal. La créature qu'il méprisait. La vipère l'avait ligoté. Enfermé. L'empêchait peu à peu de respirer librement. Une passion qui le rongeait. Une ombre qui le rendait fou. Fou d'elle. Ils s'enivraient d'écho et de violence. Ils succombaient au regard noir de l'enfer. L'aigle royal saisissait chaque faux pas du serpent. Il enfonça ses serres dans sa peau. Il y laissa sa marque. Dompta son corps. Possessif. Un rappel à l'ordre qu'elle ne pouvait nier. Elle ne broncha pas. Il la délaissa alors brutalement. S'éloigna de quelques pas. Il posa un regard froid sur la poupée de porcelaine. L'admira. Se délecta de ses délicieuses courbes cachées sous quelques vêtements qu'il voulait arracher. Elle n'était pas à lui. Il ne voulait pas. Ne pouvait pas.
Elle brisa la distance qu'il avait installée. Un sourire fin se dessina sur ses lèvres sucrées. Elle attrapa le tissu de son vêtement en pinçant sa peau. Un regard noir. Ses prunelles devinrent pénombre. Il ne la quittait pas des yeux. Un échange sensuel. Barbare. Il ne cillait pas. Il était calme. Aucune émotion n'apparaissait sur son visage pâle. Elle ne lui provoquait aucun effet. Son désir pour elle grandissait. Il succombait. Il pouvait sentir son souffle chaud se mêler au sien. Ses lèvres étaient inaccessibles. Pêché mortel. Il refusait de perdre son amitié avec Blaise pour elle. Loyal. Il pouvait néanmoins sentir une infime brûlure s'éveiller sur son torse. Elle le marquait. Il ressentait une colère qu'elle tentait de dissimuler. Il avait appuyé sur un point sensible. Faisant jaillir l'une de ses faiblesses. La famille Zabini. « Parle pas de lui ! » Une esquisse de sourire. Vainqueur. Elle cédait. Colérique. Il la préférait sauvage. Incontrôlable. Dominatrice. Insolente. Un regard enflammé. Une crise de colère. Il ne cédait pas. Le caprice d'une fillette qui le séduisait. Elle s'éloigna. Qentrys restait stoïque. Il ne lui accordait pas d'importance. Hautain. Il niait et fuyait le rapprochement physique. « Va te faire foutre ! Dégage, ce que je fais ne te regarde pas ! » Elle avait à la fois raison et tort. Ils étaient des électrons libres. Indépendants. Mais ils ne pouvaient s'empêcher de se mêler de ce que l'un et l'autre faisaient. Le jeune homme avait juré une loyauté sans faille à Blaise. Cela incluait de protéger sa famille. Cette famille qui l'avait accueilli lorsque ses parents étaient morts. Il n'était pourtant pas le chevalier à l'armure étincelante. Il observait. Agissait dans l'ombre. Elle connaissait sa méthode. Savait lorsqu'elle devait se retourner contre lui. La vipère se mêlait bien moins de ses affaires qu'il ne le faisait. Certaines étaient d'une importance capitale. Il ne voulait pas qu'elle s'immisce là-dedans. Conscient qu'il pouvait faire preuve d'une manipulation et d'une brutalité qu'elle n'avait jamais vues. « Très bien. Ca regarde Néréo, Blaise, ton père... » Lui répondit-il sur un ton moqueur. Il arqua un sourcil avec un demi-sourire.
Colérique. Elle brisa à nouveau la distance. Elle planta ses ongles dans son cou, alors que leurs lèvres se rapprochaient dangereusement. Un battement de cœur. Une hésitation. Un soupçon d'envie. « Peut-être un jour, mais pas encore ! Maintenant casse-toi et laisse les gens vivre ! » Il effleura ses lèvres. Aurait pu les lui mordre. Faire couler son sang. Son souffle caressa chaudement sa joue mâte. Il s'arrêta à son oreille. Ses mains glissaient lentement dans son dos. Se faufilaient dans ses poche jusqu'à s'emparer de la substance. Il la faisait à nouveau sienne. Une seconde. Elle se retrouvait à nouveau bloquée contre le mur. Corps à corps. « Tu peux faire mieux que ça, chérie. » Lui susurra-t-il langoureusement. Il avait employé un surnom qu'il n'utilisait que pour elle. Il se détacha d'elle. Fit quelques pas en arrière et examina la substance dérobée. L'aigle surveillait les moindres mouvements de la vipère qu'il avait abandonnée. Il était déjà prêt à lever le bras si elle se jetait sur lui pour récupérer son trésor. « Tu comptes faire quoi avec ça ? » Lui demanda-t-il sèchement. Il voulait savoir. Ne lui rendrait pas avant. Elle le savait.
