Flying towards an early grave Ϟ (Kamen)

Cachée derrière une montagne de livres, peut-être un danger quand on savait le nombre de potions à hauts risques qui restaient dans cette pièce, Zirwya commençait ses expériences. Si les premières semaines à Poudlard elle les avait consacrées à la découverte des lieux et à aider l’infirmière de l’école, elle profitait désormais d’une période de creux pour se lancer pleinement dans ses recherches. Il était néanmoins difficile de faire quoi que ce soit sans avoir les sujets auprès d’elle. Zirwya devait alors tout faire de tête, se souvenir des symptômes, des potions déjà administrées, des nombreux tests déjà effectués. Elle envoyait régulièrement des hiboux aux médicomages de son groupe qui la tenaient au courant de leurs avancées, elle en faisait de même. Il ne fallait pas se leurrer, Zirwya, ici, ne pourrait pas faire grand chose de plus, elle le craignait. Elle avait un nombre incroyable de matériel autour d’elle, d’une qualité qui équivalait au moins celui qu’elle avait laissé en Estonie, mais elle était seule. Un tel problème demandait une équipe, un travail de groupe et non pas des personnes isolées. Elle se demandait encore si elle avait fait le bon choix en venant ici, mais si elle n’était pas venue, quelqu’un aurait pris sa place. Il était de toute manière primordial que quelqu’un soit là, à Poudlard, en personne. Et puis, elle pouvait ainsi veiller sur Svetlana, elle n’en demandait pas moins.

Zirwya entendit quelques voix animées en provenance de l’infirmerie, qui était juste à côté. Elle n’y prêta d’abord pas plus d’attention, tentant de continuer ce qu’elle était en train de faire. Mais les voix étaient bien trop fortes et sa concentration en était affectée. Elle reposa ses fioles, frotta ses mains sales contre sa robe, et, poussant un long soupir, partit en direction de la porte. Elle n’eut pas le temps de l’ouvrir que la poignée se tournait déjà, laissant apparaître l’infirmière, essoufflée, un peu paniquée aussi. « Zirwya, Zirwya, il faut que tu viennes. Tout de suite. Viens. » Elle prit la main de la médicomage et l’entraina dans sa course un court instant, elle la fit simplement déplacer jusqu’au bout de la pièce où un attroupement s’était formé. Là, un élève convulsait sur un lit. Se tordant de douleur, il semblait comme dans une transe, il paraissait souffrir le martyre, se contractait autant que possible, soulevant son thorax, restant dans cette position pendant quelques secondes, se remettant ensuite en palce. D’affreux craquements d’os se faisaient entendre. Ce n’était pas bon, pas bon du tout. Les élèves qui devaient sans doute avoir trouvé le corps du jeune garçon restaient plantés là, autour de lui. Ils étaient bien nombreux, d’autres avaient dû s’amonceler autour, l’affaire avait dû attirer des curieux. « Dégagez de là, c’est pas un spectacle ! Ouste ! » Elle se tourna rapidement vers l’infirmière et à toute vitesse, articulant à peine. « La réserve, troisième étagère, deuxième flacon. Vite. » Avec des gestes rapides, elle tourna l’élève qui commençait à recracher une substance inconnue. Zirwya en était sûre, s’il recrachait quelque chose, c’était qu’il était dans cet état là à cause d’un breuvage. Un poison, plus exactement. Il dégobillait inconsciemment tout ce qu’il avait avalé. Déjà l’infirmière revint, Zirwya déboucha le flacon, le glissa dans la bouche du jeune homme, le fit avaler de force, le remit dans sa position initiale. Le corps du jeune homme se détendit peu à peu, laissant Zirwya échapper un long soupir de soulagement.

La nuit était tombée depuis un moment déjà. C’était le tour de garde de Zirwya, et ça l’arrangeait bien, elle tenait à veiller sur l’élève. Il dormait pour le moment, ne s’était pas réveillé depuis le début que Zirwya lui avait donné l’antidote, puis un tranquillisant. Elle connaissait bien ce genre d’empoisonnement et il demandait une attention particulière au patient. Elle s’assit sur le bord du lit, il semblait encore endormi. Il lui faudrait un peu de temps pour qu’il sorte de sa torpeur. Elle appliqua un morceau de tissu mouillé et tiède sur son front. Elle aurait aimé savoir ce qu’il lui était arrivé. Une mauvaise blague d’un élève ? Elle savait que les étudiants n’étaient pas les plus tendres entre eux, mais de là à risquer la mort d’un camarade… Zirwya ne comprenait tout simplement pas, et ça la tracassait. Elle espérait qu’il ne se murerait pas dans le silence une fois réveillé, il avait toujours été important de veiller sur la santé des autres, mais avec l’épidémie qui était présente, ce n’était pas le moment de plaisanter.

