We're not gonna be just a part of the game. We're not gonna be just the victims. They're taking our dreams and they tear them apart. We won't let them change how we feel in our hearts. We're not gonna let them control us. We won't let them shove all the thoughts in our heads. And we'll never be like them
Rien ne se passait comme prévu. Le château prenait lentement des allures de prison. Pas un seul déplacement n’était accompagné d’un adulte. Manger, cours, dormir. Même les toilettes faisaient l’objet d’une escorte… La nuit avait fait tomber sa cape sur les terres depuis des heures et comme bien souvent le sommeil était venu à manquer. Les cauchemars t’avaient une nouvelle fois enlisée dans une torpeur sombre. Sursaut secouant ta frêle carcasse en un réveil brutal. Terreurs nocturnes de plus en plus violentes depuis… depuis que tu t’étais braquée face à Dimka. Depuis cette altercation virulente que tu n’avais su contrôler. Tu ne parvenais pas à comprendre pourquoi les potions perfectionnées de tes amis n’étaient pas plus efficaces que cet idiot d’Aiglon. Tes balades nocturnes te manquaient et cette nuit tu avais cherché le calme apaisant de la nuit. Toi qui portait le nom d’une étoile avait envie de regarder briller le ciel sombre encore une fois. Comme avant. Comme avant tout ce bordel. Cette invasion d’étrangers, ces bruits de couloirs concernant la magie. Comme avant cette folie qui avait envahi les couloirs du château chassant la paisibilité qui y régnait. Juste une fois. Depuis deux ans, tout s’était écroulé. Ce petit monde si bien construit que tu avais vu évoluer autour de toi s’était lentement mis à agoniser. La perte de Keith, l’emprisonnement d’Erèbe. Tu pouvais compter sur le bout des doigts les merveilleuses rencontres que tu avais pourtant réalisé depuis.
D’abord Oktavia, cette jolie blonde qui, aussi calme que tu n’es explosive, est venue te compléter à merveille. A l’abris des regards, les fous rires vous embrasaient. Tu t’amusais à la pousser toujours plus loin, à briser petit à petit les barrières qu’elle avait érigé tandis qu’elle t’apaisait alors que tu t’apprêtais à faire une folie. Il y avait bien sûr Mikha ou encore Moïra que tu découvrais petit à petit. Mais il en était d’un autre genre qui avait bousculé tes habitudes. Qui étaient rentrés dans ta vie avec de leurs gros sabots. Dimka était de ceux là. Peut-être que tu aurais dû te fier à l’instinct d’Atos. Après tout, tu n’avais jamais choisi entre les deux, l’un étant ton meilleur ami depuis ta plus tendre enfance. L’autre ayant débarqué avec ses traits d’humeurs et son caractère si piquant. Tu connaissais depuis bien longtemps mais t’étais réellement rapproché de lui depuis son arrivée à Poudlard. Enfin, il y avait Thomas dont tu reconnus la silhouette alors que tu rentrais dans la salle commune. Déterminée à sortir, malgré toutes les précautions possible, tu avais finalement fait machine arrière tant les aurors erraient dans les méandres des cachots.
Silencieuse, tu observais Thomas un instant. Au même titre que Dimka, il avait fait une entrée fracassante dans ta vie. Prenant toujours un peu plus de place, remplaçant d’une étrange façon Keith, laissant s’éteindre la lumière de ce dernier alors que Thomas s’enlisait dans les ombres. Et s’il avait tendance à couler lentement, tu te laissais aller avec lui, comprenant ses humeurs, ses envies. Car tout cela, tu le traversais aussi. Ce labyrinthe de sentiments frustrés et rageurs. Ce besoin de comprendre. Ce besoin de vengeance. Thomas était comme toi. Il avait bien trop perdu dans cette bataille. Encore récemment tes parents t’écrivaient pour te dire que le ministère avait refusé la libération de ton frère…Tu avançais lentement vers ton ami et te glissais à ses côtés sur le canapé qu’il occupait, penché sur des parchemins. Tu lui adressais un sourire. « Tu aurais pu avoir ton insomnie plus tôt, ça m’aurait évité d’aller chercher à me balader dans le château. » Un sourire étira tes lippes alors que tu lui adressais un regard amusé. Si tu l’avais croisé avant ta tentative d’évasion, tu serais effectivement resté en sa compagnie s’il en avait voulu. Tu t’enfonçais dans entre les coussins moelleux alors que tu t’étirais légèrement. Tes iris observèrent un instant son profil. Tu aimais ses traits arrogants et éthérés. Son sourire qui se voulait parfois narquois. Mais ce que tu appréciais le plus c’était son regard lorsque vos discussions se faisaient plus sérieuses. Celui qu’il arborait en ce moment même. Tu repliais tes jambes contre toi, encerclant tes genoux de tes bras. « Un problème ? » Tes prunelles claires plongèrent dans les siennes. Tu le connaissais assez pour savoir qu’il y avait quelque chose. Assez aussi pour savoir que s’il ne désirait pas en parler, il le ferait sans détour sans pour autant heurter sa sensibilité. Cela avait toujours fonctionné ainsi entre vous depuis que vous vous connaissiez. Le silence environnant berçait les lieux et seul le crépitement du feu dans l’âtre de la cheminée venait troubler le calme des lieux. Il n’était pas rare de voir errer quelque serpents la nuit tombée mais la tranquillité était bien plus docile en ces heures de sommeil perdues.