Un jeu de pouvoir. Irréel. Mortel. Un jeu qu'il imaginait comme la métaphore de la barque. Ils étaient assis dans une vieille bicoque en bois au milieu d'un lac froid. Le givre recouvrait lentement l'eau noire. Les menaçait. Ils se regardaient dans les yeux. Sans un mot. Le croissement des corbeaux pénétrait le silence avide de leur jeu. Celui qui gagnait rejoindrait la rive. Celui qui perdait se noierait dans l'étendue glaciale. L'aigle n'avait jamais effleuré ces profondeurs abyssales. Il rejoignait toujours l'autre rive. Jeu de séduction et de pouvoir. Il succombait à l'addiction et à l'adrénaline que ça lui procurait. Lucrezia. Un nom qui roulait sur la langue. Un regard dominateur. Provoquant les bêtes sauvages rôdant dans le monde magique. Des boucles noiraudes parfaitement dessinées. Et un corps divin qu'il voulait s'approprier. Il la voulait putain. Assassinant le moindre prétendant qui osait s'approcher d'elle. A ce jeu, ils étaient bons. Il jouait avec elle. Il appuyait sur ses points faibles. Faisait vriller la vieille bicoque. Elle eut fini de le repousser et s'entêta à lui répondre. « Mais bien sûr. Ca ne regarde personne d’autre que moi ! » Un air assuré. Provoquant le démon qu'il était. Il enviait son impétuosité. Il n'eut pour elle qu'un regard amusé tenu par un demi-sourire. Il aimait les femmes qui s'affirmaient. Elle défendait son droit à la liberté, alors qu'il n'avait jamais eu à livrer pareille bataille. Lucrezia devait savoir que Blaise l'apprendrait de ses serres tranchantes.
Secoué par le plaisir charnel. Il se saisit d'elle. Elle mordilla sensuellement sa lèvre. Se complaisant en ce rapprochement furtif. Un corps à corps chaud et douloureux. Il la découvrait sous quelques caresses dangereuses. Menaçait de la faire sienne en quelques instants. Là, dans une ruelle miteuse. Là où l'aurait prise sans un remord. Sa main bifurqua. Il attrapa la substance édulcorée entre ses doigts. L'aigle lâcha la vipère en plein vol pour admirer sa trouvaille. Son rythme cardiaque décélérait lentement. Il faisait descendre la pression. Il fronça les sourcils, alors qu'il s'interrogeait. Mais que foutait-elle avec pareille substance ? Il la regarda ensuite. La tête posée contre le mur. Il ne comprit pas ce qu'elle murmura. La vipère attrapa son bras. Y planta ses ongles. Le retenant. Lâchant lentement son venin qui empuantissait ses veines. « Je te le dis si tu me le donnes ! » Un ton empli de colère. Il ricana et agita le sachet. Le pensait-elle si tendre ? Facile à apprivoiser ? Il attendait plus. Il attendait mieux. Elle s'approcha à nouveau. Qentrys resta stoïque bien qu'il aurait pu avoir un mouvement de recul. Ses lèvres s'immisçant à son oreille. Ses dents dévorant son lobe. « Je te le dis, si tu me le donnes et tu auras ce que tu veux mon amour... » Il ne tenait plus. Sa respiration devint irrégulière. Se saccadait parfois. Elle se recula alors. Se mordilla la lèvre inférieure. Pencha délicatement la tête avec son plus beau sourire. Il était fou d'elle. Complètement dingue. Elle n'avait pourtant aucune idée de ce qu'il désirait. Elle n'aurait pu même l'imaginer. Elle avait l'esprit droit. Elle commençait à voir le monde d'une toute autre façon. Elle devenait adulte. Pas à pas. Mais restait une petite fille en perdition. Qen ne combla pas la distance. Il devait rester loin d'elle. Faire de la résistance à des pulsions qui hurlaient. « Tu n'as aucune idée de ce que je veux. » Il appuya durement sur chaque mot qu'il venait de prononcer. Un regard plus froid qu'une tempête de neige. Il restait droit. Un charisme acerbe. « Je t'écoute. » Ajouta-t-il en lui laissant la parole. Une menace. Elle n'avait pas réellement droit à l'erreur. Elle pouvait mentir. Le trahir. Le tromper avec quelques niaiseries. Il ne relèverait pas mais était capable de lui rappeler lorsqu'elle voudrait connaître sa vérité.