Pour une nuit d'octobre, le temps était relativement glacial. C'était d'ailleurs bien la première fois depuis que le soleil s'effaçait petit à petit et que les températures baissaient un peu plus chaque jour. Mais ce n'était pas encore l'hiver pourtant.. Les journées étaient, de plus, bien plus courtes qu'avant. Il faisait nuit tôt, ce qui aidait  à faire chuter les quelques degrés que Kamen trouvait de trop. Il regrettait déjà l'hiver, la neige et le froid de Durmstrang. De toutes les saisons, c'était celle qu'il appréciait le plus, aimant observer du château le paysage de la nature morte que lui offrait cette belle époque de l'année. Tout était gelé, perdu dans le temps pour une poignée de semaines et dans un silence des plus complet. Fort heureusement, en sortant de son dortoir cette nuit-là, Kamen eut le besoin de se revêtir de sa veste en cuire et d'une écharpe, sentant un vilain courant d'air prendre d'assaut le château. La baguette dans sa main gauche, il jouait avec un couteau dans sa main droite, qu'il s'amusait à lancer dans les airs pour le récupérer par la suite. De toutes les armes qu'il avait déjà utilisé, les armes blanches étaient ses préférées, surtout les petits canifs qu'il pouvait glisser partout dans ses vêtements et qui ne le quittaient pas. Il était un fervent admirateur de la magie et se servait de sa baguette dans la majorité du temps mais parfois il préférait un bon corps-à-corps pour laisser s'exprimer le fauve qui habitait son corps, ça lui venait de son frère. Véritable sauvageon sans foi ni pitié. Il n'était pas tellement sûre de croiser quelqu'un à cette heure-ci, et c'était tant mieux. Il fallait qu'il trouve les prochains ingrédients de son futur poison. À Poudlard, il existait des plantes qu'il ne connaissait même pas. Et avec celles-ci, il avait déjà fait des merveilles. Trouver le juste milieu entre le danger, et le plaisir était un subtil effort qu'il se plaisait à réaliser autant de fois qu'il le pouvait. Il était maintenant près des serres, celles des GISIS lui étaient normalement interdites, mais il avait réussit à trouver une faille dans le système de fenêtres pour y rentrer. Des plantes dangereuses s'y trouvaient, et il savait exactement ce qu'il lui faudrait. Un haricot de Luma  semblait inoffensif, et pourtant, mélangé avec d'autres ingrédients il pouvait devenir explosif. Le jeune homme en attrapa une poignée puis avec habilité et discrétion, il retourna au château, comme si rien ne s'était produit. À cette heure de la journée, il ne pouvait se rendre que dans un placard à balai pour être tranquille. Avec son nécessaire à chaudron de poche, il entreprit de finir sa préparation. Une goutte de dictame, et trois haricots de Luma plus tard, la mixture était aussi appétissante qu'un rat mort. Mais Kamen ne reculait devant rien. Il but la préparation sans même laisser le goût amer le dégoûter. Les poisons, c'était son domaine. Il les testait tous sur lui, et en inventait même parfois. Le dernier souvenir qu'il eut à ce moment là, ce fut le liquide qui lui brûlait les entrailles. Puis il tomba à terre.

Quand il se réveilla, autour de lui les murs tremblaient. Il sentait que ses vêtements étaient trempés de sueur. Il avait chaud et froid en même temps, et un goût métallique dans la bouche. Sa langue, il se l'était mordu. Ouvrant les yeux, il se rendit compte qu'il n'était pas dans son lit, dans le dortoir des serpentards. Il voulut aussitôt vérifier ses poches, pour voir si son couteau, sa baguette et sa flasque étaient toujours là, mais une main l'en empêcha. Quelqu'un s'occupait de lui. Le visage de la personne était floue, mais elle prenait soin d'appliquer un morceau de tissu sur son front pour vérifier sa température. Il ignorait depuis combien de temps il était là, ni même où il était, c'est donc tout naturellement qu'il posa la question, encore vaseux. « Où suis-je ? » Peu à peu, malgré la lumière faible qui lui indiquait qu'il faisait encore nuit, il distinguait de mieux en mieux l'image de l'inconnue. Une femme. « Maman ? » Il délirait complètement. Et pourtant l'étrangère ressemblait à sa mère, en ayant les mêmes gestes qu'elle.