Thomas s’était levé brusquement. Cela faisait des heures qu’il ne cessait de se retourner dans ses draps qui semblaient vouloir l’étouffer. Derrière ses paupières fermées, le visage d’Alexandre lui souriait. Il était accompagné des mots de la lettre qu’il avait reçue quelques semaines plus tôt. « Je suis désolé que ça se soit terminé ainsi. Ton frère ne le méritait pas, il était resté loin de toutes ces histoires. » Les paroles de Cymbae dansaient devant ses yeux dans un tourbillon infernal. Thomas avait longtemps hésité à contacter le frère d’Alcyone. Pour lui dire quoi ? Qu’il recherchait le nom des personnes présentes à la Bataille de Poudlard car c’était en réalité là qu’Alexandre était mort ? Bien qu’il soit l’aîné d’Alcyone, Thomas ne pouvait se permettre de lui faire confiance. N’importe qui pourrait utiliser cette information pour faire chanter sa famille. Alors, Thomas avait tâté le terrain. Il avait dit s’intéresser à cette manifestation anti-sang pur dans laquelle Alexandre avait prétendument été tué. Il voulait voir si, par ses réponses, Cymbae dévoilerait qu’il connaissait l’implication de la famille de La Rivière. Il était resté loin de toutes ces histoires. Cymbae n’était pas au courant du fait qu’Alexandre avait été impliqué dans la guerre britannique. Il fallait avouer que les de La Rivière avaient assurés leurs arrières. Si Alexandre n’avait jamais porté la Marque, il avait toujours porté la cagoule noire des serviteur du Seigneur des Ténèbres. Parmi les Mangemorts peu étaient au courant de sa présence. Et ces personnes, triées sur le volet, étaient soit mortes à ses côtés, soit avaient aidé à cacher la véritable cause de sa mort et avaient déjà livré tout ce qu’elles savaient sur les circonstances du meurtre. Thomas avait espéré qu’Alexandre se soit rapproché d’autres Mangemorts sans le lui en avoir parlé. Selon les messages de Cymbae, ils s’étaient en effet vus plusieurs fois durant le séjour du français à Londres. Mais Alex ne lui jamais avoué les vraies raisons de sa présence. Tout comme Thomas n’avait jamais dit aux plus proches de ses amis que son frère était mort en combattant pour le Seigneur des Ténèbres. La prudence. Savoir se taire pour protéger sa famille. Des notions qui leur avaient été inculquées très tôt. Thomas autant qu’Alex était pourtant impulsif. Mais ils avaient toujours été excellents dans le mensonge. Aujourd’hui la discrétion d’Alex avait permis de sauver l’honneur de sa famille mais empêchait aussi Thomas d’en savoir plus. C’était terriblement frustrant. Thomas avait continué d’échanger quelques lettres avec Cymbae pour creuser encore un peu. Il tenta d’en apprendre un peu plus sur les Mangemorts et de voir s’il n’y avait pas un moyen de diriger la conversation vers la Bataille de Poudlard sans que cela fasse suspect. Mais il n’y avait rien eu d’intéressant. Il n’avait aucune piste. Comme depuis le début.
Thomas entra dans la Salle Commune, les lettres de Cymbae à la main. Des lumières vertes tamisées entouraient les fenêtres qui donnaient sur le lac, renvoyant des reflets mouvants. Comme tout à Poudlard, la Salle Commune des Serpentards était faite de pierre brutes et avait un aspect grossier et peu élégant. Thomas avait pourtant appris à aimer l’ambiance qui s’en dégageait et se coula dans l'un des énormes fauteuils en cuir sombre. Apparaissant de nulle part, Caradoc, son chat, sauta à ses côtés et se lova sur ses genoux. Le serpent sortit les lettres de Cymbae et les parcouru une nouvelle fois à la recherche d’une phrase, d’un mot, lui permettant d’embrayer sur la Bataille de Poudlard. Mais rien. Un bruit le fit sursauter. Thomas leva les yeux, Alcyone avançait doucement vers lui. Il ne l’avait pas entendue entrer. Souriante, elle se glissa à ses côtés en lui reprochant d’un ton taquin de ne pas avoir eu son insomnie plus tôt. Thomas leva un sourcil faussement indigné.
« Ou alors tu aurais pu patienter un peu que je vienne t'accompagner. »
Thomas lui sourit doucement. Il reporta ensuite son regard vers les parchemins de Cymbae. Ils ne lui serviraient à rien. Les rassemblant en une seule pile, il se mit à les ranger. Il sentait le regard d’Alcyone sur lui et releva les yeux en sa direction. « Un problème ? » Thomas haussa des épaules.
« Pas vraiment, pas plus que d’habitude en tout cas. Plutôt un manque de solution, je dirais. » Thomas se cala dans les coussins moelleux du fauteuil et désigna les parchemins qu’il avait laissé sur la table basse. « Apparemment ton frère n’a rien de plus à m’apprendre que ce que je ne savais déjà. Enfin, c’est pas grave, ça valait la peine d’essayer. Merci de m’avoir mis en relation avec lui. »
Alcyone avait été là pour lui depuis plusieurs années déjà, même si ça n’avait pas toujours été en présence physique. Ils n’avaient jamais cessés de se parler depuis leur rencontre lors du Tournois des Trois Sorciers. Les choses avaient bien évolué entre eux depuis son retour à Poudlard. Alcyone était devenue une jeune femme magnifique et intelligente. Elle était l’une des personnes à qui Thomas s’était le plus confié au sujet de son frère. Sans jamais lui avouer la vérité. Pourtant, elle comprenait. Sans avoir eu le malheur de voir son aîné mourir, elle l’avait elle aussi perdu. Et alors qu’autour de Thomas tout le monde semblait lui dire qu’il aurait dû pouvoir passer à autre chose, Alcyone l’avait soutenu.
« C’est juste… tellement frustrant. De ne rien pouvoir faire, de devoir accepter qu’on puisse m’enlever mon frère sans aucune conséquences. Parfois, je me dis qu’il faudrait que j’abandonne… »
Thomas se mordit la lèvre, pensif. Abandonner, il y pensait souvent. Mais le visage d’Alex revenait danser devant ses yeux et le besoin de vengeance se mettait à nouveau à gronder dans son cœur.