Irrité. Par des décisions enfantines. Il la protégeait d'elle-même, des autres. Fragile. Inconsciente du danger rôdant perpétuellement autour d'elle, de sa famille. Elle tombait dans une interminable descente aux Enfers. Il la regardait plonger dans ces méandres noirs. Un cri strident. Impulsive. Sauvage. Elle était façonnée à l'image de Blaise. Anton et Néréo correspondaient davantage à la bienséance et à la représentation du gendre idéal. Lucrezia était une mente religieuse. Surpris de l'avoir constaté de nombreuses fois. Une princesse qui deviendrait reine. Une curiosité malsaine qu'il avait lui-même dompté quelques années plus tôt. L'aigle gris admirait la femme qu'elle devenait. Effrontée. Prenant de l'assurance. N'était-ce pas pour toutes ces raisons qu'il était constamment attiré vers elle ? Tels deux aimants fusionnant par frénésie. La protection qu'il lui devait n'était qu'un mensonge empli d'illusions. Il avait une raison de la voir, de rôder, de s'approcher lascivement d'elle. Prédateur en chasse. Observant attentivement sa proie. Elle n'était pas la première qu'il chassait. Et sa technique s'était affinée. Il était un pêcheur tentant de capturer une sirène au chant dévastateur. Ployant le genou devant cette mélodie séductrice. A faire pâlir les nobles de Beauxbâtons, les tsars de Durmstrang. Il succombait au poison doucereux de la princesse. Les fébriles interdictions de Blaise avaient dernièrement ralenti ses pulsions. En un an. Il n'avait pas fait un faux pas. Ni un regard, ni un mot de travers.
Il aimait pourtant l'avoir dans ces quelques moments destructeurs. Quelques moments qui n'appartenaient qu'à eux. La trahison devenait un pâle reflet des conséquences futures. Il n'était pas là pour ça. Pour elle. Le petit sachet enfermé dans la paume de sa main. Substance bucolique. Effroyable. « T’es impossible à vivre sérieusement ! Faudrait que tu laisses des pulsions aller parfois, ça te ferait du bien ! » Lui jura-t-elle. Elle ricana. Moqueuse. Il afficha alors un demi-sourire sarcastique dont il était le seul à en avoir le secret. Une provocation à demi-mesure. Elle ne pesait pas loin ses mots. « Une autre les savoure déjà. » Lui lança-t-il dédaigneusement. Il savourait bien moins la chaire d'une femme que Blaise pouvait le faire. Il s'en plaisait lorsqu'il la trouvait à son goût. Charmante. Piquante. Assidue. Lucrezia recula davantage. Son regard se fit alors plus dur, plus sombre. Cela devenait une joute dans la lutte pour le pouvoir. Le jeune homme attendait ses explications. Mais il savait pertinemment qu'elle ne lui avouerait pas les vraies raisons de cet achat stupide. Il l'écoutait avec la plus grande attention. Si bien qu'il aurait pu entendre les battements de son cœur, le rythme de son souffle et le raclement de gorge. « Une amie m’a demandé de lui en procurer, elle a trop peur que cela s’ébruite. Comme tu le sais très bien, j’ai un peu moins d’états-d’âmes. » Elle sourit. Se mordit la lèvre inférieure. Divine. Il plissa les yeux, car quelque chose n'allait pas. Depuis quand Lucrezia Zabini faisait-elle preuve d'une telle générosité envers ceux qu'elle aimait appeler amis ? N'était-ce pas la première à les jeter dans la gueule du loup ? Qentrys se mit alors à faire les cent pas devant elle. Regard figé sur le sol. « Je comptais juste lui ramener c’est tout, il m’arrive d’être à l’écoute des autres parfois, mais vas-y ne me crois pas ! » Il haussa vaguement les épaules. Ne prêtant plus attention à sa gestuelle. Son visage était fermé. Concentré. Il ne la croyait pas. Le fait qu'elle appuyait sur ces mots lui donnait raison. Il s'arrêta alors devant elle et releva le menton. « Ne pas avoir d'état d'âme ne veut pas dire que tu sois stupide, Lucrezia. » Lui fit-il remarquer. Cinglant. Son regard perça le sien avec toute la noirceur qu'il était capable de déverser en quelques secondes. « Comment s'appelle-t-elle ? » Lui demanda-t-il. Féroce. Il espérait au moins qu'elle sache rendre son histoire crédible. S'il ne la croyait pas, elle aurait alors du mal à en convaincre d'autres. Il voyait mal la vipère servir une autre qu'elle-même si ce n'était peut-être Perséphone. Connaissant la petite Rosier, il doutait de sa fragilité à s'en procurer elle-même. « De toute manière si tu ne me rends pas ce sachet j’en achèterai d’autres, tu le sais très bien. » Elle avait certainement raison sur ce point. Il ne voulait pas qu'elle tente à nouveau le diable pour en récupérer. Blaise lui-même aurait si tôt fait de l'étrangler. Il hocha la tête et lui tendit son sachet. Mécontent. Ils avaient déjà passé trop de temps dans ces ruelles mal fréquentées. Le temps le pressait, bien que sa curiosité l'obligeait à rester.