Sous sa main, Zirwya sentit que le jeune homme revenait peu à peu à lui, sortait de sa léthargie. Il semblait perturbé, comme s’il ne reconnaissait pas les lieux, un peu perdu. Ca n’était absolument pas étonnant étant donné le traumatisme qu’il venait de vivre. Plus de six heures de sommeil, il était à présent quatre heures du matin. La nuit lui paraissait longue, elle espérait qu’avec le réveil du jeune homme, elle le serait un peu moins. « Où suis-je ? » Comme Zirwya l’avait pressenti, il lui faudrait un moment avant de comprendre ce qu’il s’était passé et où il était. Après tout, il venait tout juste d’échapper à une mort certaine. Les poisons font rarement de cadeaux. Une minute de plus aurait pu lui être absolument fatale. Une chance que ses camarades l’aient trouvé à temps. Ils avaient d’ailleurs ramené avec lui sa baguette, un couteau et une flasque qu’ils avaient confiés à la jeune médicomage. Tout était rangé soigneusement dans son atelier derrière, confisqués jusqu’à ce qu’elle comprenne ce qu’il s’était passé ce soir. Il était impensable que les professeurs laissent des élèves se trimbaler à leur guise avec un couteau à la main. Pire, Zirwya avait voulu vérifier le contenu de la flasque et rien qu’à l’apparence du liquide qu’elle renfermait, elle en avait déduit qu’un fort poison avait agi. « Maman ? » Zirwya retira promptement sa main qui faisait toujours des aller-retour sur le front du jeune homme pour continuer à faire descendre sa température. Elle haussa des sourcils. Celle-là, elle ne l’avait certainement pas vu venir. « Tu trouves que je ressemble à ta mère ? Je te ferai remarquer que, vue mon âge, c’est pas du tout un compliment, et ne prends pas tes vapeurs pour une excuse. »

Zirwya continua à bougonner un peu, vexée de la comparaison du jeune homme, puis finit par retirer la serviette de son front et à la poser sur ses genoux. Elle lui avait laissé bien cinq minutes de récupération, maintenant, il fallait qu’il s’active un peu, ou bien il allait tomber de nouveau comme une souche dans un nouveau sommeil profond ce qui n’était pas bon du tout. Ce qu’il lui fallait c’était un bon sommeil réparateur, bon et long, et pour ça, il fallait lui vider complètement les batteries. Jusqu’à ce que le sommeil le gagne tout seul. En soit, ça ne paraissait pas tellement compliqué, en pratique, ça l’était beaucoup plus. Mais Zirwya avait alors pensé à l’assommer de question pour le maintenir éveiller jusqu’à ce qu’il ne puisse même plus hocher de la tête, anéanti par la fatigue. Il était tard, elle aussi n’avait qu’une envie, prendre place sur un lit adjacent et profiter de sa nuit, mais le devoir l’appelait. « Bon, mon nom c’est Zirwya. Je suis stagiaire à l’infirmerie et non pas maman à temps plein, s’il te plait. On m’a chargée de m’occuper de toi, et si tu veux mon avis, y a du boulot. » Outre les réponses qu’elle attendait, Zirwya devait aussi réussir à le lever pour lui passer une pommade dans le dos, pour atténuer les douleurs qu’il devait sûrement avoir dues à son état tétanique. Zirwya entendait encore les affreux craquements qu’il avait produits plus tôt dans la soirée, ses os étaient forcément fragilisés et il fallait réagir tout de suite. Prenant le parchemin et la plume qu’elle avait posés sur la table de chevet à côté du lit, elle commença à griffonner quelques mots. « Je vais avoir d’abord besoin de ton nom, ta maison… » Elle notait les différentes cases avant de les remplir avec les informations qu’il lui fournirait. « Symptômes ça je complèterai moi-même… Ah origines des symptômes, ça mon bonhomme j’attends des réponses. » Elle releva sa tête du parchemin et le regarda d’un air sévère. « Et n’essaye pas de me baratiner, tu veux ? » Elle avait étudié la flasque, elle se doutait à peu près de ce qui était dedans. Il suffisait qu’il dise un mot de travers, elle saurait s’il mentait. Si elle avait pu lui donner un conseil, ç’aurait été de jouer la carte de l’honnêteté car Zirwya avait horreur des menteurs.