We're not gonna be just a part of the game. We're not gonna be just the victims. They're taking our dreams and they tear them apart. We won't let them change how we feel in our hearts. We're not gonna let them control us. We won't let them shove all the thoughts in our heads. And we'll never be like them
Tu t’étais installée sur le canapé de la salle commune comme bien des fois, comme bien des nuits. Il n’était pas rare de te trouver là alors que tout Poudlard était endormi. Le visage penché sur une de tes créations, bijou en train de naitre eux creux de ta paume. Il fallait avouer que cette passion te dévorait depuis que tu étais gamine. Et tandis que le nuit se faisait terrible, tu te plaisais à façonner, créer. Ta concentration te faisait oublier les restes. Tes cauchemars, tes disputes… En ce moment, il n’était plus aussi aisé de s’amuser, de se faufiler dans les couloirs. Vous étiez traqués, confinés. La magie s’énervait contre les sorciers. Elle semblait vous punir de vos dérives. En cours de sortilèges, tout s’était mis à disjoncter. Une folie terrifiante. Alors tu comprenais les mesures drastiques, même si elles te pesaient. Cela ne faisait que quelques semaines, mais tu étouffais toi qui avait toujours soif d’amusement et de liberté.
Tu observais Thomas avec un intérêt non fin. Tu revoyais un instant son visage poupon la première fois que vous vous étiez rencontrés, lors du tournois des sorciers. Curieuse de tout, tu avais été à la rencontre de ces étrangers sans jamais te douter qu’un jour, ils reviendraient pour de bon. Et surtout dans quelles circonstances. La vérité se dévoilait petit à petit. Et alors que cet échange s’instaurait, tu l’avais vu revenir avec bonheur. Vos échanges de lettres avaient permis de garder le contact, et vos retrouvailles n’en avait été que plus agréable. Petit à petit, cotre amitié s’était renforcée dans cette alliance sombre et destructrice concernant vos frères. Etre chers et perdus. Tu désespérais de savoir ton ainé à Azkaban. Il n’était pas mort. Il était là, quelque part, mais tu n’avais plus le droit de le voir, le prendre dans tes bras. D’entendre son rire et ses moqueries. Thomas te comprenait. Un soir cela avait dérapé entre vous. Là l’un pour l’autre, à parler, se consoler avec le peu d’argument à votre disposition. Etrangement, vos corps s’étaient attirés, vos mains avaient cherché l’autre bien plus intimement que lors d'une simple étreinte amicale. Ca s'était fait, tout simplement. Sans jamais entacher votre amitié. Et cela arrivait encore, sans attache, sans engagement. La seule relation que tu avais pu avoir était celle avec Mérope. Un jeu presque à tes yeux, tant l’interdit de la chose te faisait vibrer. Si Thomas savait… Tu gardais précieusement ce secret pour ta cousine qui ne te parlait plus depuis…
Tu laissais échapper un rire alors qu’il te parlait de patience. Tu plongeais tes prunelles bleutées dans les siennes amusées. La patience. Ce n’était vraiment pas l’une de tes qualités. Bien trop impulsive pour rester sagement assise. Bien trop vive pour réfléchir avant d’agir. Il n’y avait qu’à voir ton dernier échange avec Dimka. Au lieu d’admettre, au lieu de reconnaitre, tu avais mordu jusqu’à éveiller en lui une colère sourde. Ton coeur se serra en y pensant. « Alcyone et patience ? Tu manques vraiment de sommeil. » Un sourire moqueur étira tes lippes avant qu’il ne s’estompe doucement devant son regard qui se faisait plus soucieux, plus sérieux. Et tandis que tu lui demandais s’il y avait un problème, tu te redressais légèrement sur la canapé alors qu’il te répondait. Tu observais ses gestes, écoutais ses paroles. Un souffle passa entre tes lippes et tu penchais vers lui, posant une main sur la sienne qui s’agitaient autour des parchemins. « Je suis désolée Tom… J’aurais vraiment aimé que ça t’aide. » Tu cherchais son regard un instant, voulant le réconforter face à la déception qu’il ressentait, que tu ressentais pour lui.
Tu serais un peu plus son poignet alors qu’il s’exprimait sur sa frustration. Tu te mis à caresser doucement son avant bras afin de l’apaiser. « Est-ce que tu en as envie ? » soufflas-tu doucement. C’était certainement la seule question à laquelle il devrait répondre. Et lui seul était capable d’y apporter une réponse. Seulement, il fallait ouvrir son coeur, se mettre un instant à nu, se décortiquer lentement pour pouvoir être honnête. Honnête avec soi-même. La vengeance était une fin. Faim. Mauvaise, néfaste. Nocive. C’est que certains disaient. Ceux qui n’en connaissait pas le goût. Qui n’avait aucune raison de la ressentir vibrer aux creux de leurs entrailles. Comment comprendre quelque chose qu’on ne vit pas ? « Il faut vivre sans regret. Si Cym’ était ton dernier espoir peut-être est-ce un signe qu’il faut arrêter. Que voudrait ton frère ? Que tu sacrifies ta vie pour rendre justice à la sienne ? » Tu marquais une pause, arrêtant ta main sur la sienne. « Ou est-ce un besoin vital pour toi de connaitre la vérité ? Et est-ce que tu as besoin d’elle pour avancer, pour passer à autre chose ? » Quelque part tu étais persuadée que tout comme toi, c’était ce besoin là qui le tenait encore éveillé. La vengeance tu ne la vivais que par frustration. Ton frère s’était battu durant la bataille du côté du Lord. Il s’était enfoncé tout seul dans cette situation. Une chose t’avait toujours étonnée, comment se faisait-il que son visage ait été à découvert ne serait-ce qu’un instant ? Cymbae ne t'avait jamais réellement répondu à ce sujet, laissant toujours le doute dans ton esprit.