Soudain, le geste doux et apaisant s'arrête. La douceur disparaît et laisse place à l'amertume. La pièce se fait de plus en plus oppressante autour de lui, en même temps que la personne qu'il prenait pour sa mère se met en colère. « Tu trouves que je ressemble à ta mère ? Je te ferai remarquer que, vue mon âge, c’est pas du tout un compliment, et ne prends pas tes vapeurs pour une excuse. » Kamen ne s'était pas attendu à ça. Il ignorait encore où il se trouvait, même si il comprenait peu à peu qu'il était allongé sur un lit. Pas vraiment confortable, mais il s'en contenterait. La fatigue le gagnait, il sentait chacun de ses membres engourdi par le poison qu'il avait pris. Il n'avait encore jamais testé ce breuvage, et même si son cerveau était encore embrumé par les ingrédients qu'il avait mélangé, il se souvenait parfaitement de ce qu'il s'était passé. Il avait pris cette potion, il était tombé puis... trou noir. Il ne parvenait pas à savoir si cela faisait longtemps qu'il était dans cet état ? « Bon, mon nom c’est Zirwya. Je suis stagiaire à l’infirmerie et non pas maman à temps plein, s’il te plait. On m’a chargée de m’occuper de toi, et si tu veux mon avis, y a du boulot. » Le jeune homme essayait de réfléchir en même temps que la jeune femme parlait. Ainsi donc elle l'avait amené à l'infirmerie ? Il n'avait jamais entendu parler de stagiaire à Poudlard, et le prénom de la jeune femme lui faisait penser qu'elle ne devait pas venir d'Angleterre. Il sonnait bulgare, des pays de l'est en tout cas, de chez lui... C'est pour ça qu'il l'avait pris pour sa mère. Le sorcier leva les yeux au ciel. Sa vision se faisait de plus en plus nette désormais, et il distinguait avec plus de facilité le visage métissé de sa protectrice. Elle était belle... comme un ange. Les effluves de poison faisaient toujours effet. Il hésita à sortir le carnet qui se trouvait habituellement dans la poche de son pantalon, c'est là qu'il notait ses résultats, toutes les informations sur les expériences qu'il réalisait sur lui-même. Il tâtonna doucement, mais sa poche était vide.  « Je vais avoir d’abord besoin de ton nom, ta maison… » Zirwya venait de prendre un parchemin et une plume. Avait-elle l'intention de faire un rapport sur ce qu'il s'était passé ? Son pouls accéléra. À Durmstrang, il ne s'était jamais fait prendre, et en même temps il n'avait jamais été aussi loin que ce soir. La seule fois où il avait été trouvé inconscient dans un lieu visible de tous, c'était Zahari, son demi-frère qui lui avait sauvé la mise. Là, il était tout seul. « Symptômes ça je complèterai moi-même… Ah origines des symptômes, ça mon bonhomme j’attends des réponses. » Kamen allait lui raconter un bobard, mais quand il vit son regard, il ferma aussitôt la bouche. « Et n’essaye pas de me baratiner, tu veux ? » Il se redressa un peu, il avait besoin d'avoir les idées claires et il détestait être ainsi allongé. Quand il tourna la tête, il aperçut sa flasque. L'objet du crime. Il eut du mal à avaler sa salive, car il comprit aussitôt que Zirwya savait ce qu'il y avait eu dedans. Du moins, elle ignorait peut-être les composants de sa potion, mais elle avait compris que c'était un poison.

Kamen était dans la mouise jusqu'au cou, mais plus il reprenait ses esprits, plus l'obsession de noter ce qu'il avait vécu devenait essentielle. Il était crucial qu'il note l'heure qu'il était. Il s'empara d'un parchemin et d'une plume qui étaient installées sur la table de chevet, puis il griffonna quelques formalités. L'heure à laquelle il avait ingurgité le poison, ça il s'en souvenait. L'heure qu'il était actuellement... Il chercha autour de lui une horloge, mais il n'y avait rien. Il commençait à paniquer, et un spasme le parcourut entièrement. Il lâcha la plume qui s'écrasa par terre. « Quelle heure est-il s'il vous plaît ? » Il regardait la stagiaire avec pitié, il était pathétique... Mais elle ne lui répondit pas. Alors, il décida de lui donner un peu de ce qu'elle demandait. « Kamen Yordanov... mais si vous aviez bien regardé la flasque, vous auriez vu le nom Yordanov juste en dessous... Je suis à Serpentard. » Il la défia du regard. Il n'avait pas l'intention de lui donner plus d'informations pour l'instant.

Le jeune garçon prit quelques longues minutes pour se remettre comme il faut. Après ce qu’il avait subi, il était normal qu’il ait un temps de réadaptation et de sortie de sommeil. Pourtant, après quelques instants, Zirwya le vit attraper un crayon et un parchemin. Elle ne l’arrêta pas, se disant qu’il avait peut-être du mal à parler et préférait écrire ce qu’il voulait demander à Zirwya. Elle attendu quelques deux minutes, puis il regarda au dessus du papier. « Quelle heure est-il s'il vous plaît ? » Zirwya se demanda ce qu’il pouvait bien griffonner car visiblement, il n’avait pas perdu sa langue. Il semblait juste encore un peu dans la lune. « Quatre heures passées. » Nul besoin de préciser si elle parlait du matin ou de l’après-midi, un simple coup d’œil vers les vitres de l’infirmerie lui donnerait sa réponse. La lune laissait passait quelques rayons de lumière sur le sol de la pièce, c’était, sans compter le chandelier de la pièce d’à côté, la seule lumière de l’infirmerie. Elle n’avait pas voulu allumer quoi que ce soit d’autre, de peur de ne réveiller les autres patients.

Il écrivit encore un peu puis lui donna une partie de ses réponses. « Kamen Yordanov... mais si vous aviez bien regardé la flasque, vous auriez vu le nom Yordanov juste en dessous... Je suis à Serpentard. » Zirwya n’aimait pas beaucoup les prétentieux qui osaient lui donner une leçon. En effet, elle vérifia, un nom était bien inscrit sur la flasque. Au moins savait-elle maintenant qu’il n’avait pas eu de choc post-traumatique, ce n’était pas plus mal. Elle nota à son tour sur son petit formulaire le nom et la maison. En revanche, c’était sûrement les informations qui l’intéressaient le moins. Il ne semblait pas vouloir partager beaucoup de choses, et pourtant, la volonté d’aider et sa curiosité maladive la poussaient à remplir les cases du dessous, mais elle se voyait mal comment insister. Elle ne voulait pas qu’il l’envoie paitre.

D’un coup sec elle lui retira le parchemin qu’il avait dans les mains et le plaça sur le lit derrière elle. « Arrête d’écrire cinq minutes, tu veux ? Concentre-toi plutôt sur mes questions, j’en ai pour deux minutes et après tu pourras reprendre tes occupations. » La manière forte était parfois la meilleure, il fallait qu’elle se fasse entendre. Ces choses-là n’étaient pas à prendre à la légère, un poison, ce n’était quand même pas rien. Zirwya s’inquiétait de l’état de cet élève, Kamen. Surtout si la flasque lui appartenait réellement, un poison puissant se trouvait dedans… S’était-il empoisonné lui-même ? Avait-il tenté de mettre fin à ses jours ? Zirwya savait s’inventer psychologue quand la situation l’exigeait, et elle était prête à le faire là, si tant était que le serpentard arrive à délier la langue, et ce n’était pas encore chose gagnée. « Tu m’as dit que cette fiole était à toi. Ce n’était pas du jus de citrouille là-dedans. Comment cette substance y est-elle arrivée ? Tu sais ce que c’est au moins ce que t’as bu ? C’est pas une potion censée te faire faire des pets de licorne, je parle sérieusement. » Elle reposa la plume et le parchemin sur la petite table, se leva et se rassit encore plus près du Yordanov. Elle le regarda droit dans les yeux. Après tout, il l’avait prise pour sa mère, alors elle pouvait peut-être jouer ce rôle jusqu’au bout. « Je sais que c’est pas facile de parler. Mais j’ai pas le droit de te lâcher tant que je ne sais pas ce qui est arrivé. Est-ce que tu as… des problèmes avec quelqu’un ? Tout ce qui sera dit ici restera ici, je peux te le garantir. » Elle avait laissé tomber son masque de rigolote, fini les blagues et les boutades. Zirwya voulait savoir la vérité, et elle l’aurait, parole de médicomage.