Blottie dans les coussins du canapé, Alcyone lui lançait un regard moqueur. Patiente, elle ? Elle sourit à cette phrase, lui faisant remarquer qu’il n’était probablement pas très réveillé. Thomas rigola doucement en haussant des épaules. Il était vrai qu’Alcyone n’était ni la plus patiente ni la plus douce de ses amies. C’était plutôt le rôle de la calme Oktavia. Les deux jeune filles étaient tellement complémentaires, Thomas avait pu le constater à de nombreuses reprises depuis le début de l’année. Ça lui faisait immanquablement penser à sa relation avec Moïra. C’était elle qui le calmait et l’assagissait, tandis qu’il la poussait depuis toujours à commettre des bêtises. Les deux serpents avaient besoin des douces aiglonnes dans leur vie. Elles n’étaient pas toujours là, cependant. À deux, les Serpentards s’entraînaient sur une sombre pente. Ils parlaient de leurs frères, de leur absence. De ce qu’ils avaient perdu. Quand Alcyone doutait de la légitimité de désirer la liberté de son frère, Thomas était là pour la soutenir et l’aider à accepter ses sentiments. Elle faisait de même, ne jugeant pas son désir de vengeance contrairement à tant d’autres. Bien sûr, leur amitié ne se limitait pas à ces discussions destructrices. Il y avait beaucoup de bienveillance, beaucoup de sincérité. Le mélange des deux formait un cocktail explosif et, un soir, leurs corps s’étaient trouvés. Elle était si belle et désirable, Alcyone. Il n’y avait pas d’obligation, pas d’attache dans leur nouvelle relation. Simplement, une amitié franche avec parfois un petit peu de piment. Alcyone le connaissait si bien, désormais. Elle n’eut aucun mal à voir son changement d’humeur alors qu’il rassemblait les lettres de Cymbae en un petit tas. Thomas tenta de cacher son amertume en expliquant à son amie que la correspondance avec son frère ne l’avait finalement pas tant aidé. Mais la vert et argent décela bien facilement sa déception. Elle posa avec douceur sa main sur la sienne. Thomas cessa son rangement nerveux et sourit avec reconnaissance à la gentillesse de son amie.
« Ce n’est rien, c’est déjà tellement bien d’avoir pu lui écrire. Ne t’en fais pas. »
Sa voix serrée contrastait avec ses paroles, il s’en rendait bien compte. Et Alcyone ne devait pas être dupe. Il aurait tellement voulu que ce soit vrai, que ce ne soit rien. Il aurait voulu passer à autre chose, ranger ces lettres et ne plus y penser. À la place de quoi, il se retrouvait réveillé au beau milieu de la nuit, parcourant une énième fois les mots de Cymbae. Pensif, il tenta d’expliquer sa frustration à Alcyone. Abandonner serait tellement plus simple. « Est-ce que tu en as envie ? » Bonne question. Il soupira et ferma les yeux. Il se concentra sur la sensation du bout des doigts d’Alcyone qui caressait son bras avec douceur. Oui… Oui, il avait envie d'arrêter sa quête de vengeance. Arrêter de se torturer, passer à autre chose, il aurait tellement voulu pouvoir le faire. Alcyone avait un regard sérieux et tendre à la fois. Malgré les sentiments de rage et frustration qui l’agitaient, Thomas ne pouvait s’empêcher d'admirer la beauté de son amie. Il aimait tellement ses yeux lorsqu’ils reflétaient ces sentiments réfléchis mais sombres à la fois. Il attrapa la main qui parcourait son avant-bras et caressa sa paume en écoutant les paroles d’Alcyone. La réponse négative de Cymbae était-elle réellement le signe qu’il fallait arrêter ? Il y avait pourtant tellement d’autres pistes à explorer. Thomas se rapprochait de plus en plus de Belladona, cette Gryffondor qui avait été présente lors de la Bataille de Poudlard. Il avait même prévu de lui donner rendez-vous dans la salle de rised pour enfin aborder la question de son frère. Non, il ne pouvait penser que la réponse de Cymbae lui disait d’arrêter alors que d’autres pistes se dessinaient devant lui. Il comprenait ce qu’Alcyone voulait dire, cependant. Et il ne savait pas quelle réponse apporter à la question de savoir ce qu’aurait voulu Alexandre. Ils n’avaient jamais évoqué une telle éventualité. Ils n’avaient jamais envisagé qu’un membre de la fratrie pouvait être mortel. Mais Thomas savait qu’Alexandre lui ressemblait beaucoup, c’était lui qui l’avait toujours attiré dans les plus grosses bêtises. Peut-être que son frère n’aurait pas voulu le voir se perdre dans la vengeance mais il était certain que c’est ce qu’il aurait fait s’il avait été à sa place. Alors il pouvait certainement répondre positivement aux questions de savoir si c’était un besoin vital pour lui de connaître la vérité. Serrant la main d’Alcyone dans la sienne, Thomas acquiesça silencieusement. Il cherchait à formuler ses pensées. Après quelques secondes, il prit enfin la parole.
« Oui, j’ai envie d’abandonner. J’ai tellement envie de pouvoir faire comme Moïra et accepter que, quoique je fasse, ça ne changera de toute façon rien. J’aimerais pouvoir penser à mon frère sans être furieux, j’aimerais pouvoir être juste… triste. »
Il baissa la tête, les lèvres serrées. Il n’avait toujours pas pleuré. Pas une seule larme versée pour son frère. Il avait l’impression d’être insensible, d’être brisé. C’était pire encore que d’être simplement triste.
« J’en ai tellement envie, mais je n’y arrive pas. Je n’en dors pas, comme tu peux le voir. J’ai l’impression de mourir à mon tour si je ne fais rien. » Il soupira et réussi à trouver la force de plonger son regard dans celui de son amie. « Qu’est-ce que cela fait de moi ? Est-ce que je suis fou ou horrible de ne pouvoir vivre sans envie de vengeance ? J’ai l’impression que ça n’a d’autres conséquences que de blesser les gens autour de moi et que, malgré tout, je continue parce que je ne sais pas quoi faire d’autre. »
Egoïste. Ce mot, il l’avait lu tant de fois dans le regard de Moïra. Il ne lui en voulait pas, il savait qu’elle avait raison. Mais il n’arrivait pas à faire autrement. Il était un ouragan de sentiments rageurs et il entraînait dans son tourbillon les personnes qu’il aimait et d’autres encore. Personne ne s’en sortirait indemnes, pas même lui.
We're not gonna be just a part of the game. We're not gonna be just the victims. They're taking our dreams and they tear them apart. We won't let them change how we feel in our hearts. We're not gonna let them control us. We won't let them shove all the thoughts in our heads. And we'll never be like them
Ton regard se posait sur Thomas avec attention. Ta main sur la sienne, tu tentais de l’apaiser, d’effacer ce trouble qui semblait s’être emparé de lui. Triste de le voir ainsi. De tous ces nouveaux visages venus d’ailleurs, Tom était celui que tu avais été le plus heureuse de retrouver. Le fait qu’il soit en plus arriver au sein des Serpentard, n’avait fait qu’unir davantage votre amitié. Puis il y avait ce passif… Tu penchais légèrement la tête sur le côté alors qu’il te répondait que ce n’était rien. Que c’était bien d’avoir pu écrire à ton frère. Peut-être que Cymbae n’était pas celui qui savait le plus de choses… Mais écrire à Erèbe à Azkaban était bien trop dangereux. « Tu mens… » Murmure discret mais tellement vrai. Tu lui adressais un léger sourire tout en glissant tes yeux dans les siens. Ses gestes, sa voix. L’assurance qui se dégageait de lui en temps normal s’était légèrement estompée ce soir. Elle laissait place au doute, à la fatigue. Tu le sentais. Si tout allait si bien, vous ne seriez pas comme deux idiots dans ce canapé en pleine nuit. Bien sûr que non… Vous seriez cachés dans vos lits respectifs, le nez enfouit dans l’oreiller. Pourtant vous étiez privés de sommeil. Morphée avait oublié de distribuer son sable au dessus de vos têtes trop remplies par des pensées sombres.
Du bout des doigts, tu frôlais son avant bras avec douceur. Dessinant des arabesques imaginaires. Geste qui te détendait autant que tu ne cherchais à l’apaiser. Surtout que votre discussion n’était pas des plus joyeuses. Elle glissait sur un chemin hasardeux dont les épines étaient aiguisées. Tu étais perdue toi même. Tu savais que ton frère n’avait certainement pas fait des choses très… correctes mais ton amour pour lui prenait le dessus sur la raison. Tu te fichais bien des actes qu’ils avaient pu commettre. S’il l’avait fait, n’avait-il pas une bonne raison ? Tes iris claires glissèrent sur la main de Thomas qui s’emparait de la tienne. Tu t’enfonçais un peu plus dans le canapé profitant du contact de ses doigts au creux de ta paume. Il semblait réfléchir à ces questions que tu venais de lui poser. Etait-ce les bonnes ? Bien sûr que tu avais un parti pris. Certainement un autre que tous ceux qu’il fréquentait. Ne serait-ce que sa jumelle qui semblait regarder votre relation d’un roeil sombre malgré l’amitié que vous vous portiez. Tu resserrais ta main alors qu’il exerçait une légère pression sur la tienne. Tu n’avais pas prononcé un mot suite à tes propos, te contentant de l’observer. Son visage, ses traits éthérés. Ses lèvres pleines et son regard fauve. Le Thomas de ton enfance avait bien changé. Constat qui était loin de te déplaire, il fallait l’avouer.
Ca te faisait mal de le voir comme ça. Toute sa carcasse dégageait de la souffrance. Tu aurais voulu pouvoir y faire quelque chose. Ca te rendait folle de rester impuissante face à sa douleur ; devant sa blessure encore ouverte qui peinait à cicatriser. Tu aurais voulu l’aider à avancer. Peut-être en réalisant cette putain de vengeance. Peut-être en l’aidant à oublier l’espace de quelques instant. Mais tu n’avais pas les armes. Et toute puissante soit la magie, elle semblait si inutile dans de pareilles circonstances. Tu te glissais un peu plus vers lui, appuyant ton épaule à la sienne, sans lâcher sa main. « Horrible, fou. Ce ne sont pas les bons mots Tom. » Tu penchais légèrement le visage pour hisser tes iris dans les siennes, tentant de le garder avec toi ; cherchant à éviter qu’il ne sombre dans ses pensées troubles. Tu cherchais un instant tes mots réalisant soudainement une chose. « Je crois… je crois que pour toi, la vengeance est ce qui te permettra de faire ton deuil. Car pour l’instant tu refuses de le faire. » Tu n’avais pas ce trouble concernant Erèbe. Tu n’arrivais pas à savoir si tu n’en étais pas d’autant plus frustrée. Le savoir, là, vivant quelque part. Sans pouvoir l’approcher, le toucher. Entendre son rire. Tout cela était encore possible. Tu t’accrochais à un mince espoir et en même temps, cela te semblait si irréel. Tes parents avaient beau y mettre des sommes incroyables, rien y faisait encore. Erèbe restait derrière les barreaux d’une cellule moisie. Thomas, lui te donnait cette impression de refuser cette mort. Que tant qu’il n’avait pas assouvi sa vengeance, alors il n’avait pas à y penser. Mais une fois ce besoin viscéral accomplit que ferait-il ? D’ailleurs, s’il retrouvait les coupables en viendrait-il à les achever ? Et même si une part de toi trouver cela dingue, une autre te murmurait que c’était normal.
Tu repliais tes jambes sur le canapé, te hissant légèrement sur les genoux. Tu relâchais la main du Serpentard et encerclait ses épaules de tes bras l’invitant dans une étreinte réconfortante. Tu reculais légèrement pour ancrer tes prunelles claires dans son regard ambré. « Quoi que tu décides, je serais toujours là si tu en ressens le besoin. » Tu déposais un léger baiser sur sa joue avant de le libérer. Assise à ses côtés, tu laissas ta tête s’appuyer contre son épaule. Tu observais un instant les flammes qui crépitaient, berçant vos silences. « Mais à bien y penser, t’es un peu fou quand même. » lança-t-elle sur un ton moqueur avant de lui pincer les côtes cherchant à détendre l’atmosphère.