La jeune femme lui donna l'heure, et il se concentra à nouveau sur son parchemin. Il était resté plus de sept heures inconscient. C'était un exploit qu'il se soit réveillé. Son corps aurait très bien pu ne pas supporter le poison, et ça aurait pu être fatal pour lui. L'adrénaline et l'excitation le réveillèrent un peu plus. Il était fier de son coup, et en même temps soulagé de ne rien avoir eu de grave. Il se demandait si il serait toujours vivant si il n'avait pas eu l'aide de Zirwya. Probablement pas. Il lui était redevable, et c'est pour cela qu'il ne s'énerva pas quand elle lui prit son papier des mains. « Arrête d’écrire cinq minutes, tu veux ? Concentre-toi plutôt sur mes questions, j’en ai pour deux minutes et après tu pourras reprendre tes occupations. »  Elle était certainement en colère de ne pas avoir inspecté sa flasque mieux que cela. Mais il s'en fichait, elle faisait mal son boulot et ce n'était pas sa faute. Et il était toujours décidé à ne pas répondre à ses questions, que cela lui plaise ou non.  « Tu m’as dit que cette fiole était à toi. Ce n’était pas du jus de citrouille là-dedans. Comment cette substance y est-elle arrivée ? Tu sais ce que c’est au moins ce que t’as bu ? C’est pas une potion censée te faire faire des pets de licorne, je parle sérieusement. » Kamen ricana. Il trouvait que la jeune femme avait de l'humour. C'était sans doute l'humour slave. Après tout, ils étaient de la même nationalité, ils venaient de la même école. Enfin, Kamen le pensait, parce qu'avec cet accent, elle était forcément aller à Durmstrang avant d'exercer son métier. Pour toutes ces raisons, il ne pouvait pas la haïr, il ne pouvait pas lui manquer de respect. Alors, il essaya de se discipliner. Un nouveau frisson le parcourut, certainement les restes de poison qui se battaient dans son organisme pour survivre. Zirwya se calma elle aussi, elle se rapprocha de lui doucement, et parla d'un ton plus doux, plus posé. « Je sais que c’est pas facile de parler. Mais j’ai pas le droit de te lâcher tant que je ne sais pas ce qui est arrivé. Est-ce que tu as… des problèmes avec quelqu’un ? Tout ce qui sera dit ici restera ici, je peux te le garantir. » Kamen hésitait. Une nouvelle fois, il eut envie de rire. La seule personne qui lui voulait du mal, c'était lui-même. Mais à bien y réfléchir, il y avait pas mal de gens qui le détestaient à Poudlard, à commencer par Teodor Azarov. En même temps, Kamen ne pouvait pas lui en vouloir. Lors de leur scolarité à Poudlard, il l'avait empoisonné. Puis aujourd'hui, il était fiancé avec sa sœur. Lui aussi se détesterait si il avait été à la place de Teodor. Mais il ne voulait pas le dénoncer, il ne voulait pas mentir. Dissimuler la vérité oui, mais pas la déformer. « Écoutez... Ce n'est pas que je ne peux pas parler, c'est que je n'en ai aucune envie. Personne ne me menace. » Il vit dans les yeux de Zirwya que ce n'était pas suffisant. Mais il ne pouvait pas lui donner plus. Pourtant, la jeune femme lui inspirait confiance, il sentait qu'elle serait là pour lui. Peut-être était-ce la faculté de toutes les infirmières. Peut-être était-il en train de se laisser berner. Dans tous les cas, il céda, et il le regretta aussitôt. « La seule personne qui me veut du mal, c'est moi. » Il s'insulta intérieurement, dégouté d'avoir trahi son secret. Il n'avait pas l'intention d'en dire plus. Alors, il feignit de se recoucher dans les draps, alors que chaque parcelles de son corps le tiraillaient quand il bougeait. Il tourna le dos à Zirwya. « Je suis fatigué. Laissez-moi s'il vous plaît. »