« Tu mens...» Il releva la tête, planta son regard ébène dans celui de la jeune fille. Un sourire franchit les lèvres de Thomas. Si elle savait. Tu mens. Ironiquement, il n’y a pas de plus grande vérité que celle-là. Il ment à tout le monde, tout le temps. Il ment par plaisir, par défaut, par ennui, par habitude ou par obligation. Il ment tellement que, parfois, il oublie qui il est ou pourquoi il le fait. Il ment à ses amis, un peu, et aux autres beaucoup. A des gens qu’il méprise, il leur fait croire qu’il les aime et les protège. Il ment à propos de ses opinions et de ses relations. Qui d’autre que sa famille pouvait prétendre de le connaître ? Tu mens. Il ricana sans joie et acquiesça avant de détourner le regard. Il lui ment à elle. À propos d’Alexandre, à propos de sa haine envers les Sangs de Bourbe. C’est devenu si normal qu’il n’y pense plus. Il n’y a pas de culpabilité ni de regrets. Alcyone le connait mieux que la plus part, pourtant. Car il s’ouvre aussi à elle dès qu’il en a l’occasion ou l'envie. Elle connait son désir de vengeance, la rage qui l’anime et son envie d’enfin trouver la paix. Elle connait son sourire sincère, le chant de son rire et le goût de ses lèvres. Elle le connait bien mieux que la majorité des habitants de ce monde. C’est d’ailleurs cette proximité qui permettait leur conversation actuelle. Thomas se laissa tomber contre le dossier du fauteuil et tenta d’expliquer à son amie le cheminement de ses pensées. Ce n’était pas facile. Il avait lui-même des difficultés à comprendre ce qui se passait dans sa tête. Les questions d’Alcyone l’embrouillaient presque plus encore. Il s’empara de la main, fine et élégante, qui dansait avec douceur sur son bras. Il la serra légèrement, comme si ce geste lui permettait de mettre ses idées en ordre. Il avait envie d’arrêter cette vengeance inutile. Il avait envie de baisser les épaules et regarder son futur plutôt que son passé. Mais il n’y arrivait pas. Il se réveillait la nuit, pris d’une rage à l’origine inconnue. Ses pensées tourbillonnaient dans tous les sens, établissant des stratégies de plus en plus illogiques. Alors, il continuait d’avancer sur la seule voie qui s’ouvrait à lui. Celle qui consistait à découvrir le meurtrier d’Alexandre. Que ferait-il s’il trouvait cette information ? Lui-même n’en était pas sûr. Il était seulement certain de l’égoïsme dont il faisait preuve. Et pour la première fois de sa vie, cela concernait aussi Moïra. Égocentrique et insensible aux autres, il l’avait toujours été. Il en avait profité pour blesser les plus faible et en rire. Oh, bien sûr, il avait changé. Il n'usait plus de son manque d’empathie pour ses jeux. Au contraire, il pensait avoir grandi et gagné un peu de compassion. Pourtant, il se retrouvait à mener une quête insensée qui blesserait tout le monde sur son passage. Il n’avait pas changé, non. Peut-être même était-il pire car l’inconscience de la jeunesse ne serait plus une excuse. La tête d’Alcyone se posa sur son épaule, rassurante. Thomas se mordit la lèvre. Sa détresse devait être criante. Cette idée l'irritait. Même face à Alcyone, il n'aimait pas se montrer aussi fragile. Mais il lui faisait entièrement confiance, alors il lui fallait surmonter sa fierté. Pour profiter de la présence amie. « Horrible, fou. Ce ne sont pas les bons mots Tom. » Elle se redressa, plantant son regard couleur ciel dans le sien. Thomas leva la main pour chasser une mèche rebelle qui tombait devant les yeux de la vipère. Elle avait l’air de s’inquiéter pour lui, alors il sourit afin de la rassurer. « Je crois… je crois que pour toi, la vengeance est ce qui te permettra de faire ton deuil. Car pour l’instant tu refuses de le faire. » Il fronça les sourcils, pensif. Il n’était pas sûr que refuser de le faire soit le bon terme. Il se refusait d’oublier son frère mais il aurait voulu pouvoir s’en souvenir avec joie, peut-être même avec tristesse, mais pas avec cette rage. Il aurait voulu faire ce fameux deuil dont tout le monde parlait.
« Je ne sais pas, Alcy. Je n’ai pas l’impression de refuser quoique ce soit, plutôt de subir. Comme si j’étais bloqué dans mon deuil. » La tête d’Alcyone s'était à nouveau posée sur son épaule et il effleura sa joue du bout des doigts. «Mais au final, ça revient au même. La vengeance est peut-être ce qui me permettra de passer à la prochaine étape. »
La prochaine étape. C’était quoi au juste. La tristesse ? L’acceptation ? Était-il possible de rester bloqué au même stade du deuil toute sa vie? Devrait-il subir cette fureur jusqu’à la fin de ses jours ? Alcyone se redressa pour le serrer dans ses bras. Ce fut à ce moment-là que Thomas réalisa qu’il n’avait pas pensé aux raisons qui poussaient son amie à être debout à cette heure ou à la douleur qu’elle devait ressentir en l’absence d’Erèbe. Il n’y avait pas à dire, il n’était pas un ami à la hauteur. Il posa sa main sur ses cheveux mais déjà elle se relevait pour vriller ses pupilles dans les siennes. Thomas laissa glisser sa main dans le cou de son amie, la regardant avec sérieux. « Quoi que tu décides, je serais toujours là si tu en ressens le besoin. » Elle, par contre, était une amie à la hauteur. Il ne la méritait pas. Ce qui ne l’empêcherait pas de la garder auprès de lui. Il se promit de faire des efforts. Et alors qu’elle posait un baiser sur sa joue, il murmura.