Il était clair que ce Kamen déstabilisait la jeune médicomage. Elle en avait vu passer des estropiés, des mourants, des empoisonnés, des amputés… Tous avaient des caractères plus ou moins trempés et Zirwya, accompagnée de son petit humour et des grandes phrases arrivait souvent à trouver la sympathie des gens. Or le serpentard ne discutait pas, ne parlait pas. Zirwya tentait de lui arracher les mots qui sortaient par contrainte mais ne lui apprenaient rien de plus. Elle se sentait lasse et incompétente. « Écoutez... Ce n'est pas que je ne peux pas parler, c'est que je n'en ai aucune envie. Personne ne me menace. » Zirwya lâcha un soupir un peu trop bruyant. Elle était soulagée. En réalité, elle n’aurait pas su comment réagir si elle avait appris qu’il y avait des tensions mortelles au sein de l’école. Elle en aurait sans doute parlé à Poppy qui devait être bien plus qualifiée qu’elle dans ce domaine-là. Après tout, Zirwya n’était confrontée à des jeunes que depuis quatre petits mois, on ne pouvait pas lui demander de déjà savoir comment résoudre tous les problèmes qu’ils pouvaient engendrer. Elle aurait pourtant aimé en savoir plus. Si personne n’avait mis de poison dans cette fiole alors quoi ? Etait-ce un accident ? Elle ne savait plus vraiment où donner de la tête ni vers quelle supposition aller. « La seule personne qui me veut du mal, c'est moi. » La Izlechen releva doucement la tête pour venir planter ses yeux marron dans ceux du Yodarnov. Non, il ne plaisantait pas. Oui, il était on ne peut plus sérieux. Un frisson la parcourut. Elle se demanda si elle pouvait discuter avec lui de ce qu’il venait de lui avouer, ou si elle devait tout simplement le noter sur son rapport et laisser des personnes supérieures s’en charger. Elle se sentit étrange tout à coup. Comme si quelque chose lui avait échappé. Comme si elle ne savait plus comment réagir. Kamen y mit rapidement un terme. « Je suis fatigué. Laissez-moi s'il vous plaît. » D’ordinaire, elle aurait juré, se serait énervée. Elle aurait insisté. Mais elle était trop perturbée par ce qu’elle venait d’entendre, qu’elle n’en avait plus de mot. Zirwya attrapa son parchemin et sa plume, les colla contre son torse et se leva du lit. « Oui, je… Appelle-moi si tu as besoin de quoi que ce soit. » Elle continuait de regarder le garçon qui s’était tourné. Elle n’arrivait pas à savoir s’il était solitaire ou simplement perdu. Elle ignorait si elle devait l’aider ou s’il maitrisait complètement ce qu’il faisait. A priori, non, il ne maitrisait pas, sinon il n’aurait pas eu besoin d’aide ce soir. Si des amis ne l’avaient pas trouvé, il serait mort à l’heure qu’il est. Zirwya resta avec ses incertitudes, souffla sur la bougie et rejoignit son petit cagibi.

L’aube se levait peu à peu et Zirwya somnolait, se réveillant par intermittence pour vérifier que l’infirmerie était toujours calme. Elle ouvrit péniblement les yeux et fit sa ronde. Elle passa devant le lit du serpentard qui semblait être enfin en plein sommeil. Elle remarqua que sa couverture était tombée et s’empressa d’aller la ramasser. Elle la remit sur le corps frêle du jeune homme. Il avait l’air beaucoup plus vulnérable qu’elle ne l’aurait pensé en le croisant dans les couloirs. Elle remonta la couverture jusqu’à son cou. L’hiver était rude, et il était déjà assez faible comme ça, mieux valait le ménager et lui éviter d’attraper quelque chose d’autre en prime. Dans le processus, Zirwya déplia ses bras de tout son long, laissant sa blouse de travail trop courte se rétracter presque jusqu’à son coude, dévoilant la marque des ténèbres qu’elle oubliait parfois. Elle était estompée, plus aussi noire qu’avant, mais elle est toujours bien présente, apposée, lui rappelant sans cesse que quelque part, elle avait un terrible passé qui l’attendait. Elle se dépêcha de remettre la couverture en place et de tirer sur sa manche. Elle retourna finalement dans le cagibi pour ramasser ses affaires, elle allait bientôt céder la place à Poppy et aller s’accorder une bonne matinée de sommeil. Avant de partir, elle prépara tout de même les potions et remèdes que les élèves devraient avaler en se réveillant. Elle repassa une dernière fois devant Kamen et posa le liquide sur la table de chevet avant de prendre ses affaires et se diriger, cette fois-ci, vers la sortie.