« Merci. »
Elle se réinstalla contre lui et Thomas l’entoura d’un bras protecteur. Il était peut-être un menteur et avait surement trop peu d'empathique. Mais il l’aimait sincèrement. Et il serait toujours là pour elle aussi. Sa loyauté était peut-être sa seule qualité en tant qu’ami mais elle lui donnait au moins l’envie de mieux faire. « Mais à bien y penser, t’es un peu fou quand même. » Il rigola doucement et la repoussa d’un geste faussement indigné. Elle lui pinça les côtes et il attrapa cette main invasive dans la sienne. Pour mieux la repousser. Il s’assit en tailleur, face à elle. Cette fois-ci, il souriait.
« C’est vrai. C’est sans doute pour ça que tu me comprends si bien. »
Il leva l’un de ses sourcils, habituellement si hautain, dans un geste moqueur. Puis, il laissa son sourire s’effacer pour retrouver un regard sérieux mais tendre. Il se pencha vers elle et reprit la main qu’il venait de lâcher. Il posa ses yeux sur cette paume, si douce.
« Et toi, Alcy, est-ce que tu as besoin que je sois là pour toi ? Pour supporter ta folie ? »
Thomas releva le regard pour observer la réaction de son amie. Elle risquait de faire comme lui. De dire que tout allait bien alors que ce n’était pas le cas. Il serait facile de faire semblant de la croire. Mais il voulait connaître la vérité et pouvoir l’aider s’il le fallait.
We're not gonna be just a part of the game. We're not gonna be just the victims. They're taking our dreams and they tear them apart. We won't let them change how we feel in our hearts. We're not gonna let them control us. We won't let them shove all the thoughts in our heads. And we'll never be like them
C’est peut-être pour ces raisons que tu étais une fille de la nuit. Tu préférais l’intimité des bras de Morphée. La tranquillité des absents tous assoupis. La nuit était devenue ton amie à force de rester éveillée ; à force de craindre les rêves tortueux qui traversaient tes songes. Il n’était pas rare que tes amis te retrouvent assoupies dans un des fauteuils de la salle commune. Parfois au soleil dans le parc. Pourtant tu aimais la nuit et le confort qu’elle t’offrait en cet instant hors du temps avec Thomas. Sans que personne ne vienne se mêler de votre conversation. Sans qu’une oreille ne tente de saisir une bride des mots que vous échangiez. Sans un regard plein de sous-entendus ne pesant sur vos épaules. Tu aimais le monde. La foule. La fête. Pourtant ces instants de calme étaient chers à tes yeux. Plus encore parfois, la solitude devenait un besoin. Pour laisser filer le cours de tes pensées. L’emprisonnement d’Erebe et la mort de Keith avait eu cet effet sur toi. Quand tu y pensais… L’un était en prison pour des actes certainement similaires à celui qui avait tué Keith. Pure contradiction… Etait-ce pour cela que tu dormais si mal à présent ? Cette conscience qui n’arrivait pas à choisir entre ce foutu bien et ce terrible mal ? Ta chair ou le choix de tes sentiments ? Keith était ce meilleur ami qui ne pourra jamais être remplacé. Ton frère. C’était un bout de toi, ton sang. Un mélange qui tournait à t’en donner le vertige. Et Thomas. Il comprenait. Il comprenait les doutes, cette peur étrange de trancher. Elle lui confiait des brides de ses pensées tumultueuses. Et il en faisait de même. « Je ne sais pas, Alcy. Je n’ai pas l’impression de refuser quoique ce soit, plutôt de subir. Comme si j’étais bloqué dans mon deuil. » Comment faire le deuil d’une personne bien trop jeune mourir ? Comme l’assumer et vivre avec dans de telles circonstances ? Tu sentais ses doigts courir sur ta joue alors qu’un frisson agréable traversait ta nuque sous cette caresse. «Mais au final, ça revient au même. La vengeance est peut-être ce qui me permettra de passer à la prochaine étape. » Tu hochais doucement la tête un peu perdue. Il devait certainement se demander la même chose. « Les sentiments nous trahissent. On devient faibles, fous, aigris, haineux voir niais selon les cas… J’aimerais juste être niaise parfois. Ca serait bien plus simple. »
Installée contre lui, tu te laissais aller dans ce bras venu t’entourer de protection. Tu t’y sentais bien car tu lui avais donné ta confiance. Et alors que tu le taquinais, il s’installa en face de toi. « C’est vrai. C’est sans doute pour ça que tu me comprends si bien. » Un rire fila entre tes lippes. « Mais ça Monsieur de la Rivière, ce n’est pas nouveau. » Elle avait tenté de prononcer Monsieur de la Rivière avec son meilleur accent français. Autant dire qu’il ne volait pas très haut… Lorsqu’il redevint un peu plus sérieux, leurs mains de nouveau unies, tu restas un instant silencieuse. Folie. C’est parfois ce que tu pensais avoir atteint quand tu te réveillais avec des marques bleutées que tu n’avais pas la veille. La magie expliquait bien des choses mais celle-ci restait encore un mystère à tes yeux. Ton regard glissa sur l’ecchymose légère qui ornait ton avant bras. Elle ressemblait presque à une main qui t’aurait agrippée. « La folie me fait peur. Le manque de sommeil me fait peut-être complètement dérailler. » Tu resserrais doucement tes doigts entre ceux de Thomas puis levais alors les yeux vers lui. Il connaissait déjà tes problèmes de sommeil. « En ce moment, c’est de pire en pire… » lâchais-tu en un souffle comme si le dire plus vite était plus simple. Pire depuis que Dimka et toi vous étiez disputés. Depuis que tu ne trouvais plus ses bras pour t’endormir en toute tranquillité. C’était comme si… la chose qui t’empêchait de dormir te savait seule et en profitait pour se montrer plus virulente. Si tes proches connaissaient les troubles qui rythmaient ton sommeil. Ils se savaient pas réellement ce que tu y voyais. « Ca parait dingue, mais plus ça va, plus je discerne un visage. Je me réveille avec des marques. Pendant plusieurs semaines, il ne se passe plus rien et d’un coup, ça envahit de nouveaux mes nuits. Je sais pas si c’est ma conscience qui pète un câble, si je perds la raison ou si… je suis bonne pour l’asile. » Ou si… elle s’était entrecoupée. Ou si c’était un Djinn ? Un être de cette religion moldue sur la terre de ses aïeux ? Non… elle est dérivait. Bien trop.
« Les sentiments nous trahissent. On devient faibles, fous, aigris, haineux voir niais selon les cas… J’aimerais juste être niaise parfois. Ça serait bien plus simple. » Le serpent acquiesce en silence. Les sentiments, il joue avec. Ceux qu’il affiche sur son visage sont rarement ceux qu’il ressent. Faire semblant d’être heureux, faire semblant d’être embarrassé, faire semblant d’être compatissant. Il fait si bien semblant que parfois il ne sait plus où se situe la limite avec le réel. S’amuse-t-il vraiment avec cette jolie blonde dans sa classe ou essaye-t-il juste de la mettre dans sa poche ? Cela n’a pas d’importance. Ou en tout cas, il essaye de s’en convaincre. Il essaye de ne pas penser aux explosions de son humeur ; ces pertes de contrôles directement liées à ses mensonges. Les sentiments, les siens et ceux des autres, il joue avec. Mais comme chaque jeu, on perd de temps en temps. Alcyone a raison. Les sentiments nous trahissent. Jamais Thomas n’aurait voulu être niais. Abandonner sa lucidité, jamais. Il comprenait, pourtant. Était-il juste de vouloir venger leurs meurtriers de frères, de vouloir la liberté du mangemort qu’était Erèbe ? Si seulement ils n’avaient pas à se poser des questions sur la légitimité de leurs émotions.
Alcyone est callée contre lui. Ils sont plus proches que des amis devraient l’être. Leurs mains s’entremêlent et jouent l’une avec l’autre. Jeu de main, jeu de vilain. Le silence s’installe un instant. Le temps pour Thomas de se rendre compte qu’ils n’ont parlé que de lui. Que de ses angoisses et de ses déceptions. Comme à chaque fois. Il est l’ami qui vient demander de l’aide, pas celui qui en apporte. Comme souvent il ne prend pas de nouvelles, parce qu'il s’en fout ou alors parce qu’il oublie. Or, Thomas de La Rivière était supposé être un bon ami. Farceur, compatissant, ouvert. À l’écoute. Le serpent demande à Alcyone si elle désirait se confier sur sa propre folie. Il se fait l’ami intéressé. Intéressé, il l’est vraiment au sujet d’Alcyone. Elle fait partie de ces gens pour qui il se saignerait. Ça ne l’empêche pas d’oublier de poser des questions, il doit s’y forcer, mais au moins l’écoutait-il avec attention. « La folie me fait peur. Le manque de sommeil me fait peut-être complètement dérailler. » Thomas fronce des sourcils. Comme il s’en était douté, c’était ses insomnies qui l’amenaient ici à ces heures indécentes. Alors qu’elle ressert la pression sur les doigts du jeune homme, il sent la tension monter. Il a beau s’inquiéter pour elle, il ne sait pas comment réagir devant les angoisses qui animent son amie. Il aimerait pouvoir l'aider, proposer des solutions mais son esprit tourne dans le vide. Il ne sait comment s'investir à ses côtés. « En ce moment, c’est de pire en pire… » Le serpent a le regard baissé sur les bras de son amie. Ils étaient ornées de taches couleur ciel d’orage. Les ecchymoses sur le corps d’Alcyone, il les avait déjà souvent effleurées du bout des doigts. Parfois du bout des lèvres. Celles-ci étaient nouvelles. Thomas déglutit lentement. Il ne sait pas comment la protéger contre ce monstre invisible qui l’attaque dans ses cauchemars. Il n'est pas de ceux qui se battent et encore moins contre un être immatériel. « Ça parait dingue, mais plus ça va, plus je discerne un visage. Je me réveille avec des marques. Pendant plusieurs semaines, il ne se passe plus rien et d’un coup, ça envahit de nouveaux mes nuits. Je sais pas si c’est ma conscience qui pète un câble, si je perds la raison ou si… je suis bonne pour l’asile. » Thomas fixe ses yeux ambrés dans ceux de son amie. Il souffle. « Ne dis pas ça… » Il est toujours autant perdu. Incapable. Incapable d’être l’ami suffisamment intéressé pour placer les problèmes de ses amis avant les siens. Incapable de trouver des solutions pour les aider lorsqu’enfin il les écoute. Incapable d’être celui qu’il présente à la face du monde. Sa seul force, ce sont les mots. Ceux qui rassurent, qui comblent le vide de ses actions. Les mots chauds et doux. Ils coulent tout seuls. « Ne dis pas ça, t’es loin d’être folle. Tes bleus, je les ai décalqués du bout des doigts à de trop nombreuses reprises. Je sais que tu n’aurais jamais pu te les infliger toi-même. Quel que soit les démons qui te suivent, ils ne sont pas dans ton esprit, Alcy. » Il se rapproche, lève les mains d’Alcyone et pose ses lèvres sur ses doigts si fins. « Poudlard débloque. La magie fait n’importe quoi ici. Ce n’est certainement pas toi le problème. Et si tu as besoin de quelqu’un à tes côtés pour chasser les monstres qui viennent te visiter, je serai là, ok ? » Le serpent pose son bras sur l’épaule d’Alcyone et l’attire contre lui. Ces mots-là son sincères. Les monstres d’Alcyone il est prêt à les combattre avec elle. Il ne sait pas s'il pourrait gagner contre eux mais il peut au moins faire acte de présence. Elle n’est pas seule.